Morituri

1-Main Title/Tokyo 2.11
2-Assignement in Macao 2.02
3-Bon Voyage/Hot Wire 3.38
4-Boat Drill 1.15
5-What to Do Next 1.03
6-Theme from Morituri 1.46
7-A Change of Fate/
Sneak Attack 1.53
8-Nine Days Out 1.36
9-Traffic Jam/Caught in Act 4.49
10-Boarding Party 1.04
11-The Meeting 0.57
12-The Prisoners 2.44
13-Change of Command/
Prepare for Mutiny 4.30
14-A Lost Cause 1.34
15-A Change of Heart 2.08
16-Break Out 3.07
17-Abandoned Ship 3.58
18-End Title 1.14

Raid on Entebbe

19-The Hijacking 4.09
20-The Imprisonment 3.38
21-The Raid 4.41
22-The Return 2.58

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

FSM Vol.4 No.12

Album produit par:
Lukas Kendall, David Shire
"Raid on Entebbe"
Score composé par:
David Shire

Artwork and pictures (c) 1965/2002 Twentieth Century Fox/FSM. All rights reserved.

Note: ***1/2
MORITURI
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Voilà un film méconnu qui mériterait largement d'être redécouvert. L'histoire de 'Morituri' se déroule en 1942, en pleine seconde guerre mondiale. Robert Crain (Marlon Brando), un allemand expatrié vivant en Inde, est découvert par un agent britannique. Ce dernier le fait chanter afin de le forcer à accepter une mission périlleuse. Il devra se faire passer pour un agent S.S. à bord du navire allemand SS Ingo, sa mission étant de désamorcer toutes les charges explosives qui se trouvent à bord du bateau et qui pourraient être activées si le navire venait à être pris par l'ennemi. Après avoir embarqué sur le SS Ingo au Japon, Robert Crain, renommé Hans Kyle pour sa mission, devra sympathiser avec le capitaine Rolf Mueller (Yul Brynner) afin d'obtenir sa confiance et de mener à bien sa mission. Mais les choses ne se présentent pas sous leurs meilleurs jours: malgré un plan détaillé de l'emplacement des 12 charges explosives à désamorcer, il reste très difficile pour Kyle de passer d'un coin à l'autre du navire sans être repéré par des membres de l'équipage. Deux hommes du navire finissent alors par le repérer. Or, ces hommes sont contre le régime nazi et ils sont prêts à aider Kyle dans sa mission.

Le capitaine Mueller est un homme honnête qui refuse de traiter ses prisonniers avec violence. Après un transfert de prisonnier d'un autre navire allemand, Mueller fait la connaissance de l'une des prisonnières, une jeune juive du nom de Esther Levy (Janet Margolin). Il décide de la traiter avec respect, mais son officier en second, Kruse (Martin Benrath) ne l'entend pas de cette façon. Après que Mueller se soit saoulé et ridiculisé auprès de son équipage, Kruse décide de prendre le commandement et de continuer à mener le SS Ingo jusqu'à sa destination finale. Pour Kyle, ce n'est plus qu'une question de temps avant que le navire soit repéré par la flotte américaine. Il doit faire vite pour tenter de mener une mutinerie à bord avec l'aide d'Esther et des autres prisonniers. S'ils échouent, il n'aura plus qu'une seule solution: saboter le navire.

Film sombre et extrêmement prenant, 'Morituri' nous dévoile un versant plus dramatique et sinistre de la guerre. Le SS Ingo apparaît très vite comme un immense piège dans lequel se retrouve enfermé le héros, face à une mission quasi suicidaire ou ses chances de réussite sont plutôt minimes. Très progressivement, la mise en scène du réalisateur allemand Bernhard Vicki fait monter la tension jusqu'à un dernier quart d'heure particulièrement violent. Le danger est omniprésent tout au long du film, Kyle devant faire preuve d'ingéniosité pour ne pas être découvert. Antimilitariste, le film tente de nous démontrer la stupidité des guerres quelles qu'elles soient. Le réalisateur nous montre ainsi l'inhumanité du nazisme avec un parti pris évident. Face à un Kruse violent et le propre fils de Mueller devenu un fanatique inhumain, le capitaine témoigne d'une certaine profondeur humaine et refuse de rentrer dans le moule nazi. Evidemment, c'est ce qui lui vaut d'être violemment critiqué par son officier en second. Chaque personnage du film possède ainsi sa propre personnalité, brillamment exploitée durant les 123 minutes du film. C'est le suspense du film qui rend cette histoire particulièrement prenante, un drame sombre au climat pesant, servi par une mise en scène efficace et une qualité technique irréprochable. Dommage que le film de Wicki soit ainsi tombé dans l'oubli, car il mérite sans aucun doute d'être redécouvert.

