1-Sakura 4.41
2-Pure White 2.48
3-Mad 4.57
4-Feel 4.58
5-Dolls 4.13

Musique  composée par:

Joe Hisaishi

Editeur:

Universal UPCH-1191

Muisque produite par:
Joe Hisaishi
Management de production:
Ikuko Okamoto
(Wonder Station Inc.)
Producteurs exécutifs:
Ichiro Asatsuma
(Fujipacific Music Inc.)
Kei Ishizaka
(Universal Music K.K.)
Masayuki Mori
(Office Kitano Inc.)
Ayame Fujisawa
(Wonder City Inc.)

Artwork and pictures (c) 2002 Bandai Visual, Tokyo FM, TV Tokyo/Office Kitano. All rights reserved.

Note: ***1/2
DOLLS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joe Hisaishi
Après un essai américain contesté ('Brother'), le grand Takeshi Kitano nous revient dans un domaine plus intimiste, loin du sang et de la fureur de son précédent film. 'Dolls' raconte l'histoire simple et émouvante de trois couples d'amoureux, chacun aimant l'autre dans un contexte à la fois étrange et émouvant. Le but de Kitano est ici de filmer l'amour fou, l'amour au delà de la raison, la passion contre la dureté du monde (qui transparaît une fois encore dans son film et notamment à travers les tueries des Yakuzas - élément quasi obsessionnel dans le cinéma de Kitano - ou la mort de l'aveugle vers la fin du film). En se basant sur le Bunraku, spectacle de marionnettes du théâtre japonais traditionnel et des costumes signés Yohji Yamamoto (couturier japonais très connu dans son pays), Kitano nous propose un parallèle fort astucieux à travers la métaphore du couple attaché l'un à l'autre par une corde et déambulant le regard vide comme de véritables poupées humaines. Les trois histories d'amour du film possèdent chacune d'entre elle un potentiel que le réalisateur exploite à merveille tout au long du film. Si le couple Sawako/Matsumoto est au centre de l'histoire, on trouve aussi l'intrigue du vieux Yakuza et de sa fiancée qui lui a fait la promesse de le retrouver dans le même parc où ils se voyaient continuellement lorsqu'ils seraient enfin devenus quelqu'un de bien avec un travail sérieux et respectable. On découvre ensuite l'intrigue avec le fan et son idole de la chanson pop, qui, après avoir appris que sa star venait d'être défiguré dans un accident de voiture, décide de s'automutiler pour la rejoindre dans sa cécité. Evidemment, Kitano nous parle ici d'amour, de preuves d'amour au delà de la raison: pour rester avec elle et la suivre jusqu'au bout du monde, Matsumoto ira jusqu'à tout quitter pour passer le reste de sa vie avec Sawako sur qui il veille depuis sa tentative de suicide ratée. Ayant perdue l'esprit, Sawako marche comme un zombie, un corps inerte, l'expression vide d'émotion. Matsumoto cherche à se faire pardonner auprès d'elle et marche à ses côtés, les deux amants étant attachés l'un à l'autre par une corde. Ils errent sans but, comme deux marionnettes, l'un totalement dépendant de l'autre. Quand au vieux yakuza, la plus belle preuve d'amour que lui a offert cette femme n'est-elle pas d'être resté durant tant d'années sur le banc de ce parc en espérant voir revenir un jour son amant, devenu enfin quelqu'un de bien pour faire son bonheur comme il lui avait promit? Comment une femme peut elle être à ce point fidèle à une promesse faite à un seul homme, et ce malgré le temps qui passe et l'arrivée de la vieillesse? Et que dire de ce fan fou d'amour pour une star de la chanson qui va jusqu'à se mutiler pour pouvoir partager un peu de moments d'affection avec cette fille? Incontestablement, Kitano cherche à nous montrer que les êtres humains sont entièrement dépendants de leurs sentiments, comme aveuglés par une passion qui les hante mais qu'ils ne peuvent pas raisonner, car, le vrai amour n'est il pas justement celui que l'on vit profondément avec le coeur au delà de toute notion de limite ou de raison? Kitano cherche à transcender les sentiments qui habitent ces êtres par le biais d'une réalisation et d'une mise en scène excessivement sobre, au ton lent et paisible à la fois. La beauté de certaines séquences va de paire avec la violence retenue de certains passages qui nous rappellent - un peu comme dans 'l'été de Kikujiro - que le monde est dur et sans pitié (un thème important dans le cinéma de Takeshi Kitano). Triste, émouvant, dur, 'Dolls' est traversé par ce mutisme, ce silence à la fois mélancolique et paisible, des êtres murés dans leurs passions sans issue, et qui trouveront probablement refuge dans la mort (en déambulant ainsi, le couple enchaîné ne se met il pas en quête d'une hypothétique paix intérieure?). Evidemment, la métaphore de la corde montre l'attachement de l'un à l'autre et la dépendance de deux êtres qui s'aiment jusque dans la folie (un autre thème majeur du film) et le parallèl
e astucieux avec le théâtre de marionnettes (séquence d'ouverture) résume à lui tout seul toute l'idée du film. Un autre point commun unit ces trois groupes d'individus: le fan et sa star sont aveugles, Matsumoto/Sawako sont comme muets (ils ne se parlent presque jamais durant tout le film) et le yakuza reste quand à lui muet face à sa fiancée qui, trente ans plus tard, ne le reconnaît pas mais sent malgré tout en lui un être affectueusement proche d'elle, trop honteux de sa situation pour oser s'affirmer auprès d'elle après toutes ces années. Avec le style habituel du réalisateur (plans longs, corps immobiles, etc.), 'Dolls' devient une peinture poétique très émouvante de l'amour fou, la passion déraisonnable faite d'un silence paisible et douloureux à la fois. (on sent que ces êtres en souffrent) Pour son dixième film, Kitano continue de nous prouver qu'il est décidément l'un des plus grands réalisateurs japonais de ce début du siècle, preuve que le cinéma nippon nous réserve encore beaucoup de surprises. Passionnant!

