1-The Chapel 3.26
2-The Chase 0.45
3-Alice 0.30
4-Gas Station 1.51
5-The Boat Shed 1.55
6-Evora Part 1 5.56
7-The Escape 0.13
8-Evora Part 2 1.45
9-Travis's Angel 1.47
10-Evora Part 3 3.19
11-Prologue 2.39
12-Liberty Bells 1.22
13-Vondt 4.31
14-Sonne 4.32*
15-Dragon's Tear 5.47**
16-Deer Stop 0.44***
17-Abuglubu Abugluba 2.41+
18-Eva la vénérée
Selvaggia 1.27++
19-Black Could 5.47+++

*Ecrit et interprété par:
Rammstein
**Ecrit par Owen O'Neill
Interprété par Sonia De Meglio
***Paroles de Alison Goldfrapp
Ecrit par Will Gregory
+Ecrit par C.Argentino
Interprété par Norman Maine
++Paroles et musique:
Roberto Pregadio
+++Interprété par:
Sonia De Meglio
Paroles et musique de:
Sonia De Meglio.

Musique  composée par:

Nicolas Bikialo

Editeur:

La Bande Son
0440 064178-2


Artwork and pictures (c) 2002 Haut et Court/Studio Canal. All rights reserved.

Note: **1/2
LA SIRÈNE ROUGE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Nicolas Bikialo
On critique très souvent les films d'action ultra stéréotypés que nous fournissent régulièrement les artisans d'Hollywood. Mais quand les Français s'y mettent, cela donne des films comme 'La Sirène rouge', thriller médiocre boursouflé de défauts en tout genre. L'histoire débute le jour où une jeune fille de 12 ans nommée Alice (Alexandra Negrao) vient se présenter à l'inspectrice de police Anita (Asia Argento - qui apporte son charme lumineux à un film très sombre) pour porter plainte contre sa mère, la cruelle et puissante Eva Kristensen (Frances Barber), importante femme d'affaire riche et sans scrupules. Alice remet alors un DVD à Anita, contenant un snuff movie qui prouve que sa mère a assassiné sa nounou à coup de tronçonneuse. Cette première séquence bien macabre nous plonge immédiatement dans l'atmosphère noire du film. Mais par manque de preuve supplémentaire, Anita doit se résoudre à abandonner les plaintes portées contre Eva Kristensen. Après une brève entrevue avec la sinistre femme, Anita décide de s'occuper elle-même d'Alice. Mais cette dernière s'enfuit en plein milieu du commissariat, pour partir se cacher sur la banquette arrière de la voiture de Hugo (Jean-Marc Barr), un mercenaire fatigué et tourmenté par sa conscience, qui essaie d'oublier les démons de son passé. Entre Hugo et Alice va très vite naître une certaine complicité. Pour Hugo, ce sera aussi l'occasion de prendre soin de la jeune fillette, comme s'il recherchait désespérément la rédemption après avoir causé la mort involontaire d'un petit garçon, lors d'une fusillade en Serbie. Les deux individus se retrouvent alors poursuivis par les hommes de main d'Eva Kristensen, et, de Paris jusqu'au Portugal, leur voyage les conduira jusqu'à la piste du père d'Anita, qu'elle tente désespérément de retrouver après avoir été séparé de lui pendant plusieurs années.

Le scénario est ultra classique et accumule une liste assez impressionnante de poncifs usés jusqu'à la moelle: le héros-mercenaire au grand coeur, sentimental qui manie l'arme comme un pro et n'en loupe jamais une (et ce, à l'inverse, comme par hasard, de ses ennemis fort malchanceux - cf. fameuse séquence du massacre dans l'hôtel, copiée sur 'Léon' de Luc Besson), la jeune fillette innocente protégée par le gentil héros, la jolie flic qui combat l'injustice, le gagman bien lourdaud (Edouard Montoute) qui essaie d'apporter un peu d'humour à cette sombre histoire, la grande méchante sadique tout droit sortie d'un film de Walt Disney, etc. Certes, le réalisateur Olivier Megaton est encore tout frais dans le métier: 'La Sirène rouge' est son deuxième long-métrage après le très remarqué 'Exit' en 2000. Venant tout droit du monde des clips et des graffitis, Megaton (de son vrai nom, Olivier Fontana) a de l'avenir devant lui. Seulement voilà, 'La Sirène rouge' nous prouve que le réalisateur a encore pas mal de chemin à parcourir.

