1-Still 6.19*
2-Dogma 1.46
3-Behold The Metatron 4.29
4-Mooby The Golden Calf 2.54**
5-The Golgothan 4.51
6-The Last Scion 3.22***
7-Stygian Triplets 1.41
8-Bartleby & Loki 2.39
9-John Doe Jersey 6.55
10-A Very Relieved Deity 6.25

*Interprété par Alanis Morissette,
Paroles et musique de
Alanis Morissette
**Paroles de Kevin Smith
Musique de Howard Shore
***Ondes Martenots
Interprété par:
Madame Jeanne Loriod

Musique  composée par:

Howard Shore

Editeur:

Maverick Records
9362-47597-2

Produit par:
Howard Shore, Robert Cotnoir
Monteurs de la musique:
Sahri Schwartz, Joe Lisanti
Producteur exécutif du soundtrack:
Randall Poster

"Still"
Produit par:
Alanis Morissette

Artwork and pictures (c) 1999 Lions Gates Pictures/Maverick Recording Company. All rights reserved.

Note: ***1/2
DOGMA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Howard Shore
Après 'Clerks.', 'Mallrats', et 'Chasing Amy', Kevin Smith et ses potes redébarquent à nouveau sur 'Dogma', une satire débile de la Bible. Comme d'habitude, Smith reprend son rôle récurrent de Silent Bob suivi de son fidèle complice Jay (Jason Mewes) dans une aventure hilarantes qui s'amuse à pasticher la Bible à grands coups de gags et de situations grotesques en tout genre. Loki (Matt Damon) et Bartleby (Ben Affleck, fidèle complice des films de Kevin Smith) sont deux anges de Dieu qui ont été expulsés du Paradis et qui ont été condamnés à purger leur peine sur terre pour toute la durée de l'existence humaine. Les deux anges renégats se mettent alors en tête de rentrer au Paradis en passant sous l'arche d'une nouvelle église qui sera inauguré d'ici quelques jours. Seulement voilà, si les deux anges reviennent au Paradis, cela signifie que Dieu se sera trompé or Dieu est parfait et infaillible donc il est impossible que les deux anges reviennent sur terre. Dieu envoie alors Metraton (Alan Rickman), son fidèle ange qui descend sur terre pour prendre contact avec Bethany (Linda Fiorentino), une jeune femme qui passe beaucoup de temps à l'église mais qui commence à perdre la foi (elle vit sa stérilité comme une profonde tragédie). Metraton lui confie alors une étrange mission: elle doit tenter à tout prix d'empêcher Loki et Bartleby de passer sous l'arche de l'église avant qu'il ne soit trop tard. Si cela devait arriver, cela marquerait la fin de l'existence humaine et la destruction de toutes la valeurs humaines. Pour l'aider dans sa mission, Metraton lui adjoint les services de deux prophètes débiles (Jay et Silent Bob alias Kevin Smith), de Rufus (Chris Rock) le 13ème apôtre noir absent de la Bible et de la muse strip-teaseuse Serendipity (Salma Hayek). Mais Azrael (Jason Lee) et ses triplets Strygien (des créatures de Satan) vont se mettre en travers de leur chemin et vont tout faire pour tenter de les arrêter dans leur quête. Commencent alors une succession de scènes folles et de délires en tout genre. Seul ombre au tableau: le personnage de Jay (Jason Mewes, aussi drogué dans le film que dans la réalité - l'acteur a ainsi été arrêté plusieurs fois pour possession d'héroïne - cela en dit long sur le personnage lui même), un individu très sec, bourrin et d'une lourdeur incomparable qui passe son temps pendant tout le film à ne parler que de sexe et de rien d'autre: c'est un peu amusant au début mais cela devient très vite lourd et franchement agaçant au bout d'un moment - visiblement, Smith et ses copains ne connaissent pas le fameux proverbe qui dit que 'les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures'. A cause de cela, ce personnage excentrique, stupide et borné gâche notre plaisir à regarder le film et on est content lorsque Dieu (à la fin du film) arrive à le faire taire cinq minutes (il ne