1-Victorious Titus 2.58
2-Procession & Obsequies 3.00
3-Revenge Wheel 0.54
4-Tribute and Suffrage 4.17
5-Arrow of The Gods 1.33
6-An Offering 2.04
7-Crossroads 3.24
8-Vortex 1.34
9-Swing Rave 1.53
10-Ill-Fated Plot 2.00
11-Pickled Heads 5.05
12-Tamora's Pastorale 1.13
13-Titus'Vow 3.43
14-Mad Ole Titus 2.27
15-Philimelagram 1.46
16-Pressing Judgement* 3.32
17-Aaron's Plea 2.01
18-Coronation 1.54
19-Apian Stomp 1.32
20-Adagio 2.25
21-Finale 8.34
22-Vivere 3.33

*Extrait de 'A Time To Kill'
composé par Elliot Goldenthal

Musique  composée par:

Elliot Goldenthal

Editeur:

Sony Classical
SK 89171

Musique produite par:
Teese Gohl pour
Gohl/McLaughlin
avec Elliot Goldenthal

Producteur de la musique électronique:
Richard Martinez
Préparation de la musique:
Vic Fraser
Montage par:
Curtis Roush, Daryl Kell
Lawrence Manchester

Artwork and pictures (c) 1999 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ****
TITUS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Elliot Goldenthal
'Titus' est un film choc, un film coup de poing. Adapté de la célèbre pièce de théâtre de Williams Shakespeare, 'Titus Andronicus', le film de Julie Taymor raconte cette sordide histoire sanguinaire de deux vengeances qui s'affrontent, celle de Tamora (Jessica Lange, superbe dans ce rôle de femme au coeur desséché par la haine qui la motive à accomplir cette sombre vengeance contre l'ancien empereur Titus Andronicus et sa famille), la cruelle reine de l'empereur Saturnin, et celle de Titus (Anthony Hopkins, magistral une fois de plus dans le rôle de cet homme écrasé par le poids de la souffrance et qui va lui aussi goûter à une vengeance brutale et sanguinaire) bien décidé à faire payer la mort de ses deux films et le viol de sa fille Lavinia par les deux fils de Tamora. Rentrant victorieux à Rome de sa guerre contre les Goths, le général Titus Andronicus doit accomplir un rituel de sacrifice d'un prisonnier ennemi, et il choisit le fils de la reine des Goths, Tamora. En accomplissant ce sacrifice, Titus va déclencher la haine absolue de Tamora et de sa froide vengeance. Le carnage sera alors inévitable et tout cela finira dans un bain de sang. En respectant à la lettre les textes originaux de Shakespeare, la réalisatrice Julie Taymor nous restitue là un film démesuré et sanguinaire, dont les mots clés sont la violence, la mort, la vengeance, la haine et la cruauté. Tout comme dans l'oeuvre de Shakespeare, la réalisatrice nous décrit un monde brutal où les hommes sont aveuglés par leur haine démesurée et la folie destructrice qui s'empare d'eux tels de véritables bêtes sauvages où toute notion de conscience, de moralité et de raison semble bannie à jamais de leur esprit. Le monde de Shakespeare est fait de morts, de violence et de haine. Il n'y a jamais de véritables héros, tous sont au moins coupable d'une faute. Ainsi donc, si l'on peut s'apitoyer sur le sort du pauvre Titus qui voit sa famille détruite et son honneur bafoué (il doit se couper la main pour faire libérer ses deux fils, mais ces derniers sont finalement exécutés), on ne peut pas oublier qu'il est le responsable direct de toute cette tuerie puisqu'il a sacrifié cruellement le fils de Tamora selon un rituel stupide et cruel. Rien n'est tout noir ou tout blanc dans cet univers déshumanisé, sans nul autre sentiment que la haine, la colère, la douleur et la vengeance. Les êtres sont froids, pervers, diaboliques, cruels, et la morale impérissable de cette histoire est que la vengeance entraîne la vengeance et que la mort entraîne la mort. Répondre à la violence par la violence n'est jamais une solution car en fin de parcours, tout le monde y perd. Les grecs appelaient cela la 'catharsis', ou la purification des fautes en les montrant sur scène dans les pièces de théâtre dramatiques.

