1-Overture and Kidnapping 5.34
2-Steamboat Ferry 1.03
3-The Orient Express 11.20
4-The Body/
Remembering Daisy 3.04
5-Entr'acte 3.42
6-Princess Dragomiroff 1.06
7-The Knife 1.26
8-Prelude To Murder 3.55
9-The Murder 3.45
10-FInale 4.37

Musique  composée par:

Richard Rodney Bennett

Editeur:

DRG 19039

Musique dirigée par:
Marcus Dodds

Artwork and pictures (c) 1974/2003 DRG. All rights reserved.

Note: ****
MURDER ON THE ORIENT EXPRESS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Richard Rodney Bennett
Agatha Christie est et demeure encore à ce jour la référence incontournable de la littérature policière du 20ème siècle. Christie a vendu plus de 300 millions d'exemplaires dans le monde et a battu depuis longtemps tous les records de vente de best-sellers. Le cinéma exploite son oeuvre depuis de très nombreuses années déjà. On pense par exemple à 'Ten Little Indians' (Les dix petits nègres), célèbre roman policier adapté à plusieurs reprises au cinéma dans les années 50/60. 'Murder on The Orient Express' est l'une des oeuvres incontournables de la célèbre écrivaine anglaise. C'est le fameux Sidney Lumet qui signe cette excellente version de 1974, dans laquelle une pléiade de stars se sont bousculées pour avoir leur place dans le film. L'histoire en elle-même est somme toute assez basique: comme dans 'Ten Little Indians', le célèbre détective Hercule Poirot (personnage emblématique d'Agatha Christie) mène son enquête sur un meurtre survenu dans un lieu isolé, entouré d'une dizaine de suspects. Cette fois-ci, l'histoire se déroule à bord du train de l'Orient express. Après avoir résolu une enquête difficile à Istanbul, Hercule Poirot (Albert Finney) monte à bord du luxueux train de l'Orient express pour rentrer à Paris. Il est accompagné par son ami Bianchi (Martin Balsam), qui se trouve être le chef de la compagnie ferroviaire. Mais alors que le train est soudainement bloqué par une tempête de neige, l'un des occupants du train, l'antipathique Ratchett (Richard Widmark) est retrouvé assassiné dans son lit. A la demande de Bianchi, Poirot décide de mener l'enquête sur ce meurtre et de découvrir toute la vérité, et ce avant que le train n'arrive à destination et que l'incident nuise à la réputation de la compagnie ferroviaire. Poirot se retrouve face à 12 suspects, chacun possédant pourtant un parfait alibi. Pourtant, le célèbre détective belge ne tardera pas à découvrir la vérité, à force de persévérance, d'indices et d'astuces en tout genre.

Sidney Lumet nous offre là un excellent polar dans la plus pure tradition du genre. Le spectateur suit avec intérêt cette passionnante enquête dans laquelle tout le monde semble être suspect. Le film vaut surtout par l'excellent qualité de la mise en scène (la séquence du kidnapping au début du film est très impressionnante) et par un jeu d'acteur assez exceptionnel. A ce sujet, le film vaut surtout pour l'incroyable distribution d'acteurs réunissant des stars telles que Albert Finney - qui nous livre là un Hercule Poirot excentrique et survitaminé - Sean Connery, Jacqueline Bisset, Lauren Bacall, Ingrid Bergman, Richard Widmark, Jean-Pierre Cassel, John Gielgud, Wendy Hiler, Anthony Perkins, Vanessa Redgrave, Michael York, Martin Balsam et Rachel Roberts. Même si l'explication finale de Poirot paraît quelque peu exagérée -et pourtant véridique- on se laisse entièrement convaincre par ce jeu de piste passionnant, entre mensonges, indices et rebondissements permanents. Une seconde vision du film nous permettra même de découvrir à quelque point le réalisateur a sut nous mener en bateau depuis le début de l'enquête, au même titre que les tâtonnements incessants d'Hercule Poirot sur cette enquête difficile et agitée. Un petit bijou du polar à découvrir de toute urgence, à l'instar du célèbre roman d'Agatha Christie!

