1-Drifter...In LAX 4.22
2-Solitude 3.34
3-Tattoo 0.56
4-Death Spiral 1.04
5-Party-One Year Later- 4.26
6-On The Shore 1.21
7-Blood Brother 3.37
8-Raging Men 1.19
9-Beyond The Control 1.25
10-Wipe Out 5.26
11-Liberation From
The Death 3.52
12-I Love You...Aniki 7.37
13-Ballade 1.54
14-Brother 4.32
15-Brother-Remix Version 4.15

Musique  composée par:

Joe Hisaishi

Editeur:

Milan Records
74321 80263-2

Musique arrangée et
Produite par:
Joe Hisaishi
Coordinateur de production:
Ichiro Tanaka
Managers de production:
Noriko Kohyama,
Sohichiro Ito

A&R:
Akira Watanabe,
Moto Kitsukawa

A&R Superviseurs:
Akira Sasajima,
Hisanori Katoh

Producteurs exécutifs:
Ichiro Asatuma,
Ikuzo Orita, Masayuki Mori,
Ayame Fujisawa, Teizo Aoyama

Consultant du soundtrack:
Janice Ginsberg

Artwork and pictures (c) 2000 Fujipacific Music Inc./Tokyo FM Music Entertainment Inc./Wonder City Inc./Editions Milan Music. All rights reserved.

Note: ****
BROTHER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joe Hisaishi
En l'espace de plus d'une dizaine d'années, Takeshi Kitano s'est très vite affirmé comme un réalisateur au style très personnel et généralement acclamé par la critique. L'univers cinématographique de Kitano (qui change parfois de nom dans ses films, 'Beat Kitano' ou 'Takeshi') est fait de violence, une violence froide et radicale, avec des personnages non moins radicaux, implacables et pourtant toujours humains. Kitano est un des rares réalisateurs a avoir décrit la violence d'une manière aussi forte et engagée, même si on peut toujours lui reprocher de faire de la violence gratuite dans certains de ses films. C'est avec 'Violent Cop' (Sono Otoko, Kyobo Ni Tsuki) en 1989 que le fameux réalisateur japonais a amorcé son style fait de violence, de meutre, de mort et de sang. Soucieux de décrire un monde violent qui part à la dérive, le réalisateur a toujours voulu montrer la violence d'une manière objective et psychologique en la décortiquant d'une manière très personnelle. Le réalisateur veut nous montrer comment la violence peut affecter la vie des gens, comment elle peut surgir à tout moment si nous ne contrôlons pas nos pulsions et si nous ne faisons pas les bons choix dans la vie. Dans 'Violent Cop', Kitano (souvent interprète des personnages principaux de ses propres films) interprétait Azuma, un flic aux méthodes expéditives possédant un sens très radical de l'auto-justice s'accordant avec la pourriture du monde dans lequel il vit. Dans 'Sonatine' en 1993, Kitano interprétait Aniki Murakawa, un yakuza devant mettre fin à une guerre de gang et qui se retrouve trahi et décide de se venger en ayant aucun autre but dans sa vie. Dans 'Hanna-Bi' en 1997, Kitano interprétait Yoshitaka Nishi, un flic brutal qui va tout faire pour aider un ami paralysé et sa femme. Toujours proche des personnages qu'il interprète dans ses scripts et ses mises en scène, Kitano développe au fil des années un style personnel et fort (n'oublions que le réalisateur a aussi tourné quelques comédies, et notamment le fameux ' Kikujiro No Natsu' en 1999). Pour son dernier film, Kitano revient une fois de plus au style de 'Sonatine' et 'Violent Cop'. Dans 'Brother' ('Aniki, mon frère'), réalisé cette fois ci aux Etats-Unis, Kitano interprète Aniki Yamamoto, un gangster yakuza devant fuir Tokyo pour échapper à une guerre des gangs. Se réfugiant à Los Angeles aux Etats-Unis, Aniki va retrouver son demi-frère Ken (Kuroudo Maki) qui traîne avec un petit groupe de dealers américains. Après avoir tabassé un homme puissant à qui Ken devait des sous, Aniki va vouloir former un nouveau gang avec Ken et ses potes en imposant progressivement le code d'honneur des Yakuzas, et ce malgré leur différence de cultures. Après avoir supprimé une autre bande rivale, le gang va devenir l'une des plus puissantes association de gangsters de toute la ville. Aniki va alors vouloir étendre le gang en s'associant avec Shirase (Masaya Kato), le chef d'une bande rivale. Les affaires roulent alors jusqu'à ce que Anaki et sa bande refuse de traiter avec la Mafia Italienne. En tentant de supprimer les mafieux, la guerre entre son gang et la Mafia est alors déclarée. En déclarant la guerre à la Mafia, Aniki sait qu'ils signent tous leurs arrêtes de mort. Les cadavres et les morts vont alors progressivement s'entasser, tandis qu'Aniki se rapproche progressivement de sa mort inéluctable.

