1-Main Title+ 5.04
2-Backlot 1.06
3-Mr.Lugosi/Hypno Theme 1.56
4-Beware++ 0.56
5-Glen or Glenda 1.18
6-Eddie, Help Me* 1.56
7-Elmogambo 3.20
8-Bride Of The Monster 1.17
9-I Have No Home++ 1.20
10-Kuba Mambo** 1.53
11-Nautch Dance*** 1.27
12-Angora 1.23
13-Sanitarium* 3.42
14-Ed & Kathy 1.28
15-Elysium* 2.16
16-"Grave Robbers" Begins 1.16
17-Lurk Him 1.04
18-Ed Takes Control+ 4.06
19-Eddie Takes A Bow 1.00
20-This Is The One 1.58
21-Ed Wood (Video) 3.22

*Inclut extraits tirés du
'Lac des Cygnes' de
Pyotr Ilyich Tchaïkovsky
**Composé par Perez Prado
***Composé par Korla Prandit
+Inclut dialogues de
Jeffrey Jones dans le
rôle de Criswell
++Inclut dialogue de
Martin Landau dans le rôle de
Béla Lugosi.

Musique  composée par:

Howard Shore

Editeur:

Hollywood Records
162 002-2

Album produit par:
Howard Shore
Producteur associé:
Ellen Segal
"Ed Wood (Video)"
Produit par:
Hal Willner
Arrangé par:
Greg Cohen
Musique montée par:
Ellen Segal, Angie Rubin

In Memory of Henry Mancini
(1924-1994)

Artwork and pictures (c) 1994 Buena Vista Pictures/Touchstone Pictures Music and Songs Inc. All rights reserved.

Note: ****
ED WOOD
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Howard Shore
Adaptation très réussie de la vie du plus mauvais réalisateur de tous les temps, 'Ed Wood' de Tim Burton nous raconte l'univers cinématographique excentrique et farfelu de Edward D.Wood Jr., le réalisateur américain le plus impopulaire de son époque. Campé autour de grands acteurs menés par un Johnny Depp totalement convaincant dans la peau de ce personnage étrange, Burton mène son film de manière fort intéressante, nous montrant l'envers du décor et la manière - souvent fort misérable - dont se déroulaient les tournages des films du réalisateur. Martin Landau est inoubliable dans le rôle de Bela Lugosi, célèbre acteur d'origine Hongroise qui incarna 'Dracula' en 1931 dans le film de Ted Browning (un rôle qui lui collera à la peau toute sa vie). Burton nous trace alors quelques morceaux de la vie d'un réalisateur encore jeune à l'époque, partant de productions misérables pour le théâtre pour aboutir à 'Plan 9 From Outer Space' (1958), probablement le seul film réellement populaire de ce très mauvais réalisateur pourtant devenu légendaire à Hollywood (il est aujourd'hui adulé par de nombreux fans de série-B et série-Z). On retiendra la dernière séquence du tournage de 'Plan 9 From Outer Space', un grand moment de cinéma dans lequel Tim Burton fait une analyse minutieuse des différents petits trucages occasionnels du réalisateur qui pensait faire là son chef d'oeuvre. (le film fut sacré beaucoup plus tard comme étant le 'plus mauvais film de tout les temps') Burton nous dépeint aussi les amis étranges qui entourèrent ce personnage hors du commun, et pas seulement Béla Lugosi (qui fut son grand ami jusqu'à sa mort en 1956, deux ans avant que Wood ne tournent 'Plan 9 from Outer Space'), Ed Wood étant lui même un type étrange qui avait comme habitude de s'habiller régulièrement en femme (mais il n'était pas homosexuel comme on pouvait bien le croire). Evidemment, comme toute reconstitution, il y'a quelques petites erreurs et quelques oublis mais rien de bien fâcheux. Burton s'est attaché le plus prêt possible à tous les détails de l'histoire du plus mauvais réalisateur d'Hollywood. Johnny Depp est splendide une fois encore, entièrement dévoué à son rôle, extrêmement convaincant sans parler de Martin Landau et de sa ressemblance assez troublante avec Béla Lugosi. Si la fin peut paraître un peu brusque et rapide, l'ensemble du film est finalement très touchant, encore plus lorsque l'on se rend compte dans quelle galère Wood entraînait ses amis sur les tournages catastrophiques et pathétiques de ses films. Malgré un certain humour noir (très présent grâce à la musique d'Howard Shore), le film est finalement assez triste car il nous montre un jeune réalisateur plein de fougue, d'audace et d'énergie, une sorte de gamin turbulent qui croit de manière inflexible en ses rêves et qui est réellement convaincu de faire des bons films alors que la réalité est toute autre. Burton nous donne une vision à la fois infantile et excentrique de ce personnage farfelu qui n'a jamais eu de talent dans ce métier et qui se battit pourtant toute sa vie pour faire produire et réaliser ses films (sur plus de 20 ans de métier, il n'a fait que 15 films ce qui est extrêmement peu pour l'époque). De même, on y voit un Béla Lugosi totalement pathétique dans ce vieil acteur au bout du rouleau et usé par la drogue mais qui vivra quand même une amitié poignante avec Wood qui le soutiendra jusqu'à la fin de sa vie (les scènes où Wood fonce aider son ami déchiré par la drogue sont vraiment très touchantes), lui rendant d'ailleurs hommage dans 'Plan 9 From Outer Space'. Au final, 'Ed Wood' est un excellent film, un film vraiment passionnant, et l'on comprends aisément pourquoi Burton a choisi de parler de ce personnage étrange puisque quelque part, l'excentricité réputée du réalisateur rejoint celle d'Edward D.Wood.

