'Antarctica' est un film dur, bouleversant. Réalisé par Koreyoshi Kurahara, cette magnifique production japonaise aux accents de documentaire s'inspire de faits réels afin de raconter la terrible histoire d'un groupe de chiens de traîneaux abandonnés près d'une base scientifique dans l'Antarctique. En 1958, une expédition scientifique japonaise est envoyé sur place pour une mission spéciale. Mais les hommes qui ne disposent pas d'un matériel suffisamment sophistiqué doivent se déplacer avec des chiens de traîneaux. Ils attendent tous impatiemment la relève qui tarde à venir. Mais les mauvaises conditions climatiques empêchent l'arrivée de cette relève et la mission est finalement annulée. Un avion est envoyé pour récupérer les derniers scientifiques, Ushioda (Ken Takakura) et Ochi (Tsunehiko Watase). Malheureusement, l'avion est trop petit pour embarquer tout le monde et les deux scientifiques sont obligés d'abandonner les chiens sur place. Lorsqu'ils apprennent qu'il n'est malheureusement plus possible d'y retourner, Ushioda et Ochi sont effondrés: les chiens se retrouvent alors abandonnés à leur sort, contraint de devoir survivre dans cet environnement hostile et sauvage. 'Antarctica' rend un hommage vibrant à ces chiens abandonnés puisque chaque séquence de la mort d'une bête est accompagné de son nom avec son âge lors de sa mort (ils avaient tous entre 3 et 6 ans). En fin de compte, les véritables héros de ce film, ce sont les chiens et en particulier Taro et Jiro, les deux frères inséparables (la fin est très belle!). Bouleversant, le film ne peut nous laisser indifférent dans la manière dont il évoque la dureté de la nature et le tourment de ces deux hommes, rongés par les remords et qui cherchent à soulager leur conscience en allant voir leurs propriétaires auprès des quels ils tentent de se faire pardonner. A ce sujet, la séquence avec la petite fillette est particulièrement poignante. Si vous ne supportez pas de voir des animaux souffrir, il est clair qu'Antarctica s'avérera être particulièrement 'douloureux' à regarder, mais il serait vraiment dommage de se priver d'un film aussi magnifique et poignant, où l'émotion domine du début jusqu'à la fin du film. Impossible de rester insensible à cette histoire bouleversante qui saura vous arracher les larmes des yeux. Un film dur, triste et parfaitement réalisé. Et pour reprendre la formule d'introduction: 'ce film inspiré d'une histoire vraie est dédié à toutes les créatures vivant sur terre'.

En 1982, Vangelis triomphait avec son célèbre score électronique pour le 'Blade Runner' de Ridley Scott. Continuant sur le terrain de la musique électronique, le musicien d'origine grecque nous livre une nouvelle partition magistrale sur 'Antarctica', une musique à l'image du film: belle, triste, solitaire et majestueuse. Certains pensent qu'il est difficile de faire quelque chose d'humain ou d'émouvant avec des synthétiseurs. Pourtant, Vangelis nous a prouvé le contraire sur ce film puisque sa musique synthétique se veut l'écho de la profonde tristesse du film et de cette part d'humanité qui unit ces hommes torturés par les remords avec ces pauvres chiens qu'ils ont abandonnés en Antarctique. Evidemment, Un grand score de Vangelis ne serait rien sans un grand thème, et c'est précisément ce dernier qui fait tout l'intérêt de cette très belle BO. Vangelis ne tarde pas trop à faire intervenir ce thème durant le film, thème associé aux chiens et à leur lutte pour la survie. Parfois élégiaque, majestueux, et par moment plus triste d'esprit, ce très beau thème évolue tout en simplicité à travers le film. Vangelis lui donne quelques sonorités asiatiques (le film est japonais, comme les personnages du film) dans son 'Theme From Antarctica', reprise plus énergique du thème qui conclut d'ailleurs le film en beauté (si toute les fins pouvaient être aussi réussies que celle là).

Vangelis utilise différentes combinaisons sonores pour parvenir à ses fins: nappes de synthé, sons cristallins évoquant l'immensité de la blancheur des paysages, rythmique pour les moments plus énergiques, etc. 'Antarctica Echoes' évoque les paysages de l'Antarctique avec des nappes à la fois paisibles, majestueuses et inquiétantes (ce qui définit bien ces larges paysages sauvages, une sorte de double fascination pour la beauté incomparable de ces paysages et l'hostilité étonnante de ce monde des glaces). On est très proche ici du style qu'adopta Vangelis lorsqu'il composa ses musiques aux sonorités new-age pour les documentaires de Frédéric Rossif tels que 'L'apocalypse des animaux' (1972), 'La fête sauvage' (1976) ou bien encore 'L'Opéra sauvage' (1977). Vangelis nage ainsi en terrain connu car 'Antarctica' frôle par moment l'esthétique du documentaire animalier. 'Kinematic' se distingue par son rythme plus marqué évoquant l'idée d'un mince espoir pour les chiens en quête de nourriture. Vangelis développe une fois de plus ses différentes sonorités électroniques avec quelques combinaisons qui nous renvoient clairement à 'Blade Runner'. 'Song Of White' est directement dédiée au monde de l'Antarctique avec des samplers de flûtes exotiques un brin ethnique.

La seconde partie de la musique se veut plus sombre, plus déprimante et lente. 'Life Of Antarctica' évoque la scène où les chiens se retrouvent près de la banquise en train de chasser des oiseaux. On ressent ici le côté grave et dramatique de la situation puisque si ces chiens ne mangent pas, ils mourront de faim dans les heures à venir. Plus sombre, 'Memory Of Antarctica' évoque à travers ses différentes nappes de synthé les moments difficiles du film comme dans le sinistre 'Other Side Of Antarctica' où Vangelis teinte sa musique de quelques dissonances très expressives, un très fort sentiment de gravité dominant alors sa musique. 'Deliverance' est quand à lui entendu vers le début du film et reste avec 'Theme From Antarctica' le morceau clé du score. La pièce est surtout entendu lorsque l'on voit les chiens tirer le traîneau des trois scientifiques au début du film, le morceau évoquant à la fois la détermination épatante de ces chiens et la beauté des décors.

'Antarctica' est une grande réussite dans le film, peut être moins intéressant à écouter isolé sur l'album. Impossible de ne pas ressentir toute la tristesse de cette histoire poignante à travers le thème mémorable que le compositeur nous a livré pour 'Antarctica'. Parfaitement ancré dans le film, la musique électronique de Vangelis nous prouve une fois de plus que l'on peut écrire des musiques très humaine et très émouvantes à partir de quelques synthétiseurs. Evidemment, ce score est à réserver en priorité aux fans de musiques électronique/new-age et aux fans de Vangelis. Pour les autres, 'Antarctica' fait partie des grandes BO du compositeur à découvrir, aux côtés de ces autres scores incontournables: '1492 Christophe Colomb', 'Blade Runner', 'Chariots Of Fire', etc. Une bien belle BO, toute à l'image du film!


---Quentin Billard