1-Logo 0.08
2-Main Title/What's Wrong? 3.13
3-Room Tone/Primitive Dance 1.45
4-Be Happy/LUH/
Society Montage 5.05
5-Be Happy Again
(Jingle of The Future) 0.56
6-Source #1 5.17
7-Loneliness Sequence 1.27
8-SEN/Monks/LUH Reprise 2.43
9-You Have Nowhere to Go 1.10
10-Torture Sequence/
Prison Talk Sequence 3.41
11-Love Dream/
The Awakening 1.46
12-First Escape 3.01
13-Source #3 3.33
14-Second Escape 1.14
15-Source #4/Third Escape/
Morgue Sequence/The Temple/
Disruption/LUH's Death 8.29
16-Source #2 3.16
17-The Hologram 0.54
18-First Chase/Foot Chase/
St. Matthew Passion
(End Credits) 7.40

Musique  composée par:

Lalo Schifrin

Editeur:

FSM CD Vol. 6, No.4

Album produit par:
Nick Redman,
Lukas Kendall,
Jeff Bond

Artwork and picture (c) 2003 FSM. All rights reserved.

Note: ****
THX 1138
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Lalo Schifrin
Si le nom de George Lucas est étroitement lié à 'Star Wars', il est regrettable qu'il n'éveille pas plus souvent chez certains cinéphiles les souvenirs d'un autre film mémorable: 'THX 1138'. Bien avant sa saga spatiale et son fameux 'American Graffiti' (1973), Lucas nous livrait sa première grande production avec l'excellent 'THX 1138', remake d'un court-métrage de science-fiction que Lucas avait lui même réalisé lorsqu'il était encore étudiant. Le film nous montre une vision cauchemardesque d'une société futuriste où l'amour est strictement prohibé et considéré comme le pire des crimes. Chaque individu travaille pour le profit de la communauté dans un environnement stérilisé où chaque personne doit prendre des drogues afin de se soumettre au contrôle d'une mystérieuse autorité invisible et impalpable. Dans cet univers suffoquant où règne une seule couleur, le blanc (symbole de cette fausse 'pureté' qui caractérise ce monde cauchemardesque), les individus n'ont aucun nom et aucun avenir particulier: ils doivent travailler et effectuer toute une série de tâches visant à maintenir l'équilibre dans la société. Afin de protéger l'ordre établi et de faire respecter les lois, des flics-robots patrouillent régulièrement. L'avenir des individus (affublés d'un matricule servant à les reconnaître) est géré par les machines. Il n'y a plus aucune valeur humaine ici: les individus ne sont que des objets, du bétail que l'on utilise afin que la société fonctionne avec sa propre autonomie (le mot 'tuer' ou 'mourir' n'existe pas ici: on dit 'détruire' comme si on parlait de ces êtres humains comme d'un vulgaire objet - ca fait froid dans le dos). THX 138 (Robert Duvall) est un individu un peu à part. Il ne peut plus résister aux sentiments qu'il ressent à l'égard de sa compagne, LUH 3417 (Maggie McOmie) jusqu'au jour où il finit par craquer et avoue son amour (réciproque) à LUH 3417. Ils commettent alors le pire des crimes dans cette société totalitaire: ils s'aiment et font l'amour. Les dirigeants envoient alors THX 1138 en prison afin de tenter de le soigner de sa " perversité ", les choses se compliquant lorsque THX 1138 apprendra que LUH 3417 est enceinte. C'est en prison que notre héros rebelle rencontrera SEN 5241 (Donald Pleasance) avec qui il va monter un plan d'évasion, facilité par sa rencontre avec un Hologramme qui les conduira tout deux vers la sortie. Le héros rebelle est décidé: il veut fuir hors de cet enfer et remonter à la surface de la terre.

