Après le succès fulgurant de " Die Hard " en 1988, il paraissait évident que la 20th Century Fox n'allait pas en rester là. Le film de John McTiernan fut l'un des plus gros cartons de l'année et lança la carrière de Bruce Willis au cinéma tout en cimentant la position de McTiernan comme un spécialiste incontesté du cinéma d'action hollywoodien. " Die Hard " allait définir à lui tout seul une bonne partie de la production d'action des années 90 en imposant par exemple ses scènes filmées caméra à l'épaule, un montage serré et nerveux, et bien évidemment l'idée que, pour une fois, le héros n'était pas une armoire à glace bourrée de muscles mais un monsieur tout le monde qui se retrouve dans une situation qu'il n'a pas voulu. Le film sera d'ailleurs particulièrement imité et sans cesse copié par la suite. Surfant sur le succès de son premier, la Fox mit rapidement en chantier " Die Hard 2 : Die Harder " (58 minutes pour vivre), qui fut cette fois-ci confié au finlandais Renny Harlin, cinéaste peu connu à l'époque qui venait tout juste de réaliser deux films d'épouvante en 1988 : " Prison " et " A Nightmare on Elm Street 4 : The Dream Master ".

Dans ce second épisode, John McClane (Bruce Willis) attend l'arrivée de sa femme Holly (Bonnie Bedelia) à l'aéroport de Washington Dulles International alors qu'elle revient tout juste de Los Angeles le soir de Noël. Alors qu'il attend sagement au bar de l'aéroport, McClane remarque deux individus suspects qu'il décide de prendre en filature : un violent combat entre le policier et les deux hommes s'en suit alors dans le comportement à bagages de l'aéroport, se soldant par la mort d'un des deux agresseurs. Lorsqu'il apprend que l'un des deux hommes était un ancien officier de l'armée américaine, McClane décide d'en informer le capitaine de police de l'aéroport Carmine Lorenzo (Dennis Franz) qui se montre hostile envers lui et décide de le faire expulser du bâtiment, l'accusant d'y avoir semé la zizanie. Peu de temps après, le Colonel William Stuart (William Sadler), ancien officier des forces spéciales de l'armée américaine, s'empare des moyens de communication du trafic aérien et contrôle désormais l'aéroport. Son objectif : faire s'évader le général Ramon Esperanza (Franco Nero), un ancien dictateur et trafiquant de drogue du Val Verde, qui doit être extradé vers les Etats-Unis pour y être jugé. Stuart demande alors un Boeing 747 avec le plein afin de s'évader avec Esperanza, lui et ses hommes. Si les autorités ne cèdent pas à ses demandes, Stuart fera s'écraser les avions qui tournent depuis plusieurs minutes au dessus de Washington. McClane décide alors de contre-attaquer et de sauver à la fois les passagers, les responsables de l'aéroport et sa femme Holly qui se trouve dans l'un des engins qui tourne actuellement au dessus de Washington.


GENESE PARTICULIERE DU FILM


" Die Hard 2 " est une adaptation du roman " 58 Minutes " de Walter Wager publié en 1987. A ce sujet, il faut se souvenir que le genèse du film de Renny Harlin fut assez particulière. Doug Richardson, scénariste débutant, est engagé par Joel Silver et Lawrence Gordon peu de temps après la sortie du premier " Die Hard " pour écrire un nouveau script non officiel sans en informer les dirigeants de la Fox, et ce afin de gagner le plus de temps possible. Gordon savait exactement ce qu'il faisait puisque Richardson était un débutant avec des exigences financières forcément raisonnables. La Fox décida par la suite de financer une adaptation du roman " 58 Minutes " sans même savoir qu'il s'agissait en réalité d'une suite de " Die Hard ". Il reste d'ailleurs au final très peu d'éléments du livre original de Walter Wager. Par la suite, le script fut remanié par Steven DeSouza, qui s'était déjà fait remarquer dans les années 80 en signant les scripts de grands classiques du cinéma d'action tels que " 48 Hrs ". (1982) " Commando " (1985), " The Running Man " (1987) et bien évidemment le premier " Die Hard ". Le film sort finalement en salles en 1990 et s'avère être un gros succès surprise, puisque le métrage de Renny Harlin parvient à dépasser les résultats au box-office du premier épisode : avec plus de 230 millions de dollars de recette - pour un budget de seulement 70 millions - " Die Hard 2 " est une réussite incontestée, bien que le film est souvent considéré comme le moins bon des trois premiers films.