Chose étonnante, ce n'est pas l'habituel complice de Tim Burton, Danny Elfman qui composa la musique pour 'Ed Wood' mais bien Howard Shore, totalement inattendu sur ce film (Elfman s'est en fait disputé avec Burton et a refusé de lui écrire sa musique. C'est le seul film de Burton où Elfman a refusé de composer la musique). Habitué aux productions d'horreur psychologiques de David Cronenberg, Shore a toujours montré son goût pour l'éclectisme et la diversité. Avec 'Ed Wood', le compositeur canadien a rendu fièrement hommage à la musique des film de science-fiction/fantastique des années 50. Malgré l'absence d'Elfman, on sent tout de même la petite touche 'Burtonienne' dans la musique de Shore et ce surtout dès le générique de début. Le film s'ouvre après le monologue d'introduction de Jeffrey Jones (Criswell) sur une musique mystérieuse rythmé par des petits tambours exotiques sur fond d'orchestre mené par un théremin comme à l'ancienne. Ce côté très fantaisiste et la manière dont le générique de début se déroule nous renvoie très clairement aux travaux farfelus de Danny Elfman sur les premiers grands films fantaisistes de Tim Burton (l'ironie veut qu'en 1996, Elfman adopte une approche similaire sur le Main Title d'un autre film de Burton, 'Mars Attacks!'). C'est l'utilisation ultra kitsch du théremin (instrument crée par l'ingénieur russe Leon Theremin en 1919) qui donne le côté très 'musique de film Hollywoodienne sci-fi/fantastique des années 50', cet instrument très particulier ayant été maintes fois utilisé durant cette époque pour évoquer les ambiances étranges et mystérieuses des productions fantastiques (on pense par exemple à ce qu'a fait Bernard Herrmann sur 'The Day The Earth Stood Still - 1958, la même année que 'Plan 9 From Outer Space'), sans oublier le fait que Shore a aussi recours à un instrument que l'on rapproche souvent du théremin, les Ondes Martenots (à vrai dire, difficile dans le film de faire la différence entre les deux instruments même si le théremin est beaucoup plus utilisé tout au long du film). En recréant l'ambiance des musiques des vieux films de l'époque, Shore évoque à travers cet excellent 'Main Title' très rythmé l'univers cinématographique du réalisateur, le théremin étant un des nombreux artifices de cet univers qui fleure bon l'apogée du kitsch aujourd'hui. (NB: pour 'Plan 9 from Outer Space', on compte pas moins de 10 compositeurs crédités à la musique du film, et aucun d'eux n'a vraiment brillé dans le domaine...)

La thématique n'est pas le mot d'ordre du compositeur même si l'on trouve le 'Hypno Theme' pour la séquence où Wood regarde un film de Lugosi avec l'acteur lui même tandis que ce dernier se met à imiter Dracula, son rôle qui l'a rendu célèbre dans le milieu du cinéma. On notera l'utilisation des Ondes Martenots (qui donne aussi un côté très kitsch à la musique) avec les cordes et les vents dans un registre plutôt mystérieux et pseudo-inquiétant. En fait, il y'a une espèce d'humour noir très présent tout au long de la partition du compositeur, un humour noir renforcé par quelques petites astuces du compositeur. Par exemple, on remarquera le fait que Shore utilise à trois reprises le célèbre thème du 'Lac des Cygnes' de Tchaïkowsky lors des scènes de détresse de Lugosi et Wood qui vient aider son ami complètement défoncé à la Morphine. En fait, il s'agit d'un clin d'oeil ironique au 'Dracula' de Tod Browning puisque le même morceau était déjà utilisé dans le film de 1931 avec les séquences concernant Béla Lugosi. Shore a donc décidé d'associer le thème de Tchaïkowsky aux moments plus dramatiques de la vie de Lugosi, comme pour évoquer le fait que la 'belle' époque de 'Dracula' se trouve loin derrière lui et que l'acteur se rapproche de sa mort. Effectivement, le célèbre thème du compositeur russe sonne plutôt triste et résigné dans l'arrangement qu'en fait Shore au sein de son orchestration mettant plutôt ici en valeur le pouvoir dramatique des cordes résignées. Cette petite astuce a de quoi susciter l'intérêt quand à l'intérêt de cette partition étonnante et assez surprenante.

