'Les Fugitifs' est l'une des meilleures comédies de Francis Veber, alliant l'humour habituel du réalisateur avec un peu de tendresse et de poésie. Le film raconte l'histoire d'un cambrioleur malchanceux, François Pignon (Pierre Richard) obligé de faire équipe avec Jean Lucas (Gérard Depardieu), un ex-taulard récemment sortit de prison pour faire libérer sa petite fille enfermée dans un hôpital. A la suite d'un hold-up complètement raté, Pignon est obligé de s'enfuir avec Lucas qu'il a croisé par hasard dans la banque. Pourchassés par la police, les deux compères vont devoir se cacher en attendant de trouver une solution pour aider Pignon à sortir sa petite fille de l'orphelinat, et ce malgré l'hostilité de Lucas. Vladimir Cosma, qui travaille souvent avec Veber ('La Chèvre', 'Les Compères', etc.), a composé, comme il en a souvent l'habitude, une belle petite partition à la fois simple et très touchante, utilisant l'orchestre traditionnel avec quelques solistes (piano, guitares, etc.).

L'ambiance commence assez "cool" avec quelques parties de guitares acoustiques tendance country/rock, lors du générique de début où l'on assiste à la sortie de prison de Lucas. Le thème de guitare confère alors au personnage un côté vieux cow-boy solitaire qui erre seul dans les rues. Viens ensuite le thème principal du score, une belle mélodie lyrique comme Cosma aime en fournir régulièrement pour ce type de film, pleine de nostalgie, d'une très grande douceur, illustrant l'amitié naissante entre deux hommes que tout oppose mais qui se retrouvent malgré tout unis autour d'une petite fille. A noter que ce thème, joué au piano, est repris par la suite à l'orchestre, et même parfois joué aux pizzicati du violon, conférant ainsi une très grande tendresse à ce thème (scène où Lucas dort près de la petite fille dans un garage). La guitare acoustique réapparaît de temps à autre pour jouer ce thème sobre, très émouvant et facilement mémorisable. L'impact émotionnel de cette très belle mélodie est tout de suite immédiat et donne une certaine lumière quasi nostalgique au film de Francis Veber. Le deuxième thème arrive alors, accompagné d'une guitare acoustique, de cordes et d'un accordéon, un thème lui aussi typique de la veine mélodique de Vladimir Cosma et qui représente ici l'innocence et la douceur de la petite fille, douceur qui va permettre aux deux hommes de s'unir dans une amitié mouvementée mais émouvante malgré tout. Ce thème est d'ailleurs lui aussi assez développé tout au long du film.

Le seul reproche que l'on pourra formuler à l'égard de la musique des 'Fugitifs', c'est bien évidemment la syndrome trop "à la française" de cette BO: comme d'habitude dans les comédies françaises de ce genre, les musiques se font trop discrètes et ont du mal à réellement s'imposer. De plus, la musique est très courte et ne doit même pas totaliser plus de 30 minutes, ce qui est franchement tout à fait déplorable pour l'oeuvre en elle même: beaucoup de français critiquent l'utilisation excessive et surabondante de la musique dans les films américains, mais les américains ont au moins l'avantage de composer des musiques ambitieuses qui savent s'imposer, des musiques qui savent suivre point par point les images d'un film, et lui donner de la force, alors qu'ici, on a presque l'impression que la musique est banalisée, excessivement morcelée, presque étouffée par le film, bref, trop timide pour pouvoir pleinement s'exprimer, et elle ne réussit pratiquement jamais à s'imposer réellement. Partant de cet état de fait, il n'est pas étonnant de constater à quel point certains compositeurs français ont un sérieux problème lorsqu'il s'agit de traiter le rapport image/musique et de le développer durant toute l'étendue du film. C'est une autre manière de concevoir la musique vis-à-vis d'un film, mais cela reste une véritable contrainte qui finit bien souvent par nuire à des partitions de ce type qui, malgré leurs diverses qualités, manquent bien souvent de cohérence, de développement.

En ce qui concerne le score des 'Fugitifs', il s'agit sans aucun doute de l'une des plus belles partitions comédie de Vladimir Cosma, tout à fait typique de ses partitions comédies qu'il écrivait régulièrement pour le cinéma français dans les années 80. Un classique du compositeur à redécouvrir sur l'excellente compilation réunissant le triptyque gagnant de 'La Chèvre', 'Les Compères' et 'Les Fugitifs', trois grands classiques de la comédie françaises signés Francis Veber et trois partitions inoubliables de Vladimir Cosma!


---Quentin Billard