1-Suo Gan (traditional) 2.19
2-Cadillac of the Skies 3.48
3-Jim's New Life 2.33
4-Lost in the Crowd 5.39
5-Imaginary Air Battle 2.35
6-The Return to the City 7.45
7-Liberation: Exsultate Justi 1.46
8-The British Grenadiers
(traditional) 2.25
9-Toy Planes, Home
and Hearth (Chopin, mazurka
op.17, No.4) 4.37
10-The Streets of Sangaï 5.11
11-The Pheasant Hunt 4.24
12-No Road Home/
Seeing the Bomb 6.10
13-Exsultate Justi 4.59

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

Warner Bros.Records 25668

Musique montée par:
Ken Wannberg
Album produit par:
John Williams

Artwork and pictures (c) 1987 Warner Bros/Amblin Entertainment. All rights reserved.

Note: ****
EMPIRE OF THE SUN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
Après avoir triomphé durant la première partie des années 80 sur des spectaculaires productions d'aventure toutes plus réussies les unes que les autres ('E.T.', 'Indiana Jones & The Temple of Doom', etc.), Steven Spielberg s'attaqua en 1985 à son premier film dramatique sérieux, 'The Color Purple'. Puis, visiblement satisfait de cette expérience, Spielberg enchaîna en 1987 avec ce que certains surnomment son premier film de 'maturité' après 'The Color Purple'. Adapté du roman homonyme de J.G. Ballard, 'Empire of The Sun' (Empire du soleil) est le premier film de Spielberg se déroulant durant la seconde guerre mondiale, un sujet qui semble le préoccuper particulièrement puisqu'il y fera de nouveau référence dans 'Schindler's List' (1993) et 'Saving Private Ryan' (1998). Dans 'Empire of The Sun', Spielberg nous plonge dans le Shanghai de 1941, à une époque où la colonie anglaise installée en Chine était en train de disparaître au moment où les Japonais commencèrent à envahir le pays. La famille Graham continue de mener une vie luxueuse dans une splendide habitation typiquement britannique à Shanghai, avec leur jeune fils Jim (Christian Bale), passionné d'aviation et des 'zéros' japonais, jusqu'au jour où, en 1941, les Japonais entrent en guerre et commencent à envahir la ville. C'est la panique la plus totale dans les rues de Shanghai, alors qu'une immense foule tente de fuir hors de la ville pendant que les tanks japonais s'emparent des rues de Shanghai et sèment le chaos dans toute la ville. Emporté dans la foule alors qu'il suivait ses parents, le jeune Jim se retrouve seul, perdu au milieu de tous. Après avoir passé plusieurs jours seuls dans sa maison désertée, Jim décide de se livrer à l'ennemi jusqu'au jour où il est récupéré par Basie (John Malkovich) et Frank (Joe Pantoliano), deux baroudeurs américains qui vivent de menus larcins en évitant les troupes japonaises. Mais un jour, ces derniers mettent la main sur les trois compères et les emmènent dans le camp de prisonniers de Sooshow Creek. A l'intérieur du camp, Jim va tenter de s'accommoder à sa nouvelle existence en décidant de venir en aide aux plus démunis et à ceux qui souffrent, apportant un peu d'espoir autour de lui.

