1-Main Title &
First Hallucination 4.40
(Ritual Sacrifice &
Religious Memories)
2-Love Theme 3.37
3-Second Hallucination 5.14
(Hinchi Mushroom Rite
& Love Theme Trio)
4-First Transformation 3.40
(Primordial Regression)
5-Primeval Landscape 2.15
(In The Isolation Chamber)
6-Second Transformation
(The Ape Sequence) 8.02
(Escape From The Laboratory,
Stalking The Dogs & The Fight,
The Zoo & Final Hunt)
7-Religious Memories
& Father's Death 2.08
8-The Laboratory Experiment:
Jessup's Transformation,
Collapse of The Laboratory,
The Whirlpool & The Journey to
Another Dimension,
Return to Reality 6.12
9-The Final Transformation 4.17

Musique  composée par:

John Corigliano

Editeur:

RCA Victor GD83983

Score préparé par:
John David Earnest
Consultant de la musique:
Sheldon Shkolnick
Coordinateur de la réédition:
Bill Rosenfield
Dolby Lab Consultants:
Robert S.Warren,
Michael V.DiCosmo

Artwork and pictures (c) 1981 BMG Music/Warner Bros. All rights reserved.

Note: ***1/2
ALTERED STATES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Corigliano
Sur l'histoire dérangeante d'un scientifique qui expérimente de nombreuses drogues hallucinogènes sur lui pour tenter de découvrir LA vérité de l'âme humaine, le réalisateur Ken Russel nous offre une véritable expérience cinématographique au frontière de la folie et de l'esprit humain. William Hurt interprète le professeur Eddie Jessup qui s'est mis en tête de comprendre le mécanisme de ce qu'il croit être les 'différents niveaux de degrés de conscience'. A l'aide de drogues expérimentales, Eddie va se lancer dans des hallucinations sans fin pour tenter d'explorer ce monde intérieur de l'esprit et de la conscience. Frustré de ne pas réussir à trouver de réponse, Eddie va tout expérimenter pour arriver à ses fins, et ce malgré le fait que sa femme Emily désapprouve fortement ses nombreux 'trips' qui deviennent de plus en plus terrifiants. Mais l'expérience échappe un jour à son contrôle et ses deux amis qui l'assistent dans cette mission le récupèrent avec la bouche pleine de sang. Cela ne l'empêchera évidemment pas de recommencer l'expérience et cette fois ci, les conséquences seront bien plus graves, allant même jusqu'à changer de constitution physique pour se transformer en singe. La dernière demie heure de l'histoire finira de manière totalement psychédélique, folle et fantastique à la fois.

Véritable délire visuel, le film de Ken Russel possède quelques atouts en plus de sérieux inconvénients. Effectivement, le réalisateur en fait un peu trop par moment: trop de délires, trop d'hallucinations, trop d'images folles. Son film donne parfois mal au crâne à force d'accumuler autant de séquences de pure folie visuelle. Quelque part, 'Altered States' (Au delà du réel) fait l'effet d'une mauvaise drogue que l'on se serait administré en regardant ce film et quoique l'on puisse en penser, cela n'est jamais vraiment agréable (et n'est pas fait pour l'être de toute façon). D'un autre côté, nous avons l'interprétation ahurissante d'un William Hurt complètement immergé dans son rôle (en plus de passer la majeure partie de son temps à s'immerger dans un caisson d'isolement pour faire ses expériences) et qui offre une grande crédibilité à son personnage de savant totalement obsédé par sa quête et plutôt dérangé. Les séquences d'hallucinations sont donc très graphiques et constituent une véritable expérience visuelle en soi, proche par moment du cinéma expérimental. Le message de la fin du film est très beau puisque la conclusion de cette histoire nous fait clairement comprendre que l'amour est plus fort que tout et qu'Eddie finit par être sauvé de son propre 'enfer' grâce à l'amour d'Emily. Enfin un peu d'humanité dans un film dérangeant, troublant et parfois oppressant. Comme quoi: "l'ordre" finit toujours par l'emporter. Un film dramatique intéressant et assez original.