Avec le recul des années, il paraît évident que " Die Hard 2 " peut et doit être réévalué à sa juste valeur. Le métrage de Renny Harlin a trop longtemps souffert de sa comparaison avec l'increvable " Die Hard " de John McTiernan. Pourtant, ce " Die Harder " n'a rien à envier à son prédécesseur : montage dynamique, personnages charismatiques, scènes spectaculaires, punchlines mémorables, violence exacerbée, " Die Hard 2 " est le summum du cinéma d'action made in Hollywood tel qu'on le conçoit alors à la fin des années 80. Cette fois-ci, John McClane se retrouve à nouveau embarqué dans une situation abracadabrantesque où la tour du Nakatomi Plaza est remplacé par l'aéroport du Dulles Tower International de Washington. Du côté des bad guys, William Sadler campe un général Stuart froid et violent, que l'on découvre au tout début du film nu lors d'une séance de tai-chi évoquant clairement la teneur du personnage. Bruce Willis, encore inconnu lorsqu'il tourne dans " Die Hard " en 1988, semble s'épanouir dans ce second épisode, repoussant davantage ses limites physiques et mentales en affrontant les terroristes de Stuart et d'Esperanza. On se souvient notamment de sa fameuse réplique " How could the same shit happen to the same guy twice ? ". Niveau répliques, c'est probablement le colonel Stuart qui décroche la plus mémorable, lorsqu'il répond à la journaliste Samantha Coleman (Sheila McCarthy) : " Colonel Stuart ! Vous pouvez nous dire un mot ? ". Et lui de répondre : " Quatre ! Va te faire foutre ! ". De la punchline purement années 80, à n'en point douter !


BILAN SUR LE FILM DE RENNY HARLIN


C'est l'occasion de retrouver ici quelques personnages-clé du premier film, à commencer par Holly, la femme de McClane, mais aussi le reporter Richard Thornburg (William Atherton), ce qui donne lieu à quelques scènes amusantes entre la star des journaux TV et Holly dans l'avion, sans oublier une brève apparition d'Al Powell (Reginald VelJohnson). Le film est bourré de scènes mémorables - le combat dans le compartiment des bagages, la séquence traumatisante du crash de l'avion qui tue 230 passagers innocents, la fusillade dans l'annexe de l'aéroport, la poursuite en motoneige, le combat final sur l'aile de l'avion, etc. - Ici, tout a été pensé pour repousser les limites du genre et accentuer l'action et la violence. A ce sujet, " Die Hard 2 " s'avère être particulièrement violent avec, entre autre, quelques séquences de mise à mort mémorables du côté des bad guys : un vilain se fait ainsi électrocuter et broyer la tête à l'extrémité d'un tapis roulant de bagages, un autre se fait écraser le visage par un échafaudage, un autre se fait crever un oeil par une stalactite de glace, un autre se fait carrément happer et broyer dans le moteur d'un avion, etc. Le film est ainsi très sanglant, bien plus que celui de McTiernan, et malgré des coupes imposées au montage par la MPAA pour réduire la violence initiale du film, " Die Hard 2 " est finalement resté très proche de l'esthétique violente du montage original. On se souvient par ailleurs que le film est sorti en 1990, une année phare pour le cinéma d'action hollywoodien qui a vu assez étonnamment sortir la même année plusieurs films extrêmement violents, avec entre autre " Total Recall ", " Robocop 2 ", " Marked for Death " ou bien encore " Predator 2 ".


UN MAESTRO DE RETOUR A LA MUSIQUE !


La musique de " Die Hard 2 " a de nouveau été confiée à Michael Kamen qui rempile sur la franchise deux ans après le premier épisode de 1988. Pour les besoins du long-métrage de Renny Harlin, Kamen saisit l'occasion de développer son travail sur le premier film de 1988 avec une série de nouveaux motifs mélangés à des idées reprises du premier score. Le tout est confié aux musiciens du Los Angeles Motion Picture All Stars Orchestra formé pour l'occasion. Une partie du score consiste donc en des variations sur du matériau issu de la musique de 1988, mais que l'on ne s'y trompe pas, " Die Hard 2 " contient suffisamment de nouvelles idées pour susciter l'intérêt des fans de la franchise et du regretté compositeur. Comme sur le premier film, on y retrouve ce même second degré indissociable des films de la saga " Die Hard ", et notamment à travers la marque de fabrique de Michael Kamen : des citations à des airs populaires de musique classique. Après Beethoven dans le premier film, c'est au tour de Sibelius d'être cité dans " Die Hard 2 " et notamment son oeuvre emblématique " Finlandia " - probablement en référence aux origines finlandaises du réalisateur Renny Harlin - Kamen s'appuie d'ailleurs sur ces clins d'oeils musicaux à Sibelius tout au long du film pour y évoquer principalement les bad guys du colonel Stuart. A noter par ailleurs que parmi les nouvelles idées, on découvre un motif de 4 notes sournois associé aux terroristes, dévoilé dès " Nude Tai Chi/Marching Through The Hotel Corridor " (aux cuivres vers 0:27 ou vers 1:14). Stuart possède à son tour son propre motif, reconnaissable avec ses 3 notes furtives au tout début de " Nude Tai Chi ". Le motif de Stuart s'avère sombre et menaçant, évoquant la détermination effrayante du colonel renégat pour accomplir sa mission. Ce premier morceau est déjà assez impressionnant, donnant le ton de la partition avec ses orchestrations très riches, son écriture symphonique à la fois très colorée et très morcelée - on passe rapidement d'une idée sonore à une autre -