Film coup de poing, film fort, Kitano signe une fois de plus un film d'une violence rare mais réaliste, sans aucune chorégraphie fantaisiste et stylée à la John Woo. Non, ce que veut Kitano, c'est montrer une violence dans le quotidien, une violence brutale et barbare qui semble être omniprésente. Le film parle aussi des valeurs de la famille et de l'amitié en montrant comment une amitié peut être encore plus forte que tout. La morale de l'histoire est classique: le réalisateur nous rappelle une fois encore que la violence entraîne la violence et que la mort entraîne la mort (le plan avec la spirale de cadavres formant la lettre voulant dire 'mort' en japonais est très astucieuse. L'idée est clairement symbolique ici: ce plan représente l'idée du cercle vicieux dans lequel Aniki s'est fourré et d'où il ne peut plus ressortir: c'est, comme dit précédemment, le concept de la mort qui entraîne inévitablement d'autres morts et ainsi de suite). C'est ce qui explique donc qu'il ne faut jamais faire ce genre de mauvais choix dans notre vie, si nous ne voulons pas un jour en subir les conséquences directes. Ainsi donc, la fin du film renvoie au célèbre proverbe qui dit que 'le crime ne paie pas'. Maître de la narration sous différents angles, Kitano mène son film sur un ton lent et réfléchi tout en maîtrisant une mise en scène très personnelle et très fine. La violence nous apparaît ici comme insoutenable, surgissant sans que l'on puisse s'en douter d'un endroit où on ne l'attends pas. Le réalisateur lui même a d'ailleurs dit à ce sujet: 'je veux que les scènes violentes fassent vraiment mal' et on s'aperçoit très bien de cela lorsque l'on voit la manière dont Kitano filme ses scènes d'une rare violence (on pense parfois aux films de Gangsters de Scorsese, et notamment 'Casino') parfois un peu gratuite mais toujours très réaliste (on est loin des effets de mise en scène de la plupart des réalisateurs hollywoodiens standards. On est aussi très loin du formalisme américain des films d'action de John Woo). 'Brother' est en fin de compte une pierre de plus à rajouter à l'édifice monumental que se construit depuis plusieurs années l'un des réalisateur japonais le plus inspiré.

Sixième collaboration depuis 'A Scene At Sea' en 1992 ('Ano Natsu, Ichiban Shizukana Umi'), 'Brother' marque une fois de plus les retrouvailles entre Takeshi Kitano et le compositeur Joe Hisaishi. Pour 'Brother', on retrouve le style traditionnel de Hisaishi: partition symphonique privilégiant dans les orchestrations les cordes et les vents, avec un piano, quelques percussions (principalement tambours et percussions métalliques) et un flugel horn (autrement dit une trompette très utilisé par les musiciens de Jazz). Subtile, la musique de Hisaishi laisse un peu de côté l'aspect ultra violent du film pour se concentrer sur l'histoire d'amitié et l'isolement du personnage de Aniki qui se retrouve bafoué dans son honneur, trahi par un homme de son propre clan, contraint de quitter son pays natal vers une terre étrangère où il ne connaît que son demi-frère, Ken. La musique d'Hisaishi apporte une touche d'humanité indispensable au film, une humanité qui semble faire cruellement défaut à ce film radicalement très violent. L'émotion est pourtant présente lorsque l'on sent Aniki s'ouvrir à Denny avec qui il va petit à petit former une solide amitié (il lui parle de plus en plus et, chose incroyable, on le voit même sourire). Le thème principal exposé dans le générique de début évoque tout cela: la solitude de Aniki, son amitié naissante avec Denny, son lien familial l'unissant avec son demi-frère et le sous-fifre japonais d'Aniki venu le rejoindre à Los Angeles. En choisissant de confier ce très beau thème mélodique à un flugel horn très Jazzy avec des cordes et des vents chaleureux en accompagnement et un petit rythme de percussions de style exotique vaguement bossa, Hisaishi choisi de mélanger les genres tout en unifiant parfaitement le tout (aucun élément ne jure dans cet excellent morceau. Tout est très bien construit). Ce thème aux accents jazzy à l'ancienne représente très bien le personnage d'Aniki Yamamoto et de son déracinement forcé en faisant allusion à deux genres musicaux extra-japonais: le jazz et la bossa. Malgré ce mélange, le thème est parfaitement unifié. Cette astuce renvoie simplement au fait qu'Aniki saura très vite s'habituer à son arrivée dans un pays étranger, loin de sa terre natale, à tel point qu'il y créera un nouveau gang, maître de la ville. Les sonorités plutôt sombres qui ouvrent le film (on pense à des percussions) indiquent clairement une certaine gravité qui va très vite se faire ressentir dans le film, et ce bien avant qu'Hisaishi affiche son excellent thème principal, une mélodie jazzy un brin kitsch faisant allusion aux musiques pour les polars américains des années 50/60.

