The Album

1-Main Title 2.25
2-Van der Veer's Demise 7.13
3-In The Church 3.15
4-Wolfen Run to Church 1.15
5-Whittington's Death 1.47
6-Shape Shifting 2.13
7-Rebecca's Apartment 1.24
8-Indian Bar 6.54
9-Wall Street and the Wolves 2.58
10-The Final Confrontation 3.33
11-Epilogue and End Credits 5.41

The Extras:

12-Rebecca's Apartment
(Original with Trumpet) 1.24
13-Epilogue and End Credits
(Original Version) 5.51

Musique  composée par:

James Horner

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 185

CD produit par:
James Horner, Douglass Fake
Producteur exécutif CD:
Roger Feigelson
Orchestrations:
James Horner
Monteurs musique:
Robert Badami, Kenneth Karman
Consultant projet:
Lukas Kendall
Assistante production:
Regina Fake

American Federation of Musicians

Artwork and pictures (c) 1981 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.

Note: ***
WOLFEN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by James Horner
Après avoir réalisé un documentaire sur le festival de Woodstock en 1970 (pour lequel il fut épaulé par Martin Scorsese), le cinéaste américain Michael Wadleigh décida de tourner son tout premier long-métrage de fiction en 1981 avec « Wolfen », adaptation cinématographique d’un roman de Whitley Strieber. Le film nous plonge dans le New York du début des années 80. L’homme d’affaires Christopher Van der Veer (Max Brown), son épouse et leur chauffeur sont retrouvés sauvagement assassinés en plein Battery Park. Alors que certains penchent pour la piste d’un acte terroriste (Van der Veer était à la tête d’une importante fortune), l’enquêteur Dewey Wilson (Albert Finney) opte au contraire pour une autre toute autre hypothèse. Epaulé dans son enquête par Rebecca Neff (Diane Venora), psychologue spécialisée dans le terrorisme, Wilson analyse les indices récupérés sur d’autres corps retrouvés sauvagement mutilés dans le Bronx et comprend qu’il s’agit en réalité de poils appartenant probablement à un animal. Mais les spécialistes ignorent encore de quel animal il s’agit, penchant davantage pour la piste du cannibalisme (les organes sont retirés ou parfois même mutilés). Tandis que son supérieur hiérarchique et le maire de New York lui mettent la pression pour résoudre cette affaire au plus vite, Wilson finit par remonter la piste d’un groupe d’indiens qui vivent en ville, et notamment du mystérieux Eddie Holt (Edward James Olmos), que Wilson a coffré autrefois et qu’il soupçonne d’avoir commis les meurtres. Mais c’est une réalité bien plus inquiétante à laquelle Wilson va bientôt devoir faire face, confronté à la vengeance d’esprits maléfiques ayant pris une apparence terrifiante, celle de loups affamés qui cherchent à protéger leur territoire par tous les moyens. « Wolfen » est au final une jolie réussite dans son genre, un thriller horrifique un peu long, au rythmé mal géré (il y a une sérieuse baisse de régime au milieu du film), mais à l’atmosphère impressionnante et immersive, en partie due à l’utilisation audacieuse pour l’époque d’une steadicam en vue subjective et en vision thermographique (surnommée la « Alienvision »), un effet banal pour un spectateur d’aujourd’hui mais franchement original pour un film de 1981. Cette technique sera d’ailleurs reprise quelques années plus tard par John McTiernan dans son cultissime « Predator » en 1987 et sa suite en 1990. Une partie du film a été tournée dans un quartier en ruines du sud du Bronx, avec une église construite au milieu des gravats, repère symbolique des esprits-loups du « wolfen ». Michael Wadleigh saisit avec intelligence le concept de créatures ambiguës (s’agit-il de dieux ou de démons ?) en y incorporant une dose de mysticisme religieux et de réflexion sur l’opposition entre la nature et la civilisation humaine, tout en apportant un regard critique sur la façon dont les américains d’aujourd’hui traitent ce qui reste du peuple Amérindien, qui s’identifie dans le film aux loups symboliques du « wolfen ». Avec une dimension sociopolitique évidente (et une sévère critique du capitalisme américain et de ses dérives face à l’environnement), « Wolfen » dépasse très vite son statut de film d’épouvante gore et parvient à faire passer un message évident au public, un peu moralisateur mais pourtant très juste. Pourtant, la production du film a été assez chaotique : pour Michael Wadleigh, qui signe là son seul et unique film pour le cinéma américain, « Wolfen » a représenté une grande déception, car le film initial a été entièrement remonté par les producteurs sans l’accord du cinéaste (il n’existe aucun director’s cut à l’heure actuelle). Autre fait troublant : « Wolfen » fait référence au thème du loup-garou, sans contenir réellement de loups-garous : les créatures du film sont donc de simples loups dont l’identité est entourée d’un certain mystère (il s’agit en fait d’esprits amérindiens réincarnés dans le corps de ces animaux), un élément troublant que bon nombre de spectateurs n’ont pas saisi à l’époque, faisant de « Wolfen » un film d’horreur plutôt particulier et forcéme
nt boudé par une partie de la critique, qui s’attendait à voir un énième ersatz de classiques tels que « The Howling » ou « An American Werewolf in London », sortis la même année.