'Empire of The Sun' est de loin l'un des plus beaux films réalisé par Steven Spielberg dans les années 80, un long-métrage qui dévoile une grande sensibilité, doublé d'un certain sentiment d'humanisme inspiré de l'ouvrage de J.G. Ballard. Le film se divise ainsi en deux parties: la première accompagne la chute de Shanghai aux mains des japonais et le chaos qui s'installe petit à petit dans la vie du jeune Jim, qui assiste impuissant aux évènements. La seconde partie, plus longue, se déroule quand à elle à l'intérieur du camp japonais, naviguant entre les drames de la guerre et l'espoir apporté par un jeune garçon débrouillard aux inspirations humanistes et généreuses. Spielberg évoque dans 'Empire of The Sun' l'innocence d'un jeune enfant confronté aux horreurs de la guerre, mais qui tente malgré tout d'entamer une nouvelle vie, loin de l'aristocratie anglaise dans laquelle il a vécut auparavant. Pour Spielberg, 'Empire of The Sun' n'a pas été un film facile à réaliser, tant le cinéaste navigue tout au long du film entre drame, aspect subversif (la façon dont les japonais sont montrés à travers le regard naïf et passionné du jeune héros semble avoir particulièrement choqué le public américain) et moments plus léger et intime, où l'on retrouve le style 'émotionnel' plus typique du réalisateur. Il est clair que l'on pourra parfois regretter le fait que Spielberg n'aille pas plus loin de sa dénonciation de la guerre, jouant dangereusement sur l'ambiguïté japonaise en omettant presque la tristement célèbre attaque japonaise sur Pearl Harbor en 1941. L'Histoire avec un grand H est donc vue ici à travers les yeux d'un enfant de 10 ans, un fait qui peut s'avérer tout autant bénéfique que mauvais pour le film et son scénario, car, du coup, on pourra reprocher au réalisateur d'avoir quelque peu édulcoré le contexte historique du film (on se souvient notamment de la scène où Jim aperçoit la lumière quasi surréaliste de la bombe atomique d'Hiroshima, filmée de manière angélique et merveilleuse), une naïveté qui tient autant du réalisateur que du personnage de Christian Bale (dans un de ses tout premiers rôles au cinéma), et que l'on pardonnera étant donné qu'Empire of The Sun reste le second film sérieux et dramatique réalisé par Spielberg. Il est évident qu'étant donné la gravité du sujet, Spielberg a été obligé de prendre des pincettes à cause de son manque de confiance qui trahi certaines maladresses dans le propos du film (le jeune Jim paraît bien ambigu et l'on ne sait jamais dans quel camp il est. Du coup, on a du mal à s'attacher à lui). Rappelons qu'à l'origine, Spielberg était convaincu que le film serait tourné par David Lean, comme il l'était d'ailleurs prévu à l'origine. Malgré ses quelques mauvais points, 'Empire of The Sun' n'en demeure pas moins un très beau film, une réussite incontestable dans la filmographie de Steven Spielberg même si l'on est encore loin ici de la maturité dramatique de 'Schindler's List' ou de 'Saving Private Ryan'. Pour sa seconde incursion dans un film historique sérieux, Spielberg marquait un point et amorçait déjà un grand tournant dans sa carrière de réalisateur.

Une fois encore, Steven Spielberg retrouve son complice de toujours John Williams sur 'Empire of The Sun', pour lequel Williams signe une partition dramatique, sombre et émouvante, reflétant à merveille toute l'émotion et la sensibilité du long-métrage de Spielberg. Williams utilise l'orchestre symphonique traditionnel auquel il ajoute un choeur d'enfant qui évoque l'idée de la guerre vue à travers les yeux d'un enfant. Le score s'articule autour d'un thème principal particulièrement émouvant, reflétant à travers un lyrisme poignant toute la passion innocente du jeune Jim pour l'aviation et les 'zéros' japonais. C'est ce que reflète 'Cadillac of The Skies' où Williams couple une écriture orchestrale ample et cuivré à une puissante chorale quasi angélique durant la scène où Jim aperçoit dans le camp les engins qu'il surnomme la 'Cadillac du ciel', la seconde partie du morceau étant beaucoup plus sombre et nuancée. Williams évoque en profondeur les sentiments naïfs et parfois disproportionnés du jeune Jim Graham, abordant le film avec un angle intimiste et dramatique. Un morceau comme 'Jim's New Life' paraît même jurer avec le reste de la composition en affirmant un style orchestral plus coloré et sautillant, étrangement proche des partitions comédie du compositeur. On y retrouve ici le goût du compositeur pour des orchestrations vivantes et étoffées, le tout baignant ici dans une certaine joie de vivre accompagnant la scène où Jim mène une nouvelle vie à l'intérieur du camp des prisonniers, aidant à tout le monde avec une générosité presque exagérée. Si l'on ne devait retenir qu'un seul morceau du score de 'Empire of The Sun' qui résume le côté totalement insouciant et naïf du jeune protagoniste principal, ce serait certainement le joyeux 'Jim's New Life', qui apporte une nette touche d'espoir et d'optimisme au sein d'un score somme toute assez sombre et dramatique.

A des années lumières de l'énergie enfantine optimiste de 'Jim's New Life', 'Lost In The Crowd' accompagne avec une très grande noirceur la scène où Jim se perd dans la foule au début du film. On notera ici l'écriture pesante et presque menaçante du pupitre des cordes, avec quelques cuivres graves et des timbales qui imposent ici un certain climat de malaise oppressant, sans aucun doute l'un des morceaux les plus sombres de tout le score de John Williams. Le score de 'Empire of The Sun' navigue ainsi constamment entre l'innocence du jeune héros et la noirceur et le drame liés aux méfaits de la guerre. 'Imaginary Air Battle' accompagne par exemple la scène où Jim monte à bord d'une carcasse d'un vieux zéros japonais et s'imagine en train de mener une bataille aérienne. On retrouve ici les choeurs d'enfants symbole d'innocence et d'émerveillement, couplés avec un orchestre ample et toujours très coloré, dans lequel on distingue par moment quelques bribes du très beau thème principal plus intimiste. On notera en revanche un total contre-emploi des choeurs d'enfants dans le sombre 'Return To The City' lorsque Jim se retrouve seul et abandonné et qu'il retourne à sa maison. L'orchestre se veut ici plus sombre, plus pesant, avec un choeur symbolisant la désolation des rues de Shanghai et la solitude de Jim. On appréciera les quelques notes de piano qui semblent vouloir traverser le morceau comme une sorte d'ultime rappel de l'ancienne vie dorée que menait le jeune enfant. A noter la partie finale plus sombre du morceau, utilisant une shakuhachi japonaise pour évoquer la présence des japonais dans la ville, lorsque Jim tente de se rendre mais en vain.

