1-To Think of a Story 3.28
2-What's Out There? 2.52
3-There's an Answer 4.37
4-I Won't If You Won't 1.58
5-A Perilous Direction 3.20
6-A Risk Worth Taking 3.18
7-Victor Begins 0.54
8-Even If You Die 2.10
9-The Creation 2.00
10-Evil Stritched To Evil 4.43
11-The Escape 1.47
12-The Reunion 0.45
13-The Journal 1.04
14-Friendless 2.05
15-William! 2.44
16-Death of Justin/Sea of Ice 3.54
17-Yes, I Speak 5.37
18-God, Forgive Me 0.57
19-Please Wait 3.21
20-The Honeymoon 1.16
21-The Wedding Night 2.05
22-Elizabeth 4.11
23-She's Beautiful 3.36
24-He Was My Father 6.10

Musique  composée par:

Patrick Doyle

Editeur:

Epic Soundtrax 477987

Montage de la musique par:
Roy Prendergast
Produit par:
Patrick Doyle & Maggie Rodford

Artwork and pictures (c) 1994 TriStar Pictures/Amblin Entertainment. All rights reserved.

Note: ****
MARY SHELLEY'S FRANKENSTEIN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Patrick Doyle
« Frankenstein » est sans aucun doute l’un des mythes littéraires les plus adaptés au cinéma, et ce depuis quasiment un siècle déjà. On se souvient ainsi de toutes les versions produites depuis 1910 jusqu’à aujourd’hui, le film le plus connu étant finalement la version de James Whale de 1931 avec Boris Karloff dans le rôle du monstre (sans oublier toutes les versions de la Hammer dans les années 50). A l’origine, il s’agit d’un célèbre roman intitulé « Frankenstein or The Modern Prometheus » écrit par Mary Shelley en 1818, et généralement considéré comme le premier roman de science-fiction du 19ème siècle. Après avoir connu un certain succès sur ses adaptations Shakespeariennes au début des années 90, l’acteur/réalisateur Kenneth Branagh décidera finalement de tourner sa propre version de « Frankenstein » en revenant à la source même du roman d’origine. C’est pourquoi ce « Frankenstein » de 1994 est souvent considéré comme l’adaptation la plus fidèle du livre de Mary Shelley. Produit par Francis Ford Coppola sur un scénario de Steph Lady et Frank Darabont (plus connu pour avoir réalisé quelques classiques tels que « The Shawshank Redemption » ou « The Green Mile »), « Frankenstein » nous permet ainsi de replonger dans l’oeuvre gothique et ténébreuse de Mary Shelley. L’histoire commence en 1793. Victor Frankenstein (Kenneth Branagh) est un jeune savant ambitieux et plein de ressource. Mais ses idées se bousculent dans sa tête, jusqu’au jour où il imagine la création ultime : créer un être vivant à partir de morceaux de cadavres. Parce qu’il a osé défier Dieu, la vie de Frankenstein basculera tragiquement dans la mort et la souffrance, alors que la créature (Robert De Niro) s’éveillera et sèmera le chaos partout autour d’elle, souffrant de l’incompréhension et du rejet des humains. Frankenstein tente alors de se débarrasser de sa créature, mais il est trop tard. On retrouve ainsi dans le film de Kenneth Branagh toute la portée pessimiste et dramatique de l’ouvrage de Mary Shelley, une réflexion puissante sur les dérives de la science moderne et du pêché d’Ubris - celui de l’orgueil humain, des hommes qui veulent êtres les égaux de Dieu. Le réalisateur nous offre ici un film baroque ambitieux et profondément noir, une oeuvre à la fois romantique et sombre, dans laquelle Kenneth Branagh s’impose lui-même dans le rôle de ce créateur qui ira trop loin, face à un Robert De Niro mémorable dans la peau de la créature incomprise, qui, n’arrivant pas à trouver l’amour, décidera de faire le mal autour d’elle. Au casting, on retrouve une pléiade de stars britanniques telles que Helena Bonham Carter, Ian Holm, John Cleese ou bien encore Robert Hardy (sans oublier les américains Tom Hulce ou Aidan Quinn). Film d’horreur à la fois sombre et tragique, « Frankenstein » est une oeuvre à part dans la carrière de Kenneth Branagh, un très beau film malheureusement boudé par le public puisque le film sera un échec cuisant au box-office 1994.

