Voilà bien un film assez particulier dans son genre ! « The Adventures of The Great Mouse Detective » (appelé aussi « The Great Mouse Detective » à sa sortie en 1986, « Basil -The Great Mouse Detective » en Angleterre et « Basil, détective privé » en France) est l'un des rares films d'animation de chez Disney à avoir connu aussi peu de succès à sa sortie en salle aux Etats-Unis (c'est aussi ce qui est arrivé à « The Rescuers Down Under »), alors qu’il s’agit pourtant d’un film très important pour l'époque. Rappelons que Disney sortait du flop total de « The Black Cauldron » (Taram et le chaudron magique) en 1985 et qu’il fallait désormais relancer la machine avec un nouveau film animé plus ambitieux et plus abouti. « The Adventures of The Great Mouse Detective » ne fut pas un échec financier à proprement parler, le film rapporta d’ailleurs plus de 25 millions de dollars au box office - pour un budget d’environ 14 millions de dollars. Mais pour un Disney de ce genre, cela reste un petit score. Néanmoins, le succès modeste du film permit au studio de mettre rapidement en place leur production suivante : l’inoubliable « The Little Mermaid », qui lui, allait connaître un succès retentissant. Avec pas moins de quatre réalisateurs à sa tête (Ron Clements, Burny Mattinson, Dave Michener et John Musker), « The Adventures of The Great Mouse Detective » raconte l’histoire de Basil, une souris détective privé, accompagné de son fidèle complice, le Dr. Dawson, qui résident tous deux à Baker Street, dans l’Angleterre de 1897. Leur nouvelle enquête va les amener jusqu’aux bas fonds de Londres, où ils devront retrouver Olivia Flaversham, la fille d’un célèbre inventeur qui a été kidnappée par le maléfique professeur Ratigan, l’ennemi juré de Basil. Désormais, nos héros doivent faire vite s’ils veulent sauver Olivia et empêcher Ratigan de renverser la Reine des Souris au Palais de Buckingham.

« The Adventures of The Great Mouse Detective » est l’un des films animés les plus importants de son époque, puisqu'il s'agit du premier dessin animé Disney qui n’utilise aucune chanson (malgré un numéro de comédie musicale vers le début). Deuxièmement, le film s’est carrément payé le luxe de repousser les limites techniques du genre en faisant appel pour la première fois au traitement informatique sur ordinateur pour certaines scènes - et notamment pour la séquence finale de l'horloge de Big Ben. Toute la partie technique du film aura ainsi nécessité plus d'un an de travail avec pas moins de 4 années de préparation pour un film animé impressionnant et très réussi techniquement, cette longue période de gestation ayant aussi servie à peaufiner en détail les diverses caractéristiques du film, personnages, histoire, intrigue et scénario. Autre point important à signaler ici : les personnages ! Ils ne sont pas les héros typiques que l'on retrouve dans la plupart des Disney : rêveurs, romantiques, sensibles, etc. Pas d'histoire d'amour ici, Basil et son collègue Dawson sont des individus droits, sérieux dans leur travail mais aussi amusants par certains côtés - à noter par exemple une scène très étonnante pour un Disney où le Dr. Dawson, après avoir bu dans un bar une bière contenant de la drogue, se retrouve sur scène à danser avec deux call-girls...rien de bien méchant, la scène est même très hilarante, mais c'est quelque chose d’assez inhabituel pour une production censée être destinée à des enfants ! Ici, pas de prince charmant ou de héros aspirant à l'amour comme c'est souvent le cas dans certains Disney plus anciens ! Le film vaut surtout par son humour, ses décors londoniens magnifiques et ses références constantes à l’univers de Sherlock Holmes. Terminons en signalant que le film a malgré tout été nominé en 1987 aux Edgar Allan Poe Awards dans la catégorie « meilleur film » et aux Young Artist Awards dans la catégorie « jeune actrice exceptionnelle dans un film d'animation » pour la jeune Susanne Pollatschek (qui interprète en VO la voix de la charmante Olivia Flaversham).