La réussite de Julie Taymor est d'avoir sut restituer le souffle barbare et cruel de cette tragédie sanguinaire tout en s'ayant octroyé le droit de ne pas respecter l'époque où se déroule l'histoire avec de nombreux anachronismes volontaires - par exemple, la scène des chars romains au début du film: les chars sont suivis par des motocyclettes. Plus loin, on voit un personnage conduire une voiture de notre époque, etc. L'époque du film n'est d'ailleurs pas définie et reste toujours floue: on est incapable de dire dans quel époque on se trouve réellement, même si la présence d'engins d'aujourd'hui nous fait plutôt pencher pour le 20ème siècle. A ce propos, la scène du début est très éloquente. Prologue rajouté par la réalisatrice elle même, on voit un enfant en train de manger à sa table tout en s'amusant avec des figurines de soldats romains sur lesquels il déverse du ketchup, du sel et toute sorte d'aliment tout en s'amusant avec eux et en imitant un affrontement chaotique. Ce prologue est très symbolique: d'abord, cela annonce le fait que la majorité de l'histoire sera suivi par cet enfant - on peut donc penser que l'enfant devra retenir les leçons de cette cruelle histoire et en rapporter les fruits lorsqu'il deviendra adulte - mais cela sert aussi à marquer le trouble quand à la réelle époque dans laquelle l'histoire se déroule.). Cette recherche d'une esthétique renouvelée et mélangeant les époques est tout à fait signifiante même si elle risque de faire hurler les puristes: la réalisatrice veut nous montrer que cette histoire est intemporelle et qu'à chaque siècle elle survit pour nous rappeler à quel point la connerie humaine est sans limite, sans époque ni sans contexte historique. A ce titre, on se sent encore plus proche de cette terrible histoire dont il est impératif de tirer des leçons morales, le film nous rappelant un dogme vital et immuable pour l'homme: seul la vertu et la conscience morale peuvent nous aider à vivre une vie saine et heureuse. A cela, nul ne fait de doute, et les tragédies de Shakespeare sont là pour nous le rappeler. 'Titus' est en fin de compte un film rare dans le cinéma américain de nos jours, un film qui privilégie la recherche esthétique et artistique, et les interprétations divines de ces personnages de théâtre dans un film. Une grande réussite, plutôt méconnue dans nos contrées mais qui mérite pourtant que l'on s'y attarde un peu, pour peu que l'on soit réceptif à ce genre et à cette tragique histoire.

Julie Taymor est en fait l'épouse du compositeur Elliot Goldenthal. La réalisatrice est une spécialiste des adaptations cinématographiques de pièces littéraires. Auteur de l'adaptation d'une autre pièce de Shakespeare, 'The Tempest' (1986), Taymor a réalisé un film important pour Goldenthal puisqu'elle lui a permit de prolonger ses expériences musicales déjà amorcées depuis quelques années déjà. Pour 'Titus', Goldenthal a écrit une oeuvre symphonique sombre et dramatique à la fois, tout en fusionnant cet aspect symphonique de sa musique avec différents autres genres musicaux, du jazz-fusion, un thème de musique de cirque, du jazz swing et quelques passages hard-rock/trash dans le style de 'Wreckage and Rape' d'Alien3. Le film s'ouvre sur 'Victorius Titus', une sorte de procession lente et sombre à la fois, confié à l'orchestre avec des percussions métalliques pour suivre la marche accompagnant le retour victorieux de Titus à Rome, le compositeur ayant écrit pour cette procession un choeur latin ténébreux, puissant et sombre à la fois, un choeur qui est tout sauf victorieux. L'astuce musicale est simple: Goldenthal nous fait comprendre que c'est ce retour victorieux de Titus qui va l'amener à commettre le sacrifice qui sera à la base de cette très longue descente aux enfers pour lui et ses fils. Impressionnant, ce très sombre premier morceau donne d'emblée le ton de la musique: une musique sombre, puissante, sauvage et dramatique en même temps, la puissance du choeur évoquant l'aspect tragiquement inexorable de cette histoire qui ne pourra que mal se terminer (notons aussi l'utilisation de ces percussions métalliques semblant évoquer l'idée de la fatalité de ces destins tragiques voués à des morts violentes). On retrouve dans cette sombre ouverture les orchestrations typiques du compositeur, des cordes torturées avec des cuivres souvent dissonants et parfois stridents (Goldenthal a l'habitude de faire 'hurler' ses cuivres comme aucun autre compositeur). C'est ce style d'orchestration que l'on va retrouver du début jusqu'à la fin de ce très sombre score restituant toute la sauvagerie et la violence tragique de ce film. (notons les voix d'hommes ténébreuses murmurant dans 'Procession & Obsequis')

