1-Harry Angel 6.55
2-Honeyman Blues* 1.18
3-Nightmare 2.14
4-Girl Of My Dreams** 0.49
5-'I Got This Thing
About Chickens' 3.47
6-The Right Key,
But The Wrong Keyholde*** 3.23
7-Rainy Rainy Day+ 2.50
8-Looking For Johnny 7.34
9-Bloodmare 3.02
10-Johnny Favourite 4.38

*Ecrit par G.Brooks
Interprété par Bessie Smith
**Interprété par Trevor Jones & Courtney Pine
(Saxophone Version)
***Ecrit par Clarence Williams
et Eddy Green
Interprété par Lilian Boutte
+Composé et interprété par
Brownie McGee

Musique  composée par:

Trevor Jones

Editeur:

Antilles 91035 2

Album produit par:
Trevor Jones

Artwork and pictures (c) 1987

Note: ****
ANGEL HEART
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Trevor Jones
Réalisateur de 'Midnight Express', 'Fame' ou 'Birdy', Alan Parker frappa fort en 1987 avec cet sinistre thriller horrifique dans lequel le détective Harry Angel (Mickey Rourke) se retrouve au centre d'une sombre enquête mêlant magie noire et vaudou. Angel est engagé par un certain Louis Cyphre (Robert De Niro) pour retrouver un mystérieux individu nommé Johnny Favourite. Mais son enquête piétine et les morts s'accumulent rapidement. Scénario astucieux, mise en scène très prenante, 'Angel Heart' est ce style de film qui captive l'attention du début jusqu'à la fin grâce à un scénario très intéressant et une ambiance visuelle très forte (la majorité du film se passe la nuit ou dans l'obscurité). Rourke et De Niro sont tout les deux excellents dans leurs rôles respectifs, Rourke dans celui d'un détective complètement dépassé par son époque, De Niro dans le rôle d'un type froid et énigmatique. Très prenant jusqu'à la fin de l'histoire, 'Angel Heart' est une longue descente aux enfers servie par un scénario impeccable. Un film d'une rare qualité comme on aimerait en voir plus souvent!

Trevor Jones signa en 1987 une oeuvre forte et impressionnante pour ce sombre film d'Alan Parker (le compositeur écrira l'année d'après le score pour 'Mississipi Burning' du même réalisateur). Parker a toujours privilégié les ambiances musicales de ces films et 'Angel Heart' est là pour nous le confirmer à nouveau. Le score de 'Angel Heart' n'est pas ce que l'on a l'habitude d'entendre pour ce style de thriller atmosphérique et lugubre. Jones délaisse complètement ici l'orchestre pour se concentrer autour d'une superbe ambiance de synthé sinistres entouré d'une partie étonnante de saxophone (interprété par Courtney Pine), un vieux piano désaccordé (style piano de saloon miteux), quelques voix lointaines et sinistres et la présence de terrifiants battements de coeur (le point fort de l'ambiance du score dans le film). Avec ce synthé froid et lugubre, Jones crée une ambiance musicale étouffante dans le film, servi par un thème envoûtant et étrangement mélodique plaqué par dessus de longues nappes sombres de synthé dans un environnement très souvent atonal et très sombre. Ce thème de sax (que l'on entend la première fois dans le film doublé par le piano désaccordé, pour la scène où Angel se rend à la maison du Docteur Fowler) possède un côté obsédant alors qu'il intervient au milieu d'un environnement sonore macabre dénué de tout sentiment mélodique. Son apparition au sein de cette texture sinistre crée un certain malaise d'autant plus fort que le compositeur le répétera pas mal de fois durant le film, un thème intriguant qui semble surgir tout droit de l'esprit d'Harry Angel puisque l'on pourra remarquer que dans sa première apparition (scène où Harry est en voiture), le personnage principal le siffle légèrement, doublant ainsi le thème entendu au sax/piano. C'est évidemment quelque chose de très surprenant et la preuve incontestable qu'une musique de film ne fait pas toujours qu'accompagner un film et peut aussi s'insérer elle même à l'intérieur d'une scène où dans l'esprit d'un personnage. On sait alors que cette mélodie intrigante traîne de manière inexpliquée dans la tête d'Angel puisqu'on retrouve le personnage en train de pianoter ce thème sur le piano de Margaret Krusemark (Charlotte Rampling).

Finalement, c'est la scène avec la jeune Epiphany Proudfoot (Lisa Bonet) qui nous offre les clés du mystère et stoppe mystérieusement toutes les apparitions du thème une fois l'énigme musicale résolue. Il s'agit en fait du thème de la chanson 'Girl of my Dreams' provenant en réalité d'une petite chanson nostalgique des années 30 et qu'Alan Parker a demandé à Trevor Jones de réadapter dans sa musique. En réalité, la musique est très astucieuse puisqu'elle délivre une seconde énigme en même temps que celle qui est la base de l'histoire, les deux mystères s'entrecroisant finalement autour du même sujet: Johnny Favourite. Effectivement -attention, spoiler! Si vous n'avez pas vu le film, ne lisez pas la suite, car des éléments de l'intrigue vont y être révélés - dans une scène vers la fin du film, Epiphany chante cette mélodie qui semble alors intriguer Angel (qui reconnaît l'air qu'il a dans la tête depuis le début de l'histoire sans savoir exactement d'où cette mélodie provient) et lui explique qu'il s'agit en fait de la chanson fétiche de son père, Johnny Favourite. Or, la fin nous apprend que Harry Angel est en réalité Johnny Favourite ce qui nous fait donc comprendre que la musique de Jones nous disait depuis le début du film qu'Angel est Favourite mais qu'il ne le sait pas (de même qu'il ne sait pas d'où provient l'air). L'astuce est intéressante et méritait vraiment d'être signalée.

