Les années 80 ont été particulièrement propices aux séries-B en tout genre, surtout dans le domaine des films d'action et des films d'horreur. 'Cherry 2000' fait partie de ces films méconnus, ces reliques du cinéma artisanal hollywoodien qui prêtent à sourire mais qui ne marqueront jamais les esprits. Le film de Steve De Jarnatt (scénariste pour un épisode de 'X-files' et réalisateur de deux épisodes de 'Urgences') se déroule dans un futur proche, où les hommes construisent des femmes robot pour assouvir leurs fantasmes les plus torrides. L'un d'entre eux est Sam Treadwell (David Andrews), complètement amoureux fou de Cherry 2000 (Pamela Gidley), un modèle particulièrement réussi. Sam est un romantique qui considère Cherry 2000 comme la femme parfaite dont tous les hommes rêves. Seulement voilà, Cherry n'est qu'une machine et comme tous les engins, il arrive un jour où cela tombe en panne. Complètement hors d'usage, Cherry est bonne à la casse. Sam récupère ensuite le disque contenant toute sa mémoire et sa personnalité. S'il veut retrouver ce modèle là, il devra franchir la zone 7 interdite, là où l'attendent de nombreux dangers. Accompagné d'une ravissante chasseuse du nom de Edith Johnson (Melanie Griffith), Sam devra affronter la bande de Lester (Tim Thomerson), le chef des bandits du désert.

Scénario minime donc, pour un film de science-fiction quelconque qui sombre à plus d'une reprise dans le ridicule absolu. Les décors désertiques du film rappellent fortement l'univers de 'Mad Max', mais avec la violence en moins. Le film frôle parfois la parodie pure et dure, à la limite de la comédie. Il y avait pourtant matière à explorer le côté plus humain de l'histoire (le thème de l'homme et de la machine et celui d'un homme amoureux qui découvre à la fin de l'histoire que rien ne pourra jamais remplacer une vraie femme). Le méchant du film est quand à lui étrangement ridicule, défendant des valeurs soi-disant 'saines' alors qu'il tue pourtant plein de types. Le personnage de Lester rejette les excès de cette société moderne et parle parfois comme une sorte de moraliste/pseudo-philosophe (genre: "n'oubliez pas que la vie est une aventure!"), créant ainsi un décalage assez étrange par rapport à l'idée que l'on se fait habituellement d'un méchant. Quant à Melanie Griffith, elle apporte un peu de son charme au film. Evidemment, on est loin ici du sulfureux 'Body Double' (1984) de De Palma. Mais sa présence dans 'Cherry 2000' rehausse un peu le niveau, plombé par une mise en scène quelconque, des effets spéciaux sans plus, un scénario nul et des incohérences en pagaille (pourquoi les flingues des méchants ne touchent jamais les gentils alors que les flingues de ces derniers touchent toujours leurs cibles à la perfection?). Une série-B de science-fiction médiocre, très vite tombée dans l'oubli le plus total.

Basil Poledouris a eu une période épique au début des années 80, enchaînant de grandes partitions telles que 'Conan The Barbarian' (1982), 'Flesh & Blood' (1985) ou bien encore 'Robocop' (1987). La même année, le compositeur signait la partition de 'Cherry 2000', un score longtemps recherché par ses fans et enfin édité en CD par Varèse Sarabande sans son ancienne collection de CD Club (il s'agit du tout premier disque marquant le début de cette nouvelle collection). Le score de 'Cherry 2000' ne fait certainement pas partie des plus grandes partitions de Poledouris, mais cela reste néanmoins un travail honnête de la part du compositeur. Ecrit pour orchestre avec quelques touches modernes de synthétiseurs, 'Cherry 2000' est une petite partition d'aventure saupoudrée d'une petite touche de lyrisme et une bonne dose de dérision. Sa partition s'articule autour de quelques thèmes majeurs, le film s'ouvrant sur le premier d'entre eux, un 'Love Theme' assez kitsch confié à des cordes sirupeuses et très nostalgiques. On trouvera par la suite un thème d'aventure plus héroïque, typique des thèmes plus amples et épiques de Poledouris (avec cordes et cuivres en avant, comme dans 'Robocop' ou, plus tardivement, dans 'Starship Troopers'). A noter aussi un petit motif amusant associé au personnage de Lester ('Lights On'), un motif étonnamment léger qui contribue à rendre le méchant encore plus ridicule qu'il ne l'est déjà.

Le 'Main Title' nous introduit donc le premier thème romantique confié à un hautbois avec quelques cordes amples et quelques touches d'électronique très années 80. Petit à petit, Poledouris développe ses sonorités électroniques et va même jusqu'à leur adjoindre une partie plus rock avec batterie/guitare électrique samplée sur synthé. Ces passages plus rock sonnent un peu vieillot à cause des sonorités électroniques employées, mais ils contribuent néanmoins à créer une certaine identité musicale dans le film, même si par rapport à la partie orchestrale, ils sont nettement moins nombreux et beaucoup plus anecdotiques. On le trouve dans 'Drive To Gloryhole', lorsque Sam se rend en ville pour chercher un chasseur du nom de Johnson.

La particularité du score de Poledouris est de manquer étonnamment de rythme dans les parties d'action du film. Alors que certaines scènes se focalisent sur des fusillades et des explosions en tout genre, Poledouris décide d'en prendre le contre-pied total en conservant toujours une certaine partie mélodique et harmonique au détriment du rythme en vigueur pour ce type de scène. Ceci a pour effet de créer un certain décalage étrange dans le film, un décalage qui, visiblement, semble avoir échappé à beaucoup de monde. Est-ce à dire que le compositeur n'a pas pris le film au sérieux? Il serait plus judicieux de parler ici de second degrés, une chose indéniable lorsqu'on écoute par exemple le petit thème ridicule associé à Lester, pourtant censé être le méchant du film. Certaines parties d'action comme la séquence de l'attaque avec la voiture suspendue dans le vide met en avant le côté plus aventureux de la partition de Poledouris. Le compositeur en profite alors pour développer son excellent thème d'aventure captivant mais guère original en soi (on pense à certains passages de 'Flesh & Blood' ou de 'Robocop'). Certaines parties d'action restent néanmoins plus sombres, mais dans l'ensemble, c'est un certain sentiment de dérision qui domine l'oeuvre.

La batterie électronique (un peu kitsch par moment) accentue les quelques parties rythmiques du score, surtout dans les scènes de désert. Le thème romantique revient comme pour rappeler l'un des thèmes majeurs du film: l'amour passionné. D'une manière générale, pour un film d'action de cette envergure, 'Cherry 2000' est un score assez mou et pas toujours très accrocheur. Poledouris a fait du bon travail, mais il nous a déjà pourtant habitué à mieux. Le résultat à l'écran est parfois étonnant, comme si le compositeur refusait de se prendre trop au sérieux. Certains passages frôlent même parfois le ton d'une musique de comédie avec quelques rythmes instrumentaux sautillants. Un score sympa mais tout à fait quelconque, peut être un peu trop surestimé par ses fans, à cause, en particulier, de sa rareté.


---Quentin Billard