Goldenthal se laisse aller à l'expérimentation en faisant intervenir dans 'Tribute & Suffrage' (scène de l'élection de Saturnin en tant que nouvel empereur au début du film) le saxophone de Bruce Williamson (déjà interprète de l'un des deux sax dans le score de 'The Butcher Boy') semblent intervenir de manière totalement aléatoire et improvisée au sein d'un orchestre qui, au début de la scène, ne laissait pas prévoir l'intervention surprenante du saxophone jazzy dans ce morceau. Cette idée de mélanger la musique avec d'autres genres musicaux anachroniques sera prolongé par d'autres pièces du même caractère renvoyant directement à la vision très personnelle de la réalisatrice qui a voulu mélanger l'époque ancienne avec l'époque contemporaine sur ce film. Le schéma pourrait ainsi se simplifier: la partie symphonique/chorale correspondrait alors à l'époque de la Rome ancienne tandis que les différents courants musicaux du score renverraient à notre époque, les deux genres se rencontrant pour mieux renforcer l'atmosphère musicale très forte dans le film, mûrie par une collaboration mari/épouse imaginative et artistiquement intense (le duo a déjà opéré ensemble sur des pièces de théâtre). Dans 'Swing Rave', Goldenthal a écrit une pièce de Jazz-swing un peu décalé avec une guitare électrique, le morceau accompagnant une scène de fête Romaine tout en apportant la touche d'anachronisme nécessaire à la mise en scène originale de Julie Taymor. Le déjanté 'Pickled Heads' permet à Goldenthal de se lancer dans un trip hard-rock/rock industriel/trash avec des synthés déchaînés et une vague de samplers sauvages (guitares électriques saturés, sons évoquant la folie sonore, etc.) et ce pour évoquer la brutalité et la folie des deux fils de Tamora, Goldenthal montrant une fois de plus qu'il sait aussi écrire pour d'autres genres musicaux, le compositeur se faisant une joie de sauter à pieds joints dans l'expérimentation musicale, quelque chose qui l'a toujours beaucoup attiré depuis 'Alien3' (comme nous l'avons déjà mentionné, on ne peut oublier le violent 'Wreckage and Rape' d'Alien3, les 'Deaf Elk' guitares hardos de 'Heat', les expérimentations délirantes de 'The Butcher Boy' et la folie sonore de 'In Dreams'). 'Mad Ole Titus' est une sorte de pièce Free-Jazz quasiment improvisé à 100% avec l'effectif instrumental Jazz traditionnel avec sonorités étranges du synthé - bien utilisé dans les moments les plus fous du film - (et guitare électrique bien saturée), le morceau évoquant la soif de vengeance de Titus qui devient un fou sanguinaire à la fin du film (dans le style Jazz bien déjanté, on a aussi le chaotique 'Adagio' dont le titre trompeur évoque tout sauf un Adagio, qui est un terme de mouvement utilisé en musique classique mais pas dans le Jazz, ou alors très rarement!). Si ce morceau étrange peut paraître à la première écoute assez décalé avec la scène, une seconde écoute nous permet de mieux comprendre à quel point la touche expérimentale de Goldenthal paraît justifié, d'abord par l'aspect anachronique du film, ensuite parce que les personnages sont tous assez instables psychologiquement, surtout Titus qui devient presque fou dans la dernière partie du film. 'Mad Ole Titus' évoque donc le désordre psychologique qui s'installe dans l'esprit torturé et déjanté d'un être assoiffé de haine.

Dans un style plus sauvage, on appréciera 'Arrows of The Gods', très proche du morceau 'Louis'Revenge' du score de 'Interview With The Vampire' (les parties orchestrales semblent assez souvent se rapprocher du style noir et dramatique de l'un des plus fameux scores de Goldenthal écrit pour le cinéma après le magnifique Alien3). 'Arrows of The Gods' permet à Goldenthal d'installer une rythmique orchestrale sauvage en mettant en avant les percussions (timbales agressives), les traits de cordes rapides et furieux et les cuivres guerriers et belliqueux pour la séquence où Titus vient chercher des tireurs à l'arc dans la ville avant d'envoyer des flèches à l'intérieur du palais de l'empereur où Saturnin et sa troupe font leur orgie pourrie, et ce afin de provoquer l'empereur lui même. Véritable tour de force orchestral, cette pièce rejoint les moments les plus agités de 'Interview With The Vampire' dans un registre orchestral assez similaire (le compositeur ne fait que perpétuer son écriture symphonique traditionnelle et personnelle, qui mûrie année après année). Les morceaux comme 'Ill-Fated Plot' (notons la violence des percussions évoquant la vengeance perfide de Tamora), 'Titus Vow' (Titus fait son sinistre sermon de vengeance avec un côté complètement fou) et 'Apian Stomp' (rythme de marche guerrier avec des cuivres stridents agressifs et dissonants, une marque de fabrique du compositeur et qui donne un effet violent très réussi dans le film) évoquent la sauvagerie de l'histoire avec des orchestrations typiques du compositeur et une puissance orchestrale redoutable. On notera aussi 'Pressing Judgement', la reprise d'une pièce d'un score plus ancien de Goldenthal, 'A Time To Kill' (on se souvient que Goldenthal avait agit de la même manière sur 'Cobb' où il reprenait le morceau 'The Beast Within' extrait du score d'Alien3). Le morceau a probablement été temp-tracké durant la post-production du film et il est fort à parier que la réalisatrice a tellement apprécié ce morceau sur cette scène qu'elle a alors décidé de le garder.

