Musique  composée par:

Don Davis

Editeur:


Réalisateur:
John Moore
Genre:
Guerre/Action/Thriller
Avec:
Owen Wilson,
Gene Hackman.

(c) 2001

Note: ****
BEHIND ENEMY LINES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Don Davis
'Behind Enemy Lines' est encore une de ces grosses machines Hollywoodiennes qui risque d'en faire hurler plus d'un. Le film s'inspire d'un fait réel (un pilote de l'Air Force abattu en plein ciel lors d'une mission de reconnaissance en Bosnie en 1995, poursuivi ensuite au sol par une troupe de rebelles dissidents) pour retracer l'aventure mouvementée du Lieutenant Chris Burnett (Owen Wilson) qui se retrouve piégé en Bosnie en pleine période de crise où chacun tente de construire la paix dans un pays où la situation politique est des plus complexes. Mais ne vous attendez pas à en apprendre plus à propos de la Bosnie. En réalité, si le pays choisi avait été la Russie (comme c'est souvent le cas), le Viêt-nam (le film de John Moore plagie de manière un peu honteuse le film 'Bat*21' qui, grosse coïncidence, mettait déjà en scène Gene Hackman dans un rôle similaire à celui qu'interprète ici Owen Wilson) ou un autre pays en Europe, le résultat aurait été le même. Comme l'a dit une critique sur Internet, le film de John Moore n'est pas un documentaire mais un film d'action pur et dur. A partir de là, ne vous attendez pas à autre chose que de l'action et du suspense. Pour John Moore, c'est l'occasion de se faire les dents sur cette première réalisation avec un budget revu à la baisse (40 millions de dollars, c'est peur pour une grosse machine Hollywoodienne de ce genre). Si vous vous attendiez à un film de guerre similaire à 'Bat*21', vous risquez d'être fort déçu. Moore et son équipe ont décidés de s'éloigner de ce style pour se laisser aller à une esthétique de mise en scène toute droit sorti d'un clip 'MTV' avec effets visuels en tout genre (ralentis très 'clipesques', pause, plans de caméra parfois étranges, etc.). Pour un film de guerre censé être sérieux, ce genre d'attitude est plutôt discutable étant donné que la guerre n'a rien d'un spectacle divertissant pour moviegoers en manque de sensations fortes, et c'est pourtant ainsi que le film a été tourné. Il est certain que c'est ce qui a choqué le plus de critiques sur ce film et pour être tout à fait honnête, on ne peut qu'adhérer à leur réaction, surtout lorsqu'on sait que la majorité du film est entièrement inspiré de faits réels (il a fallut changer les noms à la dernière minute). Owen Wilson est assez froid dans le rôle du Lieutenant Burnett et n'égale pas du tout la performance que pouvait déjà nous offrir Gene Hackman (qui interprète ici l'amiral Leslie Reigart, l'homme qui va tenter de secourir et de ramener Burnett sain et sauf) dans le film 'Bat*21'. Le film de Moore n'est pas très réaliste car il nous montre un héros typiquement américain qui se sort de toutes les pires situations avec une chance inconcevable: il faut voir Burnett faire sa pirouette à la John Woo à la fin du film alors qu'il court seul sur le terrain de glace et sous le feu de l'ennemi pour récupérer les photographies qui permettront d'arrêter les dissidents serbes pour crime de guerre et génocide (scène atroce où Burnett découvre un charnier). On notera au passage des effets spéciaux pas vraiment très convaincants, surtout dans la scène du début avec l'attaque du missile qui se déroule bien jusqu'à ce que les deux moteurs de l'avion soient lâchés et explosent au sol. A partir de ce moment là, on voit très clairement les bugs de superposition et les images de synthèse bâclé (probablement du à un budget relativement assez bas) sans oublier l'utilisation de modèles en miniature qui est assez flagrante ici. Bref, si vous êtes un fan des films d'action tonitruant reposant sur une intrigue de film de guerre, 'Behind Enemy Lines' est certainement fait pour vous. Pour tous les autres, le film de John Moore est encore un de ces navets Hollywoodien très stéréotypé avec ce qu'il faut comme dose d'héroïsme à l'américaine, de patriotisme (le film a été tourné en pleine période des événements du 11 Septembre, ceci expliquant certainement l'esthétique globale du film), de scènes d'action et d'effets de mise en scène très 'in' et très modernes.

Après le renvoi du premier compositeur, Don Davis du s'atteler à la tâche et écrire rapidement un nouveau score pour le film. C'est la surprise totale avec sa partition orchestrale pour 'Behind Enemy Lines' qui lui permet alors de renouer avec son style atonal de 'The Matrix' ou de 'House on Haunted Hill'. 'Behind Enemy Lines' est un superbe score oscillant entre peur, terreur, suspense, action, aventure, héroïsme et ténacité. On y ressent à la fois les horreurs de la guerre et la détermination du héros qui tente de s'en sortir coûte que coûte. Reposant sur un thème principal de trompette et cordes (qui rappelle vaguement du James Horner - Don Davis fut son orchestrateur durant plusieurs années...coïncidence?) évoquant la détermination de Burnett et de l'amiral Reigart, le score s'ouvre d'abord sur un superbe choeur écrit en serbo-croate (texte de John Moore intitulé 'Ustao'), vibrant choeur spirituel quasi religieux évoquant la tragédie humaine de la guerre. Après ce très beau choeur spirituel, Davis nous fait entendre un thème plus héroïque que l'on retrouvera au cours d'un final particulièrement épique et vibrant.

