1-For All We Know 4.58*
2-Little Things 2.25**
3-Put A Little Love
In Your Heart 3.06***
4-Psychotic Reaction 3.06+
5-Judy In Disguise 2.56++
6-The Israelites 2.47+++
7-Yesterday's Jones 0.45
8-Morpheus Ascending 1.17
9-Monkey Frenzy 2.20
10-Wonder Waltz 1.19
11-White Gardenia 1.54
12-The Floating Hex 1.37
13-Mr.F Wadd 1.02
14-Elegy Mirror 0.48
15-Panda The Dog 0.51
16-Heist & Hat 1.36
17-Strategy Song 2.04
18-Bob's New Life 2.48
19-Clockworks 0.32
20-Cage Iron 1.03
21-Goodnight Nadine 1.28

*Interprété par Abbey Lincoln
**Interprété par Bobby Goldsboro
***Interprété par Jackie DeShannon
+Interprété par The Count Five
++Interprété par John Fred
and his Playboy Band
+++Interprété par
Desmond Dekker
et The Aces

Musique  composée par:

Elliot Goldenthal

Editeur:

RCA 3077-2-N

Album produit par:
Elliot Goldenthal
Monteur de la musique:
Bill Bernstein
Producteur associé:
Richard Martinez
Consultant de la musique:
Kosmo Vinyl

Artwork and pictures (c) 1989 Avenue Pictures Productions/RCA Records. All rights reserved.

Note: **
DRUGSTORE COWBOY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Elliot Goldenthal
Pour son premier long métrage, Gus Van Sant aborde le problème difficile de la toxicomanie. 'Drugstore Cowboy' met en scène l'excellent Matt Dillon dans le rôle de Bob, chef d'une bande de junkies qui cambriole régulièrement des pharmacies pour se fournir leur drogue. Shootés 24 heures sur 24, Bob, Dianne (Kelly Lynch), Rick (James LeGros) et sa copine Nadine (Heather Graham) vivent sur leur petit nuage. Ils ne soucient guère des conséquences de leurs actes et doivent redoubler d'ingéniosité pour échapper au harcèlement de l'inspecteur Gentry (James Remar) et ses hommes, qui essaient par tous les moyens de le prendre en flagrant délit afin de le coffrer pour de bon. Mais les choses tournent mal le jour où Nadine, déprimée, décide d'en finir avec la vie en faisant une overdose mortelle. La chambre d'hôtel dans laquelle se trouve la bande doit être occupée sous peu pour une convention de shérifs. Entouré de flics, Bob croit que tout est fini, que la police va découvrir le corps et la drogue qu'ils cachent dans la chambre. Bob fait alors une promesse à Dieu: s'il s'en sort, il jure de tout laisser tomber et de suivre une cure de désintoxication.

'Drugstore Cowboy' nous montre le quotidien de la vie d'un junkie d'une manière tout à fait réaliste. Filmé sous la forme d'un road-movie traditionnel, 'Drugstore Cowboy' nous montre une bande de drogués prendre leur pied en multipliant les trips en tout genre. L'histoire est en fin de compte assez tragique. On y assiste à la descente aux enfers d'un drogué et de sa bande qui mènent une existence sans avenir, en forme de cul-de-sac, et c'est tout là l'intérêt dramatique de ce film, surtout lorsque Bob tente de s'en sortir et se heurte à des coups durs du destin (Dianne le quitte, deux types le tabassent presque à mort, etc.). Evidemment, le message du film est clair, et ce depuis les premières secondes avec le monologue d'introduction de Bob: la drogue, c'est malsain! Certaines critiques ont ironisé en comparant ce film à une sorte de campagne anti-drogue. Il y a effectivement un peu de cela, même si cette comparaison est un peu péjorative et réductrice. Van Sant nous montre le quotidien des toxicomanes et ce qu'ils doivent endurer lorsqu'ils décident de s'en sortir. Ajoutez à cela une bonne touche de superstition avec la fameuse intrigue du chapeau sur le lit (selon Bob, poser un chapeau sur un lit porte malheur pendant des années - coïncidence, un étrange concours de circonstances lui donnera finalement raison), et vous obtenez ce cocktail étrange qu'est 'Drugstore Cowboy' (cf. les nombreuses scènes d'hallucination, toutes plus étranges les unes que les autres), excellent road-movie dramatique sur l'enfer de la toxicomanie et les différentes façons pour s'en sortir malgré tout.