'THX 1138' est un film brillant, reposant sur une mise en scène d'une qualité rare et des effets spéciaux extrêmement réussis. Ce sont les décors du film et l'aspect visuel qui retiennent en premier lieu notre attention: Lucas nous plonge dans un enfer technologique où les machines sont reines, et pour un film du début des années 70, 'THX 1138' est véritablement en avance sur son temps, car une telle qualité technique et visuelle, on aura rarement vu cela à cette époque! On ne pourra pas passer à côté de l'environnement sonore du film (favorisé par le montage de Walter Murch), riche en sonorités métalliques/électroniques diverses, une richesse sonore incomparable qui accroît la qualité et l'intensité de la mise en scène de Lucas. Difficile de ne pas se laisser prendre par cette sombre histoire à la fois inquiétante, émouvante et angoissante. Difficile de ne pas ressentir le côté oppressant de cette sinistre société inhumaine où la masse semble avoir pris le dessus sur l'individualité (thème cher aux films de science-fiction décrivant une société du futur). 'THX 1138' évoque non seulement l'oppression d'un conformisme excessif et inhumain mais aussi l'emprise de la technologie sur l'homme, autre thème majeur du cinéma de science-fiction. Peut-on alors voir dans ce film une critique de la société capitaliste américaine, doublé par le côté extrêmement 'puritain' de cette dite société et de cet univers stérile proscrivant l'amour et le sexe? Les rapprochements sont tentant, même s'il n'est pas certain que Lucas ait véritablement abordé son film sous cet angle là. Il fait néanmoins mention à une certaine religion mystique qui contrôle l'esprit des individus et les soumet à un esclavage primaire: autre critique de la mentalité religieuse de certaines pensées puritaines dans la société américaine? Possible. Le seul reproche que l'on pourrait formuler à l'égard du film de Lucas, c'est sa durée: 84 minutes seulement, c'est trop court pour un film aussi dense. Effectivement, on aurait aimé connaître un peu plus en détail les rouages et les divers mécanismes de la vie des individus dans cette société futuriste: on ne sait pas vraiment comment ils naissent puisque le sexe est proscris, (on voit juste un plan d'un embryon à un moment du film et c'est tout!) on ne sait pas vraiment d'où vient cette religion esclavagiste qui contrôle l'esprit des gens, pourquoi ces derniers doivent prendre régulièrement des drogues, de même qu'à aucun moment on nous explique qui a construit cette société et pourquoi elle existe. On pourra nous répondre que c'est à nous de nous faire notre propre avis sur ce sujet, mais on ne peut qu'être déçu devant le côté un peu trop 'concis' de l'histoire (à l'instar du personnage de Robert Duvall qui parle finalement peu mais agit beaucoup), d'autant que la fin du film surgit de manière un peu trop abrupte. Quoiqu'il en soit, 'THX 1138' est un film à découvrir d'urgence si vous ne le connaissez pas encore, un film que les cinéphiles se doivent de redécouvrir et qui nous montrera une autre facette du réalisateur hors de l'univers des 'Star Wars' auquel on l'a trop souvent assimilé, de manière parfois réductrice.

C'est le compositeur argentin Lalo Schifrin (auteur du célèbre thème pour la série TV 'Mission: Impossible') qui signe pour 'THX 1138' un score orchestral plutôt sinistre et pesant, agrémenté d'une touche d'expérimentation électronique assez saisissante bien que noyé dans l'environnement sonore un peu trop riche du film. Si vous êtes fans des partitions atonales expérimentales à l'écriture plutôt avant-gardiste, 'THX 1138' devrait vous ravir. Le score tourne autour d'un petit Love Theme pour flûte et harpe attribué à l'amour entre THX 1138 et LUH 3417, mais étant donné le contexte dans lequel cet amour apparaît et tente de survivre, ne vous attendez pas à un Love Theme mielleux et naïf. La mélodie de flûte résonne de manière plutôt mystérieuse, la flûte étant la seule véritable sonorité aiguë et douce de la musique de Schifrin. Ce petit thème somme toute assez mystérieux et envoûtant nous propose un excellent contrepoids émotionnel à une partition sinistre et extrêmement tendue.

