1-Introduction 2.36
2-Storytime 2.35
3-Castle on the Hill 6.25
4-Beautiful New World/
Home Sweet Home 2.05
5-The Cookie Factory 2.14
6-Ballet de Suburbia 1.17
7-Ice Dance 1.45
8-Etiquette Lesson 1.38
9-Edward the Barber 3.19
10-Esmeralda 3.19
11-Death! 3.29
12-The Tide Turns 5.31
13-The Final Confrontation 2.17
14-Farewell 2.46
15-The Grand Finale 3.26
16-The End 4.47
17-With These Hands 2.43

Musique  composée par:

Danny Elfman

Editeur:

MCA Records
MCAD-1033

Producteur exécutif:
Kathy Nelson
Montage de la musique:
Bob Badami
"Whith These Hands"

performed by Tom Jones,
produced by Gordon Mills,
written by Abner Silver and Benny Davis

Artwork and pictures (c) 1990 Twentieth Century Fox Film Corporation/MCA Records, Inc. All rights reserved.

Note: *****
EDWARD SCISSORHANDS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Danny Elfman
Sans conteste l’un des plus beaux films de la filmographie éclectique de Tim Burton, « Edward Scissorhands » (Edward aux mains d’argent) s’inspire d’une histoire de Caroline Thompson et du réalisateur lui-même pour nous raconter une fable bouleversante sur l’histoire d’amour improbable entre une jeune femme et un homme bien différent des autres, rejeté par une société qui ne l’acceptera pas. Edward (Johnny Depp) a été crée par un inventeur de génie (Vincent Price), qui décéda peu de temps avant de finir ce qu’il avait commencé. Ainsi, Edward a pris vie avec des ciseaux à la place des mains. Depuis, le jeune homme vit seul dans le château sinistre de son inventeur, jusqu’au jour où une certaine Peg Boggs (Diane Wiest) se présente au château pour y vendre des produits de cosmétique. Curieuse, Peg décide de rentrer dans le château et découvre Edward, seul, complètement isolé de tout, sans le moindre lien avec le monde extérieur. Peg décide alors de l’emmener chez elle et de lui offrir des vieux vêtements ayant appartenus autrefois à son défunt mari. Petit à petit, Edward va alors découvrir le monde qui l’entoure et ira à la rencontre des habitants du quartier de cette petite banlieue ordinaire, des habitants qui, terrifiés au premier abord, finiront par se lier d’amitié à l’énigmatique homme aux ciseaux, qui utilisera ses dons pour rendre de multiples services aux voisins du quartier : faire des coupes de cheveux, tondre le gazon, sculpter et tailler dans les jardins de magnifiques oeuvres, etc. Edward fera aussi la connaissance de la fille de Peg, Kim (Winona Ryder), qui lui permettra de découvrir l’amour.

« Edward Scissorhands » est un conte bouleversant réalisé avec un soin par un Tim Burton très inspiré, une fable sur le droit à la différence, le poids du regard des autres et aussi la compassion et la générosité. L’histoire se déroule dans Suburbia, une petite banlieue américaine fictive dans laquelle toutes les maisons se ressemblent, sont alignées avec une précision géométrique glaciale et où les habitants semblent vivre et se déplacer comme des automates. La tranquillité du quartier sera alors bouleversée par l’arrivée d’Edward, une créature aux mains d’argent, qui s’avérera être bien plus humain que certains habitants même du quartier. Tim Burton joue habilement ici sur une inversion de rôle : la créature devient plus humaine que les voisins eux-mêmes qui finissent par devenir des automates déshumanisés (conditionnés dans un cadre de vie hyper conformiste et extrêmement rigide et rassurant). C’est d’ailleurs à cause de leur cadre de vie très rassurant que les habitants refusent de voir Edward parmi eux, comme s’il s’agissait d’un parasite menaçant leur propre tranquillité, une tâche sur un tableau bien ordonné. Tim Burton met d’ailleurs astucieusement l’accent sur cette différence avec les deux décors diamétralement opposés dans le film : la banlieue extrêmement géométrique et colorée de Suburbia, et le château noir et gris d’Edward, qui, derrière son côté sinistre, recèle un trésor rare : un jardin magnifiquement orné de végétations taillées à la main représentant des figures multiples (cerfs, dinosaures, animaux divers, etc.), symbolisant le don et la sensibilité cachée d’Edward. Et c’est à travers l’histoire d’amour déchirante entre Edward et la belle Kim que le film puisera toute sa force lyrique et poétique : une romance bouleversante rendue impossible par la jalousie et la cupidité humaine, Tim Burton nous offrant ainsi un regard bien sombre et pessimiste sur la société d’aujourd’hui. Traversé par des moments de poésie pure et des scènes d’une drôlerie inventive et rafraîchissante, « Edward Scissorhands » est aussi un hommage poignant à un certain cinéma d’antan - ce fut ainsi le tout dernier rôle du grand Vincent Price, acteur symbole du cinéma d’épouvante de l’âge d’or hollywoodien et idole du réalisateur (« Edward Scissorhands » s’inspirant quelque part du mythe de Frankenstein). Considéré aujourd’hui comme l’un des plus grands films de Tim Burton, « Edward Scissorhands » continue d’émouvoir le public par son mélange entre comédie, romance et fantastique, dans lequel Tim Burton rappelle une fois de plus quelques uns de ses thèmes les plus chers avec une certaine finesse et une poésie extraordinaire, servi par un Johnny Depp magistral - c’est d’ailleurs grâce au succès de ce film que Tim Burton tournera la plupart de ses films avec l’acteur par la suite.