En 1989, Elliot Goldenthal n'en était encore qu'à ses débuts, encore méconnu par le public béophile. Coïncidence, Goldenthal avait déjà mis en musique un autre film qui traitait lui aussi du problème de la drogue: 'Cocaine Cowboys' (1979) d'Ulli Lommel. La même année, il faisait aussi la musique d'un autre film d'Ulli Lommel, 'Blank Generation', peinture de l'univers de la musique punk. Pour 'Drugstore Cowboy', Goldenthal a écrit un score extrêmement bizarre et déroutant, tellement dérangeant qu'il est difficile de l'apprécier réellement, même si sa musique possède des qualités, surtout dans le film. On est encore bien loin ici du style orchestral de 'Alien 3'. Le score de 'Drugstore Cowboy' est confié à des synthétiseurs avec quelques instruments solistes dont un saxophone, une trompette en sourdine et quelques percussions, importantes dans ce score. Ne cherchez pas ici quelque chose de conventionnel avec une thématique traditionnelle. 'Drugstore Cowboy' est ce genre de musique totalement marginale, hors catégorie, faite pour rompre avec l'ordinaire, ce qui, du coup, la rend difficilement intéressante en dehors du film (où elle fonctionne pourtant pleinement).

Avec la première scène de cambriolage au début du film, Goldenthal impose immédiatement son 'trip' expérimental: sur la même idée que le 'Dead Calm' de Graeme Revell, Goldenthal utilise des samples de souffles humains psychotiques (on se rapproche ici de la musique concrète d'un Pierre Schaeffer), renforcés par des percussions qui créent un rythme totalement désaxé, renforcé par l'étrange trompette en sourdine. L'idée intéressante à retenir ici est l'ostinato rythmique formé de sons de souffles humains. Goldenthal impose une ambiance quasi unique en son genre, totalement marginale. Sa musique est à l'image de cette bande de junkies, qui vivent dans leur petit monde, loin de la réalité. Le score évoquerait alors leur 'trip' drogue permanent, leur état second, l'univers artificiel dans lequel ils se renferment pour échapper à la réalité. L'idée est particulièrement intéressante même si la musique est difficilement écoutable en soi. Le reste du score s'attachera ainsi à décrire le parcours mouvementé de la bande de Bob, en multipliant les ambiances désaxées et étranges. Goldenthal met particulièrement l'accent sur les percussions (tambours, bien souvent) et les effets électroniques en tout genre. Ses sonorités électroniques sont elles aussi particulièrement décalées. Elles semblent elles aussi hors de la réalité. Goldenthal utilise par moment un saxophone jouant de façon improvisée, dans un style free-jazz totalement farfelu et décalé. Cette couleur du saxophone 'fou' est très vite devenue une marque de fabrique du compositeur puisqu'on la retrouvera plus tard dans des scores tels que 'The Butcher Boy', 'In Dreams' ou 'Titus'.

La deuxième partie du score semble s'apaiser relativement. Le saxophone résonne de manière plus sereine, plus 'posée', à l'image de Bob, qui essaie d'échapper à la drogue et de prendre un nouveau départ dans sa vie. Les sonorités sont moins farfelues, moins désaxées, mais on sent toujours un certain malaise dans la musique, un sentiment omniprésent du début jusqu'à la fin du film (tellement omniprésent que le score en devient limite insupportable). Goldenthal utilise des sons se rapprochant d'une cithare et, dans un des passages les plus bizarres du score ('Goodnight Nadine'), Goldenthal utilise une valse maladive et torturée avec un son d'accordéon légèrement désaccordé, une trompette de synthé, la cithare et un choeur d'hommes chantant à l'arrière plan comme s'ils étaient saouls. Il s'agit du morceau accompagnant la scène où Bob enterre, seul, le corps de Nadine dans la forêt. Ce morceau crée évidemment un malaise parfaitement perceptible à l'écran, d'autant que l'on a du mal à comprendre l'approche musicale déjantée de Goldenthal à ce moment précis du film. Un autre terme pourrait servir à évoquer le score de 'Drugstore Cowboy': la folie. Il apparaît difficile de ne pas ressentir cette folie sous-jacente dans l'étrange 'Goodnight Nadine'. Une autre pièce comme 'Heist & Hat' résume parfaitement à elle toute seule l'approche musicale du compositeur: trompette en sourdine, saxophone déjanté, rythmique de tambours et sample de guitare électrique désaxée en arrière-plan.

Si vous appréciez les travaux expérimentaux étranges et farfelus, vous devriez apprécier le score de 'Drugstore Cowboy', tellement expérimental qu'il en devient difficilement supportable. Nous sommes encore très loin ici du style avant-gardiste et recherché d'Alien 3. 'Drugstore Cowboy' est presque unique dans la carrière d'Elliot Goldenthal. La même année, le compositeur quittait ce genre pour revenir à quelque chose de plus conventionnel en créant une partition orchestrale macabre à souhait pour 'Pet Sematary'. 'Drugstore Cowboy' est, quant à lui, un score original mais difficile à digérer, une partition expérimentale très radicale, une sorte de 'trip' évoquant la toxicomanie et les shoots planants à répétition. Avec un tel sujet, on ne pouvait pas s'attendre à quelque chose de très sain, de toute évidence. Même si 'Drugstore Cowboy' fait partie des scores de Goldenthal que l'on a très vite oublié, il n'en demeure pas moins la preuve flagrante que le compositeur est bel et bien l'un des musiciens les plus inventifs d'Hollywood.


---Quentin Billard