1-Witness (Main Title)/
Journey To Baltimore 6.23
2-The Murder 1.23
3-Book's Disappearance 3.28
4-Futiliy Of An Inside Job/
Delirious John 3.08
5-Building The Barn 4.58
6-Book's Sorrow 2.46
7-Rachel and Book (Love Theme)/
Beginning Of The End 4.39
8-The Amish Are Coming 3.18

Musique  composée par:

Maurice Jarre

Editeur:

Varèse Sarabande
VCD-47227

Album produit par:
Maurice Jarre
Album co-produit par:
Michel Mention
Superviseur du montage:
Richard Stone,
Segue Music, Inc.

Coordinateur de production:
Tom Null

Artwork and pictures (c) 1985 Paramount Pictures Corporation. All rights reserved.

Note: ***
WITNESS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Maurice Jarre
Réalisateur touche-à-tout, Peter Weir nous a offert deux grands classiques du cinéma américain des années 90: le magnifique 'Dead Poets Society' (1989) et 'Witness' (1985), thriller incontournable du réalisateur. 'Witness' possède la particularité de se dérouler dans le milieu des amishs. Harrison Ford interprète John Book, un policier chargé de protéger un jeune amish du nom de Samuel Lapp (Lukas Haas) qui a été témoin du meurtre d'un flic dans les toilettes d'une gare. Book ne va pas tarder à découvrir que Paul Schaefer (Josef Sommer), son propre ami, est aussi impliqué dans l'affaire. Book ne peut plus faire confiance à son entourage. Poursuivi par McFee, l'un des tueurs, Book n'a plus qu'une seule solution: quitter la ville et partir se cacher avec le petit Samuel dans la communauté amish. Mais les tueurs de Schaefer sont sur trace et vont tout faire pour tenter de le retrouver. Pendant ce temps, Book va nouer une relation amoureuse torturée avec Rachel Lapp (Kelly McGillis), la mère de Samuel. La jeune femme est attirée par le policier américain, mais la communauté amish ne le voit pas d'un très bon oeil, accusant Rachel de déshonorer sa condition d'amish.

Dans 'Witness', Peter Weir est parti d'une idée simple: un policier est chargé de protéger un jeune garçon témoin d'un meurtre. Petit à petit, le réalisateur élabore une banale intrigue de polar pour ensuite faire chavirer son récit dans le domaine du drame. Entre polar et romance tragique, 'Witness' est un thriller simplet et brillant qui pêche juste par un scénario pas toujours très habile. Par exemple, on ne comprend pas pourquoi le réalisateur n'a pas plus développé que cela la relation entre Book et Rachel. On finit par se questionner sur la réelle utilisé de cette romance dans le film. D'autre part, on pourra aussi trouver particulièrement maladroit le changement soudain du comportement du méchant à la fin du film. L'intérêt principal de 'Witness' reste quand même cette idée du clash entre deux cultures, avec d'un côté les traditions amish figées, et de l'autre, un flic américain plus enclin à la violence pour résoudre les problèmes. En dehors des métaphores religieuses (Book est aussi charpentier comme le fut le père du Christ. Son nom de famille est le synonyme anglo-saxon du mot 'Bible'), le film confronte ainsi ces deux cultures sans aucun parti pris véritable. Le suspense est assez prenant dans la dernière partie mais n'est pas beaucoup développé tout au long du film, 'Witness' ayant finalement beaucoup de mal à choisir son camp, entre le thriller et le drame. En bref, c'est un classique dont le gros défaut est d'avoir été un peu trop surestimé par certaines critiques, puisque, au final, 'Witness' est quand même loin d'avoir la carrure d'un grand chef d'oeuvre du genre.

