Grand classique des comics américains crée dans les années 50 et adapté plus tard en dessin animé dans les années 80, le fameux 'Dennis The Menace' ('Denis La Malice' en français) nous revient cette fois sous une sympathique adaptation cinématographique réalisé par Nick Castle sur un scénario de John Hugues, un spécialiste des comédies familiales. C'est le petit Mason Gamble qui a été choisi par la production pour incarner Dennis Mitchell (qui rappelle beaucoup le personnage qu'interprétait Macaulay Culkin dans 'Home Alone'), le gamin turbulent qui n'arrête pas d'embêter son voisin Mr.George Wilson (excellent Walter Matthau, bien ressemblant au personnage original du dessin animé). Cette fois, Mr.Wilson se retrouve obligé d'héberger chez lui le petit Dennis alors que ses parents doivent s'absenter quelques temps. Il va donc une fois de plus devoir affronter les multiples bêtises et autres idioties que commet Dennis. Mais un voleur (Christopher Lloyd en vieux brigand/clodo tellement pouilleux qu'on croirait qu'il ne s'est pas lavé depuis quelques décennies...) débarque en pleine nuit dans cette petite ville tranquille et vole un soir des pièces d'or de collection dans le petit coffre secret de Mr.Wilson. Dennis le retrouve plus loin dans la ville et le voleur décide de le prendre comme otage et de s'enfuir avec lui. Mais Dennis est rusé et va s'amuser avec lui en ramenant finalement les pièces à son voisin qu'il aime tant et qui va apprendre lui aussi à l'apprécier et à être moins grincheux. Petite comédie familiale sympathique et sans prétention, 'Dennis The Menace' nous replonge dans l'univers enfantin du dessin animé avec une bonne touche de jovialité et d'humour pour un petit film sans prétention et agréable.

La participation de Jerry Goldsmith sur cette comédie familiale était assez inattendue. Effectivement, le compositeur semblait s'être spécialisé depuis plusieurs années dans le registre du film d'action/aventure. Fort heureusement pour nous, Goldsmith s'est plongé dans l'univers enfantin de 'Dennis The Menace' et ce pour notre plus grand plaisir. Le maestro a crée une petite partition orchestrale dans l'esprit d'une musique de cartoon, avec une bonne dose du mickeymousing traditionnel et quelques thèmes bien choisis et bien développés tout au long du film, le tout avec une bonne d'humour et de bonne humeur. L'ouverture du film nous plonge directement dans le ton de l'histoire: orchestrations vivantes et colorées, légèreté et entrain de la musique, le compositeur nous invite d'entrée à partager cette petite aventure avec un ton léger et bon enfant. Le thème principal, celui de Dennis est assez rapidement introduit dans le score et se distingue par son motif de vents/cordes descendant qui évoque le côté joyeusement espiègle du personnage tandis que l'apparition inattendue d'un harmonica vient jouer la mélodie principale doublé par ce motif descendant. Ainsi constitué de deux éléments, le thème de Dennis, qui est le thème principal donne très rapidement une certaine bonne humeur et une grande fraîcheur dans le film. On fait souvent le rapprochement du 'Main Title' de 'Dennis The Menace' avec celui de 'The First Great Train Robbery' (1979) car il est évident que les deux morceaux possèdent une certaine ressemblance, surtout au niveau du rythme et des orchestrations vivantes. Mais la comparaison s'arrête là. Disons simplement que le compositeur renoue avec l'esprit d'aventure léger de 'The First Great Train Robbery' en amplifiant le côté amusant et joyeux de sa partition. Avec une certaine touche d'aventure entraînante, le Main Title nous dévoile ainsi un thème principal vif et espiègle, servi par un harmonica surprenant et que l'on retrouvera tout au long du score de Goldsmith.

Passé un petit motif quelconque pour Mr.Wilson, on trouvera le deuxième grand thème un peu plus loin dans le film, lors de la première apparition du voleur interprété par Christopher Lloyd. Ce petit thème évoque clairement le méchant du film avec un rythme qui rappelle étrangement un thème qu'écrira Wojciech Kilar dans 'The Ninth Gate'. Soutenu par une basse rythmique du synthé avec des appuis rythmiques très marqués (en ostinato) et des sonorités plus sombres, ce thème donne un côté plutôt inquiétant sans être vraiment très sombre, évoquant clairement le style de musique que l'on entend pour un méchant de dessin animé. (notons l'emploi des trompettes en sourdine ou autres sonorités plus 'grasses' pour souligner le côté à la fois menaçant et pouilleux de ce voleur) Avec le thème de Dennis et le thème du méchant, Goldsmith crée une partition amusante et pleine de fraîcheur pour ce film, ponctué de quelques touches d'humour (notons l'utilisation amusante d'un tuba pour évoquer les quelques déboires du pauvre Mr.Wilson que Dennis n'arrête pas de 'martyriser' de par ses bêtises en tout genre...). 'Dennis The Menace' n'est pas qu'un score d'aventure plein de jovialité mais possède aussi quelques moments de tendresse comme la scène où Mrs.Wilson raconte une histoire à Dennis pour le faire s'endormir ou lorsqu'elle parle à son mari des regrets de n'avoir jamais eu d'enfant. Goldsmith utilise ici un petit thème plus paisible, tendre et nostalgique, confié à un piano avec quelques cordes et vents. Mais de toute évidence, c'est la partie aventure (avec un peu d'action) qui prédomine dans ce score entraînant où l'harmonica vient donner un petit côté aventurier au personnage de Dennis (il souligne aussi son côté malicieux et accompagne la plupart du temps les scènes de bêtises de Dennis). On notera en fin de compte les passages plus action lorsque Dennis se retrouver confronté vers la fin au voleur idiot, Goldsmith s'amusant à faire allusion de manière ironique à son propre style action, ici très allégé pour le contexte du film.

En réussissant à axer sa partition autour de ces quelques bons thèmes, Goldsmith crée une partition parfaite pour le film de Nick Castle, tout en montrant sa facette plus légère et plus humoristique (on pense parfois à ses musiques pour les comédies d'aventure de Joe Dante - 'Matinee' par exemple -) tout en conservant du début jusqu'à la fin l'esprit d'une musique de cartoon. Goldsmith nous montre aussi que malgré son âge, il n'a pas perdu sa fougue et est encore capable de renouer avec son âme d'enfant pour nous faire sourire ou pour nous émouvoir. Une petite partition sans prétention, évidemment très anecdotique dans l'immense carrière du maestro mais qui mérite néanmoins d'être découvert!


---Quentin Billard