1-Rounders 3.46
2-Brass Brazilians 2.50
3-Pasadena 2.14
4-The Catch 1.28
5-Lady In Black 1.21
6-Alligator Blood 3.13
7-Ode To Johnny Chan 1.36
8-All In 1.15
9-Kansas City Lowball 1.36
10-Railbirds 1.19
11-Tapioca 2.17
12-Glowing Glimmer 2.41
13-Belly Buster 2.58
14-Worm 3.15
15-Finger Up Your Spine 1.46
16-Rosealee 1.10
17-Texas Hold'em 1.11
18-High Society 1.51
19-The Apple 1.12
20-Fold 1.00
21-Rainbows 2.37

Musique  composée par:

Christopher Young

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5980

Album produit par:
Christopher Young
Monté par:
Tanya Noel Hill

Artwork and pictures (c) 1998 Miramax Films. All rights reserved.

Note: ***1/2
ROUNDERS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christopher Young
'Rounders' (Les Joueurs) évoque l'univers impitoyable des joueurs de poker, univers dans lequel chacun possède sa propre stratégie, son art de déstabiliser l'adversaire, de voir son jeu, d'anticiper ses actions, de le mener par le bout du nez en le feintant par le biais de diverses combines en tout genre. Matt Damon y campe le jeune Mike McDermott, un as du poker qui, après avoir perdu toutes ses économies en une nuit en jouant contre le dangereux Teddy KGB (John Malkovich), décide de raccrocher et de faire des petits boulot à droite à gauche afin de payer ses études de droit. Sa copine Jo (Gretchen Mol) l'a d'ailleurs aidé à le remettre dans le 'droit chemin', jusqu'au jour où Mike retrouve son vieil ami Lester Murphy dit 'l'asticot' (Edward Norton) qui vient tout juste de sortir de prison. Lester tente alors de le convaincre de replonger dans l'univers des 'rounders' (joueurs de poker professionnels et infatigables qui sillonnent toutes les tables de la ville à la recherche d'un jeu qui leur permettra de décrocher enfin le gros lot) et pour Mike, la tentation est trop forte et il finit par se laisser convaincre. Mais les choses s'aggravent alors que Lester doit rembourser des dettes et qu'il n'a plus un sou en poche. Mike décide alors de le soutenir en se portant garant pour lui, sans s'imaginer que Lester va faire des conneries et qu'il va les mettre tout les deux dans les pires ennuis. Effectivement, Grama (Michael Rispoli), l'ancien coéquipier de Lester a racheté toutes ses dettes à ses créanciers et exige désormais 15000 dollars au lieu des 10000 de prévu. Mike et Lester n'ont plus qu'une seule solution: gagner ces 15000 dollars en moins de deux jours. Ils vont donc devoir multiplier les parties de poker, mais si Mike est réglo et sait s'arrêter quand il le faut, Lester va commettre une gigantesque bourde et leur fera perdre tout leur argent en une seule nuit. Pour Lester, c'est fini, il n'arrivera jamais à rembourser Grama et Teddy KGB à temps: il doit s'enfuir loin d'ici. Quand à Mike, il n'a plus qu'une seule solution: tenter de demander de l'argent à ses meilleurs amis afin d'affronter Teddy KGB en personne, avec qui il avait déjà perdu toutes ses économies il y a fort longtemps. Voilà un film fort et captivant sur l'univers du poker. Le réalisateur John Dahl, spécialiste des thrillers, nous livre là un film remarquable qui nous dévoile les 'coulisses' de cet univers spécial fait de règles, de trucs et d'astuces. On pourrait presque considérer 'Rounders' comme une sorte de traité sur l'art de jouer au poker, mais sans le côté prétentieux d'une telle tâche. A noter un casting impressionnant réunissant des acteurs talentueux tels que Edward Norton, Matt Damon, John Turturro, Famke Janssen, John Malkovich ou bien encore Martin Landau, le tout soutenu par une mise en scène impeccable qui ménage magnifiquement le suspense et la tension dans les séquences de poker. En un mot: une petite réussite!

Depuis le milieu des années 90, on assiste à un changement de cap saisissant de la part de Christopher Young, spécialiste incontesté des musiques de suspense/thriller/horreur. C'est avec un film comme 'Norma Jean & Marilyn' (1996) ou la comédie 'The Man Who Knew Too Little' (1997) que le compositeur nous a prouvé son envie de changer de registre et de s'essayer à d'autres genres musicaux. S'il brille toujours autant dans le domaine des thrillers ('Hush', 'Hard Rain', 'The Gift', etc.) ou de l'horreur ('Urban Legend', 'Bless The Child'), Christopher Young continue à explorer d'autres voies, d'autres genres. 'Rounders' lui a permit cette fois ci d'aborder un style jazzy auquel il était relativement peu habitué, un style jazzy que le compositeur avait déjà abordé dans 'The Man Who Knew Too Little' ou 'Norma Jean & Marilyn' (il ne faut pas oublier que Christopher Young fut un batteur de jazz dans sa jeunesse). 'Rounders' se base autour d'une écriture instrumentale jazzy réunissant une section rythmique (batterie jazz, piano et basse), un piano électrique, un saxophone, une section de cuivres, l'orgue hammond de Mike Lang, une trompette en sourdine, une guitare wha-wha, (dans 'Brass Brazilians') un vibraphone très 'blues' plus une petite section de cordes avec piano dans les moments plus atmosphériques et plus intimes. Le score s'ouvre sur 'Rounders', qui après une introduction plus intime aux cordes/piano, nous introduit à la rythmique jazzy du score avec la batterie/basse, le piano électrique et un excellent solo de vibraphone. Le morceau assoit à merveille ce côté jazzy/blues lent assez paisible mais avec une ambiance plus atmosphérique traduisant le sérieux de l'histoire (les amateurs de jazz apprécieront probablement ce premier excellent solo de vibraphone), le morceau possédant un côté vaguement mélancolique qui correspond à merveille à l'atmosphère musicale voulue par Young dans ce film. Plutôt intime, 'Rounders' est une excellente introduction au score de Young.