Le drame et le côté tragique du film se retrouvent amplifiés dans les pièces symphoniques du morceau, Goldenthal privilégiant ses cuivres barbares et ses cordes torturés que l'on aura très vite fait de rapprocher du style d'écriture Romantique torturé d'un Richard Wagner ou d'un Gustav Mahler, comme peut le témoigner le magnifique 'Finale' du film, où l'on voit l'enfant (présent depuis le début du film comme s'il était un spectateur sur scène mais plutôt en retrait dans l'histoire) porter le bébé noir d'Aaron en sortant de l'arène avec le lever du soleil juste devant lui (le plan avec les spectateurs dans l'arène après la mort de Tamora, Saturnin, Titus et Lavinia est astucieux: la réalisatrice évoque le monde du théâtre grec à l'intérieur d'un film). Ce magnifique final permet à Goldenthal de mettre en avant des cordes à la fois lyriques, dramatiques et torturées, symbolisant toute la dimension tragique de cette histoire, le style d'écriture rappelant le genre de final d'Opéra de Wagner comme celui du célèbre 'Tristan & Isolde' (Goldenthal n'a nullement plagié l'Opéra de Wagner. On pense juste simplement à faire le rapprochement entre les deux styles d'écriture qui sont plus ou moins assez proche). Ce long final dramatique rappelle par moment l'Adagio final d'Alien3 et permet de rappeler de manière puissante que Goldenthal n'est pas que le compositeur de l'expérimental et des orchestrations sauvages mais qu'il est aussi un musicien capable de retranscrire toutes les émotions, que ce soit la violence, la peur, la terreur ou bien la mélancolie et le drame. Avec 'Born To Darkness' de 'Interview With The Vampire' ou l'Adagio final d'Alien3, le 'Finale' de 'Titus' est absolument éblouissant, grandiose et puissant tout en étant émouvant et dramatique à la fois. Le compositeur a auparavant retranscrit l'intensité du drame dans des morceaux tels que 'Aaron's Plea' (Aaron est condamné et supplie Lucius pour que ce dernier s'occupe et prenne soin de son bébé) où l'on assiste à une montée de cordes/cuivres déchirante et intense à la fois, un sentiment dramatique qui, malgré la barbarie sanguinaire du film, reste toujours très présent tout au long du film et de la musique. (on retrouve cela aussi dans le dramatique 'Coronation' ou 'Crossroads', dont le violoncelle soliste torturé évoque la souffrance de Titus qui assiste à sa longue descente aux enfers et à sa haine intérieur devenant de plus en plus forte)

La partition 'Titus' est l'exemple même d'un compositeur maîtrisant totalement son sujet et à qui à on a laissé le champ libre pour faire tout ce qu'il voulait. Nous avons évoque les temp-tracks quelques lignes plus haut, mais s'ils ont été présents sur ce film, ils n'ont du probablement pas empêcher Goldenthal de faire tout ce qu'il voulait. Après tout, le compositeur connaît personnellement la réalisatrice (évidemment) et la collaboration entre les deux artistes a put se faire en totale liberté avec l'accord de la production. Considéré en général par de nombreux béophiles comme l'aboutissement du style d'écriture dramatique/sombre/chaotique d'Elliot Goldenthal, 'Titus' est une partition colossale tragique et sauvage et qui risque d'en rebuter plus d'un à la première écoute. 'Titus' est ce genre de musique qui demande une certaine ouverture d'esprit pour pouvoir rentrer dedans et réellement en apprécier toutes les subtilités, puissent elles être entendues au sein du film lui même. Ce chef-d'oeuvre barbare et dramatique est la représentation parfaite de la célèbre oeuvre torturée de William Shakespeare, un auteur qui, aujourd'hui encore, continue d'être d'actualité de par le côté intemporel de ses sombres histoires. Goldenthal a sut puiser son inspiration au sein du film de sa propre femme ainsi que dans l'oeuvre clé de l'un des plus célèbres écrivains anglais du 16ème /17ème siècle. La puissance colossale et étonnante du score de 'Titus' ne fait pas oublier le chef-d'oeuvre imbattable que reste le score d'Alien3. Mais la partition du film de Julie Taymor n'en demeure pas moins une très grande oeuvre, preuve une fois de plus du talent de l'un des meilleurs compositeurs américains de la fin du 20ème siècle et du début du 21ème. Une très grande oeuvre!


---Quentin Billard