1-Silent Love (Main Theme) 6.52
2-Clifside Waltz I 3.59
3-Island Song 3.59
4-Silent Love (In Search
Of Something) 1.09
5-Bus Stop 5.10
6-While At Work 1.22
7-Clifside Waltz II 3.44
8-Solitude 1.12
9-Melody Of Love 1.41
10-Silent Love (Forever) 3.30
11-Alone 1.04
12-Next Is My Turn 0.45
13-Wave Cruising 4.02
14-Clifside Waltz III 3.41

Musique  composée par:

Joe Hisaishi

Editeur:

Toshiba EMI TOCP-6907

Musique produite par:
Joe Hisaishi
Arrangée par:
Joe Hisaishi


Note: ****
ANO NATSU, ICHIBAN
SHIZUKANA UMI
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joe Hisaishi
Troisième film du génial Takeshi Kitano, 'Ano natsu, ichiban shizukana umi' (A Scene At The Sea') marque un brusque changement de direction après 'Violent Cop' (1989) et '3-4x jugatsu' (1990), deux films qui mélangeaient monde violent des yakuzas (gangsters japonais) avec poésie typique du réalisateur. Pour son troisième film, Kitano (qui est lui même monteur et producteur de son film) décida de ne pas apparaître à l'écran et de céder la place à une certaine pureté narrative dégagé de toute référence à la violence et aux yakuzas. Dans sa volonté de traiter l'histoire de manière lente et simple sans aucun artifice de mise en scène et avec un montage lent et posé, 'A Scene At The Sea' annonce déjà le futur chef d'oeuvre que sera 'L'été de Kikujiro', un film dans la même veine narrative avec un duo de personnages simple et une mise en scène extrêmement épurée et paisible. C'est probablement la tranquillité de 'A Scene At The Sea' qui rend ce film aussi attachant, comme si le réalisateur souhaitait une sorte de retour aux sources, un retour au calme, à la tranquillité, un retour aux jours heureux, loin du monde brutal et sauvage auquel il nous avait habitué sur ses premiers films (par la suite, Kitano tentera de concilier les deux avec 'Sonatine' et 'Hana-Bi' entre autre...). Dans la collection Kitano dirigé par le réalisateur Christophe Gans, une note de Stephen Sarrazin nous décrit la 'face cachée' de Takeshi Kitano, réalisateur inspiré au style très personnel mais qui est aussi un ancien animateur japonais d'émissions télé plutôt "volubile et expansif, auquel s'oppose un style de mise en scène fondée sur l'économie et la rigueur". Sarrazin nous explique qu'il y'a un autre clivage dans l'oeuvre cinématographique de Kitano, entre le monde brutal et sauvage de yakuzas et les films plus modestes comme 'Kids Return' ou 'A Scene At The Sea', films dans lesquels le réalisateur se penche sur la jeunesse japonaise en évitant de 'monopoliser' l'écran. (Kitano réussira l'exploit de combiner sa double facette dans 'L'été de Kikujiro') 'A Scene At The Sea' repose sur l'histoire simple de Shigeru, un jeune homme accompagné fidèlement de sa petite amie, tout deux sourds-muets de naissance et qui vivent leur handicap avec une tendresse spéciale qui les unis quoiqu'il arrive. Shigeru est un modeste éboueur qui mène sa petite vie tranquille avec sa petite amie jusqu'à ce qu'il découvre un jour une planche de surf abîmée au milieu des ordures. Attiré par l'océan (toute l'histoire se passe au bord de la mer), Shigeru se met alors en tête de se lancer dans le surf, et ce de manière tout à fait spontanée, et à force d'efforts, le jeune sourd-muet arrivera à maîtriser sa nouvelle passion jusqu'à la compétition finale de surf vers la fin du film. Mais tout n'est pas rose dans ce film, et même si 'A Scene At The Sea' est un film extrêmement paisible et tranquille, les éléments dramatiques typiques du réalisateur apparaissent une fois encore dans ce film. Ainsi, on assistera à une brève rupture entre les deux amants vers le milieu du film et à la disparition tragique finale de Shigeru en guise de conclusion amère de ce magnifique récit d'un individu pris entre deux passions: sa petite amie et le surf. On voit aussi à quel point le héros finit par se faire 'bouffer' par sa passion qui grandit de jour en jour, Shigeru finissant même par ne plus venir travailler pour se consacrer entièrement au surf (Shigeru décide quelque part de profiter de la vie en délaissant son petit train-train quotidien pour se consacrer à sa passion avec celle qu'il aime: chacun interprète le message du film comme il le sent, mais on peut quand même sentir ici les ébauches d'une belle leçon de vie).