Ce qui attire particulièrement notre attention à la première écoute de cette terrifiante partition, c'est le superbe 'Main Title' qui ouvre le film d'une manière fortement sombre. Les tenues de cordes permettent à Schifrin d'asseoir le ton sombre et pessimiste de sa partition avant que des mystérieux choeurs quasi religieux fassent leur apparition au sein d'une terrible montée de tension angoissante. Les voix de femmes prennent le relais des voix d'hommes pour exprimer cette idée d'humanité perdue, ensevelie dans une société totalitaire et despotique où les valeurs humaines sont anéanties. Schifrin rejoint ici un style d'écriture avant-gardiste évoquant quelques grands noms de la musique contemporaine du 20ème siècle tel que Györgi Ligeti (pour l'aspect faussement 'statique' de sa musique avec ses longues tenues orchestrales qui ne bougent qu'à travers une voix intermédiaire enfouie entre deux autres voix - on pourrait rapprocher certains passages orchestraux de 'THX 1138' au fameux 'Lontano' de Ligeti), Olivier Messiaen, Krzysztof Penderecki (la montée de tension du 'Main Title' évoque par moment certains passages de son premier 'Concerto pour violoncelle') ou bien encore Maurice Ohana, autre influence majeure du score de Schifrin. Certains passages évoquent des oeuvres telles que 'T'Hâran-Ngô' ou les fameuses 'Cantigas'. Le 'Main Title' de Schifrin est d'ailleurs très proche sur le plan vocal de l'esthétique de la 'Cantigas de los Reyes Magos' de Maurice Ohana (avec des tournures vocales renvoyant à la musique vocale du 16ème siècle mais sous une forme atonale). Cette superbe ouverture représente une sorte de requiem ténébreux évoquant la déshumanisation terrifiante de cette société futuriste et à l'écoute de ce morceau poignant, impossible de ne pas ressentir le climat angoissant voulu par Schifrin tout au long du film. Sa musique rejoint l'angoisse que le réalisateur veut nous transmettre à travers sa brillante mise en scène.

Schifrin prolonge cette sombre écriture orchestrale tout au long du film avec ce ton à la fois sinistre, pessimiste et pesant. A noter que le compositeur a aussi écrit la 'source music' du film comme l'amusant jingle censé représenter le côté 'faussement' idéal de cette société du futur. ('Be Happy Again (Jingle of The Future)'), chanté par un choeur joyeux et l'orchestre - morceau débile absent du film. On comprend aisément pourquoi d'ailleurs puisque cette petite pièce joyeuse à connotation fortement ironique fait un peu tâche au sein du score expérimental et atonal du compositeur. Schifrin mettra très vite en place le 'Love Theme' de flûte/harpe associé à la romance entre THX 1138 et LUH 3417, morceau plus mystérieux et envoûtant cohabitant avec le terrifiant univers musical crée par le musicien pour le film de Lucas. 'Source #1' fait partie de ces morceaux diffusés (ironiquement) dans les immenses couloirs blancs du film, petite pièce tonale amusante avec des percussions un peu exotiques et quelques instruments genre accordéon, flûte, orgue et vibraphone dans un style plus 'latino', jurant une fois encore avec le reste de la partition.

On ne pourra pas passer à côté de l'étrange morceau de la séquence de torture dans la prison, 'Torture Sequence/Prison Talk Sequence' où le compositeur développe une écriture encore plus expérimentale à base de percussions diverses, gongs, cymbales, gamelans, percussions en bois et diverses percussions métalliques. (on pense une fois encore à des oeuvres du 20ème siècle pour percussions seules comme on peut en trouver chez Varèse, Xenakis ou Ohana) Ce morceau étrange évoque à merveille le côté étouffant de cette scène où trois flics-robots torturent THX 1138 dans cette prison illuminée de blanc, le côté métallique de certaines percussions retranscrivant à merveille l'aspect froid, machinal et déshumanisé de cette séquence (et de cette société du futur). En tout cas, voilà un autre morceau incontournable du score qui attirera particulièrement notre attention de par son originalité et l'impact qu'il crée dans la scène qu'il accompagne.

