1-Introduction 1.56
2-Landing on Elba 3.33
3-Marseille 4.23
4-Betrayed 3.52
5-Chateau D'If 4.26
6-Abbe Faria 2.24
7-Edmond's Education 0.58
8-Training Montage 1.54
9-Escape from the Island 7.24
10-Finding The Treasure 2.52
11-An Invitation to the Ball 2.12
12-Involving Albert 2.47
13-After The Party 3.06
14-Retribution 5.29
15-End Titles 5.47

Musique  composée par:

Edward Shearmur

Editeur:

RCA Victor
09026-63865-2

Score produit par:
Ed Shearmur
Monteur de la musique:
Daryl Kell
Assistant de production:
Ilan Eshkeri
Préparation de la musique:
Vic Fraser

Artwork and pictures (c) 2002 Touchstone Pictures & Spyglass Entertainment Group L.P./BMG Entertainment. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE COUNT OF MONTE CRISTO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Edward Shearmur
Après plusieurs adaptations au cinéma, voilà qu'Hollywood décide de s'emparer de l'une des oeuvres phares d'Alexande Dumas (père): 'Le comte de Monte-Cristo'. Après Jean Marais, Louis Jourdan, Richard Chamberlain, Jacques Veber, Viktor Avilov ou Gérard Depardieu (pour ne citer que les plus connus), c'est au tour de l'excellent James Caviezel d'interpréter Edmond Dantès. Rappelons l'histoire de ce grand classique de la littérature française pour ceux qui l'aurait oublié: Edmond Dantès vit paisiblement à Marseille avec sa fiancée Mercedès Iguanada (Dagmara Dominczyk). Un jour, le capitaine du navire sur lequel il voyage tombe malade. Il décide d'accoster sur l'île d'Elbe où se trouve Napoléon Bonaparte en 1814, et ce afin de réclamer de l'aide. Napoléon le rencontre et décide de lui remettre une mystérieuse lettre, avec pour seule indication de la remettre à Marseille à un certain Mr.Clarion. De retour à Marseille, le marin est mystérieux arrêté par Villefort (James Frain), le préfet de police de Marseille qui l'accuse de trahison et de meurtre. C'est Fernand Mondego (Guy Pearce), son propre ami, qui l'a dénoncé, jaloux de son succès et de sa fiancée qu'il convoite avec cupidité. Injustement jeté en prison dans les sombres cachots du château d'If, Dantès passera treize ans dans cette prison sinistre où il y fera la connaissance de l'abbé Faria (Richard Harris), un autre prisonnier qui lui apprendra tout: la lecture, l'économie, les mathématiques, l'art du combat, etc. Faria lui remettra aussi une précieuse carte au trésor qui le conduira jusqu'à un précieux butin qui fera de lui un homme riche. Dantès réussit à s'échapper au bout de treize longues années et fait ensuite la connaissance d'une bande de pirates des mers avec qui il va se lier d'amitié. L'un d'entre eux, Jacopo (Luis Guzman), ayant une dette envers lui, deviendra un ami fidèle.

Devenu le richissime comte de Monte-Cristo, Dantès prépare désormais sa vengeance, et il ne reculera devant rien pour détruire ceux qui ont volés sa vie. James Caviezel, qui s'est beaucoup entraîné pour préparer son rôle, nous offre une performance remarquable face à un Guy Pearce inattendu. Le plus surprenant est Luis Guzman, qui semble ne pas être toujours très à sa place avec son personnage de Jacopo. Kevin Reynolds - réalisateur de 'Robin Hood' ou 'Waterworld' - nous offre ici une version typiquement hollywoodienne, que les amoureux du roman d'origine auront vite fait de descendre en flèche, surtout si l'on considère le fait que le film se permet de nombreuses libertés par rapport à l'ouvrage d'Alexandre Dumas. On ne pourra que regretter un truc très agaçant et typiquement américain: le fait que l'histoire soit censée se passer en France et qu'une lettre écrite par un personnage est rédigée en anglais! Cette honteuse faute de goût ne devrait même pas être autorisée par le réalisateur. Ceci nous prouve bien à quel point Hollywood a décidé bien du mal à respecter l'intégrité de ces ouvrages littéraires adaptés sauvagement à la culture américaine depuis 'The Man In The Iron Mask' de Randal Wallace en 1998, aussi inspiré d'un autre classique d'Alexandre Dumas. Avec le nullissime 'The Musketeer' de Peter Hyams en 2001, il semblerait que les artisans hollywoodiens se soient mis en tête de ressortir tous les classiques du célèbre écrivain français. Autre problème, pour finir : le dénouement de l'intrigue qui envoya Dantès en prison est loin d'être clair. Le scénariste semble s'être carrément embrouillé les pinceaux sans maîtriser pleinement son sujet, ce qui nous laisse penser que cette version hollywoodienne est définitivement loin d'être la meilleure! Si ce 'Count of Monte-Cristo' reste assez bien réalisé et superbement interprété, il n'empêche qu'il fait parti de cette pseudo-mode cinématographique conçue par des réalisateurs en panne de sujets neufs. Un bon film, sombre et prenant, bien calibré, mais qui n'atteint certainement pas la qualité de l'ouvrage d'origine!

