1-Have You Ever Really
Loved A Woman?* 4.54
2-Habanera 2.08
3-Don Juan 4.08
4-I Was Born In Mexico 2.25
5-Love At First Sight
(Mother and Father) 2.45
6-Doña Julia 4.58
7-Don Alfonso 6.49
8-Arabia 7.53
9-Don Octavio Del Flores 1.46
10-Doña Ana 7.31

*Interprété par Bryan Adams
Ecrit par Bryan Adams,
Michael Kamen et
Robert John 'Mutt' Lange.

Musique  composée par:

Michael Kamen

Editeur:

A&M Records
540 357-2

Produit par:
Michael Kamen,
Stephen McLaughlin,
Christopher Brooks

Superviseur monteur:
Christopher Brooks
Monteur de la musique:
Zigmund Gron
Assistance de production:
Liam Bates, Lisa Guthrie,
Zoe Lovell

Producteur exécutif de l'album:
Toby Emmerich
Superviseur de la musique
pour New Line Cinema:
Dawn Solér
Directeur de la musique
pour A&M Records:
Jonathan McHugh

"Have You Ever Really
Loved A Woman?"
Produit par:
Robert John 'Mutt' Lange,
Bryan Adams

Artwork and pictures (c) 1995 A&M Records, Inc/New Line Music Co. All rights reserved.

Note: ***1/2
DON JUAN DE MARCO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Michael Kamen
Amateur de romantisme flamboyant et raffiné, 'Don Juan de Marco' n'est pas vraiment fait pour vous. Le film de Jeremy Leven (son unique réalisation) se base sur l'histoire du célèbre 'Don Juan' de Lord Byron (la première version a été mise en scène par le dramaturge espagnol Tirso de Molina au XVIIème siècle) revu à travers les yeux d'un jeune homme (Johnny Depp) qui se fait passer pour un certain Don Juan de Marco. Après avoir tenté de se suicider, le psychiatre Jack Mickler (Marlon Brando) va sauver le jeune homme et le recueillir pour tenter de le soigner. Don Juan de Marco se dit être le plus grand séducteur de tous les temps et aurait déjà séduit plus d'un millier de femmes. C'est en tout cas ce qu'il prétend. Aujourd'hui, il est amoureux de Donna Ana (Géraldine Pailhas, actrice française vue récemment dans 'L'Adversaire' de Nicole Garcia), son seul véritable amour, d'où le paradoxe de ce personnage sans morale qui prétend aimer les femmes et les utilise comme des outils qu'on jette après usage. Le film de Jeremy Leven a beau être joli, mièvre et niais, il montre néanmoins une vision assez provocatrice du personnage de Don Juan, rejoignant le personnage vil et sans scrupules du 'Don Giovanni' de W.A. Mozart, qui utilise les femmes pour son unique plaisir en camouflant ses actes sous l'excuse de la passion. Mais le destin finit toujours par rattraper l'impétueux séducteur. Ainsi, lorsque Tirso de Molina ou Mozart évoquent la 'punition' de Don Juan, c'est à travers deux aspects primordiaux: l'amour et la mort. Don Juan, le vil séducteur est finalement pris dans les pièges de l'amour, mais il est aussi condamné à mourir par le 'convive de pierre', la statue du commandeur qu'il tua au cours d'un duel. Dans son ouvrage, Tirso de Molina soulève d'ailleurs un point important: la confession ne peut pas servir à des fins de calcul ou de négociation avec Dieu. Il arrive un moment où, lorsqu'on a franchi les limites de l'excès, le pardon n'est plus possible.