Dès le début du film, Davis impose une ambiance plutôt sombre et tendue, une longue montée de tension qui trouvera un climax lors de la séquence de l'attaque du missile, illustré avec un choeur tragique et un orchestre particulièrement puissante et dramatique. On retrouve dans les moments de suspense et de tension le style et les orchestrations habituelles du compositeur avec ses cuivres extrêmement dissonants et parfois stridents, ses cordes tendues et ses percussions métalliques à la 'Matrix'. Bref, si le film a été rebaptisé 'En territoire ennemi' pour la V.F., on pourrait rebaptiser le score de Don Davis 'en territoire connu'. Le score est aussi très impressionnant au niveau des percussions que Davis saura manier avec une aisance remarquable, passant des percussions de l'orchestre à la caisse martiale sans oublier ses sempiternelles percussions électroniques et même une batterie plus de style pop/rock, utilisé dans certains passages d'action ou lors de séquences plus héroïques. Mais ce sont les passages dissonants/atonaux qui attirent d'entrée notre attention car il est effectivement très rare que l'on puisse entendre ce genre de musique pour un film de guerre de ce genre. Visiblement inspiré par son sujet, Davis mène le film avec un rythme toujours très soutenu et un goût très prononcé pour la dissonance frissonnante. Davis crée une ambiance de suspense et de menace évoquant le fait que le danger est omniprésent pour Burnett qui peut se faire abattre à n'importe quel moment. Ces parties de suspense laissent parfois place à des moments de terreur glaciale comme c'est le cas pour l'impressionnant morceau décrivant la scène atroce où Burnett tombe dans un charnier, morceau où Davis a recours à un sinistre choeur en glissendo torturé évoquant le style atonal du 'Requiem' de Ligeti ou de la 'Passion selon St-Luc' de Penderecki.

Les passages d'action du score sont tous particulièrement excitants, surtout dans les scènes de poursuite ou lorsque Burnett court dans la forêt avec les serbes lancés à ses trousses. Le thème de trompette reste plus ou moins présent tout au long du score pour évoquer la détermination du héros à survivre tandis que de l'autre côté, sur le porte-avion où est resté l'amiral Reigart et son équipage, les opérations visant à sauver Burnett se préparent lentement. Pour ces séquences du QG de l'amiral, on a droit à des morceaux plus rythmés et moins dissonants avec des cordes et des cuivres plus déterminés et une partie rythmique souvent plus martiale. Lorsque Davis a recours à d'excitantes percussions du synthé, c'est essentiellement dans les passages d'action (cf. scène impressionnante de la course aux mines). A noter que le compositeur a recours à quelques rythmiques de synthé plus modernes plus illustrer certains passages d'action/suspense du score, l'orchestre restant néanmoins prédominant avec la trompette de Malcolm McNab et le cor soliste de Joseph Meyer. On notera aussi l'utilisation d'une batterie plus cool dans les passages plutôt héroïques (lorsque Burnett a semé les serbes et revient en héros).

Entre action, suspense glauque et aventure, le score trouvera une conclusion plus héroïque pour le sauvetage final reprenant le thème principal sous une forme plus rythmique où l'action culminera au cours d'un final plutôt épique finissant par une magnifique reprise du thème héroïque confié à tout l'orchestre. Vous l'aurez donc compris, 'Behind Enemy Lines' est un score extrêmement convaincant, le genre de partition inspiré que l'on apprécie dès la première écoute et qui varie ses ambiances et ce pour notre plus grand plaisir. Don Davis confirme qu'il a bel et bien l'étoffe d'un grand compositeur et que s'il continue dans cette voie là, il devrait devenir un compositeur incontournable à Hollywood (à condition qu'il choisisse un peu mieux ses films à l'avenir). Sa musique transcende les scènes du film avec une efficacité redoutable, retranscrivant toute l'excitation des scènes d'action du film et le frisson des moments de suspense plus sinistres. Entre action, aventure et thriller, l'excellent score de Don Davis n'oublie pas non plus une pointe d'émotion plus humaine à travers le magnifique choeur 'Ustao' qui ouvre et conclut le film de manière remarquable. Il est fortement regrettable que la partition de Davis n'ait pas pu trouver de voie légale pour être édité (il n'existe malheureusement aucune édition promotionnelle 'officielle' pour ce score, comme c'était pourtant le cas pour 'Bound' ou 'House of Franckenstein'). En conclusion, si vous êtes fans des partitions action/thriller du compositeur, 'Behind Enemy Lines' ne pourra que vous ravir. Une excellente surprise!


---Quentin Billard