Le compositeur anglais Richard Rodney Bennett nous livre là une composition symphonique remarquable, en parfaite adéquation avec l'atmosphère policière du film. Le compositeur attitré de Jospeh Losey et de John Schlesinger évoque avec sa partition pour 'Murder on The Orient Express' le raffinement d'Hercule Poirot et la noirceur de cette sombre histoire de meurtre qui cache un terrible secret. Cette double facette du score est ainsi représentée à travers les deux premières pièces de la partition, 'Overture' et 'Kidnapping'. L'ouverture traditionnelle du score nous introduit le thème principal lié à Hercule Poirot. Bennett nous permet d'entendre ici une superbe pièce alliant une écriture concertante de piano avec l'orchestre et une légère rythmique de charleston jazzy qui évoque l'ambiance 'polar à l'ancienne' du film. La majestuosité de l'écriture entre le piano concertant et les cordes donne un petit côté 'Golden Age' hollywoodien à cette brillante introduction très conventionnelle mais très raffinée. C'est le superbe 'Kidnapping' qui attirera immédiatement notre attention, pour cette hypnotisante séquence d'introduction dans laquelle on assiste à l'enlèvement de la petite Daisy Armstrong. A noter que la séquence, réalisée en flash-back, est entièrement tourné sans bruitage. Le réalisateur privilégie ici la musique de Richard Rodney Bennett qui s'exprime pleinement, sans le dérangement des ambiances sonores habituelles. Le sinistre 'Kidnapping' est une pièce dominée par des cordes lugubres et dissonantes et des cuivres plus pesants, martelés par intermittence avec des timbales quasi funèbres, suggérant la tension. Le travail effectué par le compositeur autour des instruments à cordes est absolument remarquable (on pense ici aux pièces atonales tardives de Schoenberg ou d'autres grands musiciens du 20ème siècle - à noter que Richard Rodney Bennett a étudié dans sa jeunesse avec Pierre Boulez). Bennett brode ainsi autour d'une hypnotisante cellule de deux notes qui ne cesse d'augmenter, d'une manière quasi obsédante. L'atmosphère qui se crée à l'écran est ici absolument remarquable. Cette scène de kidnapping prend une ampleur encore plus terrifiante par le biais de cette musique lugubre et ô combien capitale pour le film, puisqu'elle reviendra à moult reprises, en guise de sombre leitmotiv du kidnapping de la fille Armstrong, au centre de l'intrigue policière du film.

Après ce sinistre morceau qui fait froid dans le dos, Bennett nous propose une petite transition paisible avec 'Steamboat Ferry', lorsque Poirot prend le bateau à Istanbul pour rejoindre l'Orient express. A noter ici l'utilisation d'une flûte avec quelques cordes et une harpe. 'The Orient Express' est quant à lui l'un des morceaux-clé du score, nous permettant d'entendre le thème de l'Orient express, construit sous la forme d'une entraînante valse dans l'esprit des valses viennoises de Johann Strauss. Une trompette en sourdine, un célesta, une clarinette, une clarinette basse, une harpe et quelques percussions amorcent le motif principal de cette fameuse valse joyeuse qui prendra véritablement son envol lors du départ du train. A noter cette façon dont Bennett accélère très rapidement le tempo de la valse au fur et à mesure où la machine se met en marche jusqu'à prendre son rythme normal. Majestueuse et entraînante, cette excellente valse nous permet de redécouvrir le côté raffiné de l'écriture de 'Overture' et prouve à quel point le compositeur anglais fait preuve d'un grand raffinement d'écriture dans son langage symphonique, à l'instar de Patrick Doyle. La première séquence avec Ratchett dans le train nous permet de revenir à une ambiance plus sombre et mystérieuse, dominée par des cordes sombres et dissonantes, qui semblent ramper dans l'obscurité de manière discrète. Cet effet musical est d'autant plus marquant qu'il rompt avec le rythme de valse entraînante du début de cette longue pièce de plus de 11 minutes. Le compositeur cherche ici à attirer notre attention sur le personnage de Ratchett par le biais de sa musique. On ne le sait pas encore, mais ce personnage sera véritablement au centre de l'histoire du film, et la noirceur de la musique suggère le fait qu'il sera assassiné très prochainement. A noter la façon dont le compositeur suggère très rapidement et surtout très discrètement le thème d'Hercule Poirot, entendu sur quelques notes discrètes de glockenspiel.

Bennett revient par la suite à une ambiance plus joyeuse en développant le thème d'Hercule Poirot confié cette fois-ci à un violon à la Stéphane Grappelli, soutenu par une petite rythmique jazzy sympathique, le violon dialoguant ensuite avec une clarinette. Cette série de variations sympathiques autour du thème de Poirot (on trouvera même une petite version tango) accompagne toute la séquence de la traversée du train, le thème étant quelque fois entrecoupé par un bref rappel du majestueux motif de l'Orient express, dans une ambiance très 'musique de salon' typique de l'ambiance musicale de l'entre deux-guerre (l'histoire se passe en 1935). Ce qui surprend dans ce morceau, c'est le changement constant d'ambiance tout au long des 11 minutes de la pièce. On passe d'un moment paisible et joyeux à un passage de pure noirceur, comme c'est le cas à partir de 7 minutes, là où le musique se veut nettement plus inquiétante, tendue et menaçante. On sent déjà que quelque chose de grave va survenir. Cette impression se confirme avec les cordes stridentes entendues à 9 minutes, alors que le thème de Poirot est réentendu par le biais d'une menaçante clarinette basse. Aucun doute possible, cette fois-ci, le mal est inévitable, ce qui nous permet de découvrir le sombre 'The Body/Remembering Daisy'. La clarinette basse développe le motif d'Hercule Poirot d'une façon bien sombre, avec des cordes et des vents tendus lors de la découverte du corps atrocement mutilé de Ratchett. L'une des personnes interrogées par Poirot se souvient avec une tristesse quasi nostalgique de la petite Daisy Armstrong. C'est cette allusion au drame des Armstrong qui permet à Bennett de réentendre le sinistre motif de 2 notes des cordes repris de 'Kidnapping', avec ces clusters de cuivres/timbales pesants et menaçants. Les cordes sont ici évocatrices de la noirceur de l'histoire et du terrible secret que cachent chacun des passagers du train. On admirera dans le film la façon dont le terrifiant motif du kidnapping revient de manière extrêmement envoûtante lors de ces séquences où des passages se souviennent ou évoquent le fameux drame des Armstrong, preuve que cet événement est bel et bien l'élément clé de l'enquête d'Hercule Poirot.

