Réalisateur de comédies, Jon Turteltaub débarque dans le registre de la comédie romantique avec 'While You Were Sleeping' (l'Amour à tout prix) mené tambour battant par une Sandra Bullock amusante dans son rôle de jeune femme solitaire qui se retrouve embarquée dans un quiproquo hilarant. Bullock rejoint un peu le style de rôle qu'interprète Meg Ryan dans ses comédies à l'eau de rose ou Julia Roberts dans des films comme 'Pretty Woman' ou 'My Best Friend's Wedding'. L'actrice incarne ici Lucy Eleanor Moderatz, une jeune femme solitaire qui rêve du prince charmant qu'elle a trouvé en la personne de Peter Callaghan (Peter Gallagher) qui passe tous les jours devant elle où elle vend des tickets de train à son petit guichet. A la suite d'une agression, Peter tombe sur les rames du train et est sauvé de justesse par Lucy. Peter se retrouve alors à l'hôpital avec Lucy auprès de lui au moment où sa famille vient le voir. Lucy se trouve alors mêlée à un énorme quiproquo: toute la famille de Peter la prend pour son fiancée. Lucy devient très vite la grande amie de la famille qui la remercie très chaleureusement d'avoir sauvé la vie de Peter. Mais devant l'amitié que ressent ses proches pour elle, Lucy n'ose pas leur avouer qu'elle n'est pas sa fiancée. Elle fait alors la connaissance de Jack (Bill Pullman), le frère de Peter qui la trouve plutôt étrange et garde un peu ses distances avant de commencer à ressentir des sentiments pour elle, sentiments que partage aussi Lucy. Saul, le parrain de Peter découvre la vérité et demande à Lucy de ne rien leur dire, et la voilà embarqué dans ce rôle de fiancée totalement improvisé mais qui va changer la vie de Lucy. La situation s'aggrave d'ailleurs lorsque Peter sort de son coma. Assez amusante, cette charmante petite comédie ne souffre que d'un seul gros défaut: de très grosses incohérences dans le scénario. Par exemple, comment Lucy sait elle que Peter n'a qu'une seule testicule alors que ne le connaît presque pas? Pourquoi au moment où Jack lui pose la question on n'a aucune réponse? Et pourquoi Saul traite Peter de 'petit con' juste après s'être réveillé de son coma? Et comment Peter peut connaître le nom entier de Lucy alors qu'on ne le lui a jamais dit et qu'il ne la connaît même pas (on a même du mal à croire qu'il puisse la prendre aussi facilement pour sa fiancée alors qu'il ne la connaît même pas, et ce même si se parents essaient de le convaincre). Bref, il y'a des choses bizarres dans ce film mais qui ne gâche en rien le charme de cette petite comédie sympathique et sans prétention à la Nora Ephron.

Randy Edelman a toujours su se montrer particulièrement à l'aise dans le registre des comédies. Avec 'While You Were Sleeping', le compositeur nous prouve une fois de plus qu'il est l'un des plus intéressants compositeur de musique de comédie aux côtés d'un autre spécialiste du genre, Marc Shaiman. Avec des scores comédie tels que 'Kindergarten Cop', 'The Distinguished Gentleman' ou 'Beethoven', Edelman nous a longtemps depuis prouvé qu'il était un maître dans ce domaine. Pour le score de ce film de Jon Turteltaub, Edelman a crée une petit partition orchestrale à la fois touchante et amusante, une BO pleine de fraîcheur et de légèreté. Avec 'Opening', Edelman nous plonge immédiatement dans le côté frais et entraînant de sa musique avec un petit thème d'esprit swing (voire un peu jazzy) avec batterie, piano, basse (et un orgue hammond) le tout dans une ambiance cool et détendue qui nous renvoie ici très clairement au morceau 'Rain Ride' de Kindergarten Cop et qui rappelle une fois de plus le talent qu'a le compositeur pour créer ce genre d'ambiance cool dans la plupart des comédies qu'il met en musique. Le superbe 'Peter's Family' permet au compositeur d'utiliser le thème du quiproquo, thème associé au malentendu entre Lucy et la famille de Peter et qui va devoir l'obliger à jouer le rôle de la fiancée de Peter. Thème léger et sautillant, cet excellent petit thème comique illustre bien l'aspect amusant de cet énorme quiproquo. Edelman réutilisera ce thème simple et facilement mémorisable (une marque de fabrique du compositeur) tout au long du film dans les parties concernant la famille agitée de Peter. Le deuxième grand thème est évidemment l'inévitable 'Love Theme' qui illustre la relation naissante entre Lucy et Jack, thème confié aux cordes avec un piano à la Kindergarten Cop et un hautbois rêveur, un très beau 'Love Theme' dans la plus pure tradition du genre et qui donne vraiment un certain climat d'innocence et de très grande tendresse pour les quelques scènes entre Lucy et Jack qui n'ose absolument pas lui dire ce qu'il ressent (elle non plus d'ailleurs) mais dont on sent bien la complicité naître entre eux. Très touchant, le 'Love Theme' de 'While You Were Sleeping' est ce genre de thème qui pourrait évoquer nos amours de jeunesse et l'innocence de ces moments enfantins. Le 'Love Theme' nous renvoie une fois encore à un aspect majeur du style d'Edelman: une facilité étonnante pour écrire des thèmes très simples et toujours très mélodiques. Le 'Love Theme' de ce score ne fait pas exception à la règle et sera d'ailleurs très présent tout au long du film.

