Grande fresque épique reconstituant le combat du célèbre Michael Collins, héros de la résistance irlandaise face à l'impérialisme britannique de 1916 à 1922, 'Michael Collins' de Neil Jordan nous dépeint avec talent la bataille de cet homme (surnommé le 'Lion d'Irlande) qui lutta pendant une bonne partie de sa vie en dirigeant l'IRA contre le colonialisme anglais et fonda la République libre d'Eire en 1921. (la réalisateur est lui même irlandais, donc, le sujet l'a probablement touché quelque part...) Liam Neeson interprète avec brio cet homme passionné pour la cause de son pays (à l'instar de William Wallace dans 'Braveheart', les deux films ayant le sujet en commun mais à une époque différente et avec les écossais à la place des irlandais....) avec à ses côtés son fidèle ami Harry Boland (Aidan Quinn) amoureux de la ravissante Kitty Kiernan (Julia Roberts) et dirigé par le chef du mouvement, Eamon De Valera (Alan Rickman). Avec un casting aussi brillant, 'Michael Collins' est une petite réussite même si le film possède quelques anachronismes et autres erreurs historiques, et même si c'est loin d'être le meilleur film du réalisateur.

Michael Collins marque les retrouvailles entre Elliot Goldenthal et Neil Jordan après le superbe 'Interview With The Vampire' pour lequel Goldenthal avait écrit un score ténébreux dans la lignée de son fameux 'Alien3'. Le score de 'Michael Collins' permet au compositeur d'aborder le registre de l'aventure et du drame en créant une partition par moment sombre, dramatique et épique. Entièrement orchestrale, la partition de Goldenthal est aussi pimentée de petites touches irlandaises/celtiques évoquant la rébellion irlandaise contre les anglais. A l'instar de ce que fait Horner sur 'Braveheart', Goldenthal utilise un whistle et une cornemuse sans oublier un violon soliste celtique (on le trouve dans la pièce 'Train To Granard') et un dulcimer. Dès le début du film, le morceau s'ouvre sur 'Easter Rebellion', un morceau aux accents épiques illustrant les premiers combats entre les rebelles irlandais menés par Collins contre les soldats anglais. 'Easter Rebellion' s'affiche à la fois comme un morceau sombre et épique dans lequel le compositeur utilise un magnifique choeur qui rejoint le style choral du 'Libera Me' de 'Interview With The Vampire', le choeur étant vite rejoint par la partie soliste de la célèbre chanteuse irlandaise Sinead O'Connor qui reprend la mélodie du thème principal, le tout baignant autour d'orchestrations mettant en avant les cordes. Goldenthal nous fait entendre dans sa partie orchestrale le thème principal qui évoque à travers son motif de 8 notes le personnage de Michael Collins en lui donnant un aspect assez dramatique, comme pour évoquer le fait que la bataille contre les anglais serra longue, difficile et terriblement éprouvante. A la fois épique et lyrique, 'Easter Rebellion' nous propose une superbe introduction pour un score à la fois agité et émouvant.

Le score illustre ainsi les deux aspects du film: le combat de Collins et des rebelles irlandais contre l'impérialisme anglais et l'aspect plus intime du film lié à sa relation avec Kitty. Une pièce comme 'Fire and Arms' prolonge l'aspect à la fois dramatique et épique de son score (et du film) en soulignant une autre scène d'affrontement avec des orchestrations typiques du compositeur dans cette première grande musique d'action du score où intervient le dulcimer avec des cuivres, cordes et percussions nous renvoyant très clairement à des pièces d'action enlevées de 'Interview With The Vampire'. Mais c'est le superbe 'Train Station Farewell' qui nous permet d'entendre le deuxième thème principal du score, le magnifique 'Love Theme' de la musique, une pièce très mélodique et harmonique confié à un piano avec des cordes et quelques vents. Ce très beau 'Love Theme' est surprenant de par le côté raffiné de sa mélodie (Goldenthal est un spécialiste de la musique avant-gardiste atonale et dissonante et ce très charmant Love Theme vient nous rappeler qu'il sait aussi composer des mélodies élégantes et suaves) et se structure sous la forme d'une petite valse lente et légère. Le Love Theme évoque dans un premier temps la relation amoureuse entre Harry et Kitty, qui devient amoureuse plus tard de Michael Collins, provoquant une distance entre les deux amis. 'Train Station Farewell' intervient dans la scène où Harry doit se séparer pendant un temps de Kitty et accompagne leur scène d'adieu dans le train, Michael se jurant de veilleur sur Kitty quoiqu'il advienne. Cette intrusion d'un matériau plus harmonique et intime dans ce score agité permet d'offrir un peu de relief efficace à une partition riche en émotion.