C'est le regretté Henry Mancini qui composa la musique de « The Adventures of The Great Mouse Detective », un peu avant qu’Alan Menken impose sa régence sur les grands classiques de la fin des années 80 et des années 90 - « The Little Mermaid », « Beauty and The Beast », « Aladdin », « Pocahontas », etc.). Henry Mancini a écrit un score agréable pour ce film, superbement orchestré et magnifiquement coloré (à l'image du film lui-même), reposant sur quelques thèmes majeurs dont celui de Basil, entraînant, mélodique et léger, introduit dans le « Main Title » par des cuivres et des cordes très rythmées. On trouvera ensuite le très beau thème d'Olivia suggérant l'innocence et la fragilité de cette fillette, un thème pour le chien de Basil, Toby (excellente utilisation d’une clarinette et d'un basson lors de la première apparition de ce personnage dans le film !), sans oublier les ambiances plus sombres et menaçantes pour le grand méchant du film, le professeur Ratigan. Comme signalé précédemment, ce sont les orchestrations qui font ici toute la richesse de cette partition fort réussie, avec pêle-mêle un mélange de cordes/boîte à musique pour le thème d'Olivia au début du film, des trombones et des cordes pour Basil, une clarinette et un basson pour Toby, etc. Mancini joue parfaitement sur les orchestrations qui apportent ici des couleurs sonores indissociables de chaque personnage, déjà très haut en couleurs.

Après avoir installé progressivement ses thèmes vers le début du film, Henry Mancini illustre ensuite les aventures de Basil et Dawson à la recherche d'Olivia et de son père dans le Londres de 1897. Notons la première chanson composée par Mancini lui-même, celle du maléfique Ratigan, chanson exécutée à la façon d’un numéro de comédie musicale typique des musiques Disney (à noter qu’il s’agit de la seule chanson de ce type dans le film !), accompagnant la scène où le méchant interprète son propre hymne avec ses sbires, le tout 'arrosé' joyeusement. L'originalité vient ici du fait que la chanson est interrompue par un bref passage d’action : un des sbires bien saoul vexe Ratigan qui s'empresse alors de le jeter en pâture à son immense chat - la chanson redémarre ensuite de plus belle et se conclut très rapidement. L'autre chanson du film est aussi interprétée par Ratigan, mais dans le film, elle est diffusée sur un disque alors que Dawson et Basil sont pris au piège, une chanson sur les adieux et autre « bye bye » de circonstance - humour noir à la clé !

Les thèmes illustrent parfaitement les différents protagonistes du film, apportant à chacun une identité musicale/sonore forte. On notera l’aisance avec laquelle Henry Mancini illustre les différentes actions du film, comme pour la scène de la salle des jouets, où la musique prend une tournure plus action, avec quelques petites touches légères de mickey-mousing - le score de Mancini évite tout de même d'en faire des tonnes de ce côté-là, sa partition reste toujours très subtile vis-à-vis des images. Si une partie du score de « The Adventures of The Great Mouse Detective » demeure plus sombre lorsqu’il s’agit d'illustrer les méfaits de Ratigan, l'autre partie s’oriente davantage vers une atmosphère d’aventure/action qui aboutit finalement au climax de l'affrontement final sur l'horloge de Big Ben, sans aucun doute la partie action la plus massive et la plus sombre du film (surprenante d'ailleurs pour un Disney de cette époque !). Entre temps, Mancini colore sa musique de quelques petites touches d'humour avec ses orchestrations toujours très fines, diversifiées et élégantes, le tout baignant dans un climat d’aventure omniprésent tout au long du film.

Partition symphonique à la fois vive, énergique, légère et entraînante, « The Adventures of The Great Mouse Detective » est un score à recommander à tous ceux qui ne connaissent que le Henry Mancini du jazz des années 60/70 ! Le compositeur y démontre ici toute l’étendue de son savoir-faire dans le domaine de l’orchestre, sa partition recélant une véritable richesse d'orchestration exemplaire pour un film, une thématique affirmée et pourtant légère et un style aventureux du plus bel effet. Vivement recommandé donc !



---Quentin Billard