1-Nick Of Time - Main Title 2.54
2-Union Station:
The Innocents Arrive 1.54
3-Rough Ride Down 3.17
4-What's My Poison? 1.59
5-Metal Non-Detection 1.55
6-The Look Of Death 2.18
7-Suite Dream 1.49
8-The Men's Room 2.27
9-A Very Big Target 1.50
10-I Give You The Governor 2.19
11-1.30 2.43
12-I Could Make You A Killer 1.47
13-Survival Of The Innocents 3.02

Musique  composée par:

Arthur B.Rubinstein

Editeur:

Milan Records
73138 35737-2

Album produit par:
Arthur B.Rubinstein
Montage de la musique:
Abby Treloggen
Assistant montage:
Denise Okimoto
Préparation de la musique:
Bob Bornstein
Superviseur de l'album:
David Franco
Producteurs exécutifs Milan:
Emmanuel Chamboredon,
Toby Pieniek

Artwork and pictures (c) 1995 Paramount Pictures/Milan Entertainment, Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
NICK OF TIME
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Arthur B.Rubinstein
Réalisateur de téléfilms et autres série-B diverses, John Badham s'est spécialisé depuis quelques années dans les séries-B d'action ('Drop Zone', 'Bird on a Wire', 'The Hard Way', 'Stakeout', 'Point of No Return', etc.). Metteur en scène tout à fait quelconque, Badham a néanmoins réussi un excellent thriller en 1995: 'Nick of Time' (Meurtre en suspens). Avec une mise en scène très captivante et un suspense omniprésent du début jusqu'à la fin, 'Nick of Time' est un thriller tendu dans la plus pure tradition du genre, sa particularité étant que l'histoire est filmée en temps réel, à l'instar du fameux 'High Noon' (1952) de Fred Zinnemann. Johnny Depp interprète Gene Watson, un modeste comptable tout à fait ordinaire qui revient des funérailles de son ex-femme accompagné de sa petite fille de 6 ans. Les ennuis commencent pour Watson alors que deux inconnus l'abordent soudainement et l'emmènent discrètement dans une camionnette avec sa fille. Mr.Smith (excellent Christopher Walken, comme d'habitude) et sa complice Ms. Jones (Roma Maffia) kidnappent sa fille et contraignent alors Watson à prendre un revolver pour tuer le gouverneur sortant qui va faire son discours dans une heure et 15 minutes. L'histoire se déroule donc pendant 90 minutes filmée en temps réel et pendant ces 90 minutes (on enlève la vingtaine de minutes d'introduction du film), Watson sera soumis à cet odieux chantage: s'il ne tue pas le gouverneur, dans une heure et 15 minutes, sa fille mourra. Le compte à rebours infernal commence alors, et c'est le début de l'enfer pour Gene Watson qui sera sans cesse épié et suivi par Mr.Smith, ce dernier s'assurant ainsi qu'il n'essaie pas de l'entourlouper et que Watson fasse ce qu'il lui a ordonné. Mais notre héros est bien décidé à ne pas se laisser faire et va tenter de trouver quelqu'un qui puisse l'aider. Finalement, Watson ne va pas tarder à découvrir que derrière cet immonde chantage se cache un gigantesque complot visant à assassiner la gouverneur Eleanor Grant, complot dans lequel beaucoup de personnes sont mêlés, y compris le propre mari d'Eleanor. Suspense, tension, course contre la montre et rebondissements sont les maîtres mots de cette petite série-B/thriller dans laquelle chaque minute compte pour le héros. On sent très fortement la sensation du temps qui passe et de la tension qui ne cesse d'augmenter, allant crescendo du début jusqu'à la fin de cette sombre histoire. Christopher Walken et Johnny Depp forment un duo d'ennemis parfaits dans ce film et même si l'ensemble n'a rien de franchement très original (le principe du déroulement de l'histoire en temps réel a déjà été fait auparavant), le tout se regarde avec intérêt, notamment grâce à une mise en scène certes banale mais pourtant très captivante.

