Remake sympathique du film homonyme norvégien, 'Head Above Water' (Petits meurtres entre nous) est un joyeux croisement entre le thriller et la comédie. Le scénario d'Eirik Ildahl et Geir Eriksen a permit au réalisateur Jim Wilson de nous offrir 88 minutes de délire pur et dur, et ce même si le film devient très vite répétitif et monotone au bout d'un moment. La pimpante Cameron Diaz illumine littéralement la caméra du réalisateur. Indubitablement, elle est le centre d'attraction majeur de 'Head Above Water'. L'actrice interprète Nathalie, une jeune femme mariée à George (Harvey Keitel), un vieux juge qui fait le double de son âge. Le couple est parti s'installer au bord de la mer, dans une petite maison sereine. Leur voisin, Lance (Craig Sheffer), veille constamment sur Nathalie, son ami d'enfance qu'il aime en secret depuis de nombreuses années. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu'au jour où Nathalie reçoit la visite inattendue de Kent (Billy Zane), son ex-amant. Le problème, c'est que Kent avait envoyé une carte annonçant à Nathalie qu'il passerait bientôt la voir, mais elle ne l'a jamais reçu. Heureusement, George est parti à la pêche avec Lance. Au matin, Nathalie se réveille et découvre, horrifié, le corps inerte de Kent, nu, sur le lit. Apparemment, son coeur l'a lâché durant la nuit. Prise de panique, Nathalie ne sait pas quoi faire. Elle cache alors le corps dans le cellier. A son retour, George ne va pas tarder à découvrir toute la vérité. La situation s'aggrave après que le vieux juge ait involontairement brisé la nuque du corps, et pour combler le tout, Nathalie a fait la terrible erreur de se débarrasser de ses vêtements en pleine mer. Désormais, il sera très difficile de faire croire à la police que Kent est mort accidentellement et qu'il s'est retrouvé ainsi nu. George et Nathalie vont tenter de faire disparaître le corps sans éveiller les soupçons d'un Lance toujours plus envahissant.

Jim Wilson réalise là un film assez amusant, soutenu par un humour noir omniprésent. Avec un budget limité et un casting très minimaliste (seulement 5 acteurs dans le film!), Wilson arrive à captiver notre attention, même si on finit par décrocher très rapidement, le film finissant par s'essouffler à force de se répéter (les nombreuses tentatives de George pour se débarrasser de Nathalie, qui elle, réussit toujours à s'échapper - cf. scène stupide avec la tronçonneuse!). Harvey Keitel est impressionnant dans le rôle de ce juge à l'apparence sympathique, trop sympathique pour être honnête. Voilà donc un film assez divertissant, bien que ce dernier ne marquera certainement pas l'histoire du cinéma des années 90.

En 1996, Christopher Young est en pleine période de transition. Après avoir mis en musique pendant de nombreuses années des films d'horreur et des thrillers en tout genre, Young manifesta très rapidement le désir de changer d'horizon et de s'attaquer à des projets plus sérieux et plus dramatiques. Avec 'Murder In The First' (Meurtre à Alcatraz) en 1995, Young nous prouva qu'il était doué d'une très grande sensibilité. Avec 'Head Above Water', le musicien s'attaque au genre de la comédie sur le ton de l'humour noir grinçant, un peu à la manière du fameux 'The Vagrant' (Psychose meurtrière), film délirant de 1992 pour lequel Young nous avait concocté une partition alliant musique concrète et expérimentations sonores en tout genre. Pour 'Head Above Water', Young revient à un style plus orchestral mais renoue avec quelques éléments sonores de 'The Vagrant'. On pourrait ainsi considérer le score de 'Head Above Water' comme une sorte de 'Vagrant' plus conventionnel et nettement plus accessible. Le score s'articule autour d'une formation instrumentale incluant des cordes, des vents, un accordéon, un violon soliste et quelques percussions (dont une paire de castagnettes).

La thématique occupe ici une place extrêmement mineure dans cette partition. Christopher Young a préféré privilégier une approche instrumentale plus harmonique pour privilégier une certaine identité sonore au profit d'une réelle thématique à proprement parler. Ainsi, les cordes sombres et les pizzicati sautillants résument à eux tout seul tout le concept 'comédie noire' du film, tandis que l'accordéon et le violon soliste apportent une touche de fantaisie au film (l'utilisation du violon rappelle certaines partitions de Danny Elfman). C'est ce caractère résolument fantaisiste qui fait tout l'intérêt de cette sympathique partition oscillant entre suspense et humour noir. Young s'est donc montré ici particulièrement inventif et continue de nous prouver qu'il possède décidément un grand sens de l'humour. L'utilisation de pizzicati sautillants dès les premières minutes du film amorcent déjà le côté 'comédie' de la partition de Young. Les cordes sont employées avec les vents afin d'évoquer cette tension omniprésente tout au long du film. Ainsi, le but du compositeur est double: il s'agit d'évoquer à la fois toute la noirceur de cette histoire de cadavre et de contrebalancer tout cela avec une bonne dose d'humour. L'utilisation de l'accordéon nous renvoie évidemment à 'The Vagrant' et apporte ce côté dansant très ironique voire moqueur (genre rythme de polka). Le délire commence dans la séquence où Nathalie cache le corps de Kent au début du film.

La véritable réussite de Christopher Young sur 'Head Above Water' est d'avoir sut maintenir une atmosphère de suspense sombre tout en évitant de trop se prendre au sérieux, comme le genre du thriller l'exige pourtant. Ceci étant dit, Young nous réserve quand même quelques passages d'action plus terrifiants, comme c'est le cas lors de la poursuite en bateau entre Nathalie et George vers la fin du film, où l'on retrouve le style orchestral habituel du compositeur, plus proche d'un 'Copycat' ou d'un 'Jennifer 8'.

Le travail effectué par le compositeur autour des cordes est remarquable. Ainsi, on retrouve une marque de fabrique majeure du compositeur: un parfait alliage entre le violon soliste et l'orchestre à cordes, un élément que l'on retrouve dans des scores tels que 'Copycat' ou 'Unforgettable', où il utilise quelques violons mélangés à l'orchestre à cordes, ce qui donne une 'couleur' typique de la musique de Christopher Young. La tension ne cesse de monter tout au long du film, la musique suggérant constamment ce climat de suspense et d'incertitude avec un côté à la fois ironique et sautillant. Si la partie de cordes réserve son lot de dissonances et de tension, le reste de la partie instrumentale (et plus particulièrement les rythmiques de percussions légères avec les castagnettes) accentuent l'esprit fantaisiste d'une partition inventive, nettement plus accessible que ne l'était l'étrange et dérangeant 'The Vagrant'.

Voilà donc une partition étonnante de la part d'un compositeur non dénué d'humour, qui semble s'être bien amusé sur cette petite comédie noire sans aucune prétention particulière. A découvrir, si vous appréciez vous aussi la facette plus fantaisiste de Christopher Young, grand maître de la musique de thriller!


---Quentin Billard