'Brass Brazilians' nous introduit quand à lui à un côté plus 'lounge'/funky (assez kitsch) de la partition de Young dans les séquences se déroulant à Las Vegas lors de parties de poker interminables. Young utilise ici une basse funky très 'seventies' avec un saxophone cool, une bonne rythmique de batterie et un excellent solo de flûte qui rappelle un peu le genre de musique que Lalo Schifrin a pu écrire dans les années 60/70 pour des films tels que 'Bullitt'. Young nous dévoile ici une autre facette de son art musical avec ce morceau très cool et agréable qui crée une ambiance plutôt décontract' et entraînante durant les nombreuses parties de poker du milieu du film (à noter aussi l'excellent 'Kansas City Lowball' et son solo de saxophone très cool). On retrouve ce style dans 'Pasadena' avec une rythmique de batterie/base très cool et un excellent solo d'orgue hammond qui offre sa sonorité inimitable dans de nouvelles séquences de poker du milieu du film (on retrouve cette ambiance cool dans 'Alligator Blood'). 'The Catch' nous introduit quand à lui au côté un peu plus jazz/blues lent dans la lignée des musiques de film noir/polar des années 50. Young réutilise sa section rythmique avec l'orgue hammond et le vibraphone pour exprimer ici les parties de poker plus tendues comme c'est le cas pour la première séquence du film où Mike affronte Teddy KGB en misant toutes ses économies. C'est dans ces passages là que le compositeur développe son seul et unique thème, un motif de basse de 5 notes au sein d'une ambiance plus jazz/blues lent ambiance 'musique de polar à l'ancienne', tout à fait ce qu'il fallait pour renforcer l'atmosphère du film. (un excellent exercice de style de la part du compositeur) On retrouve ce thème dans 'Ode To Johnny Chan' qui renforce à merveille de par son côté plus sombre la tension qui s'installe dans certaines parties de poker plutôt intenses (surtout au début et à la fin du film). Ce motif de 5 notes revient régulièrement comme pour évoquer la détermination des deux héros qui vont tout faire pour tenter de se sortir eux mêmes de ce mauvais pas. (à ce sujet, 'High Society' nous file une pêche très communicative comme pour exprimer le côté déterminé et optimiste des deux héros)

Young nous fait entendre le côté plus intime de sa composition dans le très beau 'Lady In Black' où il a recours à une très belle écriture de piano/cordes afin d'évoquer la difficulté de la relation entre Mike et Jo, le tout baignant dans une certaine mélancolie nostalgique plutôt surprenante de la part du compositeur (on retrouve cela dans 'All In'). Ces passages plus intimes/mélancoliques permettent d'apporter un peu de relief au côté jazzy cool du score et aux quelques passages atmosphériques de la partition (surtout au début du film, dans la première scène de l'affrontement au poker contre Teddy KGB, Young ayant même recours à quelques cordes dissonantes et un peu tendues, sans en faire de trop). 'Glowing Glimmer' fait intervenir des cordes un peu plus mystérieuses et harmonieuses dans certains passages évoquant une idée d'espoir pour Mike et Lester, une sorte de 'lumière au bout du tunnel', un morceau que l'on retrouvera surtout vers la fin du film. A noter l'excellent 'Worm' dans lequel Young utilise un thème cool de saxophone ténor associé au personnage de Lester 'l'asticot'. Le compositeur nous fait entendre ce thème pour la première fois dans le film lorsque l'asticot sort de prison et retrouve son ami Mike. 'The Apple' reprend le motif de cordes de 'Glowing Glimmer' pour une idée d'espoir similaire tandis que 'Fold' conclut la dernière séquence entre Mike et Jo sur une touche de mélancolie nostalgique (Young reprend ici le très beau motif de piano/cordes de 'Lady In Black'). C'est finalement l'excellent 'Rainbows' qui conclut le film sur une touche plus positive avec un petit solo de piano plus paisible et intime pour la fin du film.

Entre pièces jazzy/blues cool, d'ambiance 'polar années 50', pièces funky/lounge fun un peu rétro et morceaux atmosphériques ou plus intimes, 'Rounders' est une surprise évidente pour tout ceux qui ne connaissent que le Christopher Young des musiques d'horreur/thriller. Certes, on est dans un tout autre univers ici où le compositeur délaisse un peu son style orchestral habituel, mais il y a une telle pêche, une telle énergie déployée dans ce score qu'il serait vraiment dommage de ne pas y prêter attention. On sent que le compositeur s'est fait plaisir avec ses musiciens (chapeau bas aux superbes solos d'orgue hammond de Mike Lang!) et leur énergie enthousiasmante est réellement communicative. Young a réussi à créer une ambiance musicale parfaite pour le film en variant les registres tout en conservant une certaine unicité par le biais de trois petits motifs discrets (le motif de 5 notes liés au côté plus sombre du film, le petit motif de piano plus intime et le motif de cordes plus positif). Si 'Rounders' n'est certes pas un grand chef d'oeuvre, il n'en demeure pas moins un score très sympathique et très agréable, une bonne surprise qui nous dévoile une facette plus méconnue de la part de Christopher Young. C'est le style de score qui nous fait clairement comprendre l'envie du compositeur de passer à autre chose, d'aller vers de nouveaux horizons, loin du monde de l'horreur et du suspense dans lequel on l'a trop souvent enfermé.


---Quentin Billard