1-M.Butterfly 2.02
2-Concubine 4.10
3-Entrance of Butterfly*/
Drunken Beauty** 3.02
4-Dragonfly 3.18
5-The Great Wall 1.48
6-Even The Softest Skin 4.39
7-Sha Jia Bang+ 2.10
8-Bonfire Of The Vanities/
Cultural Revolution++ 3.27
9-He Was The Perfect Father 0.53
10-Are You My Butterfly? 2.18
11-The Only Time I
Ever Existed 4.08
12-What I Loved
Was The Lie 1.04
13-Everything Has Been Destroyed 1.44
14-Un Bel Di*** 4.14
15-My Name Is
Rene Gallimard 3.36

*Ecrit par Giacomo Puccini
Arrangé par Howard Shore
Soprano: Michelle Couture
**Domaine Public
Interprété par John Lone
***Domaine Public
Composé par Giacomo Puccini
+Domaine Public
++Domaine Public
Percussions de Jamie Guan

Musique  composée par:

Howard Shore

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5435

Album produit par:
Howard Shore
Co-produit par:
Suzana Peric
Producteur exécutif:
Robert Townson
Assistant monteur:
Nicolas Ratner

Artwork and pictures (c) 1993 Geffen Pictures. All rights reserved.

Note: ***
M.BUTTERFLY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Howard Shore
'M.Butterfly' est un peu à part dans la filmographie du réalisateur David Cronenberg. Après s'être essayé à l'horreur sur des films tels que 'Shivers', 'The Brood', 'Scanners', 'Videodrome' et 'The Fly' ('Dead Zone' étant un peu à part), Cronenberg opta pour une direction plus dramatique avec 'Dead Ringers' (Faux Semblants) qui mettait déjà en scène l'excellent Jeremy Irons dans la peau d'un docteur face à son frère jumeau. Après avoir mis en scène un 'Naked Lunch' plus délirant, Cronenberg poursuivait la voie du drame avec 'M.Butterfly', terrible histoire de René Gallimard (Jeremy Irons), diplomate français qui tombe amoureux d'une chanteuse d'Opéra dans la Chine des années 60. Inspiré d'un fait réel, l'histoire retranscrit le terrible parcours d'un homme manipulé, qui ne s'aperçoit pas que celle qu'il aime joue double jeu avec lui et qu'elle l'utilise afin de fournir des informations confidentielles aux Chinois. Pour Gallimard, cette histoire d'amour, la plus belle qu'il n'ait jamais vécu, deviendra en fait la plus douloureuse expérience de sa vie après la 'trahison' finale. Le personnage interprété par Jeremy Irons (formidable, comme à l'accoutumée) est assez complexe en soi, entre arrogance (bien française) et fragilité. Cronenberg a réussi à retranscrire toute l'intensité de la passion destructrice et impossible qui unit Gallimard et Song Liling (John Lone), une passion complexe, dense et torturée. Quoique l'on puisse penser de cette tragédie, 'M.Butterfly' est ce style de film qui ne peut pas nous laisser indifférent. La 'révélation' finale est à la fois cruelle et choquante, nous offrant 5 dernières minutes typiquement 'Cronenbergienne' d'esprit où l'on retrouve une fois encore ses thèmes fétiches, ce qui est d'autant plus surprenant étant donné que 'M.Butterfly' est de loin l'un de ses films les plus atypiques. Pour finir, on ne pourra qu'apprécier les superbes parallèles que le réalisateur fait entre son film et l'Opéra 'Madama Butterfly' de Giaccomo Puccini, les deux héros de ces histoires partageant finalement un même destin tragique. Bref, voilà une réussite incontestable dans la carrière de Cronenberg, une véritable tragédie grecque à l'ancienne où le destin frappe ses héros de manière cruelle et inattendue, entre passion et trahison. Une histoire dérangeante et poignante.