« Wolfen » est aussi connu pour avoir offert l’opportunité à un jeune James Horner de composer l’une de ses premières grandes partitions pour le cinéma, tout juste âgé de 27 ans lorsqu’il compose la musique du film de Michael Wadleigh. Après les déboires du remontage du film effectué sans l’accord du réalisateur, il faut aussi rappeler que la musique de « Wolfen » devait être initialement confiée à Craig Safan, dont la partition, qui fut entièrement écrite et enregistrée, a été finalement rejetée par le studio Orion Pictures au profit d’un nouveau score composé par James Horner. Remarqué en 1980 sur « Humanoids from the Deep » et « Battle Beyond the Stars », deux modestes productions Roger Corman, le jeune Horner devint rapidement un spécialiste des musiques horrifiques au début des années 80, composant ainsi trois partitions lugubres et terrifiantes la même année : « Wolfen », « Deadly Blessing » et « The Hand ». Pour « Wolfen », James Horner plonge dans une atmosphère glauque et oppressante en optant pour une musique essentiellement atonale et dissonante, incluant un thème principal entêtant pour les créatures du film. Entièrement orchestrée par le compositeur lui-même (qui dut écrire 39 minutes de musique en seulement 12 jours !), le score de « Wolfen » fait appel à un orchestre de 67 musiciens, incluant : 20 violons, 10 altos, 8 violoncelles, 6 contrebasses, 6 bois (flûte, clarinette, hautbois, basson), 2 trompettes, 4 cors, 3 trombones, 1 tuba, 1 harpe, 3 claviers et 3 percussions. A cela viennent s’ajouter une série de percussions diverses, incluant des instruments plus rares (un tam tam, un waterphone, des tom-toms, un trans célesta, un tuyau en plastique, une machine à vent, un rhombe, des tiges en cristal mouillées, des maracas indiens, un song bells – instrument à mi-chemin entre le vibraphone et le glockenspiel - ) et d’autres plus conventionnels, avec entre autre timbales, grosse caisse, vibraphone, xylophone et chimes, sans oublier les claviers et plus particulièrement le fameux Blaster Beam de Craig Huxley, utilisé par Jerry Goldsmith dans sa partition pour « Star Trek the Motion Picture » en 1979 et d’autres compositeurs de l’époque (Leonard Rosenman s’en est notamment servi pour « Prophecy », tout comme Laurence Rosenthal dans « Meteor », John Barry dans « The Black Hole », etc.). Horner avait déjà utilisé le Blaster Beam dans sa partition pour « Battle Beyond the Stars » écrite un an auparavant (1980), partition déjà elle-même fortement influencée par le « Star Trek » de Goldsmith. Et pour compléter son instrumentation plutôt inventive et un tantinet expérimentale, Horner a rajouté des effets d’échoplex sur certaines parties instrumentales, un effet qui rappelle là aussi Jerry Goldsmith et qu’Horner réutilisera un peu plus tard dans « Aliens » en 1986.