L'aspect le plus touchant de 'A Scene At The Sea' reste l'intrigue avec la petite amie du héros, jeune fille silencieuse qui possède toujours un regard extrêmement expressif, entre tendresse et inquiétude. La petite amie de Shigeru assistera à la naissance et à l'épanouissement de la nouvelle passion de son fiancé sans se douter de la fin tragique que ce dernier connaîtra. Le film est aussi important puisqu'on y retrouve un autre thème majeur du cinéma de Kitano: la mer. Effectivement, et comme le titre du film l'indique (traduit en français, cela donne: 'cet été, la mer la plus calme') 'A Scene At The Sea' se déroule entièrement sur une plage au bord de la mer, une des 'obsessions' du cinéma de Kitano depuis son tout premier film, 'Violent Cop' (1989) et que l'on retrouve tout au long de ses différents films (surtout dans 'Sonatine'). La mer apporte en elle même cette tranquillité avec le calme paisible et irremplaçable du son des vagues, tranquillité qui rejoint la mise en scène épurée et paisible du film mais que l'on retrouve aussi dans le mutisme des deux personnages qui ne communiquent presque qu'à travers des regards et quelques gestes utilisés avec parcimonie. Effectivement, leur relation est assez spéciale puisque les deux amants ne se touchent presque jamais et sont plutôt proche d'une relation Platonique: leur regard est très important dans ce film. Effectivement, Kitano privilégie de nombreux plans où l'on voit les deux héros scruter l'horizon ou observer de manière paisible un objet, un personnage ou un élément quelconque du décor, comme si leur seul moyen de communiquer reposait sur le regard, ce regard tranquille qui semble toujours contempler sereinement l'horizon maritime, comme si Shigeru répondait hypnotisé à l'appel de la mer (il disparaît en faisant du surf à la fin du film, ce qui peut nous faire penser ici à une métaphore de cet appel de la mer qui finit par l'emporter sur le jeune sourd-muet. Cela peut aussi signifier que le jeune héros est allé jusqu'au bout de sa passion et qu'il a enfin accompli son rêve). Inlassablement, le temps passe lentement dans ce film reposant entièrement sur cette relation entre les deux jeunes amants et sur les nombreuses scènes de surf du film. Kitano nous livre finalement ici un de ses premiers films intimiste plus proche de 'Kids Return' ou 'l'été de Kikujiro', une romance touchante et pleine de pudeur avec un héros qui tente de concilier son amour pour sa fiancée et pour le surf, indifférent à tout ce qui se passe autour de lui (il n'entend pas ceux qui se moquent de lui au début du film). Incontestablement, 'A Scene At The Sea' est une véritable réussite typique du style lent et paisible du réalisateur qui joue de manière toujours très subtile sur le silence, le calme, la tranquillité tout en nous proposant une fin plus sombre et plus complexe, toute en demie teinte (séquences de flash-backs heureuses avant le générique de fin : comme d'habitude, et on pense à la fin de 'Hana-Bi', le réalisateur ne nous impose aucun final et nous laisse libre d'interpréter la fin comme on le sent. C'est une autre caractéristique des fins de Kitano). Bref, pour tout ceux qui ne connaissent Kitano que de ses films de yakuzas, 'A Scene At The Sea' reste une véritable surprise rafraîchissante et nostalgique, une petite fable humaine, subtile et émouvante.