Joe Hisaishi retrouve Kitano pour la septième fois depuis leur première collaboration en 1991 sur 'A Scene At The Sea' (récemment réédité par Milan en France). Pour 'Dolls', Kitano a demandé à Hisaishi de n'écrire que 20 minutes de musique qu'il répartirait ensuite tout au long du film (qui fait quand même 114 minutes). 20 minutes sur près de deux heures de film, c'est court, et heureusement, ces 20 minutes valent largement le coup d'être entendues. Délaissant l'orchestre de 'Hana-Bi' et 'Kikujo No Natsu', Hisaishi décide de retourner à ses synthés new-age de 'A Scene At The Sea' ou 'Sonatine'. Son score se base sur deux thèmes principaux, 'Sakura', associé au couple Sawako/Matsumoto, et un autre thème, 'Pure White' décrivant avec douceur la passion des différents protagonistes. 'Sakura' fait intervenir les différentes sonorités new-age habituelles du compositeur avec des cordes, des vents et un choeur samplé avec quelques claviers et un son de piano. 'Sakura' nous fait parfaitement ressentir toute l'émotion du film avec un côté simple et paisible qui vient rejoindre la mise en scène du réalisateur. Une fois de plus, Hisaishi se montre particulièrement à l'aise sur les images du réalisateur et nous propose avec une grande sobriété une peinture musicale de l'émotion qui traverse tout le film. Hisaishi a cherché à retranscrire ce 'silence', ce calme émouvant en créant une musique qui semble flotter tout en conservant une certaine énergie (les différentes sonorités électroniques de 'Sakura' créent entre elles une dynamique particulière sur les images). Le thème de choeur samplé reste attaché de manière plutôt lente et mélancolique à ces deux amants attachés l'un à l'autre, où l'homme cherche à se faire pardonner, rongé par le remords de l'avoir abandonné pour se marier avec une autre. En clair: on retrouve ici du grand Hisaishi!

'Pure White' se distingue par sa douce mélodie de piano paisible et mélancolique à la fois, thème intervenant aussi pour suivre le couple dans son errance folle à travers le monde et l'intrigue des autres couples. On retrouve ce thème lorsque le couple traverse des paysages enneigés vers la fin du film. A la différence de 'Sonatine' ou 'A Scene At The Sea', le score de 'Dolls' rejette toute construction répétitive à la manière d'un Philip Glass ou d'un Steve Reich pour se concentrer sur quelques pièces mélodiques lentes, paisibles et mélancoliques à la fois. Le piano de 'Pure White' renforcé par des nappes de cordes samplées retranscrit l'émotion du film et de ces passions. 'Mad' est associé à la folie de Sawako, muré dans son silence près avoir tenté de se suicider. Le piano électrique et les sonorités new-age dominent une fois encore ce très beau morceau avec un ton lent, calme et paisible, mais avec une certaine mélancolie toujours très présente dans la musique d'Hisaishi. Pleine de poésie, la musique d'Hisaishi se veut l'écho de ces sentiments et de ces souffrances intérieures. Le piano de 'Feel' renforce la poésie du score d'Hisaishi, une musique qui semble toujours flotter comme dans un rêve, avancer de manière lente et paisible à l'instar du couple Sawako/Matsumoto qui a probablement servi de source d'inspiration au compositeur. Hisaishi conclue en beauté ses 20 minutes de musique sur 'Dolls' réservé au générique de fin du film où il reprend le thème de piano de 'Pure White'.

Si vous avez aimé ses partitions intimistes pour 'A Scene At The Sea' ou 'Hana-Bi', 'Dolls' devrait vous ravir. Bien moins accrocheur que 'Hana-bi' ou 'Sonatine', 'Dolls' n'en demeure pas moins une nouvelle petite réussite de la part d'un compositeur toujours maître de son art et qui sait véhiculer des sentiments à travers ses synthétiseurs. Très poétique, la musique d'Hisaishi illumine le film de Kitano et le renforce de manière à la fois sobre, discrète et présente. Le score de 'Dolls' nous prouve aussi une fois encore que le compositeur n'est jamais autant inspiré que lorsqu'il écrit la musique d'un film de Kitano, preuve que ces deux artistes sont et seront toujours sur la même longueur d'onde. Ce n'est peut être pas un grand chef d'oeuvre inoubliable, juste une petite BO modeste, simple et émouvante comme on aimerait en entendre plus souvent!


---Quentin Billard