Le superbe 'Winter Raid' permet au compositeur de faire une utilisation remarquable de la cornemuse, le morceau commençant ainsi sur une mélodie de cornemuse d'esprit celtique avant que des percussions brutales viennent donner un côté terrifiant au morceau pour cette nouvelle scène d'affrontement où les troupes anglaises sont envoyées pour chasser les irlandais d'un entrepôt où ils cachaient des armes. On retrouve ici aussi le côté atonal et agressif des passages dissonants de 'Interview With The Vampire', un aspect qui caractérise très bien les parties d'action souvent massives du score de 'Michael Collins'. Goldenthal fait une utilisation très inventive de la cornemuse ici, d'une manière très différente de ce que fait Horner dans 'Braveheart', l'instrument prenant une allure de plus en plus pesante voire troublante au sein de ce morceau agité et sombre à la fois, marquant la violence et l'intensité de la traque et des poursuites contre les irlandais rebelles. A ce sujet là, le terrible 'Football Match' est très représentatif de cet aspect brutal et atonal du score, où Goldenthal retrouve son matériau orchestral de 'Alien3' et 'Interview With The Vampire' en créant ici une pièce orchestrale déchaînée et pleine de fureur pour la scène où un tank anglais blindé fait irruption dans un stade irlandais et tire dans le public en faisant un massacre en guise de représailles contre les opérations terroristes de Collins et de ses troupes de rebelles (Goldenthal crée un climat d'urgence et de terreur pour ces scènes d'affrontement, et ce tout au long du film). On retrouve ici l'un des tics orchestraux du compositeur, à savoir cette manière qu'il a de faire hurler ses cuivres dans l'aigu pour renforcer la violence de la scène. 'Defiance and Arrest' illustre la scène où les hommes de Eamon De Valera et de son gouvernement se font arrêter par des agents anglais. On retrouve ici les cordes sombres et dramatiques d'Interview With The Vampire qui marque les moments plus sombres et difficiles pour les rebelles irlandais suivi menés par De Valera et Collins, son bras droit. Dans 'Train To Granard', on trouve le violon soliste doublé par le whistle qui donne un côté irlandais au morceau pour une scène de voyage où Collins et Harry vont vers la ville de Granard en Irlande.

L'excellent 'Boland Returns (Kitty's Waltz')' nous permet de retrouve le très beau 'Love Theme' confié cette fois ci à une trompette majestueuse suivi des cordes et des vents, toujours sous la forme d'une petite valse légère et charmante. (avec une petite pointe de nostalgie touchante) Le morceau évoque la séquence du retour d'Harry qui retrouve finalement sa tendre Kitty, avant que cette dernière ne lui fasse comprendre qu'elle est en fait amoureuse de Collins. Ce morceau permet de reprendre notre souffle avant les parties plus sombres et plus agités du score, et l'insertion de ce très beau thème donne décidément une touche d'émotion indéniable à ce superbe score. Le très sombre 'Boland's Death' évoque la mort d'Harry, là où Goldenthal utilise un dulcimer et des cordes dramatiques (notons une brève allusion au thème principal qui sonne encore plus sombre et dramatique que dans 'Easter Rebellion') et où il nous fait clairement comprendre que l'issue de l'histoire sera à la fois tragique et inévitable, alors que l'Angleterre a capitulé face à la rébellion irlandaise mais lui propose un traité qui provoque le mécontentements d'Eamon et des hommes et qui aboutira à une guerre civile entre les troupes d'Eamon et celle de Collins. C'est ainsi que la musique devient nettement plus sombre dans la dernière partie, un morceau comme 'Civil War' illustrant à merveille cette ambiance de guerre civile (scène où les soldats de Collins tirent sur le Q.G. d'Eamon) avec le choeur qui donne un côté à la fois sombre et épique à cette séquence (sans oublier la partie vocale de Sinead O'Connor) et qui reprend aussi le thème principal sous une forme toujours très dramatique. (on retrouve l'ambiance de bataille enragé dans le sombre 'Collins's Proposal' qui renvoie très clairement une fois encore à 'Interview With The Vampire', surtout au niveau de l'écriture des cuivres sauvages et des percussions)

'An Anthem Deffered' intervient pour une scène où les troupes irlandaises et anglaises s'unissent au son d'un hymne orchestral solennel pour marquer de manière officielle la concrétisation du traité et la fin du conflit entre les deux peuples. C'est le superbe 'She Moved Through The Fair' qui permet au compositeur de reprendre une mélodie traditionnelle arrangé pour l'orchestre par le compositeur et son fidèle orchestrateur Matthias Gohl et interprété par Sinnead O'Connor, et ce pour la fin du film, avec la mort de Collins. C'est 'Funeral/Coda' qui conclut le film avec un côté à la fois solennel et dramatique en reprenant les différentes ambiances du score en guise de conclusion. Plus facile d'accès que 'Alien3' et 'Interview With The Vampire', 'Michael Collins' surprend de par son mélange entre pièces d'action furieuses et passages intimes plus mélodiques, de même que le compositeur s'amuse à agrémenter son score de petites touches irlandaises du plus bel effet, tout en conservant ses habituelles orchestrations qui lui permettent d'amplifier ses précédents travaux à travers ce score à la fois dramatique, sombre et épique. Une BO souvent moins connue ou apprécié par les fans de Goldenthal et pourtant très réussie, aussi bien dans le film que sur la musique elle même, preuve qu'une fois encore, le compositeur n'est jamais autant inspiré que lorsqu'il compose pour un film de Neil Jordan. Une grande réussite!


---Quentin Billard