'A Scene At The Sea' marque la toute première collaboration entre Takeshi Kitano et le compositeur Joe Hisaishi. Pour une premier essai, le score de 'A Scene At The Sea' est une réussite surprenante. Avec le style mélodique et les sonorités électroniques typiques du compositeur (le score est entièrement confié aux synthés avec quelques instruments acoustiques comme un violon, un violoncelle, une basse ou une guitare, instruments que l'on entend surtout vers la fin du film), le score évolue tout au long du film en décrivant le côté nostalgique et tranquille de cette jolie histoire. Simple et touchant, le score de Hisaishi apporte un éclairage très particulier au film et malgré la lenteur parfois monotone du récit, la musique est toujours là pour relancer l'intérêt du spectateur qui utilise alors la musique du compositeur comme point de repère lorsqu'il serait tenté de commencer à décrocher du film (il ne faut pas le cacher: le film peut paraître très ennuyeux pour tout ceux qui ne sont pas habitués au style typique du réalisateur). 'A Scene At The Sea' s'ouvre sur le très beau thème principal basé sur des petits ostinatos mélodiques qui se mettent progressivement en place (comme dans le thème de 'Sonatine') avec différentes sonorités du synthé (un son cristallin d'abord, puis un son proche d'un marimba, des nappes de cordes de synthé avec une petite rythmique légère et des sons proche d'un choeur synthétique). 'Silent Love' est le magnifique thème principal du score, Hisaishi construisant progressivement l'harmonie de son thème avant que l'inoubliable mélodie de 8 notes n'intervienne (confié à un son imitant les voix humaines afin de donner un certain 'ersatz' de chaleur à la musique électronique du compositeur). Comme le nom du morceau l'indique, 'Silent Love' évoque non seulement l'histoire d'amour entre ces deux sourds-muets qui ne peuvent donc pas se parler et communiquer leur amour par la parole; n'oublions pas que la plupart des personnages qu'interprète Kitano dans ses films ont toujours été très concis et peu enclin à la parole, comme c'est le cas dans 'Sonatine', 'Brother' ou bien encore 'Hana-Bi'. D'une manière générale, Kitano a toujours accordé beaucoup d'importance au silence, et pour 'A Scene At The Sea', le silence est plus que jamais un élément important dans le récit, un silence dans lequel la musique de Hisaishi arrive à tirer son épingle du jeu en nous proposant une solution alternative au 'mutisme' apparent des deux personnages comme si le compositeur voulait exprimer leurs émotions intérieures grâce à sa musique. (bien mise en valeur dans le film par le réalisateur qui se permet même de gommer les bruitages dans certaines de ses séquences afin de mettre bien en avant la musique d'Hisaishi: on sent déjà bien ici la symbiose artistique qui s'opère entre les deux artistes)