Tim Burton retrouva sur « Edward Scissorhands » son complice de toujours, Danny Elfman, qui écrivit ainsi les musiques de « Pee-Wee’s Big Adventure » (1985), « Beetlejuice » (1988) et « Batman » (1989). Pour sa quatrième collaboration à un film de Tim Burton, Danny Elfman a écrit une partition magnifique pour « Edward Scissorhands », musique est féerique et poétique, à la fois riche, belle et entraînante, remplie de cette magie unique qui fait de la musique de film une expérience musicale à part entière ! Le compositeur articule ainsi sa partition autour du thème d'Edward, sorte de valse lente et mélancolique très célèbre, débutant sur une partie de célesta quasi mécanique, le célesta apportant ici une couleur véritablement féerique et poétique à l'histoire, tout en rappelant l’univers de « conte » et de « fable » du film (à noter que c’est Shirley Walker qui s’est occupé de la direction d’orchestre, Danny Elfman ayant déjà collaboré avec elle sur « Batman »). Le thème de la valse est alors développé par les cordes et un choeur d’enfants magnifique, le choeur apportant ici une véritable magie poétique à la partition d’Elfman (tout en rappelant le côté parfois enfantin d’Edward qui, bien qu’adulte, est resté un enfant qui découvre progressivement la vie). Le thème d'Edward se veut à la fois triste et lent, une mélodie gracieuse et envoûtante illustrant la fragilité d’un être qui découvrira la vie avec ses bons et ses mauvais côtés, en faisant successivement l'expérience de l'amour et de la haine. « Introduction » plonge à merveille le spectateur au coeur même de l'histoire. Annoncé avec beaucoup de sensibilité, le thème d'Edward, intimement poétique, mélancolique et raffiné, cède ensuite sa place à une chorale quasi féérique qui renforce à la perfection la douce tristesse de cette introduction : un grand moment de musique dans la filmographie de Tim Burton, preuve que Danny Elfman possède aussi une certaine sensibilité qu’il n’avait jusqu’à présent pas vraiment eu l’occasion d’exprimer dans ses films précédents.

Danny Elfman est effectivement connu comme un compositeur fantaisiste et hors norme, capable des pires excentricités dans sa musique - c’est en ce sens où sa collaboration avec Tim Burton est unique à plus d’un point, les deux compères partageant ainsi le même goût pour l’anti-conformisme et la fantaisie. La musique de « Edward Scissorhands » témoigne avec brio du style original et rafraichissant de la personnalité musicale hors normes de Danny Elfman, mais aussi d’une sensibilité plus profonde. Beaucoup considèrent d’ailleurs que la partition d’Edward Scissorhands constitue un des plus beaux exemples du talent du compositeur, un talent évoque ici sous toutes ses formes. On retrouve effectivement toutes les différentes facettes de la personnalité musicale de Danny Elfman dans ce film : la tristesse suave et la sensibilité poétique du thème d'Edward, la tendresse et le lyrisme poignant du thème romantique et ses choeurs féériques entendus lors de la séquence où Edward taille un bloc de glace avec ses mains ciseaux, répandant dans tout son entourage de la neige (« Ice Dance »), symbole de la présence d'Edward (une scène purement féérique d’une grande beauté !). On retrouve aussi dans cette partition une facette plus sombre et amère, constituée de tension, avec la peur et la haine qui finissent par s’emparer d'Edward après que ce dernier ait été maltraité par l’ex-petit ami de Kim, sa dulcinée (Winona Ryder). On retrouve aussi cette ambiance plus sombre et agressive lors de la séquence finale où Edward affronte cet ignoble individu dans « Final Confrontation », un morceau dans lequel on retrouve le style « thriller » plus agressif et dissonant de Danny Elfman (qui rappelle ici certaines mesures de la partition colossale pour « Nightbreed »). Enfin, on retrouve aussi la fantaisie ironique et grinçante si chère au compositeur à travers le délirant « Ballet de Suburbia », dans lequel Elfman illustre avec un certain humour noir les commérages des voisines à travers tout le quartier. Elfman fait intervenir de manière inattendue l'accordéon et compose pour l’image une sorte de ballet fantaisiste qui accompagne les allers et venues des voisines qui gesticulent dans tous les sens à travers les rues du quartier pour cancaner à propos du nouveau venu, Edward.

