Un an avant 'The Great Train Robbery', Michael Crichton réalisait un thriller psychologique d'une efficacité redoutable: 'Coma' (Morts Suspectes), ou l'histoire du docteur Wheeler (Geneviève Bujold), une jeune interne du Boston Memorial Hospital qui découvre que plusieurs cas suspects de coma irréversible ont lieu à la suite d'opérations banales et d'habitude sans histoires. Mais si dans un premier temps on essaie de lui faire croire qu'elle s'imagine des complots de parano, c'est un nouveau cas de coma à la suite d'une simple opération et le fait que cela se passe toujours dans la même salle d'opération qui lui met la puce à l'oreille. Elle va alors mener sa petite enquête en douce pour tenter de perçer ce sombre mystère. Réalisation impeccable, acteurs talentueux (Michael Douglas occupe un second rôle aux côtés de la ravissante Geneviève Bujold, mais on peut par exemple remarquer dans les seconds rôles un Ed Harris jeunot à l'époque ou bien encore un Tom Selleck dans le rôle d'un patient qui tombera lui aussi dans un coma profond à la suite d'une petite opération), on reste scotché du début jusqu'à la fin. Un bon thriller, tout simplement!

Jerry Goldsmith écrivait un avant 'The Great Train Robbery' son score atonal, dissonant et terrifiant pour 'Coma'. La première chose à noter conçernant la musique de 'Coma', c'est que les 50 premières minutes du film ne contiennent aucune musique (toutes les séquences dans l'hôpital au début) et la musique n'apparaît pour la première fois que lorsque Susan Wheeler découvre qu'un homme mystérieux et inquiétant la suit. Le "choc" de l'apparition soudaine de la musique de Goldsmith nous fait clairement comprendre que les ennuis commencent pour Susan. Du coup, l'impact émotionnel de la musique du maestro s'en trouve considérablement agrandi. C'est très simple mais il fallait quand même y penser! La partition de Goldsmith met donc en avant l'orchestre à cordes avec en particulier de nombreux effets sur lesquels le compositeur joue beaucoup (sons stridents, glissendi, effets de col legno -bois de l'archet-, etc.), enrobé de 4 pianos assez percussifs et qui donnent tout l'aspect thriller à la glaciale musique de Goldmsith, quelques percussions plus deux clarinettes (dont une basse) et du synthé pour agrémenter l'ambiance mystérieuse et inquiétante de certains passages (mais aucune présence de cuivres!), le tout rappellant parfois l'écriture atonale des Viennois du début du 20 ème siècle et en particulie de Schoenberg (surtout dans les effets instrumentaux que l'on retrouvera aussi chez Edgard Varèse notamment) l'inquiétude est déjà d'ailleurs nettement perceptible dans cette scène où Susan et Mark passent devant le bâtiment du Jefferson Institute, Goldsmith décrivant cet endroit de manière fort inquiétante comme s'il s'agissait de l'enfer. On alterne dans le score entre passages de suspense inquiétants et moments agités et paniqués. Le résultat à l'écran est tout simplement formidable, guère original mais réellement très fort.

'Coma' est une partition vraiment sinistre et inquiétante et le thème principal (pour la plupart du temps exposé par des cordes "glaciales") y est pour beaucoup. Il évoque clairement l'idée du mystère et de l'inquiétude que suscite ces étranges cas de coma dans l'hôpital ainsi que la conspiration qui est liée à cette sombre affaire. L'autre thème n'apparaît que deux fois dans le film et c'est le 'Love Theme', très beau évidemment bien qu'assez kitsch dans l'ensemble (Goldsmith en a fait une version Disco pour l'album --- n'oublions pas que nous sommes dans les années 70!) et qui apparaît pour la seule séquence détendue du film où le couple Susan/Mark part en vacance au bord de la Côte, un petit peu de fraîcheur avant de retourner dans le cauchemar de cette sombre affaire. Le 'Love Theme' permet donc à ce moment là de respirer un grand coup et se reconnaît à sa mélodie très chantante et sa guitare en accompagnement plus un petit rythme discret de batterie, sans oublier les cordes mélodiques un brin sirupeuses mais très nettement romantiques. On retrouve ce 'Love Theme' aux cordes lorsque Mark sauve in extremis Susan à la fin du film.

Le reste de la partition est d'une noirceur étouffante comme seul Goldsmith sait le faire. Il évoque cette idée de conspiration et souligne les quelques courses poursuites avec un sens toujours aussi aiguisé du rythme (le piano accentuant clairement la rythmique paniquée de ces scènes) mais je pense que cela reste encore les cordes qui rendent le mieux dans ce climat de thriller glacial. La scène où Susan enferme le tueur armé dans une pièce de la morgue avec des cadavres accrochés dans des sacs est terrifiante. Notons par exemple ce terrifiant sursaut des cordes absolument macabre lorsque le tueur ouvre la pièce des cadavres pour cherche Susan qui s'est cachée à l'intérieur. Les effets de cordes dégoulinantes sont absolument sinistres et la scène pourtant fort banale dans le genre prend une dimension réellement flippante grâce à la musique de Goldsmith qui rappelle parfois le style atonal (mais en moins avant-guardiste cependant) de ce qu'écrira un an plus tard le compositeur pour son chef d'oeuvre inégalé: 'Alien'. Notons aussi cette sinistre musique dotée d'une grande tension pour la séquence où Susan monte le long de l'échelle et découvre le tuyan relié à la salle des machines vers la salle d'opération 8. La tension clairement rendu par les effets percutants de col legno sur les cordes sont absolument remarquables dans cette scène. Goldsmith nous plonge dans l'incertitude totale: que va t'elle lui arriver? Notons aussi que Goldsmith utilise parfois aussi les effets d'écho qu'il avait déjà pas mal experimenté dans 'Planet of The Apes' et que l'on retrouvera aussi dans 'Alien'.

En conclusion, 'Coma' est un score thriller terrifiant montrant une fois de plus les talents qu'a le compositeur a produire des partitions atonales et dissonantes pour ce style de film, dans lequel il sait parfaitement maîtriser son orchestre et en tirer des couleurs qui sauront cerner les scènes et images du film. C'est tout l'art de Goldsmith que l'on retrouve une fois de plus dans la sombre musique de ce film, BO devenue rare à trouver mais réeditée récemment avec le très inspiré 'Logan's Run'. En tout cas, une oeuvre peu originale du compositeur mais néanmoins prenante et très intéressante, qui reste encore à (re)découvrir!


---Quentin Billard