Le deuxième thème apparaît très vite dans le film avec 'Island Song', thème confié à un hautbois du synthé soutenu par des sonorités douces et cristallines pour la première scène où Shigeru se lance dans l'eau et commence à faire du surf. Soutenu par des sonorités très douces du synthé, le morceau retranscrit le côté paisible de la mer et propose un 'éclairage' particulier à ces scènes, restituant l'aspect méditatif de la petite amie qui regarde son fiancé tenter de maîtriser sa passion pour le surf d'une manière tellement courageuse et déterminée qu'il forcera même deux de ses détracteurs à se lancer à leur tour dans le surf. (ces deux personnages un peu idiots sur les bords permettent au réalisateur d'apporter une petite touche d'humour dans ce film paisible) 'Cliffside Waltz' est une petite valse lente confié à un piano intime qui décrit lui aussi les efforts de Shigeru pour apprendre et maîtriser sa planche de surf sur les vagues. Le morceau est en fait inspiré des fameuses 'Gnossiennes' d'Erik Satie, et par delà la simple référence musicale à Satie, 'Cliffside Waltz' est aussi un astucieux clin d'oeil au tout premier film de Kitano 'Violent Cop', puisque le réalisateur utilisait dans ce premier film la 'Gnossienne N°1' de Satie (morceau composé dans le style des 'Gymnopédies'). A noter que le compositeur reprendra cette petite valse avec un violoncelle dans une scène où les deux amants se trouvent au bord d'une route. Le score atteint un sommet dans le superbe 'Bus Stop' basé entièrement sur une rythmique de percussions plus dans le style pop avec les sonorités habituelles du synthé avec le piano et une mélodie simple qui se met très rapidement en place dans l'émouvant séquence du bus où la petite amie de Shigeru monte dans le bus, Shigeru ne pouvant pas la suivre à cause de sa planche de surf interdite à l'intérieure du bus. La musique accompagne entièrement toute cette longue séquence alors que les deux amants se retrouvent finalement un peu plus loin à l'arrêt de bus. 'Bus Stop' dégage une certaine nostalgie touchante avec cette rythmique typique du compositeur, une nostalgie évoquant la tendresse de la relation amoureuse entre les deux protagonistes principaux du film, musique qui s'amplifie d'ailleurs vers la fin de la séquence lorsque les deux amants se retrouvent (même s'ils ne se touchent pas, on sent bien que ces deux personnages s'aiment et c'est ce qui rend la scène encore plus touchante, émotion amplifiée par la très belle musique d'Hisaishi).

D'un autre côté, le compositeur évoque aussi la solitude intérieure de ces deux sourds-muets avec des morceaux 'Solitude' ou 'Alone' dans lequel le piano occupe toujours un rôle intime assez majeur. 'Solitude' évoque la scène de la rupture entre les deux amants avec un piano très modeste et mélancolique (typique de l'esprit des musiques de la plupart des films de Kitano) qui souligne le côté dramatique de cette scène (c'est la première fois où l'on voit la fiancée pleurer) tandis que 'Alone' (avec ce son de synthé cristallin typique des musiques électroniques du compositeur) souligne plus la solitude des deux personnages face à la mer, l'un parcequ'il décide de se consacrer à fond à sa passion (délaissant aussi par moment sa copine), l'autre parce que son fiancé s'éloigne de plus en plus d'elle pour se consacrer à son autre amour: le surf. Finalement, le film trouvera sa conclusion au son d'une superbe reprise du thème principal développé pendant 6 minutes et amplifié avec l'ajout d'un violon et d'une guitare. Hisaishi accentue finalement la rythmique de batterie pop du morceau avec ses cordes de synthé et les voix féminines qui chantent le magnifique thème principal (si l'on tend bien l'oreille, on pourra détecter un soupçon de paroles dans le chant des voix féminines, symbole de ce double amour silencieux du héros, pour sa copine et pour le surf), le thème atteignant son paroxysme dans la séquence finale des flash-backs (Hisaishi illumine radicalement cette scène en rendant son superbe thème plus puissant).

Grande réussite pour ce tout premier score écrit par Hisaishi sur cet excellent film de Kitano. Avec une thématique claire et une utilisation de la musique bien dosée dans le film, le score de 'A Scene At The Sea' reste l'une des plus belles musique écrite par le compositeur pour un film de Kitano. Avant 'Sonatine' ou 'Kids Return', Hisaishi nous prouvait son talent à trouver des mélodies nostalgiques et mélancoliques restituant à merveille le côté méditatif et lent de la plupart des films du réalisateur (même lorsque ces derniers sont très violents). Pour une toute première collaboration, 'A Scene At The Sea' est une réussite surprenante et incroyablement maîtrisée de bout en bout, preuve que le compositeur n'est jamais autant inspiré que lorsque qu'il travaille pour un film de Takeshi Kitano ou de Hayao Miyazaki. Une belle réussite de la part du compositeur!


---Quentin Billard