Mélancolique, la musique d'Hisaishi permet au spectateur de prendre un peu de recul par rapport à ce que le réalisateur lui 'inflige' en pleine figure tout au long du film. Sa musique nous rappelle alors que derrière cette sombre histoire brutale de yakuzas et de gangsters se cachent des hommes qui souffrent et qui sont pris entre deux eaux: se faire respecter et protéger leurs clans. Conservant un ton toujours lent et assez nostalgique, le score de Hisaishi est confié à un groupe piano/cordes (parfois avec une harpe, souvent suivie des vents) dans un registre plutôt tendre et mélancolique à la fois, quelque chose qui peut parfois paraître décaler par rapport à la grande violence du film mais qui agit pourtant clairement au niveau de l'inconscient du spectateur/auditeur. On raconte que pour ce film, Kitano a laissé la liberté totale à Hisaishi pour qu'il compose sa musique, ce qui explique le choix assez radical de sa mise en musique du film, plus quelques passages qui peuvent parfois paraître un peu trop décalé par rapport aux scènes, et notamment à une scène vers la fin où Aniki et Denny viennent enlever chez lui un gros caïd de la Mafia Italienne. Si la scène est très sérieuse et tendue à la fois, la musique plutôt mélancolique et harmonieuse d'Hisaishi peut paraître un brin déplacée avec la scène. C'est à mon avis le seul choix douteux d'Hisaishi par rapport à une séquence du film.

L'ensemble reste toujours très touchant, la musique apportant donc la part d'émotion et d'humanité qui fait cruellement défaut au film et fait plutôt ressortir la psychologie des personnages. 'Brother' est ce style de score absolument indissociable du film et qui monte à quel point une musique peut être étroitement liée à son film, puisqu'ici, le film ne peut pas fonctionner sans la musique et vice versa, les deux parties montrant chacune à leur tour une facette différente et pourtant complémentaire de l'histoire, une histoire de violence brutale et sanguinaire, mais aussi une histoire d'hommes, d'amis, de famille, de fraternité (d'où le titre du film, 'Brother' et 'Aniki, mon frère' en français). Dramatique, la musique d'Hisaishi s'affiche toute en retenue dans le film, n'en faisant jamais de trop par rapport aux images. La violence du film n'apparaît que dans un seul morceau, pour la séquence où le gang d'Aniki et de Shirase se sont associés et commettent leurs premiers méfaits ensemble. Là, le compositeur rompt brutalement avec le reste du score en lâchant ses tambours et ses percussions sauvages incroyablement brutales, le tout suivi par une touche rythmique de synthétiseur. Très sombre, ce morceau annonce la descente aux enfers inexorable pour Aniki et toute sa bande ('Raging Men').

Par moment plus agitée et dramatique, notamment avec des cordes plus sombres, la musique conserve toujours ce climat lent et dramatique tout au long du film, avec un certain minimalisme assez rare de nos jours. Le thème principal jazzy reste toujours présent tout au long du film pour évoquer le personnage d'Aniki, Hisaishi en proposant plusieurs versions au piano, l'instrument que le compositeur nippon semble avoir particulièrement prisé tout au long de sa musique, favorisant le timbre chaleureux et unique de l'instrument de l'émotion par excellence. (faut il rappeler que le piano fut l'instrument privilégié des compositeurs Romantiques du 19ème siècle? Et quel fut le meilleur siècle pour l'exaltation de l'émotion et du sentiment à part le 19ème?) Utilisant assez souvent un rythme léger de percussions (petits tambours à vase ouvert principalement), Hisaishi crée dans la dernière partie du film une petite rythmique jamais brutale (à part dans le morceau 'Raging Men').

C'est finalement le thème principal du générique de début qui conclut cette sombre histoire lorsque Denny s'en va avec le sac d'Aniki et un petit mot lui expliquant tout. Hisaishi nous propose alors pour le générique de fin une sorte de petit remix de son thème principal de flugel horn cette fois ci accompagné par une rythmique de percussions plus moderne dans le style hip-hop. L'idée est simple: c'est Denny, le copain noir d'Aniki qui prendra le relais de ce dernier et continuera à vivre, loin des ennuis qu'il lui a causé depuis le début de cette histoire (et en particulier avec l'assassinat de ses parents par la Mafia Italienne). Cette reprise avec une rythmique moderne permet aussi à Hisaishi de rappeler l'idée du mélange de cultures évoqué déjà au début du film puisqu'on a cette fois ci l'allusion au Jazz mélangé avec un élément de hip-hop (on pourrait presque considérer cela comme du 'Jazz-Fusion').

'Brother' est une BO très réussie, assez radicale de par son approche toute en retenue en en finesse par rapport à la brutalité horrifiante de réalisme du film. Le thème principal fait déjà partie des grands thèmes d'Hisaishi, tandis que l'aspect mélancolique et subtil de ce score nous pourra que plaire aux fans du film et aux autres, désireux d'entendre un compositeur pour une fois libre d'écrire ce qu'il veut sur un film, loin de tout système de temp-track et autres condition musicale contraignante. 'Brother' nous rappelle aussi que le compositeur nippon est toujours aussi inspiré lorsqu'il s'agit d'écrire une partition pour un film de Kitano. Une vraie réussite!


---Quentin Billard