La partition de « Edward Scissorhands » tire surtout son épingle du jeu dans le fait que Danny Elfman nous y réserve quelques petites surprises, comme le fantaisiste « Ballet of Suburbia » ou le merveilleux « Farewell », sans oublier le grandiose « The Grand Finale ». Danny Elfman articule donc l’essentiel de sa partition autour de l’orchestre symphonique habituel accompagné par une chorale quasi angélique qui représente à la fois les sentiments naissants d’Edward et sa rencontre avec le monde et la magie qu’il apporte aux gens de son entourage qui finissent par l’aimer et l’accepter tel qu’il est. Les choeurs apportent ici une véritable magie poétique et féerique à l'histoire d'Edward, mais aussi de son expérience de l'amour avec Kim. Danny Elfman utilise ici quelques instruments de façon plus fantaisiste comme c’est le cas de l’accordéon ou du saxophone dans « Ballet of Suburbia » avec ses orchestrations ultra inventives, sans oublier la partie virtuose du violon soliste du très coloré et frénétique « Edward The Barber », qui imite avec brio le style de certains « Capriccio » de Paganini - chose véritablement étonnante pour un compositeur autodidacte et sans réelle formation classique comme Danny Elfman, preuve de l’imagination fertile et du talent incroyable du compositeur. Concernant « Ballet of Suburbia », il est assez amusant de remarquer à quel point le musicien joue ici constamment sur des différentes couleurs instrumentales d’une fluidité étonnante, des couleurs qui renvoient clairement à l’écran aux figures ultra colorées de la banlieue de Suburbia. Cet aspect fantaisiste et coloré revient ainsi dans tous les morceaux évoquant les dons et les exploits d’Edward : « Edwardo the Barber » par exemple, avec son violon quasi tzigane d’une virtuosité incroyable, sans oublier les rythmes fantaisistes et les orchestrations débridées de « The Cookie Factory » pour une scène évoquant une nouvelle invention du créateur d’Edward, morceau typique de Danny Elfman. A noter d’ailleurs que l’album d’Edward Scissorhands se construit astucieusement sur deux parties bien distinctes, intitulées respectivement dans l’album : « Edward Meets the World » et « Poor Edward ! ». Danny Elfman a tenu à séparer la partie plus fantaisiste et poétique du début avec la partie plus sombre et dramatique de la fin.

« Edward Scissorhands » demeure encore aujourd’hui l’un des plus grands chefs-d’oeuvre de Danny Elfman, une partition d’une richesse exemplaire, d’une beauté qui semble sans limite, franchissant toutes les barrières pour toucher le coeur de tous. Féérique, magique, poétique, inventive, drôle, mystérieuse, inquiétante, mélancolique, il y aurait tant de qualificatifs pour décrire la prodigieuse musique qu’a écrit Danny Elfman pour le film de Tim Burton ! Sa partition est en osmose totale avec les images, apportant une ambiance magnifique et féerique aux images du film, une partition d’exception dans la collaboration des deux complices et une oeuvre de choix pour Danny Elfman, une partition qui connut d’ailleurs un très grand succès par la suite et qui reste encore aujourd’hui l’une des oeuvres les plus influentes de la musique de film contemporaine. Un trésor de la musique de film, incontournable et indispensable, à découvrir d’urgence si ce n’est pas déjà fait !



---Quentin Billard