Howard Shore collabore pour la septième fois avec Cronenberg sur 'M.Butterfly', le compositeur d'origine canadienne nous offrant ici un score symphonique dramatique et mélancolique, un score envoûtant, reflet musical parfait de cette histoire tragique. L'introduction nous plonge immédiatement dans l'atmosphère dramatique de ce score envoûtant, dans la lignée de ce que le compositeur a fait précédemment sur l'excellent 'Dead Ringers'. Cette introduction ('M.Butterfly') nous dévoile l'unique thème principal du score, un thème basé sur un motif de 4 notes descendantes structurant une mélodie envoûtante confié ici à une flûte, une harpe, quelques vents et quelques cordes. Cette très belle introduction symphonique annonce de manière majestueuse ce qui va être l'élément majeur de la partition, le thème principal lié à la passion destructrice qui unira Gallimard et Song Liling. Omniprésent tout au long du score, ce thème prendra très vite une tournure torturé et quasi psychologique, évoquant l'amour aveugle de Gallimard, une idée que le compositeur a su retranscrire en utilisant ce thème de manière très répétitive, renforçant à chacune de ses apparitions l'impression que l'on a d'entendre un thème obsédant et hypnotisant. C'est tout là toute la réussite d'une partition qui, à travers un seul et même thème, arrive à créer un impact dramatique/psychologique très fort dans le film.

Shore nous dévoile le côté plus intime et mélancolique de sa partition dans 'Concubine', évoquant les débuts de la relation entre Gallimard et Song. On notera l'orchestration qui privilégie beaucoup ici la harpe, les vents et des cordes résignées. 'Entrance Of Butterfly/Drunken Beauty' nous fait entendre quand à lui un bref extrait de 'Madama Butterfly' de Puccini, arrangé à l'occasion par Howard Shore lui même et interprété par la soprano Michell Couture, un air poignant qui nous rappelle à quel point Giacomo Puccini fut l'un des plus grands compositeurs du monde de l'Opéra vériste italien. On retrouve cette mélancolie résignée si chère à Shore dans 'Dragonfly', Shore privilégiant des harmonies toujours assez sombres malgré le côté lent et calme de sa musique. Le thème revient une fois encore de manière hypnotisante dans 'The Great Wall' (scène plus paisible où Gallimard et Song vont pique-niquer ensemble sur les rempart de la muraille de chine) et ne cesse de multiplier ses apparitions à travers les différents morceaux à venir. On notera un 'Event The Softest Skin' un peu spécial puisque le compositeur utilise ici une sorte de petit orgue chinois qui donne une couleur asiatique étrange à ce petit morceau intime et mélancolique, mêlé à la harpe et des cordes plus intimes. (le morceau évoque une fois encore la romance torturée entre les deux personnages)

'Bonfire Of The Vanities/Cultura Revolution' est beaucoup plus sombre et dramatique, Shore utilisant des cuivres et des cordes plus inquiétantes dans un passage retranscrivant la scène du bûcher avec les manifestants chinois descendus dans la rue (révolution culturelle). C'est de loin le morceau le plus sombre et le plus massif du score, la majorité de la musique de Shore restant dans un ton lent, calme et résigné. 'He Was The Perfect Father' évoque à son tour la trahison finale (scène au tribunal) avec des cordes plus tragiques et un sentiment d'amertume très fort à l'écran, une idée que l'on retrouve dans le poignant 'Are You My Butterfly?' où l'on retrouve le thème sous une forme plus amère et résignée. On retrouve ce côté amer pour le final dans 'The Only Time I Ever Really Existed' (discours final de Gallimard dans la séquence de la prison) ou 'What I Loved Was The Lie' et ces cordes torturés exprimant la douleur et la confusion s'installant dans l'esprit de Gallimard à la fin de cette histoire éprouvante. 'Everything Has Been Destroyed' et 'My Names Is Rene Gallimard' concluent le film sur un ton triste, mélancolique et résignée, le thème refaisant une dernière apparition avant de s'éteindre pour toujours.

Amateur de partitions joviales et entraînantes, passez votre chemin! 'Madama Butterfly' est une musique mélancolique et froide dans la lignée de 'Dead Ringers'. Lente, sombre et tragique, cette très belle partition orchestrale n'est certes pas la meilleure que le compositeur ait pu offrir pour un film de Cronenberg (on est de loin de l'originalité expérimentale de certaines de ses précédentes partitions), mais le résultat n'en demeure pas moins très convaincant à défaut d'être particulièrement original en soi. En terme d'écoute, le score de 'M.Butterfly' constitue une véritable expérience puisque le superbe thème principal très répété tout au long du score finit par nous hanter et nous envoûter, renforçant l'impact musical dramatique qui se dégage sur les images du film, preuve en est qu'Howard Shore est toujours aussi à l'aise lorsqu'il s'agit de manipuler la psychologie à travers la musique.


---Quentin Billard