John Corigliano est un des grands compositeurs 'contemporains' américains de la seconde moitié du 20ème siècle. Corigliano s'est surtout illustré dans ses musiques de 'concert'. Connu pour son fameux Opéra 'The Ghosts of Versailles' et sa 1ère Symphonie qui lui permit de remporter le 'Grawemeyer Award' en 1991, Corigliano s'est très vite imposé au cours du siècle comme l'un des grands chefs de file de l'avant-garde américaine de la deuxième moitié du 20ème siècle. Le compositeur a beaucoup écrit pour orchestre symphonique, quelques oeuvres de musique de chambre ('Concerto pour clarinette' ou 'Concerto pour hautbois') et même un peu de musique religieuse (un 'Amen' pour 2 choeurs a cappella). 'Altered States' est sa première musique écrite pour un film, le score lui ayant permit d'être nominé aux Academy Awards en 1980. Corigliano écrira par la suite la musique de 'Revolution' de Hugh Hudson et 'Le Violon rouge' de François Girard pour lequel le compositeur Corigliano a remporté l'Oscar 2000 de la meilleure musique de film originale. 'Altered States' est un score chaotique, oppressant et inquiétant, de la terreur à l'état pure. Le compositeur a choisi ici de renouer avec le style atonal et 'bruitiste' de Krzysztof Penderecki et de la musique avant-gardiste des années 60 (nous sommes en 1980 et Penderecki continue encore d'écrire certaines de ses grandes oeuvres atonales dans les années 70). Ecrite pour grand orchestre, le score de 'Altered States' se compose d'une longue succession de pièces atonales extrêmement chaotiques dans lequel le compositeur renoue avec le style cher aux musiciens 'contemporains' des années 60: glissendi de cordes, jeux sur les quarts de ton, clusters orchestraux, dissonances accentuées par les effets de masse orchestrale, effets multiples sur les instruments à cordes, nuages de son, etc. Bref, toutes les techniques qui firent le 'charme' des musiques de compositeurs tels que Xenakis, Ligeti ou Penderecki. Entre deux moments de terreur pure, Corigliano n'oublie pas d'évoquer l'aspect plus humain du film avec un 'Love Theme' plus mélodique et mélancolique dans l'âme, un 'Love Theme' qui semble évoquer la difficulté que rencontrent Eddie et Emily pour partager leur amour. Le 'Main Title' nous plonge d'entrée dans l'univers suffoquant et pesant de la musique avec un travail intéressant sur les timbres orchestraux et la masse sonore de l'orchestre. Corigliano crée ici une sensation de trouble nous annonçant déjà ici tout le côté oppressant et inquiétant du film. La première séquence d'hallucination est illustrée avec une musique absolument chaotique et terrifiante: menant son orchestre de manière totalement virtuose, Corigliano décrit ici une atmosphère de chaos extrême avec des cors hurleurs et dissonants, des cordes 'folles' et une masse orchestrale en pleine ébullition. Totalement déchaîné, ces moments de furie orchestrale rendent les scènes d'hallucination particulièrement intenses. En réalité, toute la musique de 'Altered States' est particulièrement intense, une musique orchestrale qui dérange, qui secoue, encore plus dans le film.

Le 'Love Theme' nous permet un peu de respirer avec sa mélodie de cordes légèrement plus mélancolique qui nous rappelle l'intrigue amoureuse entre le héros et sa femme. Mais très vite, c'est le chaos et la terreur qui reprennent le dessus comme dans l'étrange 'Second Hallucination' qui commence aux sons de l'étrange rite indien pour se poursuivre sur un nouveau déchaînement orchestral. Corigliano a particulièrement privilégié le travail des timbres dans ces passages particulièrement intense. Avec des images qui passent de manière frénétique dans cette étrange séquence d'hallucination (avec la drogue indienne), la musique s'axe très vite autour d'un rythme de percussions frénétiques dans lequel se dégage un hautbois qui se lance dans une sorte de danse rythmique frénétique très proche par moment du style rythmique du 'Sacre du Printemps' de Stravinsky. 'Second Hallucination' est sans aucun doute l'un des grands moments de la partition de Corigliano. 'First Transformation' prolonge cette ambiance de terreur avec un amas de glissendi de cordes à la Penderecki pour évoquer la première séquence de transformation d'Eddie à la suite d'une expérience qui semble être allé trop loin. 'Second Transformation' est de loin l'un des plus sombres morceaux du score, et probablement le passage le plus chaotique de toute la partition. Entre cordes profondément graves et stridentes à la fois avec des cuivres dissonants et agressifs, Corigliano décrit tout le tumulte de la séquence où Eddie se transforme en singe et s'échappe du laboratoire en fonçant droit dans un zoo. Long passage chaotique de 8 minutes, 'Second Transformation' est LE morceau incontournable du score, preuve une fois encore de l'imposante science d'écriture du compositeur qui sait parfaitement maîtriser son matériau orchestral. Le film se terminera ainsi sur un 'The Final Transformation' entre chaos, folie et ultime retour du 'Love Theme' rappelant que l'amour est plus fort que tout.

L'astuce du compositeur est donc la suivante: pourquoi ne pas évoquer ces séquences d'expérience avec un style musical justement plus expérimental? L'idée est simple mais il fallait l'assumer jusqu'au bout, John Corigliano s'en tirant ici avec panache. 'Altered States' est de toute évidence un score qui ne plaira pas à tous. Difficile d'accès, la musique de Corigliano demande d'abord une certaine facilité d'écoute et une bonne réception de cette musique 'contemporaine' proche du style d'un Penderecki ou d'un Ligeti des années 60/70. En parfaite adéquation avec l'univers sombre et dérangeant du film de Ken Russel, la musique de John Corigliano dégage une certaine intensité une fois collée sur les images, l'expérience sur l'album étant de toute évidence une toute autre expérience auditive. Incontournable dans son genre, 'Altered States' est un score à découvrir de la part d'un compositeur plutôt discret dans le monde de la musique de film mais qui compose quand même depuis plus de 50 ans.


---Quentin Billard