1-The March From 1941 4.09
2-The Invasion 8.18
3-The Sentries 3.29
4-Riot At The U.S.O. 1.18*
5-To Hollywood and Glory 3.12
6-Swing, Swing, Swing 4.04
7-The Battle Of Hollywood 5.38
8-The Ferris Wheel Sequence 1.29**
9-The Finale 6.13

*Traditionnel, basé sur
"The Rakes of Mallow"
Arrangé par John Williams
**Inclut "By The Beautiful Sea"
(Atteridge/Carrol)

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-5832

Produit par:
John Williams
Producteurs exécutifs pour
Varese Sarabande:
Michael Caprio, Bruce Kimmel

Artwork and pictures (c) 1979 Universal Pictures/Columbia Pictures Corp. All rights reserved.

Note: ****
1941
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
Rarement un film hollywoodien aura été un tel bazar du début jusqu’à la fin ! Deux ans après le succès de « Close Encounters of the Third Kind », Steven Spielberg souhaitait changer totalement de registre et aborder un style moins sérieux : la comédie déjantée ! Avec « 1941 », Spielberg nous plonge dans l’Amérique de 1941, alors que les américains sont sur le point de rentrer en guerre. C’est à ce moment-là que surgit un mystérieux sous-marin japonais au large de Los Angeles. Les californiens, devenus totalement paranoïaques, décident d’organiser la résistance par tous les moyens possibles et inimaginables : le problème, c’est que cette résistance va se transformer en un joyeux bazar intégral ! « 1941 » se propose ainsi de pasticher les films de guerre américains en montrant par la même occasion une image peu reluisante des Etats-Unis en période de guerre. Spielberg détourne tous les codes du genre et nous offre une comédie délirante et totalement hystérique, où les acteurs semblent avoir été complètement lâchés dans la nature, certains cabotinant à mort comme l’inénarrable John Belushi, inoubliable dans le rôle de l’aviateur fêlé Wild Bill Kelso, ou le toujours aussi charismatique Christopher Lee, étonnant dans le rôle du capitaine nazi Wolfgang Von Kleinschmidt. Le script de Robert Zemeckis et Bob Gale (qui, quelques années plus tard, nous livreront un grand classique du cinéma américain 80s : « Back to the Future » !) fait la part belle aux gags en tout genre, que ce soit l’allusion à « Jaws » au début du film lors de l’arrivée du sous-marin japonais, les délires de l’aviateur fou, la bagarre générale dans le bar, la scène délirante du canon anti aviation ou le numéro musical à la Broadway vers le milieu du film - qui rappelle le goût de Spielberg pour les comédies musicales. Avec un casting de rêve (Dan Aykroyd, Ned Beatty, John Belushi, Christopher Lee, Toshirô Mifune, Robert Stack, Treat Williams, Nancy Allen, etc.) et quelques guest-stars prestigieuses (Mickey Rourke, James Caan, John Landis), « 1941 » avait tout pour être un grand succès du cinéma. Hélas, le film fut un énorme échec commercial au box-office U.S. de 1979, à tel point que ce long-métrage faillit mettre fin à la carrière de Steven Spielberg. Il faut dire que les nombreux problèmes rencontrés sur le tournage n’arrangèrent rien à l’affaire : entre un John Belushi totalement ingérable sur les plateaux du film, le manque de motivation des figurants japonais (qui provoquèrent l’indignation de l’acteur Toshirô Mifune) et les nombreuses séances de réécriture et de remontage, Spielberg s’est donné beaucoup de mal pour pas grand chose, car « 1941 » fait aujourd’hui -injustement- partie de ses films les moins appréciés et aussi les plus méconnus.

Avec « 1941 », Steven Spielberg retrouvait une nouvelle fois son complice de toujours, John Williams, pour le film le plus déjanté sur lequel ils aient travaillé ensemble. Signalons pour commencer que la composition musicale de « 1941 » n'a pas été une mince affaire pour le maestro américain. Voici d'ailleurs ce que déclarait à ce sujet John Williams dans le numéro 15 du magazine Dreams to Dream’s :

"Ma partition a été compliquée à faire, d'abord parce que 1941 devait contenir des chansons, qui ont été finalement abandonnées. Puis il y'a eu toutes les séquences de "musicals" dont une partie aussi a été abandonnée. En dernier lieu, il y'avait John Belushi qui improvisait tellement et refusait de suivre le scénario de Steven, pris dans le jeu. Il dut alors faire de nombreuses réécritures, des remontages... Cela a donné quelque chose de confus, en impression certes mais pas seulement. J'ai donc écrit une quantité incroyable de musiques, qui n'ont que partiellement été réutilisées ou réarrangées par moi-même avec le montage final. Comme le film, j'ai un peu touché chaque style. Mais j'ai essayé d'y incorporer un maximum de cohésion et je pense que cela fut correctement fait."

