Dans 'Before and After' (Le poids du déshonneur), Barbet Schroeder évoque le drame poignant de la famille Ryan et de leur fils Jacob, suspecté d'avoir commit un meurtre. Carolyn (Meryl Streep) et Ben (Liam Neeson) mènent une existence normale. Mais le jour où la police retrouve le corps mutilé d'une jeune adolescente nommée Martha Taverner (Alison Folland), tout bascule. Le shérif Fran Conklin (Daniel Von Bargen) vient voir les Ryan et leur annonce que leur fils Jacob (Edward Furlong) est suspecté du meurtre de Martha. Mais Jacob est introuvable: il semble avoir pris la fuite. Le shérif revient quelques temps après avec un mandat l'autorisant à fouiller la chambre de Jacob. Pris de panique, Ben fonce dans le garage et fouille la voiture de son fils. Il y découvre avec horreur des tâches de sang qui prouvent que son fils a bel et bien un rapport avec la mort de la jeune adolescente. Terrifié, Ben décide de faire disparaître toutes ces preuves en les brûlant. Il ne se rend pas encore compte de la gravité des conséquences de ce geste. Retrouvé et arrêté par la police, Jacob passe quelques temps en prison avant d'être libéré sous caution. Réfugié dans un mutisme temporaire, le jeune adolescent décide enfin de parler, un soir, au dîner. Il raconte comment tout cela s'est passé exactement. Pour la famille Ryan, c'est le début d'une longue descente aux enfers.

Cette terrible histoire d'une famille détruite par un drame fait froid dans le dos. Evidemment, le message du film est clair: tout peut basculer d'un moment à l'autre dans notre vie. 'Before and After' vaut surtout par la qualité des interprétations, réunissant Meryl Streep, Liam Neeson et le talentueux Edward Furlong (on se souvient surtout de lui dans 'Terminator 2'). On retrouve à leurs côtés Alfred Molina (l'avocat Panos Demeris), Daniel Von Bargen et John Heard. Streep et Neeson sont extrêmement convaincants, passant de l'espoir aux larmes avec une aisance confondante. Furlong continue quant à lui de nous prouver qu'il est décidément un grand comédien, très mur pour son âge. Au final, le but de Schroeder est de nous montrer la vie de la famille Ryan, avant et après le drame qui bouleversera leur existence à tout jamais. Evidemment, le film n'évite pas les sempiternelles séquences larmoyantes, mais pour peu que l'on soit sensible à cette terrible histoire, 'Before and After' devrait s'avérer être un excellent drame, qui s'apprécie surtout pour la justesse du jeu de ses interprètes.

Après avoir écrit la musique de 'Single With Female' (1992), Howard Shore retrouvait Barbet Schroeder sur ce drame poignant qui lui a permit de retrouver son style orchestral dense, froid et psychologique, un style reconnaissable entre mille. La musique de Shore épouse à merveille l'ambiance dramatique et sombre de 'Before and After'. Au cours d'un 'Main Title' mettant en avant un excellent travail autour des cordes et de quelques vents, Shore installe un climat plutôt paisible et banal. Le but recherché par le compositeur est ici d'évoquer la vie paisible de la famille Ryan, avant le drame qui va tout changer pour eux. Néanmoins, les harmonies de la pièce s'assombrissent progressivement jusqu'au plan où l'on aperçoit la main du cadavre qui traîne dans la neige. Le 'Main Title' est le seul véritable passage paisible du score, le reste de la partition étant une longue suite de pièces orchestrales sombres et mélancoliques, où règne une très forte atmosphère de gravité. 'Searching For Clues' et 'Destroying Evidence' représentent ainsi cette idée de gravité dans la scène où Ben brûle les indices de la culpabilité de son fils, au début du film. On remarque que, comme dans 'Silence of The Lambs' (1991), ce sont les cordes qui sont mises ici en avant, possédant un côté parfois torturé typique des ambiances musicales psychologiques chères au compositeur. 'Searching For Clues' s'oriente presque ainsi vers une ambiance noire et déprimante à la 'Se7en', avec ces couleurs orchestrales martelées et tourmentées, évocation du malheur qui s'abat sur la famille Ryan.

Shore développe une atmosphère orchestrale lente, froide et sombre accentuant cette atmosphère d'amertume et de tragédie. 'Looking For Jacob' est ainsi très représentatif de cette ambiance, tandis que 'Dr.Ryan' possède un côté plus triste, voire nostalgique. Très vite, Shore installe son thème principal, principalement confié à des cordes amples et amères, un thème plein de tristesse et d'amertume, mais qui possède aussi un côté plus chaleureux, évoquant l'union de la famille autour de ce drame. Il est certain qu'à la première écoute dans le film, ce thème passera inaperçu, la faute au côté extrêmement répétitif de cette partition orchestrale, l'un des principaux défauts du score de 'Before and After'. Effectivement, on a l'impression d'entendre trop souvent la même chose au bout d'une heure, à tel point que l'on finit par décrocher de la musique dans le film, ce qui est assez dommage étant donné les qualités d'écriture de la partition. Comme dans 'The Silence of The Lambs', sa partition manque de nuance, de relief, tout est exprimé sur un ton très monotone et lent, ce qui rend l'écoute du score entier relativement difficile.

'Apprehended' rend l'atmosphère encore plus pesante pour la séquence de l'arrestation de Jacob, la partition atteignant une sorte de 'climax' dans le sombre 'The Confession', lorsque Jacob se décide enfin à raconter toute la vérité. Shore fait monter la tension et fait plonger sa musique dans une atmosphère pesante quasi lugubre, avec ce qui semble être, le morceau incontournable du score de 'Before and After'. Toute la partie finale du score (de 'The Grand Jury' jusqu'à 'Before and After') est plus intime et mélancolique, même si le sentiment de gravité pèse sur des morceaux tels que 'It's Your Fault' ou 'The Truth'. 'Before and After' nous propose de réentendre une dernière fois le thème principal confié à des cordes amères et mélancoliques.

Au final, 'Before and After' n'a rien d'un score extrêmement mémorable mais confirme néanmoins le fait qu'Howard Shore est décidément un maître des ambiances orchestrales psychologiques, au même titre que Bernard Herrmann à l'époque des thrillers Hitchcockiens. Si vous appréciez les partitions atmosphériques, psychologiques et monotones, 'Before and After' devrait vous convenir sans problème. Reste que l'on aurait aimé entendre quelque chose d'un peu plus nuancé, de moins ennuyeux et de plus varié. A réserver surtout aux inconditionnels du compositeur canadien!


---Quentin Billard