sort que vulgarités sur vulgarités sans aucun respect pour personne). On retrouve une fois encore Ben Affleck qui joue cette fois ci aux côtés de Matt Damon, son ami d'enfance avec qui il collabora pour la première fois sur le 'Good Will Hunting' (1997) de Gus Van Sant (les deux compères ont aussi écrits le scénario du film de Van Sant). A leurs côtés se trouvent donc des stars comme Salma Hayek, Linda Fiorentino, Chris Rock (l'idée d'un 13ème apôtre noir et absent de la Bible à cause de la couleur de sa peau prête évidemment à sourire, mais derrière ce délire se cache bien évidemment une nouvelle critique de la Bible), Alan Rickman (qui a le pouvoir de changer de lieux en un claquement de doigts), Jason Lee (avec deux petites cornes hilarantes au dessus de la tête) sans oublier un petit rôle pour George Carlin, le fameux comique américain qui semble s'être prêté à ce 'jeu de massacre' étant donné ces idées pas forcément très flatteuses à propos de la religion chrétienne. Pour finir, mention spéciale au personnage de Dieu en lui même qui n'est autre qu'une femme interprétée par...la chanteuse canadienne Alanis Morissette! (évidemment, la critique est très claire ici aussi: le réalisateur s'amuse à se moquer du sexisme in
transigeant de la Bible où toutes les fautes et les pêchés sont mis sur le dos des femmes) Comme on aurait pu s'y attendre, le film a fait un scandale auprès de certaines ligues chrétiennes américaines qui ont boycottés le film dès sa sortie en salle de cinéma en 1999. Mais comme une note du début du film l'indique, 'Dogma' est avant tout une comédie qui ne saurait être prise au sérieux, un film qui est juste fait pour rire. Après, c'est une question de goût, donc on aime ou on n'aime pas (et peut être aussi d'ouverture d'esprit car il est certain que les catholiques pratiquants les plus inflexibles risqueront de rejeter violemment ce film) et même si l'ensemble ne brille pas de par sa subtilité (encore une fois, le personnage irritant de Jay fait tâche sur le film de Kevin Smith), 'Dogma' est de loin l'un des films les plus délirants de cette fin de siècle. A noter pour finir les nombreuses allusions à différents films comme 'Con Air' (Rufus qui tombe du ciel dans la première scène où il apparaît), 'Home Alone', 'Indiana Jones & The Last Crusade' ou bien encore une allusion déguisée à la série de 'The Six Million Dollar Man'. Rassurez vous, au final, le film n'a rien d'une défouloir trash contre la Bible ou la religion chrétienne: la morale est tout le temps là mais déguisée sous l'apparence d'une satire grinçante. Par exemple, lorsqu'un personnage demande à Bethany (la descente du Christ) à la fin du film si elle a de nouveau la foi et que cette dernier répond: 'non, juste de bonnes idées', on comprend mieux alors quel est le message du film (Kevin Smith critique violemment l'hypocrisie de ces gens qui utilisent l'image de Dieu par cupidité ou de cette 'fausse' religion appliquée par les hommes pour aliéner leurs semblables - poussé à l'extrême, cela donne des choses comme l'Inquisition par exemple). En fin de compte, le film nous montre qu'il est important d'avoir la foi, pas forcément en Dieu mais du moins en quelque chose de bon, car derrière tous ces délires parfois un peu excessifs (les deux anges renégats sont des gros killers qui passent la majeure partie de leur temps à dégommer les 'pêcheurs' à coup de gros calibres) se cache un véritable message sur la foi en général. Si l'humour satirique décalé et excessif est votre genre ou si vous êtes perméable à ce style d'humour, 'Dogma' est fait pour vous. Attention aux autres: le film de Kevin Smith risquera fortement de vous décevoir en plus de s'avérer être particulièrement indigeste.