John Williams a donc abordé différents styles musicaux tout au long du film en assurant une cohésion d’ensemble grâce à une thématique forte et carré. Le maestro a retranscrit dans sa musique le ton humoristique et décalé du film. Si « 1941 » est resté oublié dans la filmographie de Spielberg, on ne pourra pas en dire autant du score de John Williams qui doit son succès à son fameux thème principal, une marche militaire héroïque et entraînante typiquement américaine (« The March from 1941 »), illustrant les exploits de l'aviateur fou qui bombarde son propre camp, croyant avoir à faire à ses ennemis. Spécialiste des fanfares depuis bien longtemps, John Williams s’est fait plaisir en écrivant ce thème dans la grande tradition des marches américaines de John Philip Sousa, avec son piccolo entraînant, ses trompettes majestueuses et sa caisse claire déterminée. Cette très héroïque « March from 1941 » se propose de tourner en dérision dans le film le personnage de l'aviateur incarné par John Belushi, puisqu'effectivement, le dit personnage n'a rien de bien héroïque (tirer sur son propre camp relève plus de l’idiotie que de l’héroïsme !). L'écriture de John Williams demeure toujours très ludique, agréable, entraînante, privilégiant le rythme et les orchestrations brillantes, classiques et soignées, fidèle à l’habitude du grand maître de la musique de film américaine.

John Williams illustre l’invasion japonaise dans l’agité « The Invasion » où il développe par bribes le thème principal et quelques sonorités nippones associées aux envahisseurs japonais. Le compositeur développe cette atmosphère d’invasion sur plus de 8 minutes, entrecoupé de développements thématiques très soignés et d’un travail savoureux autour de l’orchestre et des percussions martiales. Avec « The Sentries », Williams développe un thème de clarinettes plus espiègle avant de déboucher sur un nouveau morceau d’action aux rythmes martiaux traversé d’un classicisme d’écriture brillant et raffiné, dans un style 19èmiste proche du Postromantisme allemand - comme souvent chez John Williams. Mais c’est avec le morceau « Riot At The U.S.O. » que la partition de « 1941 » décolle complètement, cette pièce accompagnant avec une énergie exubérante et une jovialité démesurée la séquence de la bagarre générale dans un bar. La musique de Williams apporte par son humour et son sens constant de la dérision une énergie particulière à cette séquence culte. Le compositeur utilise ici un rythme de polka emprunté à un air populaire (ici, « The Rakes of Mallow », un traditionnel irlandais assez célèbre) pour animer avec humour cette séquence de bagarre, tournant complètement en dérision la scène. Et c’est avec un grand plaisir que l’on retrouve la marche militaire dans le très entraînant « To Hollywood And Glory » et ses envolées orchestrales héroïques du plus bel effet.

John Williams s’est fait manifestement bien plaisir sur « 1941 » puisqu’il va même jusqu’à nous offrir du swing/big band bien rétro à la Glenn Miller dans « Swing, Swing, Swing » pour l’une des scènes de danse du film (l’histoire se passe en 1941 et le swing est alors encore très en vogue aux Etats-Unis). La musique apporte une énergie et un entrain constant aux images du film de Spielberg, débouchant sur un climax extrêmement pêchu, l’incontournable « The Battle of Hollywood », séquence de bataille finale à Hollywood dans laquelle on retrouve non seulement la polka débridée de « Riot At The U.S.O. » et un nouveau thème héroïque associé aux américains paranoïaques et déjantés, en lutte contre les japonais. Niveau humour, signalons par exemple l'allusion ironique au thème de « Jaws » dès le début du film, lorsque l’on aperçoit le bateau japonais surgir près des côtes américaines. Enfin, « Finale » nous permet de retrouver la marche militaire développée ici dans toute sa splendeur pour une conclusion brillante et enjouée, au cours de laquelle Williams va même jusqu’à rythmer la marche à coup de canon : le délire total, en somme !

« 1941 » rejoint à son tour le rang des grandes partitions de qualité dans la collaboration Spielberg/Williams, une oeuvre musicale brillante, exubérante, ludique et rafraîchissante, servie par une jovialité constante et un sens de la dérision irrésistible. Le score de John Williams (qui a connu plusieurs éditions CD) fait aujourd’hui partie de ces grandes partitions de référence que l’on a pourtant tendance à oublier trop vite, « 1941 » n’ayant malheureusement jamais acquis la réputation d’un « Indiana Jones » ou d’un « Jurassic Park ». La musique de Williams a malheureusement souffert de l’échec du film, et pourtant, ce serait une véritable injustice que de jeter cette solide partition dans les oubliettes, tant la musique de « 1941 » recèle d’humour, de joie et d’énergie. Servie par un classicisme d’écriture très américain d’esprit, la BO de « 1941 » fait incontestablement partie de ces petits trésors du grand maître de la musique de film hollywoodienne, à connaître absolument : un pur régal, en somme !


---Quentin Billard