Le compositeur Arthur B.Rubinstein s'est surtout spécialisé dans les musiques pour des téléfilms, mais sa collaboration avec John Badham lui a permit d'écrire quelques uns de ses meilleurs scores (les deux hommes se connaissent depuis l'Université). 'Nick of Time' reste à ce jour son meilleur score écrit pour un film de Badham (et aussi sa BO la plus connue). Leur première collaboration remonte à 'Whose Life Is It Anyway ?' (1981) et s'est poursuivi ensuite avec 'Blue Thunder' (1983), 'WarGames' (1983), 'Stakeout' (1987), 'The Hard Way' (1991) et 'Another Stakeout' (1993). Pour leur sixième collaboration ensemble, Rubinstein a écrit un score orchestral soutenu par quelques synthétiseurs et un choeur d'enfants évoquant la menace qui pèse sur la fille du héros tout au long du film. Dans le livret de l'album, Badham précise que Rubinstein et lui même ont décidés de faire appel ici à un orchestre afin d'augmenter le côté humain de l'histoire, puisqu'à l'original du suspense de 'Nick of Time' se trouve un jeune père qui va tenter désespérément de résoudre ce terrible dilemme dans l'espoir de sauver sa fille. L'utilisation de l'orchestre pour ce score peut paraître tout à fait banal en soi sauf que la plupart des scores composés pour les films de Badham étaient pour l'essentiel écrits au synthé. (probablement en raison d'un budget assez faible) 'Nick of Time' est à l'image même du film: un score qui retranscrit l'idée du compte à rebours avec un suspense et une tension allant crescendo jusqu'au final du film. Avec un petit orchestre de 89 musiciens plus un choeur d'enfants et quelques synthés, Rubinstein évoque à merveille le dilemme particulièrement tendu auquel Watson se retrouve confronté malgré lui: tuer la gouverneur et sauver sa fille ou refuser de devenir un tueur en risquant de ne plus jamais revoir sa fille. Avec son excellent 'Main Title', le compositeur résume à merveille tout le concept du film (et de l'histoire) en moins de 3 minutes: s'ouvrant sur un petit motif de 4 notes au synthé imitant à la fois un son léger proche d'une boîte à musique et le son d'une montre (toujours dans l'idée du compte à rebours et du temps qui passe dangereusement), c'est le choeur d'enfants qui introduit le thème principal, thème enfantin exposé sous la forme d'une petite berceuse innocente soutenu par des cordes en suspens (autre astuce du compositeur visant à évoquer le 'meurtre en suspens', une idée qu'il développera surtout dans les passages suspense du score). Mais très vite, et au fur et à mesure que les images du générique de début font défiler à la foi des plans d'un revolver et des engrenages d'une pendule (deux symboles résumant parfaitement le concept du film), le thème devient nettement plus sombre et se veut plus pressant: l'ostinato rythmique posé par le compositeur se retrouve renforcé par des cloches et le morceau se prolonge alors dans un crescendo de tension sur une grande dissonance orchestrale avec un sombre motif de 2 notes au choeur directement repris de la 'tête' du thème principal (Rubinstein utilisera ce motif de 2 notes tout au long du film et dans les moments les plus tendus du score). Le morceau finit alors au son de coups de cloches qui sonnent de manière quasi funèbres, comme pour annoncer le début du terrifiant compte à rebours; on est toujours dans l'optique ici de l'idée des minutes qui passent les unes à la suite des autres, Watson se rapprochant de plus en plus de l'heure fatidique de 13 H 30, heure à laquelle il devra avoir tué la gouverneur, et c'est grâce à ses différentes petites astuces musicales que Rubinstein arrive à retranscrire l'idée du compte à rebours et de l'engrenage mortel dans lequel se retrouve pris Watson et sa fille.

Le héros et sa jeune fillette arrivent au début du film dans la gare de l'Union Station. Avec 'The Innocentes Arrive', Rubinstein décrit de manière très simple le côté innocents des deux personnages avec un petit motif léger de synthé même si les cordes sont là pour évoquer de manière habile la menace sous-jacente qui pèse déjà sur le père et sa fille. 'Union Station: The Innocents Arrive' est un des rares passages tendre du score, le reste de la partition étant essentiellement composé de morceaux de suspense avec quelques parties d'action particulièrement tendues. Le compte à rebours commence alors dans 'Rough Ride Down' alors que Watson se retrouve dans un taxi et se rend à l'hôtel où la gouverneur va faire son discours afin d'accomplir sa dangereuse mission. Dans le livret de l'album, le compositeur précise que c'est grâce au tempo de ces morceaux et à la métrique parfaitement scandée qu'il a réussi à retranscrire l'impression d'un chronomètre ou d'une montre qui fait son 'clic' au fur et à mesure que le temps passe:

"J'ai fait volontairement en sorte que l'on puisse entendre les percussions compter chaque temps, chaque battement étant associé à une seconde."

Le compositeur parle aussi du tempo de ses morceaux en précisant la chose suivante:

"Au moins 95% du score est composé entre 60 ou 120 battements par minute."

Et sur ce plan là, Rubinstein a parfaitement atteint son objectif en évoquant l'idée des minutes qui passent dangereusement pour le héros (notons aussi le nombre de plan dans lequel le réalisateur filme un élément qui nous rappelle l'heure, une pendule, une montre, etc.). Si 'Rough Ride Down' décrit la situation cauchemardesque de Watson en créant une sorte de sensation d'oppression et de suspense, 'What's My Poison?' continue lui aussi d'évoquer la menace qui pèse sur la fille de Watson dans la scène où le héros tente d'aller récupérer sa fille alors que Ms.Jones pointe un revolver sur elle. Le compositeur accentue les tenues dissonantes de l'orchestre avec ces quelques pointes de synthé pour augmenter la tension. Quand à 'Metal Non-Detection', il évoque lui aussi une situation de suspense/tension alors que Watson se retrouve à un détecteur de métal qui ne se déclenche pas alors qu'il a le revolver dans sa poche (c'est à ce moment là que l'on comprend qu'il s'agit en fait d'un complot et que beaucoup de personnes sont dans le coup). Ici aussi, Rubinstein accentue les dissonances de son orchestre avec ces cordes tendues, du synthé toujours très présents et quelques percussions avec des cuivres tour à tour menaçants et agressifs. A propos des orchestrations, il faut rappeler le fait que le compositeur a tenu à mettre de côté les vents afin de ne surtout pas donner une sensation quelconque de 'légèreté' au sein de sa partition, toujours dans l'optique de conserver le plus possible une certaine dureté dans son score (qui doit avant tout évoquer la tension et le suspense du film), conservant les cordes, les percussions, les cuivres et les harpes.