Dans 'Love Dream/The Awakening', on retrouve le 'Love Theme' mystérieux sur un fond plutôt dissonant qui annonce la fin de cette union entre THX 1138 et LUH 3417. Les cordes plus sombres prennent très vite le relais pour nous ramener à la dure réalité: l'amour, pourtant élément majeur dans l'existence humaine, est proscrit de cet enfer futuriste. Dans 'First Escape' et 'Second Escape', Schifrin commence à développer ses sombres musiques évoquant les séquences d'évasion, le compositeur développant une fois encore ses sinistres tenues de cordes pesantes tout en jouant sur de nouveaux effets de cordes plus proches de l'esthétique d'un Penderecki ou d'un Ligeti. Dans 'Source #4/Third Escape/Morgue Sequence/The Temple/Disruption/LUH's Death', et malgré une nouvelle pièce de 'source music' hispanique et plutôt sans intérêt dans le contexte du score (encore absent du film d'ailleurs - on sent que Schifrin a tenu à se faire plaisir en composant ces petites pièces malgré le fait que Lucas ne les ait pas inclus pour la plupart au montage final), on retrouve amplifié le côté sombre et tendu de la partition de Schifrin. Le morceau commence sur un 'nuage' sonore de pizzicati de cordes à la Penderecki, le tout baignant dans une atmosphère de suspense suffoquant alors que les flics-robots se sont lancés à la poursuite de THX 1138 et de son complice. On notera ici l'utilisation remarquable (mais trop brève) de ces flûtes en écho ou des différentes plages sonores que le compositeur élabore ici afin de renforcer l'atmosphère étouffante de sa musique. Surgit alors un choeur grégorien en latin nous renvoyant à cette pseudo-religion qui gouverne l'âme des individus vivant dans cette société, une bonne idée de la part du compositeur qui semble apprécier de passer d'un registre à un autre, même si les transitions entre les différents styles sont nettement moins abrupts dans le montage de la musique dans le film. La dernière partie du morceau fait intervenir une masse chorale sinistre associé à de terrifiantes tenues orchestrales venant une fois de plus renforcer le côté oppressant de cette société cauchemardesque.

On notera un morceau particulier avec 'The Hologram', visiblement inspiré de Jean-Sébastien Bach, premier élément véritablement tragique du score avec cordes baroques renforcées par un continuo de clavecin. Ce morceau est entendu dans la scène où l'hologramme fait diversion et s'écrase en voiture contre un mur pour permettre à THX 1138 de s'évader. Cette sombre histoire trouvera sa conclusion sur le superbe 'First Chase/Foot Chase/St.Matthew Passion (End Credits)'. Schifrin va évoquer dans un premier temps la séquence de poursuite entre THX 1138 et les flics-robots. On retrouve ses sinistres tenues de cordes pesantes doublées ici par une sonorité d'orgue électronique ondulante et menaçante dans une terrifiante montée de tension, Schifrin développant par la suite une nouvelle plage d'angoisse pour la poursuite à pieds dans les tunnels (ce son d'orgue étrange renforce à merveille le côté sombre et envoûtant du morceau), le compositeur utilisant ici de manière très fantaisiste quelques petites percussions diverses liées à la menace des flics-robots. Mais alors que la poursuite s'intensifie, la musique prend une tournure de plus en plus menaçante dans une ultime montée de tension débouchant sur le climax tant attendu, apogée de la partition symbolisée ici par un extrait poignant de la splendide 'Passion selon St.Matthieu' de Jean-Sébastien Bach et qui illumine le générique de fin du film.

Vous l'aurez donc compris, 'THX 1138' est une oeuvre étonnante, à des années lumières des partitions plus conventionnelles que le compositeur a pu écrire pour les grosses productions américaines des années 80 et 90. On pourra regretter l'intrusion des 'source music' qui jurent totalement avec le reste de la partition, même si ces morceaux ont été écrits dans un seul et même but: créer un univers musical éclectique pour le film (on y trouve du baroque, de l'atonal expérimental, une petite danse espagnole, un passage plus de style latino, un chant grégorien, etc.) même si c'est le côté sinistre et atonal de la musique qui prédomine ici (il s'agit d'évoquer l'oppression de cette terrifiante société déshumanisée). La musique de Schifrin crée un impact très fort dans le film de Lucas, soulignant à son tour le côté cauchemardesque de cette sinistre histoire. On saluera au passage la récente édition du score de Schifrin par FSM, une édition tant attendue par les fans du compositeur et de ce score qui mérite amplement d'être redécouvert, maintenant qu'il a enfin droit à une édition discographique digne de ce nom. Un petit bijou expérimental que vous ne devez manquer sous aucun prétexte!


---Quentin Billard