En 1982, Maurice Jarre signait la partition synthétique du précédent film de Peter Weir, 'The Year of Living Dangerously' (L'année de tous les dangers). Pour Jarre, les années 80 ont été particulièrement propices à l'exploitation des synthétiseurs et de la musique électronique. 'Witness' fait ainsi partie de la période électronique du compositeur. Le score de 'Witness' possède l'un des plus grands thèmes que Jarre ait put écrire durant les années 80. Ce thème est surtout connu pour avoir été adapté plusieurs fois à l'orchestre lors des concerts du compositeur. En fait, le thème n'apparaît qu'au milieu du film, lors de la fameuse séquence de la construction de la grange ('Building The Barn'). Jarre a écrit au synthé cette mélodie à la fois solennelle et majestueuse évoquant la solidarité de la communauté amish lors de la construction de la grange. Le thème de 'Building The Barn' est construit sous la forme d'une passacaille, une forme musicale apparue au XVIème siècle en Italie et plus tard en France et en Allemagne. La passacaille était à l'origine une danse modérée à trois temps, une pièce souvent longue qui privilégiait une série de variations et qui possède la particularité d'avoir une basse obstinée répétée inlassablement tout au long du morceau. Très employée en musique durant l'ère baroque, (la forme voisine est la chaconne), la passacaille permet ici au compositeur de renouer avec un contrepoint simple typique de ce style de musique plus 'baroque' d'esprit (on pense à Bach, notamment). Le but du compositeur est simple: en associant ce thème très 'baroque' aux personnages des amish, Jarre exprime en musique le côté traditionnel et solide de cette communauté: la basse obstinée exprimerait à ce moment le côté rigide et figé des traditions amish. L'impact de ce thème à l'écran est sensationnel : il dégage une réelle énergie quasiment enthousiasmante, et ce même si la musique est écrite pour des vieux synthétiseurs très années 80.

Le choix de l'électronique pour ce film peut surprendre, mais il s'agit avant tout d'un choix artistique du compositeur. En apprenant que les amishs considèrent la musique comme quelque chose de diabolique, Jarre a vu dans l'électronique une sorte de manière d'exprimer le point de vue amish, étant donné qu'ils ne possèdent chez eux aucun instrument acoustique. Le résultat s'avère être parfois surprenant. Très atmosphérique, sa musique n'oublie pas non plus la thématique comme le superbe thème de la passacaille de 'Building The Barn' associé aux amishs, ou le 'Love Theme' torturé entre Book et Rachel. Le film s'ouvre sur un 'Main Title' exposant les sons très années 80 des synthés de Jarre. Le compositeur en profite aussi pour faire appel à l'EVI (Electronic Valve Instrument), instrument qu'il utilisera fréquemment dans certaines de ses partitions électroniques. Le thème amish est déjà annoncé au sein d'une ambiance new-age typique des musiques électroniques des années 80. A l'écoute du score de 'Witness', on pense clairement aux travaux de Vangelis sur ses partitions new-age/électronique de l'époque ('Blade Runner' ou 'Chariots of Fire' entre autre). Jarre installe donc une ambiance plutôt lente et planante pour débuter le film. C'est 'The Murder' qui vient rompre avec l'ambiance planante du début du score en installant un petit ostinato rythmique menaçant et des sonorités dissonantes particulièrement tendues, le morceau évoquant la séquence du meurtre au début du film.

'Book's Disappearance' évoque de manière très sombre le départ de Book qui part se cacher chez les amish en compagnie du petit Samuel et de sa mère, Rachel. Les nappes de synthé créent ici une certaine tension avec un sentiment d'insécurité nous rappelant que le danger peut surgir de n'importe où. 'Futiliy Of An Inside Job/Delirious John' prolonge cette ambiance sombre avec des nappes de synthé toujours très tendues, l'incertitude commençant à gagner progressivement la musique dans le film. 'Book's Sorrow' évoque le côté plus dramatique de l'histoire avec le 'Love Theme', exprimant l'impossibilité de Book de se lier avec Rachel. La tension atteint son paroxysme lors de la séquence de l'arrivée des trois tueurs à la fin du film (allusion à 'High Noon' de Fred Zinnermann?). Jarre maintient à ce moment là des sonorités particulièrement glaciales et sombres à la fois. Le morceau possède un côté suffoquant et extrêmement pesant (à noter un passage plus 'action' lors de la confrontation dans la grange). Le sentiment de menace illumine cette longue séquence finale, peu avant le retour du thème des amish dans 'The Amish Are Coming' pour le final du film.

Avec 'Witness', ne vous attendez pas à retrouver le grand Maurice Jarre des partitions épiques pour David Lean. Le compositeur nous montre ici un autre versant de son style, où il exploite des sonorités électroniques new-age un peu vieillottes aujourd'hui mais assez expérimentale à l'époque (1985). En suivant la voie d'un compositeur comme Vangelis, Jarre a écrit une musique synthétique très froide et touchante à la fois, dominée par un 'Building The Barn' généralement acclamé par le public béophile et les spectateurs en général. Dommage cependant que l'on ne conserve de ce score que ce seul thème, alors que d'autres morceaux, nettement moins marquants, arrivent aussi à tirer leur épingle du jeu. Il est évident que le score de 'Witness' ne pourra pas plaire à ceux qui sont allergiques aux musiques électroniques atmosphériques tendance new-age années 80. Entre suspense et émotion, la musique de 'Witness' évolue en toute simplicité, à défaut d'être particulièrement inoubliable.


---Quentin Billard