'Metal Non-Detection' commence à développer un motif déjà entendu très brièvement auparavant, un sinistre motif de 5 notes associé à la 'menace'. Ce thème de la menace deviendra particulièrement puissant dans le superbe 'The Look Of Death'. Dès le début du morceau, Rubinstein installe un climat de suspense quasiment malsain avec quelques brèves du choeur d'enfants qui semble mystérieusement voler dans les airs. Dans cette séquence, Mr.Smith tue Krista Brooks (Gloria Reuben), l'assistante du gouverneur, Watson réussissant alors à fuir en tuant tout le monde jusqu'à ce que Mr.Smith l'attrape et le jette du haut du bâtiment, faisant un terrifiant plongeon dans le vide. Il s'agit en fait d'une séquence de cauchemar illustré avec un des rares passages d'action du score, probablement l'un des morceaux le plus excitant de tout le score. Avec une rythmique martelée et des percussions de synthé très 'action', ce sont les cuivres qui font entendre à leur tour le thème de la menace, exposé ici de manière très excitante, le morceau finissant de manière très chaotique pour le 'réveil' brutal de Watson. 'Suite Dream' reste dans le même ordre d'idée, et l'on sent déjà très bien ici un certain climat d'urgence alors que la tension ne cesse d'augmenter et que le héros se rapproche de plus en plus de l'heure fatidique.

Avec 'The Men's Room' commence alors la 'contre-attaque' de Watson qui va tenter de trouver de l'aide auprès de Huey (Charles S.Dutton), un modeste cireur de chaussures de l'hôtel qui va faire appel à ses amis pour lui venir en aide. En posant une basse de synthé assez cool avec quelques percussions, Rubinstein évoque les préparatifs de "l'opération" alors que Watson change de vêtements pour se déguiser en groom en se rendant dans la chambre du gouverneur afin de l'alerter sur ce qu'il va se passer pour elle dans une trentaine de minutes si elle maintient toujours son speech. On se rapproche alors dangereusement de la fin avec 'A Very Big Target' amorcé par une sinistre tenue de cordes et un rythme de percussions martelé par des timbales et un ostinato de caisse évoquant l'inexorabilité de la situation où Watson ne peut plus reculer désormais. La tension monte alors d'un cran avec 'I Give You The Governor', alors que Mr.Smith est monté à l'étage du dessus et s'apprête à tuer lui même la gouverneur à la place d'un Watson de plus en plus hésitant. Avec quelques touches électroniques particulièrement tendues (notons cette utilisation de sons évoquant le souffle humain), la 'machine' se met alors en marche au son d'une montée orchestrale violente débouchant sur l'excitant '1.30', autre excellent passage d'action du score pour la séquence de la fusillade lors du discours d'Eleanor Grant. Rubinstein reprend alors le thème de la menace tel qu'il l'utilisa dans 'The Look Of Death' mais en le rendant ici encore plus violent et brutal, et le cauchemar trouve alors sa conclusion sur le superbe 'I Could Make You A Killer' qui commence sur un rythme orchestral excitant et soutenu, (repris du début de 'The Men's Room') la tension atteignant ici son paroxysme alors que Gene Watson n'a plus qu'un seul but dorénavant: sauver sa fille coûte que coûte. On respire enfin avec 'Survival Of The Innocents' pour l'inévitable happy-end du film qui reprend finalement le thème enfantin du 'Main Title' avec le choeur d'enfants pour le générique de fin du film (le morceau finit quand même de manière assez sombre).

BO thriller dans la plus pure tradition du genre, 'Nick of Time' reste un effort solide de la part d'un compositeur peu connu qui a quand même réussi là une BO assez captivante même si l'ensemble n'a rien d'un grand chef d'oeuvre. La partie orchestrale sonne par moment assez 'restreinte' (89 musiciens, ce n'est pas grand chose comparé aux 100 musiciens de la plupart des grandes oeuvres musicales Hollywoodiennes!) tandis que les synthés sonnent quand à eux très MIDI. Mais l'ensemble est vraiment maîtrisé avec un effort particulier de la part du compositeur pour retranscrire tout le suspense et la tension de l'histoire au sein du film (il y'a 54 minutes de musique sur les 90 minutes du film mais chaque morceau possède un impact assez fort à l'écran) tout en évoquant la sensation terrifiante de ce compte à rebours mortel et inexorable. Arthur B.Rubinstein a incontestablement réussi là l'une de ses plus intéressantes BO, un score qui mérite d'être découvert si vous ne connaissez pas encore ce musicien assez méconnu du public béophile en général.


---Quentin Billard