Jerry Goldsmith était dans une période propice à son inspiration. 'Morituri' témoigne de son goût pour les musiques de suspense plus sombres et les rythmes orchestraux hérités de Bartok et de Stravinsky. Après son excellent 'Freud' (1962) et son atmosphère cauchemardesque, sans oublier 'The Satan Bug' et son style plus suspense, Goldsmith revenait dans le domaine de la musique de thriller avec 'Morituri', l'une de ses partitions les plus sombres des années 60 (on pense aussi à 'Seconds' ou à 'The Sand Pebbles' dans un style plus similaire). Le score évoque clairement cette sensation de danger et de tension matinée d'un soupçon de terreur et de quelques moments de violence orchestrale saisissante. Sa partition s'axe autour d'un thème principal, sorte de mélodie torturée interprétée par une cithare, instrument rendu célèbre par son utilisation dans la musique du film 'The Third Man' (Le troisième homme) de Anton Karas. 'Main Title/Tokyo' introduit donc ce mystérieux thème de cithare reconnaissable par sa tête de 3 notes. Ce thème intrigant évolue dans le générique de début alors que l'on voit apparaître à l'écran les ronds barrés évoquant chacune des bombes que Kyle désamorce durant le film. La basse du morceau, extrêmement dissonante, jette le trouble et évoque un certain malaise grandissant: le thème finit sur un cluster de cordes brutal qui résume à lui tout seul toute la noirceur du film. Après cette introduction particulièrement troublante, Goldsmith évoque les premières scènes à Tokyo avec quelques vents aux consonances asiatiques (un peu comme il le fera un an plus tard dans 'The Sand Pebbles'). La cithare donne un côté plus européen à la musique. L'instrument est aussi utilisé afin de retranscrire un certain sentiment d'isolement du héros dans ce navire cauchemardesque.

Comme d'habitude, Goldsmith se montre très inventif sur le plan des orchestrations. Hormis ses instrumentations traditionnelles privilégiant les percussions et les xylophones/piano et cuivres divers dans les morceaux d'action, le maestro californien fait aussi appel à un clavecin et une guitare basse afin de renforcer la rythmique de ces passages d'action. 'Assignement in Macao' marque le début de l'aventure de Crain/Kyle suivi d'un premier passage de suspense dans 'Bon Voyage/Hot Wire'. La séquence où Kyle désamorce la première bombe est soutenue par un premier morceau de suspense particulièrement glauque. Goldsmith utilise un petit ostinato pesant pour suggérer la tension par le biais de couleurs instrumentales plus sombres. A l'écran, la tension est extrêmement forte. On sent réellement le danger qui pèse sur Kyle. Grâce à ces passages de suspense/tension, Goldsmith élabore une atmosphère pesante qui lui sert déjà à poser les bases du style de ses futures partitions. On sent clairement l'importance que 'Morituri' pourra avoir par la suite sur des partitions de Goldsmith du même genre.

Le maestro maintient ainsi cette ambiance de suspense avec ses orchestrations sombres, tout en utilisant quelques variantes orchestrales du thème principal revenant régulièrement tout au long du film. 'A Change of Fate/Sneak Attack' fait déjà surgir un premier moment de violence orchestrale lorsque l'un des membres de l'équipage découvre Kyle dans une cale du navire et l'agresse. Les parties d'action de Goldsmith sont plus typiques de son genre. Le compositeur met l'accent sur les percussions martiales (caisses) et les timbales avec une utilisation efficace du piano et du xylophone dans un registre plus rythmique. A cela viennent se rajouter le clavecin et la guitare basse dans la rythmique des morceaux. Il se crée à l'écran une certain 'couleur' orchestrale parfaitement ancrée dans l'atmosphère du film. 'Caught in the Act' évoque la séquence où Kyle fait déclencher l'alerte. Le morceau commence sur un élan rythmique agité et se poursuit sur une succession de rythmes saccadés à la Stravinsky qui évoquent par moment 'Le sacre du printemps'. Excitant, ce morceau d'action au rythme frénétique renforce le sentiment de danger et nous fait clairement comprendre que les choses vont de pire en pire pour le héros.

On trouve dans 'The Prisoners' un thème de marche sombre soutenu par la guitare basse, les contrebasses et les timbales. Le morceau évoque la séquence où Kyle et ses nouveaux amis tentent de convaincre les prisonniers de rallier leur cause. A noter ici l'utilisation furtive du piano dans un rôle de nouveau rythmique au sein de cordes pesantes et sombres. Goldsmith utilise un petit motif de 3 notes dérivé de la tête du thème principal personnifiant le danger. La tension ne cesse de monter pour déboucher sur un nouveau morceau d'action pour 'Change of Command/Prepare for Mutiny' et 'A Lost Cause', morceau dominé par un martèlement de timbales/caisse pour la séquence de la mutinerie. A noter ici l'utilisation inventive de la guitare basse au sein d'un orchestre déchaîné, alternant cordes agitées et cuivres agressifs. Goldsmith retranscrit parfaitement la violence de cet affrontement tout en nous faisant clairement comprendre que pour Kyle, il n'y a plus de demi-tour possible. 'Break Out' et 'Abandoned Ship' nous amènent à la sombre conclusion du score après une série de passages d'action particulièrement agités. Le 'End Title' reprend finalement le thème de cithare pour une conclusion lente et mystérieuse, évocation parfaite de cette sinistre histoire de navire allemand et d'espionnage.

'Morituri' est un score assez impressionnant même s'il est loin d'être ce que Goldsmith a fait de mieux à cette époque. Le compositeur faisait preuve à cette époque d'une grande inventivité sur le plan orchestral, ses mélanges instrumentaux lui permettant de trouver des sonorités inédites et typiques de son style orchestral. Les parties de suspense sont toutes aussi prenantes que ses morceaux d'action, le tout mené par un thème principal mystérieux mais pas vraiment inoubliable. En créant une atmosphère de tension parfaite pour le film de Bernhard Wicki, Jerry Goldsmith a réussi à élaborer ici une partition d'action/suspense où la noirceur alterne avec une certaine puissance orchestrale chère au compositeur. Un score recommandé, à redécouvrir grâce à l'excellente réédition de FSM.


---Quentin Billard