Comme toujours chez Kamen, les orchestrations sont très riches et étoffées, révélant le savoir-faire classique indéniable du compositeur. On pourrait simplement reprocher au musicien cette tendance à souvent passer d'un son à un autre sans réel temps mort, à la limite du mickey-mousing, mais c'est ce qui fait aussi le charme des musiques de la trilogie " Die Hard " et du second degré inhérent à chaque épisode de la franchise. " Colonel Stuart " reprend quand à lui les pizzicati 'suspense' du premier " Die Hard " avec quelques mesures assez reconnaissables et parfaitement adaptées dans cette nouvelle mouture. Idem pour " Could We Have A Few Words Please ". La confrontation dans le compartiment des bagages est l'un des premiers moments forts du score (" Into the Baggage Area/Baggage Fight "). En l'espace de 5 minutes, Kamen parvient à capter toute la tension et la violence de la scène en variant les timbres instrumentaux, les motifs et les formules rythmiques, oscillant entre des idées originales et des mesures réadaptées judicieusement du premier score. Parmi les idées mémorables : l'explosion stridente des cuivres vers 1:08 lorsque l'un des individus tire sur McClane pour la première fois. On retrouve aussi le fameux motif de 4 notes de McClane, totalement indissociable de la franchise " Die Hard " et largement développé tout au long du film, toujours autant synonyme de danger et d'action.


ANALYSE DE LA MUSIQUE DU FILM


" General Esperanza " est un autre morceau-clé de " Die Hard 2 " : Kamen développe ici un thème étrangement mystérieux au basson et à l'orchestre durant la séquence où Esperanza échappe à ses gardiens et prend le contrôle de l'avion vers le début du film. On notera ici le côté haché et tendue des cordes qui contrastent avec la cantilène étrange du basson et les quelques rythmes martiaux affirmant la teneur plus militariste de ce second opus. Les allusions à " Finlandia " se retrouvent dans " Dead for Two Years " ou " Powering Up ". " Marching to the Annex ", " Skywalk Shootout " et " Skywalk Aftermath " illustrent la fusillade sanglante dans l'annexe de l'aéroport. C'est l'occasion pour Kamen de développer les rythmes militaires du score et de nous offrir un superbe morceau d'action (" Skywalk Shootout ") d'une férocité orchestrale typique du compositeur. A ce sujet, " Crashing the Jet " est peut être l'un des passages les plus impressionnants de la partition, durant la séquence où Stuart fait s'écraser l'avion qui tue plus de 230 passagers innocents. On retrouve ce fameux morceau avec son étrange motif de piccolo repris de " Die Hard " (au tout début du morceau) puis très vite, la musique évolue vers un crescendo sombre, brutal et terrifiant assez mémorable, ponctué d'allusions au motif sarcastique de 4 notes des hommes de Stuart. A 3:36, ne ratez pas la reprise menaçante du thème de McClane reprise en partie du premier score.

Le côté plus violent et dynamique du film permet ainsi à Michael Kamen d'aller encore plus loin sur ce film. Dans " John Picks Up Doll ", on retrouve ce fameux morceau tragique repris de " Die Hard " après le crash de l'avion, durant la séquence où McClane ramasse la poupée d'une enfant parmi les débris de l'appareil (morceau déjà brièvement cité à la fin de " Crashing the Jet "). Les rythmes martiaux incisifs et cuivrés de " The Army's Arrival/The Idea " annoncent la couleur pour la seconde partie du score, avec l'omniprésence du motif de Stuart et des terroristes, largement développé dans " Colonel Stuart's Speech ". Les amateurs de musiques d'action en auront pour leur argent ici : Kamen met les bouchées doubles dès le superbe " Meeting Esperanza ", pour la séquence de l'atterrissage de l'avion d'Esperanza, ponctué de variations menaçantes, imposantes et urgentes autour du thème de McClane - à noter l'accélération du tempo vers la fin du morceau pour signifier le danger de McClane, lorsque le train d'atterrissage de l'avion est à deux doigts de le percuter ! - On retrouve aussi un autre tic d'écriture de Kamen indissociable de musiques de " Die Hard " : les notes répétées en crescendo et en accélération, synonymes dans les films de la mort imminente d'un bad guy ou d'un danger (vers 3:39). Ce tour de force orchestral débouche sur un second déchaînement symphonique ultra musclé dans " John Punches Esperanza ", pour la séquence où McClane se retrouve coincé dans le cockpit de l'avion avec des grenades, obligé d'utiliser le siège éjectable de l'appareil pour survivre à l'explosion.