Pour le reste du score, on plonge dans de la musique atmosphérique à 100% avec ce saxophone intriguant qui surgit au sein de ces synthés sinistres en apportant une petite touche mélodique assez jazzy (la majorité du film se passe près du milieu des noirs de la Nouvelle-Orléans dans les années 50, milieu dominé par la musique du célèbre jazzman Louis Armstrong) mais qui crée un certain malaise - comme le thème de la chanson au sax - au milieu de cette atmosphère lugubre. Le début du film nous donne le ton avec ces synthés morbides, le sax et des voix fantomatiques, et ce alors que le premier plan s'ouvre dans une rue sinistre la nuit où l'on trouve un cadavre traînant par terre entre deux tas d'immondices. La partie électronique du score se divise en fait en deux éléments bien distincts: nous avons tout d'abord tout le côté plutôt atmosphérique, avec de longues nappes et parfois même l'utilisation de ces sons en glissandos lents et qui renforcent très clairement le climat cauchemardesque et étouffant de la musique. Mais le deuxième élément important de la partie synthétique apparaît aussi dans cette utilisation de sons de synthé en échos et à résonance plus métallique. Ces sons en écho créent une certaine dynamique inquiétante dans le score et renforce l'atmosphère de tension permanente de cette musique morbide et étouffante. L'ambiance de la musique est très forte dans le film et nous prouve une fois encore qu'Alan Parker sait choisir à la perfection les musiques qu'il faut pour ses films (on se souvient d'une musique très marquante de Giorgio Moroder pour 'Midnight Express').

Trevor Jones crée une atmosphère glauque et cauchemardesque décrivant la lente descente aux enfers d'Harry Angel dans ce monde chaotique et fou. Les quelques moments plus agités du score sont réellement excitants et nettement plus sauvages de caractère, là où Jones utilise - de manière moins surprenante - des percussions de synthé assez brutales, pour la scène où Angel se fait agresser et poursuivre par deux hommes mystérieux, ou pour une autre scène où il se fait à nouveau poursuivre dans une rue. Ces deux passages de terreur plutôt brève nous permettent de renforcer le malaise qui se crée à l'écoute de cette musique aussi bien dans le film que sur l'album. Mais comme nous l'avons déjà signalé haut dessus, c'est l'utilisation de ces battements de coeur qui maintiennent ce climat de peur psychologique incessant tout en renforçant le malaise évident qui se dégage de la musique au sein du film. Les battements de coeur sont peut être très utilisé durant tout le score de Jones, peut être même un peu trop, mais il est en revanche indéniable qu'ils participent au climat cauchemardesque de cette ténébreuse musique qui nous vient tout droit du côté le plus obscur de l'homme. Les deux scènes de cauchemar ('Nightmare' et 'Bloodmare') utilisent un choeur de femmes intriguant et lointain qui semble résonner de manière satanique (on parle beaucoup de magie noire dans le film) tout en renforçant le côté malsain de cette sombre histoire. Impossible de rester insensible à une musique aussi forte dans l'écoute isolée et à l'intérieur du film, où musique et film ne font qu'un avec une intensité rarement atteinte. (quelqu'un parlait récemment 'd'image sonore' pour décrire ce score) 'Johnny Favourite' sonne parfois plus dramatique et résigné avec ces voix qui hantent le morceau et ce sax lointain qui renforce à chacune de ses apparitions le côté dérangeant de la musique dans le film. On retrouve ce style de climat pour le final du film (scène symbolique de l'ascenseur - la descente aux enfers).

'Angel Heart' a beau être l'illustration parfaite pour le sombre film d'Alan Parker, cela n'en reste pas moins une BO généralement assez méconnue des béophiles alors que le score démontre une fois encore que Trevor Jones sait créer les ambiances parfaites pour les films qu'il met en musique, et ce quelque soit le genre (sans vraiment s'imposer dans un registre particulier, le compositeur étant à l'aise dans tous les domaines). Avec 'Angel Heart', Jones nous propose l'évocation parfaite de nos pires cauchemars les plus suffocants, une musique de la nuit profonde lorsque l'horreur est impalpable et que la peur nous guète à chaque seconde. Originale et surprenante, la BO de Trevor Jones mérite vraiment d'être découverte et redécouverte, tant le compositeur a réussi l'exploit de créer un impact très fort dans le film (la musique hante littéralement l'esprit) tout en s'amusant à créer lui même une petite énigme musicale que vous aurez tout le temps de déchiffrer en regardant le film (l'énigme du thème de sax). Atmosphérique, sinistre, étouffante, la musique d'Angel Heart ne peut laisser indifférente! Fan d'ambiances sinistres et macabres, ce score vous ravira au plus haut point!


---Quentin Billard