1-Meet Again 5.00
2-Graduation 1.05
3-Angel Doll 2.19
4-Alone 1.12
5-As A Rival 1.27
6-Promise...For Us 5.06
7-Next Round 1.26
8-Destiny 3.29
9-I Don't Care 2.17
10-High Spirits 2.01
11-Defeat 2.27
12-Break Down 3.44
13-No Way Out 2.49
14-The Day After 0.40
15-Kids Return 4.40

Musique  composée par:

Joe Hisaishi

Editeur:

Polydor POCH-1576

Musique arrangée et
produite par:
Joe Hisaishi

Artwork and pictures (c) 1996 Polydor. All rights reserved.

Note: ***1/2
KIDS RETURN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joe Hisaishi
Après 'Sonatine' et 'Minna yatteruka' (Getting Any?), Takeshi Kitano signait son nouveau film intimiste sous le titre de 'Kidzu ritan' (Kids Return), film dramatique qui met en scène deux camarades de classe turbulents qui passent leur temps à sécher les cours, à racketter des élèves et à se moquer des professeurs. Mais les choses changent le jour où Masaru se prend une raclé à la suite d'une bagarre. Bien décidé à laver l'affront, le jeune homme se lance dans la boxe avec son ami Shinji, prêt à se venger du type qui l'a humilié. Seulement voilà, Masaru ne va pas tarder à comprendre qu'il n'est pas fait pour faire de la boxe et va pluôt laisser cela à son ami Shinji qui lui, au contraire, montre de véritables prédispositions pour ce sport. Chacun suivra alors dans sa voie, l'un en tant que futur champion de boxe, l'autre en tant que membre d'un groupe de yakuzas (un thème important dans le cinéma de Kitano et que l'on trouve depuis son tout premier film, 'Violent Cop'). Comme c'est souvent le cas chez Kitano, 'Kids Return' est un film à la fois drôle et dramatique, drôle car le réalisateur nous décrit des personnages hauts en couleur avec des répliques bien trouvées et des situations parfois fort amusantes (le coup des deux boxeurs amateurs qui se retrouvent face à une grosse bute épaisse - on pense un peu aux deux surfeurs amateurs un peu idiots dans 'A Scene At The Sea'), dramatique parce que le réalisateur nous peint une vision très réaliste et froide (avec un certain humour noir) des problèmes de la jeunesse japonaise prise dans les engrenages d'une société rigide, fermée sur ses propres règles (d'où un côté polémique et dénonciateur assez intéressant dans ce film). Avec 'Kids Return', Kitano abordait le thème de la jeunesse japonaise dans un film quasi autobiographique, car la jeunesse qu'il décrit dans ce film, le réalisateur/acteur l'a bien connu. Mais l'histoire va beaucoup plus loin que cela. En effet, Masaru et Shinji finissent par être victime de leurs propres choix, incapable de pouvoir faire 'demi-tour'. En atteignant le point de non-retour, les héros semblent être perdus à jamais, et le final du film reste tout à fait typique du réalisateur: tout en demi-teinte, très ambigu, ouvert aux différentes interprétations possibles de la part du spectateur. En fin de compte, le film parle des choix que nous faisons dans nos vies et des conséquences qui s'en suivent. Lorsque Masaru décide de rentrer dans le groupe des yakuzas, il ne s'offre à lui que deux possibilités: soit il trouve cela plaisant de faire partie de leur milieu sans être conscient des dangers qui l'attendent au 'tournant', soit il sait pertinemment quels sont les risques qu'il encoure et il prend quand même la décision de rentrer dans leur bande. Mais dans les deux cas: impossible pour lui de faire marche-arrière. Tel une locomotive lancé à toute allure, les deux jeunes héros de 'Kids Return' ne peuvent plus s'arrêter.