A l’écoute de la musique sur l’album publié par Intrada, on remarque très vite qu’une partie du score n’a finalement pas été utilisée dans le film, en partie remplacée par une autre composition d’Horner écrite la même année pour le film d’horreur « The Hand » d’Oliver Stone. Dans le film, le score a donc été remonté de façon assez particulière, alternant entre la partition originale de « Wolfen » et des segments du score de « The Hand », disséminés un peu partout dans le film et répétés plusieurs fois pour certaines scènes du film. Fort heureusement, l’album d’Intrada nous permet enfin de redécouvrir le score original d’Horner dans son intégralité, avec tous les détails sonores et instrumentaux malheureusement partiellement absents du mix film ou bien relégués au second plan. Ainsi, le « Main Title » dévoile le thème principal avec un premier motif de deux notes de piano/xylophone, un motif secondaire de tuba/trombones/contrebasses (qui rappelle un motif similaire dans la partition de « Alien » de Jerry Goldsmith) et surtout le thème de trompette associé au wolfen dans le film à 0:29, motif inspiré du thème d’Horner pour « Humanoids from the Deep » (1980), qui lui-même ressemblait déjà fortement à un motif de trompette similaire extrait de la pièce « The Unanswered Question » du compositeur américain Charles Ives. Le « Main Title » présente donc assez habilement les principaux éléments du score de « Wolfen » en 2 minutes 30, éléments qui ne tarderont pas à être rapidement développés avec « Van der Veer’s Demise », pour la scène de l’assassinat de Van der Veer et sa femme au début du film. Un balancement introductif de deux notes aux cordes et aux flûtes installent rapidement un climat de mystère et de tension, tandis que la musique prend rapidement une tournure atonale et dissonante avec ses cordes lugubres et ses effets instrumentaux avant-gardistes : c’est l’occasion pour le jeune Horner de profiter de son apprentissage auprès de György Ligeti et d’expérimenter autour de l’utilisation aléatoire/bruitiste de l’orchestre : glissandi, clusters, agrégats, dissonances multiples, trilles stridentes des cordes, col legno martelés aux cordes, sforzando agressives de cuivres et même échoplex des vents, sans oublier une utilisation inventive des percussions diverses, des maracas indiens et du blaster beam : Horner nous plonge clairement ici dans une atmosphère angoissante et terrifiante par l’utilisation avant-gardiste de l’orchestre, hérité du langage contemporain de la musique savante de la fin des années 50. On retrouve ici le motif sombre de cuivres du « Main Title » personnifiant la menace des créatures et la mort imminente de Van der Veer et sa compagne, tandis que l’attaque est renforcée par l’utilisation virtuose et complexe des instruments (notamment dans les glissandi rapides des bois, dans le jeu protéiforme des cordes et les registres extrêmes mélangeant suraigu/surgrave). Quelques notes concises de piano/harpe sont introduites à 5:53 sur fond de rappel du motif de deux notes répétées pour renforcer le mystère et la tension à la fin de cette scène, bien qu’une partie du morceau n’ait pas été retenu dans le film.

