Partant sur l'idée intéressante d'une femme qui disparaît mystérieusement un jour à une station-service sans raison apparente ni sans laisser de trace derrière elle, le réalisateur George Sluizer (qui adapte ici le remake de son propre thriller d'origine datant de 1988) raconte l'histoire d'un homme (Jeff Harriman, allias Kiefer Sutherland, superbe dans ce rôle!) totalement obsédé par la disparition de son amie Diane Shaver (Sandra Bullock) qu'il n'arrive pas à oublier, même après avoir trouvé l'amour auprès d'une autre femme, Rita (Nancy Travis), trois ans après ce drame. Jeff va alors croiser le chemin de l'homme responsable de la disparition de Diane, Barney (excellentissime Jeff Bridges) a qui le réalisateur confie le premier quart du film ce qui est assez intéressant et original, puisque très souvent, c'est le héros du film qui introduit l'histoire et non le méchant. Bien réalisé, très tendu jusqu'à la fin, 'The Vanishing' (La Disparue) est intéressant mais malheureusement assez quelconque dans le genre. Un thriller conventionnel qui partait pourtant d'une idée intéressante mais qui accumule une somme de clichés comme on en a déjà vu des centaines de fois dans ce genre de film.

Le choix de Jerry Goldsmith pour la musique de ce thriller apparaît plus qu'évident quand on connaît le talent que possède Goldsmith pour écrire des musiques d'action/thriller, même si 'The Vanishing' est largement plus orienté vers le suspense et la tension que l'action à proprement parler. Construisant dans un premier temps sa partition orchestrale et électronique comme à l'accoutumée sur un motif de 2 notes évoquant le personnage déjanté de Barney, Goldsmith annonce la couleur qu'il va développer tout au long de ce score. Le thème de Barney évite tout contours mélodique et ne repose que sur ce motif de 2 notes au sein de cordes/bois et d'un synthé clairement atmosphérique et qui établit ici un climat d'inquiétude plus que de peur à proprement parler. Le suspense est l'élément clé de cette BO, jouant plus sur l'aspect psychologique que sur l'action pur et dure. D'ailleurs à ce niveau là, les parties d'action sont peu présentes dans ce score, hormis la scène de fin où Rita tente d'échapper à Barney pour retrouver Jeff. Ces 15 dernières minutes du score de Goldsmith permettent de retrouver le Goldsmith agité des thrillers avec ses sursauts orchestraux terrifiants et ses rythmiques de synthé et percussions traditionnelles, des éléments qui sont devenus en quelques années la marque de fabrique du compositeur de 'Total Recall' et de 'Basic Instinct', deux modèles du genre action/thriller.

L'orchestration et les couleurs apportées par le synthé crée un véritable climat psychologique dans ce film, Goldsmith évoquant aussi le fait que Jeff tente de refaire sa vie auprès de Rita, ce qui permet par moment à la musique de 'respirer' un bon coup et de développer quelques rares passages plus doux et plus lyriques (les cordes étant l'élément le plus important dans cette partition, que ce soit pour les moments calmes que pour les passages agités) mais l'inquiétude et l'aspect envoûtant de cette partition sont les deux sentiments qui prédominent, et ce jusqu'à l'inévitable affrontement final dans le chalet de Barney, là où Goldsmith 'libère' son orchestre et se déchaîne pendant une bonne dizaine de minutes bien tendues, une fois de plus impeccable à l'écran. Evidemment, l'aspect thématique est peu dominant ici et à part le motif très quelconque de Barney, il n'a rien d'autre à noter, ce qui rend l'écoute hors du film assez difficile. L'ensemble reste assez atmosphérique et bizarrement, le motif de Barney a tendance a rappeler certains passages de 'Hollow Man' (2001) pour ne citer qu'un exemple le plus évident. (l'autre exemple étant un passage jazzy de 'The Russia House' (1990) que l'on retrouve dans l'étrange End Title du film et son côté jazzy et qui ressemble un peu à ce que fera le compositeur dans le générique de fin de 'The Edge', le 'End Title' de 'The Vanishing' étant donc très à part du reste de la partition)

Dans 'The Vanishing', on retrouve l'aspect psychologique de Basic Instinct (1992) et le côté thriller de 'Sleeping With The Enemy' (1991) et c'est à partir de cette période là que Goldsmith écrira toutes ses musiques d'action/thriller qui ont fait sa réputation dans les années 90 (largement amorcé par les superbes 'First Blood' (1982) et 'Total Recall' (1990) qui restent les références les plus souvent citées pour ce style de score!) ce qui ne veut bien évidemment pas dire que Goldsmith n'a jamais écrit de musique de thriller avant 'The Vanishing'! Disons simplement que cette partition lui permet d'asseoir un style que l'on retrouvera successivement dans 'Malice' la même année, puis 'The River Wild' (La Rivière Sauvage) en 1994, sans oublier un score comme L.A. Confidential (1997), 'The Edge '(1997), 'US Marshal' (1998) ou bien encore 'Hollow Man' (2000) et 'Along Came a Spider' (2001), deux récents scores qui se rapprochent beaucoup par moment du style de 'The Vanishing'. Vous l'aurez donc compris, rien de bien nouveau dans un score suspense/thriller tout ce qui a de plus banal dans le genre, mais le tout est tellement bien fait et avec un tel professionnalisme que l'on ne peut s'empêcher de penser que Goldsmith est vraiment très bon dans ce domaine là. Une BO thriller méconnue de Goldsmith qui mériterait au moins l'honneur d'être édité un jour!


---Quentin Billard