Le film se résume donc à une sorte de métaphore du déterminisme et des choix de la vie sur fond d'une critique de la rigidité extrême de cette société où les jeunes sont les premières victimes (on voit deux jeunes galérer à chercher du boulot et démissionner juste après parce que leur patron les accuse de voleurs, pour finir comme chauffeur de taxi en voulant déjà abandonner à la fin de la journée parce que le boulot est long, pénible et fatiguant. En réalité, quelque soit la profession ou la personnalité de ces individus, tous sont pris dans le piège de cette société: un duo de comiques qui galèrent pour trouver un public, un jeune homme timide qui cherche du boulot sans jamais arriver à trouver quelque chose de stable, des petits voyous du coin qui tentent de faire de la boxe et se heurtent à la rigidité sèche de l'entraîneur, etc. Bref, le film n'est pas vraiment optimiste bien qu'une fois encore, la fin sème le doute et semble remettre toute l'histoire en question. Quand au titre même du film, il peut être interprété à double sens: 'Kids Return' c'est le retour des enfants ou plutôt des adolescents qui se retrouvent au début du film après s'être perdu de vue pendant quelques temps, mais c'est ainsi une sorte de 'retour aux sources' pour le réalisateur qui veut se pencher à la fois sur sa propre jeunesse et sur la jeunesse japonaise en général. Pour finir, 'Kids Return' pourrait aussi servir de métaphore de la fin du film, un retour à l'enfance, aux instants innocents, là où les décisions graves et importantes de la vie ne sont pas encore à l'ordre du jour. N'oublions pas les deux lignes de dialogues finales entre Masaru et Shinji sur leur vélo: 'Machan: tu crois que c'est fini pour nous?' et l'autre de répondre: 'idiot, ca n'a même pas commencé!', une phrase finale qui sème le doute, qui conclut le film sur une touche d'ambiguïté intriguante et qui pourrait apporter une certaine touche d'optimisme suivant l'interprétation que l'on donne à ce final - les jeunes semblent prendre un nouveau départ dans leur vie en repartant à zéro après avoir fait leurs bêtises - une astucieuse métaphore du cycle de la vie, de l'éternel recommencement? - Bref, une fois encore, Kitano nous livre les clés de son histoire et c'est à nous d'en déduire quelque chose suivant notre propre interprétation du récit et de son dénouement. Au final, 'Kids Return' est un film passionnant, une histoire captivante dans un style plus intime/dramatique après que le réalisateur ait miraculeusement survécu à son accident de moto en Août 1994, juste un an après le succès de 'Sonatine'. On constate que depuis son accident, le réalisateur n'a pas perdu son inspiration et continue à explorer brillamment les thèmes qui lui sont chers, même si par rapport à ses autres films, 'Kids Return' est son unique film où l'on ne voit aucune scène au bord de la mer. A découvrir!

Troisième collaboration entre Joe Hisaishi et Takeshi Kitano, 'Kids Return' est un score typique du compositeur, plus dans la veine de ce que le musicien faisait dans la fin des années 80 et au début des années 90. Si le compositeur a aujourd'hui de plus en plus recours à l'orchestre, le score de 'Kids Return' reste plus dans la tradition synthétique/électronique du compositeur avec quelques rythmiques pop/techno plus modernes (le film parle de la jeunesse japonaise. N'oublions pas non plus que le compositeur vient du monde de la pop japonaise et qu'il a réalisé quelques albums solos avant d'arriver dans le monde de la musique de film...). Le score de 'Kids Return' se base sur un excellent thème principal, ce genre de mélodie envoûtante et simple typique du compositeur, un thème aux accents nostalgiques qui définit bien le dénouement de la vie de ces deux jeunes adolescents face à leurs propres responsabilités suite aux décisions qu'ils ont pris chacun de leur côté. Dans 'Meet Again', Hisaishi ouvre le film au son d'un piano avec des harmonies typiques du compositeur, soutenu par un synthé atmosphérique. La rythmique se met très vite en place avec le synthé et le piano (on voit le duo de comiques faire un de ses numéros) pour laisser la place au thème principal au synthé teinté de sonorités japonaises (à noter ce son de synthé cristallin en accompagnement, typique des sonorités électroniques du compositeur), un thème qui nous fait déjà ressentir ici une certaine forme de nostalgie, une nostalgie évidemment lié à la jeunesse, à la fraîcheur et aux diverses possibilités qui s'offrent à ces jeunes qui sont à l'âge de prendre des décisions pour préparer leur avenir (chacun à sa façon: l'un en devenant champion de boxe, l'autre en devenant un caïd de la mafia japonaise...). Pour le générique de début, Hisaishi reprend son thème soutenu par la rythmique pop/techno si caractéristique de la musique de 'Kids Return' (et qui évoque bien inévitablement le côté moderne de la jeunesse japonaise). Avec 'Alone', le compositeur évoque la soudaine solitude de Shinji après l'humiliation de Masaru, Hisaishi utilisant ici des nappes de synthé avec une sonorité électronique assez particulière faisant de nouveau ici allusion au thème principal entendu sous une forme plus lente et légèrement plus mélancolique.

