Musique  composée par:

Graeme Revell

Editeur:

PLXM-001

Réalisateur:
Michel Gondry
Genre:
Comédie
Avec:
Patricia Arquette,
Rhys Ifans,
Tim Robbins.

Artwork and pictures (c) 2001 Pleximusic. All rights reserved.

Note: ***
HUMAN NATURE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Graeme Revell
De temps en temps, certains films très particuliers sortent de la masse cinématographique habituelle pour rompre avec la monotonie des productions ambiantes. C'est le cas de l'étrange 'Human Nature' de Michel Gondry, réalisateur plus connu pour ses clips pour Bjork et Daft Punk. A travers cette fable iconoclaste, signée Charlie Kaufman (auteur du script délirant de 'Being John Malkovich'), Gondry critique sur le ton humoristique les travers de l'homme dans notre société moderne. Le message du film est clair: l'homme doit retourner à ses racines, à ses sources. Il doit aimer et être en parfaite harmonie avec la nature. Cette étrange histoire commence le jour où une jeune femme naturaliste du nom de Lila (Patricia Arquette) rencontre un scientifique maniaque et obsessif, Nathan (Tim Robbins). Seul problème pour Lila: elle a hérité d'un système pilaire surdéveloppé qui la fait ressembler à une bête de cirque. Souffrant de ne pouvoir se débarrasser de ces poils qui gâchent son existence (elle doit se raser tous les jours pour continuer à vivre normalement), Lila rêve de rencontrer le grand amour. Sa rencontre avec Nathan va bouleverser sa vie. Enfin, pour la première fois, un homme partage son goût pour la nature et lui offre un peu d'affection, de tendresse. Mais ce conte de fée ne va pas tarder à être annihilé le jour où Nathan découvrir les poils de Lila. Furieux qu'il ne lui en ait jamais parlé, il se détourne d'elle et tombe dans les bras de son amante, Gabrielle (Miranda Otto), son assistante. Pourtant, Nathan a encore du mal à choisir entre Gabrielle et Lila. Pendant ce temps, Nathan poursuit ses expériences sur Puff, un homme sauvage qu'il a ramené il y a plusieurs mois à la civilisation. Le scientifique obsessif espère enseigner les bonnes manières et l'art de vivre au sauvage, et, petit à petit, son enseignement finit par porter ses fruits. Puff sait désormais parler, argumenter, réfléchir, formuler des hypothèses, apprécier des choses concrètes et abstraites, écouter de la musique, disserter sur des sujets philosophiques, etc. mais le trio formé par Nathan/Gabrielle/Lila ne va pas tarder à se rompre. Meurtrie par l'abandon de Nathan, Lila va se venger en récupérant Puff et en le ramenant dans la nature, là d'où il vient.

'Human Nature' est un film bizarre, difficile à classer. Est-ce un drame? Est-ce une comédie déjantée? Difficile à dire. Si l'on passe par-dessus les nombreuses excentricités du film (on sent l'ombre de Spike Jonze - producteur du film - planer sur 'Human Nature'), on pourra apprécier 'Human Nature' comme une fable ironique et grinçante sur la perversité de l'homme dans la société moderne. De son état sauvage, primaire, Puff devient très vite un être 'civilisé', conforme aux idéaux de l'homme d'aujourd'hui. Certes, Puff arrive à contrôler ses pulsions sexuelles et ne saute plus toutes les cinq minutes sur la première femme qu'il croise sur son chemin. En revanche, il est devenu capable de jouer un double jeu, de mentir, de cacher les apparences. C'est ce que le réalisateur s'attache à nous montrer tout au long du film. Est-ce à dire que l'animal est plus sain que l'homme? Dans un certain sens, peut-être, bien que ce parti pris ne soit pas vraiment à prendre au sérieux. En tout cas, la fin du film en dit long à ce sujet : aucun doute possible, Puff le 'singe' est bel et bien devenu un humain. Quand aux deux souris que l'on voit dans l'introduction du film, elles sont devenues à leur tour des humains (cf. plan final où elle font du stop au bord de la route). Gondry évoque les méfaits du conditionnement massif, du lavage de cerveau, et des soi-disantes vertus bienfaisantes de la civilisation. Plus encore, il nous montre la nature de l'homme sous son angle le plus pervers et les pièges du désir sur le ton de l'humour, et ose dévoiler son jeu sous un angle plutôt cru, n'ayant pas peur de se heurter à la 'pensée bienfaisante' de la moralité conservatrice américaine. Evidemment, il y a ici une dimension de provocation, qui ne doit pas être réellement prise au sérieux. Ceci étant dit, ces petites 'piques' adressées à notre société moderne s'apprécient d'autant plus qu'elles se font par le biais d'une bonne dose d'humour excentrique, n'échappant malheureusement pas à quelques lourdeurs et autres trucs farfelus en tout genre.