« In The Church » prolonge les efforts du compositeur pour créer une atmosphère d’angoisse et de mystère dans le film, avec le retour du motif de deux notes, du motif de piano/xylophone et des effets instrumentaux plus étranges associés aux wolfen : à noter par exemple ici les sforzandos étranges des cuivres en sourdine sur fond de trémolos sul ponticello des violoncelles/contrebasses, les effets d’échoplex de xylophone ou des nuages sonores de cordes aléatoires (l’influence du « Alien » de Goldsmith devient particulièrement manifeste à 2:29), sans oublier la noirceur de la clarinette basse, du piano ou les effets métalliques du blaster beam dans le grave. L’action n’est pas en reste avec le brutal « Whittington’s Death », pour la scène de la mort du personnage de Gregory Hines (en partie non utilisé dans le film). Ici, Horner met l’accent sur des cuivres puissants, un piano martelé dans le grave, des cordes survoltées et des percussions métalliques agressives : « Whittington’s Death » fait d’ailleurs partie de ces morceaux représentatifs du style horrifique/action d’Horner au début des années 80 qui l’inspireront massivement pour « Aliens » en 86. Le compositeur évoque même la culture amérindienne au début de « Shape Shifting » en créant une atmosphère plus mystique à base de percussions diverses et de couleurs instrumentales étranges (notamment dans le jeu des vents). Le thème principal reste très présent, apportant une tension indispensable au film (bien que finalement moins présent dans le film, remplacé par les segments de « The Hand »). Horner s’essaie à un timide Love Theme dans « Rebecca’s Apartment » au clavier avec cordes et flûte, un thème romantique illustrant la romance naissante entre Wilson et Neff, thème rapidement interrompu très vite par les dissonances agressives des créatures. On appréciera aussi le mystère mélancolique de « Indian Bar » qui apporte un éclairage dramatique plus appréciable à la partition du film dans le jeu plus lyrique des cordes, débouchant sur le sinistre « Wall Street and the Wolves » lors de l’attaque finale dans les rues de Wall Street. C’est l’occasion pour Horner de reprendre une partie du matériau sonore du « Main Title » (notamment le motif menaçant de cuivres et le thème principal) sur fond de martèlements de col legno des cordes, de cuivres survoltés ou d’un piano rythmique utilisé comme une percussion à part entière, suggérant la sauvagerie de l’attaque des loups à la fin du film.

L’affrontement final (« The Final Confrontation ») permet au score de « Wolfen » d’atteindre un véritable climax de terreur pour l’un des passages les plus dissonants et les plus chaotiques du score, avant une conclusion plus apaisée pour « Epilogue and End Credits » (générique de fin). Oeuvre de jeunesse de James Horner, plus aboutie que « Humanoids from the Deep », « Wolfen » apporte des éléments musicaux indissociables à l’univers musical du compositeur, qui n’en était encore qu’à ses premiers balbutiements avec « Wolfen », mais qui pourtant posait déjà les bases de son style à venir en introduisant bon nombre d’éléments que l’on retrouvera des années plus tard chez le compositeur, et notamment dans « Aliens », qui récapitulera 6 ans de travail dans le domaine du cinéma fantastique/d’épouvante. Difficile de reprocher au compositeur ses emprunts et ses citations trop évidentes, tant la patte du jeune musicien est déjà bien présente et fortement reconnaissable dans « Wolfen » : la musique apporte une tension et un mystère impressionnant au film de Michael Wadleigh et s’apprécie davantage sur l’album, qui nous permet d’entendre le score dans son intégralité, débarrassé des segments de « The Hand » qui envahissent une partie du film. « Wolfen » est donc une très bonne partition horrifique dans laquelle le jeune Horner a pu expérimenter et tenter une approche très contemporaine et avant-gardiste de l’orchestre et de son instrumentation hétéroclite, même si le score manque encore d’une certaine maturité que le compositeur acquerra des années plus tard avec le somptueux « Aliens ». Et pour tous ceux qui se demandent encore comment le style d’Horner et ses tics instrumentaux sont nés, l’écoute de « Wolfen » apportera un éclairage majeur sur les débuts du futur compositeur de « Titanic » et « Braveheart », un éclairage intéressant et fort instructif, dans lequel on comprend derechef que le compositeur entamait dès 1981 un long cycle de citations et de répétitions d’éléments musicaux transposés d’un film à l’autre, année après année, formant un tout plutôt homogène, un aspect qui a très souvent suscité la polémique et soulevé de nombreuses critiques à l’encontre du compositeur (même à l’époque !), mais qui représentait déjà l’univers musical fort et personnel de James Horner, avec un savoir-faire orchestral impressionnant pour un jeune compositeur de 27 ans !




---Quentin Billard