Patrick Doyle, habitué à travailler sur des films d'époque et plus particulièrement sur les long-métrages Shakespeariens de Kenneth Branagh (« Henry V ») a composé pour « Frankenstein » une partition éminemment classique d’esprit, teintée de romantisme très 19èmiste et d’orchestrations à la fois classiques et modernes. Patrick Doyle souligne tout au long de sa partition le caractère tragique et sombre de cette terrible histoire. Le thème principal du score représente quand à lui la création de Frankenstein, une créature difforme créée à partir d'un assemblage de morceaux de cadavres humains. Le thème de la création est très présent tout au long du film, développé sous forme de variations multiples, un thème véritablement protéiforme à l’image même du concept de la création, comme si le compositeur lui-même façonnait son thème qui prend des allures multiples et évolue tout au long de l’histoire (tout comme le personnage de Robert De Niro, qui passe du bien au mal tout au long du film). « The Creation » représente un premier climax dans la partition de Patrick Doyle et reste probablement le morceau le plus mémorable de la musique du film de Kenneth Branagh, et aussi un grand classique dans l’oeuvre de Patrick Doyle. « The Creation » accompagne ainsi la scène où Frankenstein prépare sa créature dans son laboratoire. La musique s’avère être résolument furieuse, déterminée, massive, à l'image d'un Frankenstein prêt à tout pour atteindre son objectif. Les orchestrations sont ici complexes et élaborées (comme souvent chez le compositeur), révélant l’incroyable maîtrise de l’orchestre du compositeur. Le thème de la création se partage ici entre les cordes, les cuivres et les vents, soutenus par des percussions puissantes, et ce jusqu’à ce que le morceau aboutisse à une sorte de valse frénétique et puissante. Rares sont les séquences filmiques de création scientifique à avoir atteint une telle virtuosité dans son illustration musicale : un grand moment de musique de film, tout simplement ! Le thème est déjà présent dans « To Think Of A Story », qui se trouve être l’ouverture du film, morceau très sombre dans lequel intervient le dit thème, celui de la création, plongeant d'emblée le spectateur/auditeur dans un sentiment de noirceur et d’inquiétude, qui annonce clairement le ton du film.

Parmi les nombreuses variations que nous offre Patrick Doyle autour de son thème principal, c’est la version plus romantique qui attirera ici notre attention, et plus particulièrement lors de la séquence de la nuit de noce (« The Honeymoon », « The Wedding Night »). Le réalisateur n’hésite d’ailleurs pas à faire quelques références discrètes du dit thème à l’intérieur même de la séquence, comme par exemple dans la scène où l’on aperçoit un aveugle dans la forêt en train de jouer ce thème sur sa flûte à bec, ou bien carrément lorsqu’Elizabeth (Helena Bonham Carter), la promise du docteur Frankenstein, interprète elle-même le dit thème sur le piano du laboratoire de Frankenstein. Ce très beau thème fait véritablement partie intégrante du film et de son histoire, et c’est d’ailleurs tout ce qui fait sa magie dans ce film. Patrick Doyle démontre clairement son talent de musicien romantique à travers un thème d'amour délicat et profondément passionné. L’écriture même du thème durant la séquence de la nuit de noce est un véritable régal pour tous les amateurs de romantisme poignant et exacerbé. Le compositeur nous offre alors une reprise extrêmement émouvante et prenante du thème romantique qui possède alors un côté étrangement mélancolique, un lyrisme quasiment élégiaque, annonçant clairement l’issue tragique de l’histoire : un autre grand moment de musique dans cette très belle partition de Patrick Doyle !

La musique de « Frankenstein » prend tour à tour une dimension romantique, furieuse, sombre et terrifiante dans le film, à l'image de l'histoire tragique que relate un Victor Frankenstein épuisé au capitaine du bateau tentant de traverser le pôle nord au début du film (idée reprise du roman de Mary Shelley). L'interprétation de l’orchestre, particulièrement énergique et inspirée, apporte un véritable plus à la musique de Patrick Doyle, avec quelques parties de cuivres parfois plutôt délicates et très souvent complexes - notamment dans l’utilisation des trompettes bien souvent suraigües comme c’est le cas dans le virtuose « The Creation ». Patrick Doyle démontre ici un savoir-faire évident dans l’écriture de l’orchestre symphonique. Son écriture contrapuntique et harmonique reste tout aussi raffinée que celle de ses mélodies, tour à tour sombres et gracieuses, avec un lyrisme omniprésent dans les passages les plus émouvants du film. Seule ombre au tableau : il y a beaucoup de musique dans le film et très peu de respiration réelle. La bande originale du film aurait sans aucun doute gagné à être davantage aérée sur les images de Kenneth Branagh. De plus, on notera une pièce de cordes un peu trop souvent répétée durant le premier quart d’heure du film, parfois même de façon très superflue. Certains passages s’avèrent être moins intéressants que d’autres, surtout dans la première partie du film, jusqu’à ce que la partition décolle véritablement avec le grandiose et anthologique « The Creation ».

Patrick Doyle nous offre donc une partition symphonique magistrale pour le film de Kenneth Branagh, servie par une écriture brillante teintée de classicisme et de romantisme du plus bel effet, avec un thème somptueux et inspiré à double facette : l'amour à travers la romance entre William et Elizabeth, puis la haine à travers la créature de Frankenstein qui s'est juré de se venger de son créateur qui l'a abandonné dans le monde cruel des hommes. « Frankenstein » représentait dès 1994 une sorte d’aboutissement dans la collaboration entre Kenneth Branagh et Patrick Doyle qui débuta dès 1989 par un premier chef-d’oeuvre, « Henry V ». Incontournable, donc !



---Quentin Billard