Difficile de considérer Don Juan comme un romantique, et c'est pourtant ce que le film tente de faire, d'où un certain paradoxe amusant et intéressant. Il est évident que lorsque le personnage de Johnny Depp parle ici d'amour, il faut le prendre dans le sens charnel du terme et non du point de vue des sentiments sincères. Pourtant, cela ne l'empêche pas de s'étendre pendant de longues lignes de dialogues passionnés avec son psy sur la beauté et la magie poétique des femmes. C'est une autre manière de présenter la chose, même si au final, Don Juan reste un séducteur sans éthique. Evidemment, la morale est sauve car, derrière cette tentative de 'rhabillage' du mythe de Don Juan se cache une jolie fable qui parle du vrai amour, celui que l'on consacre toute sa vie à une seule et même personne. Au contact de ce 'fou' pas si fou que cela, Jack Mickler apprend à se redécouvrir, s'ouvre de nouveau à la vie et 'renaît' à l'amour auprès de sa femme Marilyn (Faye Dunaway). Conscient de l'avoir délaissé durant de nombreuses années, Jack retrouve cette petite étincelle de jeunesse qui est toujours en lui et se met de nouveau à aimer sa femme comme il ne l'avait pas fait depuis leur adolescence. L'exercice peut donc paraître laborieux et un tantinet agaçant (on tente de nous prouver pendant plus de 90 minutes que Don Juan est un poète/romantique/raffiné alors qu'à la base, il n'est rien de tout cela) mais le résultat est là, même si l'ensemble reste somme toute très léger. On est proche par moment d'une comédie romantique à l'américaine, avec un ton léger employé dans certains passages du film. La fin nous incite même à réfléchir sur la véritable identité du personnage: est-il réellement Don Juan de Marco ou est-il ce jeune américain originaire de Queens du côté de New York? La fin laisse planer le doute mais on ne peut s'empêcher d'être un peu déçu tant le parti-pris du film échoue dans son concept intrinsèque: tant de poésie, tant de romantisme autour du personnage de Don Juan ne collent décidément pas à ce personnage, surtout lorsqu'il parle d'amour avec un grand A. Orgueilleux, érotomane et libertin, ce Don Juan de Marco n'a rien d'un poète et on ne peut que comprendre la pauvre Donna Ana lorsque cette dernière le quitte après avoir appris le nombre de conquêtes qu'a accumulé son amant avant elle. D'ailleurs, Alfred de Musset ne disait-il pas: 'on ne badine pas avec l'amour'?

'Don Juan de Marco' donne l'occasion à Michael Kamen d'aborder la musique espagnole à travers une très belle écriture orchestrale raffinée et sensuelle, un peu comme le fit Maurice Ravel en son temps (cf. sa fameuse 'Rhapsodie Espagnole', sa 'Habanera' ou sa musique scénique pour 'L'heure espagnole') ou Georges Bizet dans son célèbre Opéra 'Carmen' (auquel le score fait brièvement référence dans un morceau). Le score débute avec l'un des thèmes majeurs du score, la 'Habanera' écrite dans le style de cette fameuse danse espagnole (Bizet l'a définitivement immortalisé dans la célèbre 'Habanera' de 'Carmen') avec cette basse rythmique très typée et une orchestration privilégiant ici cordes, mélodie de basson, vents et percussions. A travers la 'Habanera' de Kamen, on sent toute la beauté des paysages espagnols, le côté raffiné et léger de cette musique festive qui est, rappelons le, faite avant tout pour être danser. Le thème de la 'Habanera' colle aussi parfaitement au côté 'raffiné' et élégant du personnage de Don Juan de Marco et Kamen aborde cette musique avec une certaine légèreté quasi insouciante, toute à l'image du héros campé par Johnny Depp. 'Don Juan' fait appel quand à lui à une guitare hispanique qui joue ici une sorte de douce sérénade espagnole nostalgique évoquant le côté poétique et romantique du personnage. On sent déjà ici le côté plus nostalgique de l'histoire à travers cette très belle pièce pour guitare qui, une fois de plus, ravira tous les fans de musique folklorique espagnole. Le morceau est entendu pour la première séquence de séduction avec la femme dans le restaurant, au début du film. Avec 'Don Juan' et 'Habanera', Kamen donne le ton et nous invite à partager cette aventure placé sous le soleil de l'Espagne. A noter que la première rencontre entre Don Juan et Jack Mickler se fait entendre dans le film au son d'une rythmique de Boléro qui n'est pas sans évoquer Ravel.