Décidément, Howard Shore continue de nous surprendre en nous montrant les différentes facettes de sa personnalité musicale particulièrement riche et éclectique. En participant au délirant 'Dogma', Shore a eu l'occasion de pasticher la musique des péplums Bibliques du 'Golden Age' Hollywoodien façon Miklos Rosza ou Alfred Newman (on pense clairement à 'The Great Story Ever Told' sans oublier le 'King of Kings' de Rosza, etc...) sans oublier d'expérimenter comme il l'aime le faire habituellement. 'Dogma' est de loin l'un des scores les plus fantaisistes du compositeur, un peu dans l'esprit de ce qu'aurait pu faire Danny Elfman dans les années 80. Ecrit pour orchestre avec orgue, synthé et choeurs religieux et épiques (sans oublier quelques parties d'Ondes Martenot interprété par Jeanne Loriod, une spécialiste incontestée de ce magnifique instrument -malheureusement décédée en 2001- et qui se trouvait être la soeur d'Yvonne Loriod, la femme du regretté Olivier Messiaen), le score de 'Dogma' s'articule autour d'une alternance de passages sombres et mystérieux avec des parties plus agitées et plus épiques dans le genre. La piste 'Dogma' nous fait entendre au début du film le motif menaçant associé à Azrael et ses trois démons en rollerboals. Le morceau s'articule autour d'une rythmique de cordes agité qui fait parfois penser au 'Psycho' de Bernard Herrmann. Le motif des démons d'Azrael est parfaitement entendu dans 'Stygian Triplets' où le compositeur utilise une série d'orchestrations étonnantes avec l'orgue à la Elfman pour une nouvelle séquence d'affrontement entre les démons de Satan et Bethany aidé de ses potes. L'action semble prédominer tout au long du film comme nous le prouve par exemple la séquence de l'affrontement avec Loki et Bartleby dans le train, mais dans ces séquences en question, on sent clairement le côté disproportionné de la musique de Shore qui semble sonner de manière parfois trop massive ou trop épique par rapport aux images. On sent un certain décalage ironique par rapport aux images qui vient renforcer le côté satirique et ironique du film, Shore semblant s'être bien amusé sur ce petit film délirant. A noter que le motif des démons d'Azrael est accompagné de synthé étrange avec une sonorité bizarre de bourdonnements d'abeilles, une petite 'idée' sonore tout à fait bizarre et qui aura vite fait de vous surprendre à la première écoute. En tout cas, l'effet à l'écran est très réussi et contribue à créer un 'son' étrange pour évoquer ces créatures du diable.

'Behold The Metatron' s'attache à évoquer l'ange Metatron avec une côté un peu plus mélodique pour sa première apparition devant Bethany où il lui explique ce qu'il attend d'elle. 'Mooby The Golden Calf' s'attache quand à lui à retranscrire de manière délirante la séquence où Loki et Bartleby massacrent un patron et ses employés lors d'une réunion d'hommes d'affaires véreux dans une grande Entreprise américaine. Le morceau est en fait diffusé dans le film sur une radio et accompagne de manière ironique cette séquence de massacre. Shore semble s'être complètement lâché ici puisqu'il confie le morceau à un choeur d'enfants sautillants qui se lancent dans une petite chansonnette enfantine et innocente comme pour exprimer le côté un peu 'fou fou' de ces deux anges renégats qui semblent prendre un malin plaisir à corriger ainsi les 'pêcheurs'. (A noter que c'est Kevin Smith lui même qui a écrit les paroles de la petite chansonnette du choeur d'enfants) Dans 'The Golgothan', Shore s'amuse alors à sortir l'artillerie lourde pour l'affrontement avec le Golgotah (un monstre fait d'excréments tout droit sorti de la cuvette des W.C.) où on retrouve un gros orchestre assez dense (cordes et cuivres imposants bien mis en avant) avec l'orgue très gothique d'esprit et qui vient renforcer le côté imposant de ce morceau d'action tonitruant qui lui aussi affiche un certain décalage avec cette scène absolument ridicule.