Son film est plombé par un scénario trop basique pour susciter un intérêt quelconque (quel intérêt de revoir un énième clone de 'Léon' et d'autres films de ce genre, déjà fait 36000 fois?) et une mise en scène surfaite au possible: le générique de début, avec son morceau hard-rock allemand, imite le style psychédélique du début de 'Seven' de David Fincher (l'un de ses réalisateurs fétiches qui, comme lui, vient aussi du monde des clips). C'est très sympathique, mais on sent bien son envie parfois maladroite de rendre hommage à ses modèles, bien souvent américains. Quant à Luc Besson (qui fut, comme par hasard, producteur associé de 'Exit'), son ombre plane sur une bonne partie du film et plus particulièrement dans l'incontournable séquence ultra violente de la fusillade dans l'hôtel, avec des ralentis un peu surfaits et des effets de mise en scène qui manquent cruellement de personnalité. Et que dire de la violence parfois très gratuite de certaines séquences? Pour finir, on ne comprend pas vraiment pourquoi le réalisateur a tellement caricaturé ses personnages. Par exemple, quel est l'intérêt de faire une méchante qui ressemble comme deux gouttes d'eau à la Cruella des '101 Dalmatiens' de Walt Disney (la comparaison est quasiment systématique dans toutes les critiques de ce film, et pour cause: c'est le seul modèle qui nous vient automatiquement à l'esprit)? C'est le genre de défaut qui décrédibilise l'image d'un film déjà pas très convaincant en soi, et qui se serait certainement bien passé de telles fautes de goût. Certes, les séquences d'action sont bien chorégraphiées, il y a une ambiance glauque assez réussie et la mise en scène est assez maîtrisé bien que trop banale et parfois très surfaite. Mais ceci ne suffit pas à faire passer la pilule d'un film très passable, tombant dans de la violence gratuite parfaitement inutile, et sans la profondeur psychologique du roman de Maurice G. Dantec, duquel s'inspire le film de Megaton. On passera donc notre tour pour cette fois-ci!

Le jeune compositeur Nicolas Bikialo (seulement âgé de 29 ans!) retrouve Olivier Megaton après avoir participé à la musique de 'Exit', le précédent long-métrage du réalisateur. Pour 'La Sirène rouge', le musicien a écrit une musique très atmosphérique, essentiellement dominé par de longues plages atmosphériques mélangeant différentes ambiances musicales. La partie orchestrale repose essentiellement autour de quelques cordes sombres avec un piano pour les passages plus intimes. Parmi les influences du musicien, on pourra très certainement évoquer le nom d'Arvo Pärt, fameux compositeur estonien connu pour ses oeuvres religieuses au ton incantatoire. C'est cette dimension spirituelle et planante que l'on retrouve en partie dans le score de 'La Sirène rouge', formant un décalage assez intéressant avec les images sombres du film. Le caractère épuré et latent de la partition de Bikialo contraste assez brutalement avec la violence et la noirceur du film, comme si le musicien avait cherché à approfondir la dimension plus dramatique et humaine du film. Seulement voilà, le procédé marche cinq minutes, mais pendant plus de 110 minutes, cela finit par susciter l'ennui chez l'auditeur, peut-être à cause d'un certain manque de conviction.