'Backlot' introduit avec un petit rythme de tambours une sorte de rythme de mambo assez enjoué alors que Wood est encore tout jeune et traverse un studio de cinéma en transportant un petit arbuste pour un tournage. Shore évoque ici la fraîcheur de la jeunesse du réalisateur qui n'en est encore qu'au stade de petites pièces de théâtre d'amateur (comme ses films en fait). Notons 'Glen or Glenda', envolée orchestrale entendu lors du tournage du film de Wood comme si la musique avait déjà été composé et montée dans le film (encore une autre astuce du compositeur). En fait, il s'agit de la musique de Shore qui retrouve brièvement ici le style symphonique des partitions plus lyriques des années 50 même si le passages est assez bref. La montée orchestrale sonne presque triomphante ici comme pour montrer l'accomplissement du film et la satisfaction que ressent Wood sur le tournage du film (alors qu'il s'agit une fois encore d'une daube sans nom, ce qui fait que le morceau possède un côté une fois encore assez ironique dans la scène). Notons 'Elmogambo', petite pièce de mambo diffusé lors d'une autre scène de préparation de tournage de film (avec une petite trompette soliste un peu jazzy), le mambo évoquant une fois encore le côté fougueux et infantile de ce 'gosse' qui réalise son rêve en tournant des films (et donnant aussi un côté un peu humoristique à la musique).

On retrouve l'ambiance musique de science-fiction à l'ancienne dans 'Angora' avec les sonorités orchestrales sombres et l'utilisation mystérieuse du théremin tandis que 'Sanitarium' sonne plus sombre en décrivant de manière inquiétante la scène où Lugosi part faire sa cure de désintoxication, les cordes/cuivres possédant ici un côté à la fois dramatique et résigné, quelque chose d'en tout cas extrêmement sérieux par rapport à certaines touches d'humour que l'on a put entendre avant. Shore nous offre quelques rares moments de romantisme dans 'Ed and Kathy', scène où Wood discute avec Kathy (Patricia Arquette) dans la scène de l'attraction du train fantôme avec un côté intime entre cordes/vents qui rappelle beaucoup le style de musique que Shore écrit pour la petite comédie 'Nobody's Fool', composé la même année que 'Ed Wood'). Après la mort de Lugosi, on a un passage funèbre plutôt triste dans 'Elysium' (notons ici le rappel du thème de Tchaïkowsky avec l'utilisation d'une cithare hongroise pour évoquer les racines Hongroises de l'acteur). La dernière partie du film commence avec 'Grave Robbers' Begins' encore dans son style entraînant avec un petit rythme de tambours évoquant l'agitation de Wood et le côté toujours farfelu du personnage qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour pouvoir tourner son prochain film, 'Plan 9 from Outer Space'. Dans 'Lurk Him', Shore prolonge l'exercice de style de la musique de film années 50 en choisissant ici un style plus 'musique de film d'horreur' à l'ancienne, entre cordes tendues et cuivres menaçants et bien conventionnels, évoquant une fois encore le tournage du film de Wood et le personnage de Tom Mason censé se faire passer pour Béla Lugosi qui est mort bien avant le début du tournage du film. C'est 'Ed Takes Control' qui nous amène au final du film. Le morceau se structure en fait sous la forme d'une petite fanfare militaire assez triomphe évoquant la détermination absolue du réalisateur qui veut coûte que coûte terminer son film sans qu'on lui impose quoique ce soit. Evidemment, ce morceau ironiquement triomphant (un faux triomphe en fait, quand on sait de quel navet le réalisateur a accouché) dans la scène possède un certain décalage, un second degrés qui renvoie plus à l'état d'esprit du personnage qu'à la scène en elle même qui n'a rien de franchement très triomphante (les décors sont pourris, les acteurs sont médiocres, les effets techniques sont lamentables, etc...) Shore prolonge ce climat triomphant dans 'Eddie Takes A Bow' pour la première du film en donnant un côté plutôt pompeux et solennel à cette scène qui apparaît comme une sorte de concrétisation pour le réalisateur. On retrouve finalement le style plus lyrique à l'ancienne dans 'This Is The One', lorsque Wood se dit qu'il a enfin accomplit le seul film que l'on retiendra de lui et qui le rendra populaire.

Au final, 'Ed Wood' apparaît comme un score surprenant et assez original, un score dans lequel Howard Shore s'est livré à un exercice de style minutieux qui rend clairement hommage à l'univers musical des vieilles musiques des films de science-fiction/fantastique/horreur des années 50 à Hollywood. Ultime hommage kitsch à cette époque révolue, 'Ed Wood' est aussi une partition très second degrés facile à percevoir même à la première écoute dans le film. Le score possède aussi quelques moments plus émouvants, notamment lorsque le compositeur évoque l'amitié poignante entre Lugosi et Wood ou lorsque Shore nous amène quelques rares moments plus intimes. Partition surprenante dans la filmographie très éclectique d'Howard Shore, 'Ed Wood' est ce style de BO qui devrait gagner à être plus connu (et reconnu) surtout depuis le récent succès du compositeur pour sa musique de 'The Lord of The Rings'. Un petit bijou à découvrir d'urgence!


---Quentin Billard