Graeme Revell a enfin put avoir la liberté de faire ce qu'il voulait faire sur 'Human Nature'. Très loin de ce qu'il écrit quotidiennement pour les grosses machineries hollywoodiennes, son score pour 'Human Nature' est un must d'humour, d'excentricité et d'ironie. Son score brasse divers style pour mieux cibler le côté excentrique et farfelu du film. On trouvera, à ses côtés, deux chansons en français signées Jean-Michel Bernard, compositeur de musique de film/chef d'orchestre qui a collaboré avec des musiciens tels qu'Ennio Morricone et Lalo Schifrin, en plus de jouer quotidiennement avec Ray Charles à l'orgue hammond. Bernard a écrit toutes les chansons du film, y comprit cette chansonnette naïve et enjouée ('Hair Everywhere' - petit jeu de mot sur le titre de la chanson) qu'entonne Patricia Arquette au début du film, lorsqu'elle se ballade seule, toute nue, au milieu de la nature. Il a aussi écrit 'Au dehors frémit la pluie', ainsi que le mystérieux 'Here with You' entendu dans le générique de fin, apportant une touche d'ambiguïté à un dénouement déjà très spécial (la chanson fait penser à ce que Bruno Coulais a écrit sur 'Le peuple migrateur').

Le score de Revell s'articule quant à lui autour d'une formation instrumentale assez libre, oscillant entre l'orchestre traditionnel (cordes et vents mis en avant) et du synthé volontairement kitsch, genre jeux vidéo années 80. 'I Don't Want to Be Dead yet' ouvre le film de manière tout à fait fantaisiste, un peu à la manière d'un Danny Elfman de la fin des années 80. L'orchestre met en avant des cordes sombres et tendues pastichant les musiques de suspense des polars/thrillers, avec un célesta cristallin, des pizz sautillants et ce synthé vieillot plutôt étrange. Le morceau intervient alors que l'on voit ces deux souris poursuivies par un corbeau au début du film. A noter que Revell a emprunté deux ou trois morceaux de sa sinistre partition pour 'Bride of Chucky' (1998) qu'il reprend dans quelques passages du film, et notamment dans la scène où Lila se coupe les cheveux avec rage. L'histoire commence dans 'My Story Begins', racontée à la fois par Lila, Nathan et Puff. A noter ici l'utilisation d'un vibraphone avec une petite rythmique discrète, des pizz et une flûte. On retrouve ici ce côté fantaisiste dans l'utilisation des instruments, preuve que Graeme Revell sait être réellement original et inspiré lorsqu'on lui en donne les moyens. Le thème principal du score apparaît dans l'amusant 'Pygmy Chimp', confié ici à des cordes sautillantes, dans une ambiance à la fois ironique et espiègle. Le thème principal, plus souvent entendu par le biais d'un vieux synthé vieillot étrange, comme dans 'A Name For Puff', possède quelques liens de parenté avec le 'Passepied' de la fameuse 'Suite Bergamasque' de Claude Debussy (que ce soit dans le style d'accompagnement ou dans la mélodie du thème). A noter que Revell utilise beaucoup ce thème dans les scènes où Nathan fait ses expérience sur les deux souris. Le compositeur apporte ici une bonne touche d'humour au film en jouant sur le décalage du synthé vieillot et étrange.