'The Chapel' développe cette ambiance humaine avec des cordes froides en suspens, très évocatrices des fameuses 'Fratres' d'Arvo Pärt. 'The Chapel' concerne la séquence où Hugo, Anita et Alice se réfugient à l'intérieur d'une chapelle, après avoir échappés au massacre de l'hôtel. 'The Chase' nous plonge dans le côté plus action du film pour la poursuite au début du film. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, le morceau est finalement assez peu rythmé et se distingue essentiellement par une montée de tension de cordes et de quelques petites percussions, mais rien de bien marquants en soi. On aurait simplement aimé entendre un morceau plus énergique pour une telle scène, la mollesse n'étant décidément pas de mise ici. Quant à 'Alice', il s'agit d'un petit thème de piano et cordes exprimant toute l'innocence de la jeune fillette à son arrivée au commissariat, au tout début du film. Rien de bien indispensable une fois de plus, notamment à cause de cette mollesse sous-jacente, ce manque d'idées qui nous pousserait presque à souhaiter entendre quelque chose d'un peu plus fort à l'écran. Les ennuis commencent avec l'affrontement de 'Gas Station', toujours évocateur des ambiances incantatoires d'Arvo Pärt et de ses fameux 'Fratres', oeuvre orchestrale qui semble avoir servi de référence à Nicolas Bikialo pour 'La Sirène rouge' (dans une interview récente, Megaton citait aussi comme référence musicale le 'Miserere' de Pärt). A noter que la partie plus rythmée de 'Gas Station' évoque plus clairement le style action 'seventies' de Lalo Schiffrin, et plus particulièrement le style de 'Bullit' et 'Mannix' (fait à la demande du réalisateur lui-même). 'The Boat Shed' est un peu dans le même style, avec ces cordes en suspens pour la scène où Alice retrouve son père, vers la dernière demi-heure du film. On rentre alors dans la partie plus noire du score avec la série des trois 'Evora', écrits pour synthétiseurs. Cette pièce absolument sinistre évoque cette tension très forte durant les premières scènes du film au commissariat. Si vous écoutez bien, vous pourrez entendre ce morceau résonner durant toute la séquence du snuff movie et de l'interrogatoire d'Eva Kristensen en arrière-fond sonore.

'Evora Part 1' consiste essentiellement en une simple tenue de nappes sonores très atmosphériques, suggérant une tension immuable avec des sonorités décolorées, presque 'sourdes'. Aussi étrange que cela puisse paraître, ces trois 'Evora' sont très clairement inspirés de la musique d'Akira Yamaoka pour le jeu-vidéo 'Silent Hill' (1999) sur Playstation. La ressemblance est absolument troublante. On en viendrait même à se demander si le musicien n'aurait pas un peu trop abusé du jeu avant de composer la musique de 'La Sirène rouge'. Plaisanteries mises à part, ces trois 'Evora' restent malgré tout les passages les plus intéressants du score, peut-être à cause de la tension très puissante qu'ils dégagent dans les scènes en question. A ce sujet, on ne peut évidemment pas passer à côté de l'excellent 'Evora Part 3', où des cordes graves et pesantes viennent rejoindre les nappes de synthé suffocantes, pour la séquence de la fusillade dans l'hôtel. C'est là qu'interviennent brièvement quelques voix, surtout dans un plan nous montrant la mort de l'un des méchants au ralenti. Pour se faire, Bikialo n'a pas eu meilleure idée que d'utiliser un chant de soprano d'un 'Agnus Dei' repiqué sur le principe de 'Alien 3' d'Elliot Goldenthal ou de 'End of Days' de John Debney. Ce manque d'idée flagrant et ce recours à la facilité très discutable vient gâcher un morceau qui démarrait pourtant sous les meilleurs auspices. Ceci étant dit, le résultat à l'écran est assez fort à ce moment là, la partie plus humaine et dramatique ressurgissant dans la composition de Bikialo.