'The Last Scion' fait intervenir quand à lui le motif d'Ondes Martenots associé au personnage de Bethany, un motif très mystérieux et envoûtant qui évoque quelque part le côté divin du personnage qui est en fait un lointain descendant de la famille du Christ. 'The Last Scion' apporte sa part de mystère et de 'magie' surtout par le choix remarquable de l'utilisation des Ondes Martenots dont le timbre incomparable a toujours été associé à des idées de magie ou de comptes fantastiques (Elmer Bernstein est un inconditionnel de cet instrument qui a traversé une bonne partie de la production musicale 'contemporaine' du 20ème siècle). 'Bartleby & Loki' évoque pour finir la menace que représentent Loki et Bartleby lorsque ces deux compères se retrouvent vers la fin du film devant l'église et commencent à massacrer les gens au nom de la 'justice divine' (doit on y voir une critique amère du fanatisme meurtrier - sujet particulièrement à la mode depuis quelque temps?). Nouveau morceau d'action imposant dans la lignée de 'The Golgothan', 'Bartleby & Loki' est un morceau d'action particulièrement sombre qui s'affirme ici aussi par le biais d'un orchestre massif et imposant où l'orgue gothique apporte sa touche de fantaisie indispensable. 'John Doe Jersey' évoque alors le long affrontement final contre Loki et Bartleby à la fin du film devant l'arche de l'église avec un orchestre avec orgue toujours aussi imposant et des choeurs religieux particulièrement grandioses. La partition de Shore atteint alors son point culminant avec ce long morceau d'action de plus de 6 minutes, une sorte de pré-'Lord of The Rings' épique, bien avant l'heure. 'A Very Relieved Deity' fait apparaître les choeurs religieux pour un final magnifique où l'on retrouvera aussi les Ondes Martenots associés à Bethany qui permettra de conclure l'histoire en libérant Dieu (Alanis Morrissette) du lieu où il (ou elle?) se cachait. 'A Very Relieved Deity' est un morceau grandiose d'une beauté rare qui dégage une puissance émotionnelle incomparable dans cette scène finale où le pouvoir de Dieu triomphe définitivement du mal (un Dieu serein, un peu drôle et extrêmement concis - une vision amusante de Dieu, volontairement éloigné des sempiternels clichés d'austérité de la plupart de ses représentations), Shore concluant le film de manière épique et grandiose.

Vous l'aurez compris, 'Dogma' est un score décidément très surprenant. Shore semble avoir pris différents éléments pour les mixer ensuite ensemble et obtenir cette étrange mixture que représente le score de 'Dogma'. Entre le motif de bourdonnements des démons d'Azrael, les Ondes Martenots mystérieux de Bethany ou les choeurs épiques et religieux de la fin du film, 'Dogma' dégage une certaine intensité dramatique tout au long du film renforcé par quelques touches d'humour et un certain décalage qui ne peut que prêter à sourire. Si Shore semble avoir pris son travail très au sérieux, cela ne l'a pas empêché de se lâcher complètement sur bon nombre de ses morceaux, Shore ayant été visiblement inspiré par ce film délirant qu'on lui a proposé de mettre en musique. Fantaisiste et massif, le score de 'Dogma' est une belle surprise pour tout ceux qui suivent le compositeur depuis plusieurs années déjà. Howard Shore ne cesse de nous offrir un panorama musical de plus en plus diversifié au fil des années, et il est certain que 'Dogma' ne sera pas là pour inverser la tendance. Un score vivement conseillé et qui devrait attirer l'attention de ses fans qui sont de plus en plus nombreux, surtout depuis le succès international de ses partitions pour les 'Lord of The Rings' de Peter Jackson. En un mot: remarquable!


---Quentin Billard