A noter 'An Untimely Accident' pour la scène où Lucy sauve Peter qui est tombé sur la rame du train. Ici, Edelman utilise une batterie avec un piano, basse et un harmonica (au synthé) en arrière-fond, morceau étonnant qui donne une certaine pêche dans la scène (notons la manière amusante dont le compositeur évoque le moment où le train se rapproche de plus en plus de Peter et Lucy, le compositeur évitant d'utiliser une montée de tension qui aurait juré avec le style du reste du score, décidant alors d'aborder la scène avec un certain humour). On retrouve le thème cool/swing de 'Opening' dans 'Dreaming of Florence' suivi d'un style plus tendre et romantique qui évoque le rêve de Lucy: visiter la ville de Florence en Italie, chose qu'elle ne peut pour l'instant pas se permettre (elle a un boulot minable et elle vit seule dans son appartement avec son chat -truc classique de ce style de film, parce qu'évidemment, vous savez déjà comment l'histoire se termine pour elle avant même de voir le film-). Notons 'He's Alive' qui reprend le très amusant thème du quiproquo dans une scène avec Lucy et la famille de Peter à l'hôpital où l'héroïne se retrouve une fois de plus plongée dans ce rôle de fiancée né d'un malentendu (le rôle, pas la fiancée:)) tandis que le très joli 'Riverside Walk' reprend le 'Love Theme' du score pour les moments amicaux que passent ensemble Jack et Lucy (notons ce petit motif paisible avec du synthé qui double le piano comme dans 'Beethoven' qui sonne comme un petit glokenspiel) On retrouve le côté comique du score dans 'A Testicular Situation' qui reprend le thème swing de 'Opening' pour la scène où Lucy dit à la famille de Peter que ce dernier n'a qu'une seule testicule.

Edelman continue ainsi à prolonger cette alternance entre passages comiques et moments intimes/romantiques comme dans le très joli' Jack and Lucy' (reprise du motif au piano de 'Riverside Walk' évoquant la complicité naissante entre les deux amis). On regrettera le fait qu'Edelman ne développe jamais son thème du quiproquo et ne se contente que de l'aligner morceau après morceau sans aucun changement particulier (quelque chose qu'Edelman fait toujours d'ailleurs -est-ce par paresse ou est-ce simplement son style?). Ainsi donc, on le retrouve une fois encore inchangé dans 'Leave It To Sol' (il est marrant de constater qu'en 1997 Randy Edelman composera la musique d'un film nommé 'Leave It To Beaver'. C'est probablement une coïncidence) où Saul s'adresse à Peter après son réveil et lui demande de jouer le jeu avec Lucy (Notons cependant une version plus lente de ce thème amusant dans 'Sound Advice'). 'Tear Jerking Tale' intervient dans la scène de l'église où Lucy s'oppose au mariage avec Peter et dévoile enfin toute la vérité (belle reprise du 'Love Theme' au piano/cordes), le thème swing réapparaissant dans 'Bumpy Encounter' et une ultime reprise du très chantant 'Love Theme' pour le final du film.

'While You Were Sleeping' n'a qu'un seul défaut: la musique manque s'avère être un peu trop simpliste et manque énormément de développement, de sophistication, deux grands défauts du compositeur qui font aussi le charme indéniable de sa musique. Les trois thèmes du score sont tous très réussis et la musique de Randy Edelman illustre à merveille le côté à la fois comique et romantique du film de John Turteltaub. Edelman nous prouve une fois encore qu'il sait se montrer particulièrement à l'aise dans le registre de la comédie légère. Les fans du compositeur ne pourront d'ailleurs qu'apprécier ce petit score très sous-estimé mais les autres risquent fort de ne pas vraiment apprécier cette petite partition romantique sans prétention. Quoiqu'il en soit, 'While You Were Sleeping' fait partie des excellentes BO de comédie de Randy Edelman à conseiller pour tout ceux qui apprécient les travaux du compositeur.


---Quentin Billard