L'autre axe majeur de la partition de 'La Sirène rouge' provient de la partie vocale. On notera ainsi la voix ethnique dans le mystérieux 'Vondt', un autre élément musical développé par le musicien à travers certaines pistes du score. Effectivement, le compositeur a eu l'idée d'avoir recours à différentes voix et instruments ethniques pour évoquer le voyage des héros durant tout le film, qui visitent du pays au cours de leur périple. Les autres pistes vocales ne sont pas de Bikialo mais tendent à se mélanger malgré tout à son score. On notera ainsi l'utilisation étrange d'une voix enfantine dans 'Dragon's Tear', lors d'une scène amicale entre Hugo et Alice, peut-être un peu de trop dans la scène. On retrouve d'ailleurs un principe similaire avec le 'Deer Stop' d'Alison Goldfrapp, tout cela évoquant la partie plus 'gentillette' vers le milieu du film (Hugo et Alice regardent un coucher de soleil ensemble - après les horreurs du début du film, cette scène très naïve jure un peu avec le reste). Dans 'Eva la vénérée Selvaggia', le compositeur italien Roberto Pregadio a recours à une voix féminine éthérée très étrange, qui plane sur des images plus sombres pour l'affrontement final avec la mère d'Alice. Pour la petite histoire, il s'agit d'une pièce extraite de la bande originale du film italien d'horreur/science-fiction de Roberto Mauri, datant de 1968. Le morceau a sûrement été choisi pour permettre une petite touche d'ironie avec le nom de la méchante du film d'Olivier Megaton. Ici aussi, le décalage entre la violence des images et le caractère planant et épuré de la musique ne fonctionne pas vraiment, et même si cette pièce n'est pas de Bikialo. La musique dérange quelque peu. Certes, elle crée ainsi une certaine identité plus forte avec les images et moins passe-partout que certaines compositions hollywoodiennes plus 'sérieuses'. Mais on ne peut pas s'empêcher de rester sur notre faim et de regretter cette approche musicale ennuyeuse qui survole les idées du film et ne rentre jamais dans le détail des scènes.

Le score de 'La Sirène rouge' a beau posséder plusieurs idées intéressantes, il n'en demeure pas moins une composition pas très marquante et qui a du mal à trouver un juste milieu entre les différents genres abordés. Le caractère fourre-tout de cette composition mélangée aux autres musiques préexistantes ('Dragon's Tear' ou 'Deer Stop' par exemple) a parfois tendance à devenir gênant: que l'on passe du festif 'Abuglubu Abugluba' aux voix mystérieuses de 'Eva la vénérée Selvaggia' en passant par l'atmosphérique 'Evora Part 3' et ses ambiances suffocantes à la 'Silent Hill', on ne peut s'empêcher de se questionner sur la réelle approche musicale voulue par Megaton et Bikialo: quels axes ont t'ils souhaités poursuivre? Comment le compositeur t'il envisagé l'unité de sa partition (qui, après plusieurs écoutes, semble être assez floue)? Comment justifier la quasi absence de thèmes ou de motifs récurrents (en dehors du petit motif de piano d'Alice, surtout entendu au début du film)? Comment justifier une multiplication d'ambiances alors que le film est sensiblement le même du début jusqu'à la fin (noir, violent, dramatique, etc.)? Toutes ces questions restent en suspens, Nicolas Bikialo n'apportant aucune réponse cohérente dans sa partition. Si le compositeur a tenté une approche plus expérimentale du sujet, il n'a qu'à moitié réussi, ayant apparemment oublié qu'une musique de film est avant tout faite pour un film, et non pour mettre en valeur les goûts artistiques du musicien par dessus le film lui-même. Certes, on sent ici l'admiration du compositeur pour Arvo Pärt, mais cet état de fait ne peut justifier la pluralité maladroite de styles et l'absence quasi totale d'une unité stylistique et thématique. Elle ne justifie pas non plus le caractère ennuyeux de tout ces passages lents et planants collés sur des images noires, violentes et agitées (le problème provient aussi des choix musicaux du réalisateur). Néanmoins, tout comme Olivier Megaton, Nicolas Bikialo semble posséder un certain potentiel qu'il lui reste encore à maîtriser et à mûrir.


---Quentin Billard