'I Was Born In Mexico' revient sur les souvenirs (inventés?) de Don Juan et de sa jeunesse, prétextant qu'il est né à Mexico. A noter que Kamen utilise ici un autre thème majeur de sa partition, une mélodie plus fugace que le compositeur développe parfaitement au sein de son écriture orchestrale et instrumentale et lié au côté plus mystérieux du personnage (ici, Kamen utilise un violon soliste et une guitare avec l'orchestre tout en s'amusant à pasticher la musique espagnole parfois proche du flamenco - utilisation très cliché des castagnettes). Ce motif plus fugace ressemble par moment quelque peu à un motif de cordes entendu au début du morceau 'Training - Robin Hood, Prince of Thieves' du score de 'Robin Hood' de Kamen (coïncidence?). A noter que Kamen nous propose une version vocale du thème de la Habanera dans la chanson 'Has Amado Una Mujer De Veras' (écrite par Bryan Adams, Robert John Lange et Michael Kamen et interprété par le compositeur lui même épaulé par Jose Hernandez et Nydia pour les paroles espagnoles). 'Dona Julia' prolonge le côté léger et raffiné de la composition de Kamen avec un passage plus romantique pour la scène d'amour avec Dona Julia, le thème principal de la 'Habanera' revenant ici sous la forme d'une tendre sérénade pour guitare et orchestre, évocation parfaite de la naissance du premier amour de jeunesse de Don Juan. 'Don Alfonso' est, quand à lui, nettement plus sombre puisqu'il évoque la scène du duel avec Don Alfonso. L'orchestre est plus tendu et un peu plus et fait appel aux percussions et à des orchestrations plus appuyées. A noter que la séquence où Don Alfonso poursuit Don Juan dans la nuit (scène étrangement ridicule - est-ce voulu?) est soulignée par une allusion au célèbre thème de 'Carmen' de Bizet, minorisé ici le temps d'un petit passage mélodique au violon et avec l'orchestre. On change de pays avec 'Arabia' pour la séquence se déroulant chez le sultan. Kamen utilise des violons arabisants et quelques percussions exotiques avec l'orchestre pour évoquer la musique arabe. On finit avec un 'Don Octavio Del Flores' plus serein et un 'Dona Ana' très romantique et mièvre d'esprit avec un orchestre lyrique écrit dans un certain classicisme Hollywoodien qui n'est pas sans rappeler les partitions lyriques de compositeurs tels que Alfred Newman ou Franz Waxman.

Comme vous avez pu le comprendre, 'Don Juan de Marco' est une BO à réserver essentiellement à tout bon amateur de musique romantique et espagnole. Michael Kamen s'est lancé le défi d'écrire une partition 'à l'espagnol' et s'en tire à très bon compte en faisant appel à quelques solistes (violon, violoncelle, guitare, etc.) ainsi qu'à Bryan Adams pour la chanson 'Have You Ever Really Loved A Woman?' basé sur le thème principal de la 'Habanera', repris dans 'Has Amado Una Mujer De Veras'. Cette chanson est déjà plus tourné vers le côté commercial de la chose puisque Kamen et Adams ont cartonnés sur la chanson 'Everything I Do, I Do It For You' de 'Robin Hood' (1991) et on tentés de renouer avec le succès commercial de cette chanson sur 'All For Love' de 'The Three Musketeers' (1993) et maintenant 'Have You Ever Really Loved A Woman?' de 'Don Juan de Marco'. 'Don Juan De Marco' est un score qui épouse à merveille la légèreté du film et la poésie du récit, Kamen nous prouvant sa grande maîtrise de l'écriture symphonique et soliste (rappelons qu'il a déjà écrit un 'Concerto pour saxophone' et un 'concerto pour guitare'). Sensible, élégante, légère et raffinée, la partition de 'Don Juan de Marco' n'égale pas les grands chefs d'oeuvre du compositeur mais reste un score important dans sa carrière, un score souvent remarqué pour sa beauté et sa fraîcheur hispanique.


---Quentin Billard