L'un des aspects le plus surprenant provient de ces passages atonaux sombres à la limite d'une ambiance suspense comme dans 'Busted' ou 'Puff Bolts', dominés pas des cordes/cuivres tendus et des dissonances multiples. De toute évidence, Revell cherche à jouer sur les différentes ambiances pour créer un décalage plus fort à l'écran, et ça marche! La musique, très présente tout au long du film, crée une ambiance assez particulière, par le biais de ces jeux multiples sur diverses atmosphères. 'Lila Shaves' est repiqué quand à lui d'un passage du score de 'Bride of Chucky' de Revell, dominé par des sonorités électroniques plutôt mystérieuses et un mystérieux motif de 2 notes pour cette scène où Lila, meurtrie par le rejet de Nathan, se rase brutalement les cheveux. A noter une nouvelle pièce humoristique avec 'Puff's Education' dominé par un célesta, des cordes, des pizz sautillants et le synthé étrange. Nathan commence alors à éduquer Puff et lui apprend à contrôler ses pulsions sexuelles. Le morceau est lui aussi repris du score de 'Bride of Chucky'. On pourra peut-être critiquer ce recours à la facilité de la part du compositeur qui reprend tel quel certains passages d'un de ses scores précédents, alors qu'il aurait eu la possibilité de trouver de nouvelles idées bien plus intéressantes à la place de ces emprunts un peu faciles. Quoiqu'il en soit, cela fonctionne parfaitement à l'écran.

A noter l'utilisation d'une valse plutôt étrange dans 'Bachelor Pad', dans la séquence où Nathan offre en cadeau un salon à Puff, pour le récompenser de ses efforts. Dominé par des vents et des cordes, la valse de 'Bachelor Pad' possède la particularité d'avoir une sonorité plutôt légèrement distordue, comme si l'enregistrement provenait d'une vieille bande usée. Cet effet sonore intéressant renforce une fois de plus le décalage de la musique à l'écran et nous prouve l'inventivité surprenante du compositeur. Avec 'Back To Nature', Lila ramène Puff dans la nature, après avoir ligoté Nathan et Gabrielle. Revell renoue ici avec son style thriller dominé par des timbales et des cordes tendues, évoquant la détermination de Lila. Revell renforce le malaise avec le sombre 'Words Are Evil', dans la scène où Puff tend le pistolet face à Nathan, puis, c'est 'I'll Turn Myself In' qui ramène la paix avec un petit thème joué par des notes cristallines et quelques cordes planantes. 'Parade' évoque avec humour la séquence finale où Puff, entièrement nu, retourne à la nature, suivi par toute une foule de journalistes curieux. Revell utilise ici une rythmique jazzy avec walking bass soutenant une partie électronique plus étrange, imposant une fois encore cette inventivité instrumentale étonnante, surtout dans le film.

'Human Nature' est loin de ressembler à ce que Graeme Revell a déjà fait jusqu'ici. Le compositeur semble avoir pris un malin plaisir à varier les ambiances décalées et à créer une ambiance ironique très particulière pour le film de Michel Gondry. Les chansons de Jean-Michel Bernard doivent aussi être mentionnées, car elles contribuent à leur tour à renforcer cette ambiance décalée si particulière dans le film. Ceci étant dit, 'Human Nature' est loin d'être ce que Graeme Revell a fait de mieux dans toute sa carrière. Passé une première écoute, on apprécie la variété d'ambiances du score (évoquant les différents protagonistes du film) et l'inventivité de certains passages, mais, hélas, le score s'oublie très rapidement par la suite, peut-être parce qu'il manque encore un petit plus pour faire de cette partition un must du genre. Ajoutons à cela le fait que le compositeur ne s'est pas gêné pour reprendre des passages de son précédent score pour 'Bride of Chucky', chose tout à fait contestable qui nous décevra quelque peu. Consolons-nous néanmoins en précisant que la partition humoristique de Revell fonctionne à merveille dans le film, et qu'elle atteint bien ses objectifs. Une petite curiosité à découvrir.


---Quentin Billard