Hisaishi sait se montrer très original en plus d'exprimer un sérieux penchant pour le minimalisme dans sa musique. Ainsi, 'As A Rival' est assez particulier, le morceau étant exclusivement composé sur des sons de synthé un peu kitsch (voire ambiance 'musique de jeux vidéos' de la fin des années 80) pour la séquence où les deux amis s'entraînent à la course à pied pendant leur entraînement pour la boxe. On trouve certains passages dans le même style durant le film, même si un morceau comme 'Graduation' est absent du film. 'Defeat' est assez particulier lui aussi: Hisaishi évoque de manière très dramatique la scène où Shinji bat son ami Masaru à la boxe lors d'un bref affrontement sur le ring. Le morceau s'ouvre au son d'un orgue (du synthé) plutôt dramatique suivi par des cordes du synthé assez sombres et résignés. La séquence est tourné au ralenti, Kitano s'amusant même à amplifier le son des coups que reçoit Masaru. Si la musique se veut aussi dramatique et sombre dans cette scène (le morceau finissant de manière plus mélancolique), c'est avant tout pour évoquer la gravité de cette séquence, car c'est vraiment à partir de cet instant que les deux amis vont être amenés à se séparer pour suivre leur propre voie chacun de leur côté en prenant des décisions importantes pour leur avenir. Dans 'No Way Out', Shinji se lance à fond dans son but (devenir un champion de boxe). Le morceau utilise quelques touches de synthés cristallines avec une guitare et diverses sonorités du synthé évoquant la détermination du personnage (on retrouve toujours le principe des ostinatos mélodiques chers au compositeur, l'ostinato mélodique faisant partie de l'univers musical de la plupart des musiques composé par Hisaishi pour les films de Kitano - le thème principal de 'Sonatine' en est un bel exemple - ). 'Break Down' repose quand à lui autour de quelques petites percussions avec le piano et le synthé dans la séquence où l'on voit les employés démissionner tandis que le boxeur Eagle se retire de la profession après avoir complètement raté son dernier match. Le morceau est typique de l'esprit des musiques des films de Kitano: tempo lent, ostinato mélodique, minimalisme dans la construction du morceau (par couches successives comme c'est souvent le cas) et dans l'utilisation parfois restreint des sonorités, sans oublier des harmonies de piano/synthé typique du compositeur, le morceau exprimant ici les difficultés de ces individus face aux problèmes d'une société rigide et froide. Le thème principal revient sous une forme lente au piano soutenu par un très léger rythme de percussion pour la scène où Eagle fait ses adieux à Shinji. (on sent encore plus ici le côté nostalgique et émouvant de ce thème) Le thème principal revient sous a forme rythmes pop/techno et ses sonorités japonaises dans 'High Spirits' alors que Shinji poursuit son entraînement, toujours déterminé à devenir un champion. Hisaishi utilise ici la guitare électrique qui renforce le côté moderne du morceau.

Dans 'Promise...For Us', on trouve le côté plus dramatique de l'histoire alors que Shinji et Masaru se retrouvent, ce dernier étant devenu le chef d'une bande yakuzas. Avec des cordes du synthé, quelques sonorités un peu new-age et quelques percussions légères, Hisaishi évoque l'amitié entre les deux amis qui se retrouvent enfin après des mois d'absence loin l'un de l'autre. (à noter la phrase clé du personnage de Masaru qui dit alors à son ami: 'quand tu sera champion et moi caïd, on se retrouvera' - d'où le titre du film annonçant quelque part la fin du film si l'on y pense d'un peu plus près) Avec 'Destiny', les deux amis se retrouvent embarqués dans les ennuis, Masaru se faisant tabasser par des yakuzas pour avoir manqué de respect au président, Shinji se faisant battre pendant un match de boxe. On retrouve les sonorités électroniques de 'Alone' avec l'utilisation d'une guitare qui sonne de manière plus résignée ici soutenue par des nappes de synthé plus froides et quelques petites percussions. Finalement, l'histoire trouve sa conclusion sur 'The Day After', reprenant les harmonies de piano qui ouvraient le film au début de 'Meet Again' (le compositeur semble vouloir renforcer l'idée du 'cercle de la vie' en formant une sorte de 'cercle', de 'boucle' dans sa musique - la vie continue) débouchant sur une ultime reprise du thème principal dans 'Kids Return' où le compositeur utilise des samplers de voix d'enfants, voix absentes du mixage de la musique dans le film (probablement jugées de trop par Kitano lui même). Le thème conclut le film de manière à la fois énergique (avec la rythmique pop/techno et la présence assez 'fun' de la guitare électrique) semblant renforcer lui aussi le côté plus optimiste de la fin du film, achevant encore une fois une autre perle du cinéma passionnant de Takeshi Kitano.

Bilan plus que positif donc pour Hisaishi qui signe là un score électronique fort attachant même si sur le plan thématique et mélodique, 'Kids Return' n'est certainement pas ce que le compositeur a fait de mieux sur un film de Kitano. Néanmoins, le compositeur continue une fois de plus de nous prouver à quel point le cinéma de Kitano n'a jamais et ne cessera jamais de l'inspirer et ce quelque soit le sujet du film à mettre en musique. Moins lyrique et émouvant que 'A Scene At The Sea', 'Kids Return' n'en demeure pas moins une BO de qualité de la part du compositeur qui signe une fois encore une grand score de qualité pour un superbe film de Kitano.


---Quentin Billard