Il serait hasardeux d'énumérer chaque tour de force orchestral de la partition de " Die Hard 2 ", mais il faut bien reconnaître que Michael Kamen a sorti l'artillerie lourde avec une ténacité et une énergie impressionnante, là où le premier " Die Hard " était essentiellement constitué de morceaux à suspense claustrophobiques. Dans le score de " Die Hard 2 ", on ressent clairement cette sensation d'urgence, de panique et aussi de montée en puissance de l'action et du danger. On retrouve d'ailleurs le morceau qui accompagnait la mort d'Hans Gruber dans " Fight With the Sentry " - avec de nouvelles allusions aux notes répétées en accélération des cuivres - durant la séquence où McClane affronte la sentinelle qu'il achève d'une stalactite de glace dans l'oeil. Les rythmes martiaux et les cuivres s'en donnent ici à coeur joie, y compris dans le pupitre des percussions (à noter l'emploi des enclumes), sans oublier le génie de Kamen dans les musiques d'action et la complexité de son écriture rythmique toute en syncopes. Idem pour " Shootout and Snowmobile Chase " durant la poursuite en motoneiges, autre morceau d'action incontournable de " Die Hard 2 ", rythmé par ses tambourins/clochettes évoquant ironiquement Noël.

Les 6 minutes de " Dick-Head " nous amènent ainsi au dernier acte du film, débouchant sur le sombre et dramatique " Chasing the Jet " et le diptyque " Fight on the Wing " / " Fight on the Wing Continues ", qui consituent à eux seul la quintessence même de l'art de la musique d'action chez Michael Kamen : " Fight on the Wing " accompagne le duel à mort entre McClane et Grant sur l'aile de l'avion. On y ressent ici toute la puissance et la violence du combat notamment à travers une utilisation guerrière assez hallucinante des percussions (et notamment des toms et des timbales) et des cuivres à partir de 2:44 - on croirait presque entendre le " Sacre du Printemps " de Stravinsky - Et que dire du formidable et surpuissant " Fight on the Wing Continues " pour la scène finale de l'explosion de l'avion de Stuart et Esperanza, autre morceau d'action incontournable de " Die Hard 2 ", que Kamen reprendra d'ailleurs dans " Die Hard with a Vengeance " en 1995.


UNE CONCLUSION (TRES) MUSCLEE !


Le double album publié par Varèse Sarabande dans la gamme CD Club en 2012 nous permet enfin de redécouvrir le score de Michael Kamen pour " Die Hard 2 " dans son intégralité. On se souvient par ailleurs que le précédent album sorti en 1990 ne contenait qu'à peine 30 minutes de musique et omettait de larges sections du score, et notamment la fusillade dans l'annexe ou la confrontation finale sur l'aile de l'avion. Le double CD de 2012 propose la totalité du score de Kamen incluant une large partie de morceaux alternés en guise de bonus vers la fin du CD 2, idéal pour comprendre comment l'écriture de la musique a évoluée pendant la post-production et le montage final du film. Véritable tour de force musical de Michael Kamen, " Die Hard 2 " est un score énergique et musclé assez impressionnant et réellement passionnant. Le compositeur y résume ici tout son savoir-faire orchestral et sa science d'écriture orchestrale en mélangeant les idées, les micro-motifs et les textures instrumentales avec une générosité et une vraie passion. Si le premier " Die Hard " était déjà un score mémorable malgré ses longues plages de suspense parfois fastidieuses, " Die Hard 2 " va beaucoup plus loin et acquiert une puissance musicale ahurissante, témoignant d'une époque de la musique de film hélas aujourd'hui révolue. Disposant pour une fois d'une certaine marge de manœuvre salutaire, Michael Kamen a pu écrire la partition qu'il souhaitait sur " Die Hard 2 " (contrairement au premier et au troisième film de McTiernan, celui de Renny Harlin a réussi à conserver la musique de Kamen quasiment intacte au montage !) et le résultat est forcément impressionnant à l'écran, même si la musique n'est pas toujours grandement valorisée dans le mixage (" Fight on the Wing Continues " est presque inaudible dans le film !). Bilan plus que positif donc pour la musique de " Die Hard 2 " qu'il faut impérativement redécouvrir dans sa version complète, et qui reste l'un des meilleurs scores d'action dans la carrière de Michael Kamen !




---Quentin Billard