A son tour, Richard Rodney Bennett construit une sorte d'intrigue musicale dans laquelle les indices sont essentiellement suggérés par cette mystérieuse musique de suspense atonale qui fait véritablement froid dans le dos. On appréciera le retour du thème de piano jazzy d'Hercule Poirot et de la valse de l'Orient Express dans le joyeux 'Entr'acte', à la façon des intermèdes musicaux que l'on pouvait trouver auparavant dans les pièces de théâtre traditionnelles. Cet 'Entr'acte' plein d'énergie ne sert qu'à nous faire repartir dans l'obscurité avec la suite des séquences d'interrogation. 'Princess Dragomiroff' débute avec une pièce pour cordes quasi romantiques et poignante, évoquant la séquence avec la princesse Dragomiroff (Wendy Hiller). La découverte du poignard dans 'The Knife' reprend le style suspense atonal de la fin de 'The Orient Express' avec une certaine inventivité de la part du compositeur dans l'utilisation de ces instruments, qui semblent ramper dans l'obscurité de manière fortement menaçante ici. Malgré tout, l'enquête avance d'un pas, la musique ne cessant de faire monter la tension avec 'Prelude To Murder'. A noter à quel point la clarinette basse devient l'instrument principalement lié à Hercule Poirot. Si le piano se distinguait plus particulièrement dans 'Overture' et 'Entr'acte', c'est la clarinette basse qui suggère l'enquête difficile de Poirot au cours de ces longues scènes d'enquête. 'Prelude To Murder' est sans aucun doute l'un des plus sombres morceaux du score, entendu lors de la séquence où Poirot révèle à tous son intrigante théorie sur l'assassinat de Ratchett. C'est là que l'on s'aperçoit à quel point la deuxième partie du morceau 'The Orient Express' est importante, dans le sens où elle contient déjà tout ce qui fera la base de la dernière partie de la partition de 'Murder on The Orient Express'.

Le motif de 2 notes de 'Kidnapping' revient d'une manière extrêmement macabre dans 'The Murder', évoquant la terrifiante séquence du meurtre. Le compositeur nous plonge ici dans une ambiance quasi cauchemardesque, encore plus forte que dans 'Kidnapping'. On sent réellement ici la progression de la musique par rapport au début de l'histoire, à l'instar de la progression de l'enquête d'Hercule Poirot. 'The Murder' fait lui aussi froid dans le dos. Pièce atonale d'une noirceur sans compromis, 'The Murder' est l'évocation parfaite d'un meurtre atroce habilement orchestré et camouflé, le genre d'ambiance musicale qui n'est pas sans rappeler le style suspense de Bernard Herrmann. Cet obsédant motif de 2 notes aux cordes est sans aucun doute la meilleure trouvaille du compositeur sur cette excellente partition symphonique. Enfin, on peut respirer avec le sympathique 'Finale' reprenant d'une manière très paisible le thème de l'Orient express, entendu par un hautbois avec cordes et harpe. L'enquête est finit, le dossier est clôt, Poirot peut enfin se retirer. Le thème de la valse et d'Hercule Poirot reviennent une dernière fois pour conclure le film sur une touche plus joyeuse.

Vous l'aurez compris, avec 'Murder on The Orient Express', vous avez à faire à une partition symphonique très inspirée, dans laquelle Richard Rodney Bennett élabore une variété d'atmosphères à la fois joyeuses, raffinées, mystérieuses et sombres. Le compositeur nous propose à sa manière un petit jeu de pistes afin d'évoquer l'enquête de Poirot sur ce meurtre atroce (le macabre thème du kidnapping nous hante tout au long du film). On ne pourra d'ailleurs qu'applaudir le réalisateur Sidney Lumet pour avoir accordé autant d'importance dans son film à la musique de Richard Rodney Bennett. Ce dernier se montre ici particulièrement à l'aise dans son écriture orchestrale (on pense à Elgar, Holst, Vaughan-Williams et d'autres grands musiciens anglais de l'époque), preuve qu'il est en 1974 au sommet de son art orchestral, et ce bien qu'il n'ait jamais été véritablement très connu (et reconnu) par le public béophile. Si vous cherchez une partition polar inspirée, 'Murder on The Orient Express' est vraiment fait pour vous. A savourer en relisant les ouvrages d'Agatha Christie!


---Quentin Billard