On ne pourra pas passer à côté du magnifique 'Toy Planes, Home and Hearth' qui nous propose une reprise absolument poignante et grandiose du thème principal dans une superbe envolée orchestrale/chorale dans la scène où Jim touche pour la première fois à un zéro japonais et fait le salut militaire devant les pilotes nippons, un très beau morceau qui résume ici toute la passion du jeune garçon dans un climat d'émerveillement insouciant que le compositeur a parfaitement sut représenter ici à travers la puissance du choeur d'enfants (rappelons que Jim chante dans une chorale paroissiale au début du film). La seconde partie du morceau nous permet d'entendre un arrangement pour piano et orchestre de la mazurka N°4 de Chopin, qui est utilisé ici afin d'évoquer l'ancienne vie dorée que menait Jim auparavant, un peu comme les quelques notes de piano qui traversent 'Return To The City'. Williams nous donne même à entendre un solide morceau d'action dans le sombre et brutal 'The Streets of Shanghai' dans la scène où Jim est poursuivi par un jeune voyou dans les rues de la ville. On retrouve ici l'écriture orchestrale typique des musiques d'action de John Williams, avec une écriture de cuivres très syncopé et virtuose. On notera l'utilisation du piano qui renforce ici le côté 'thriller' de ce solide morceau. Quand à 'The Pheasant Hunt', le morceau se distingue par son utilisation de percussions et d'une shakuhachi dans la scène où Jim se faufile dans les herbes pendant que le sergent Nagata (Masatô Ibu) se met à sa recherche, le seul véritable morceau de suspense et de tension du score de 'Empire of The Sun', la tension atteignant son paroxysme à la fin du morceau à l'aide d'une écriture plus dissonante des cordes. Avec 'No Road Home/Seeing The Bomb', Williams continue de développer ses atmosphères sombres dans la scène où les prisonniers quittent le camp et meurent en chemin, morceau dramatique dans lequel on retrouve des choeurs d'enfants plus amers et nuancés. On retrouve aussi le superbe thème principal réexposé ici de manière puissante à l'orchestre, avant de déboucher sur le grand final, 'Exsultate Justi', superbe hymne pour choeur d'enfants et orchestre évoquant sous la forme d'une marche joyeuse dans un style d'écriture un peu britannique (mais avec des paroles latines) la libération des prisonniers à la fin du film, lorsque les enfants retrouvent leurs parents, d'où le choix logique d'un choeur d'enfants qui célèbrent ainsi la joie du retour à la liberté à la fin de la guerre, sur une ultime touche de naïveté et de bonne humeur.

Sans être ce que John Williams a écrit de mieux pour un film de Steven Spielberg, la partition de 'Empire of The Sun' demeure malgré tout une oeuvre sombre, dramatique et brillante, une partition orchestrale/chorale pleine de relief, apportant un éclairage émotionnel et intimiste indissociable de l'ambiance du film, à l'image du très beau chant traditionnel 'Suo Gan' que chante les enfants au début du film, symbolisant une fois de plus l'innocence face à l'horreur, comme nous le montrera la scène clé où le jeune Jim interprète seul ce chant dans le camp lorsque les kamikazes japonais entament leurs derniers raids suicides. A l'image du film lui-même, la partition de 'Empire of The Sun' reste sans aucun doute l'une des premières grandes partitions dramatiques écrites par John Williams pour un film de Spielberg, une oeuvre qui séduira une fois encore les aficionados du maestro mais qui risque fort de déconcerter les autres, à cause de son manque de thème (on ne trouve ici qu'un seul thème principal fédérateur - donc pas de leitmotive ici!) et du caractère parfois très sombre et décousu de certains morceaux. Voilà en tout cas une solide partition qui marque de nouveau un point dans la collaboration Spielberg/Williams sans pour autant faire partie des grands incontournables de la collaboration!


---Quentin Billard