Edward Shearmur est encore très jeune dans le métier. Après avoir fait quelques orchestrations pour certains grands compositeurs hollywoodiens, Shearmur se lança dans le milieu en écrivant dans un premier temps la musique additionnelle du 'Let Him Have It' (1991) de Michael Kamen. Par la suite, il écrira la partition pour 'The Wings of The Dove' en 1997 et en 1998, avec l'appui de Kamen lui-même, il composera la musique de 'Species II'. Grâce à ses premiers scores, Shearmur est assuré d'obtenir de plus gros projets plus intéressants, tels que 'K-Pax' (2001) ou les récents 'Reign of Fire' et 'Johnny English'. 'The Count of Monte-Cristo' donne de nouveau l'occasion au compositeur de prouver son talent dans le maniement de l'écriture symphonique, mélangeant pour l'occasion classicisme et atonalité plus moderne. En ce sens, le score de 'The Count of Monte-Cristo' est une surprise en soi, qui débute avec un style symphonique très 19èmiste (on pense presque au 'Golden Age' hollywoodien des années 40/50 pour les films de cape et d'épée) avant de sombrer dans un style atonal moderne plus proche des partitions d'Elliot Goldenthal. L'histoire débute avec le sombre 'Landing On Elba', qui annonce déjà la couleur relativement noire et pessimiste du score de Shearmur. Le morceau prend par la suite une tournure plus action lors de la scène où Dantès et Fernand affronte les gardes anglais au début du film. On notera ici l'utilisation excitante d'une superbe ligne de trompette très rythmé, qui semble donner pas mal de fil à retordre à l'instrumentiste et qui nous prouve à quel point Edward Shearmur est déjà passé maître dans l'art de manier l'écriture orchestrale et instrumentale dans toute sa splendeur. Il y a dans ce score une réelle qualité d'écriture, bien loin de la plupart des partitions électroniques modernes écrites par des tâcherons hollywoodiens sans style. La partition de 'The Count of Monte-Cristo' fait preuve d'une certaine fraîcheur dans l'écriture orchestrale, même si la plupart du temps, la musique se veut à la fois sombre et agressive. Très vite, le compositeur en profite aussi pour asseoir son thème principal, mélodique et assez majestueux, lié au héros du film. Par la suite, Shearmur utilisera un autre motif de quelques notes évoquant la romance entre Dantès et Mercedès (scène romantique vers le début du film, sur les rochers, où Shearmur utilise une harpe avec l'orchestre).

'Introduction', superbe pièce orchestrale sombre et impressionnante, utilisant un choeur psalmodiant de façon quasi incantatoire, sur fond de trombones/cors quasi funèbres et de petites percussions. Le morceau est en fait utilisé lors de la séquence où Monte-Cristo arrive lors de l'immense soirée organisée pour assouvir sa soif de vengeance. 'Introductions' est sans aucun doute le morceau clé de la partition de 'The Count of Monte-Cristo'. Il évoque toute la haine qui hante le coeur de Dantès, aveuglé par son désir obsessionnel de vengeance. A ce sujet, l'une des plus belles réussites du score d'Ed Shearmur est d'avoir sut capter toute la noirceur et la colère du personnage principal de cette sombre histoire. Le compositeur nous transmet à l'écran toute cette noirceur dans une atmosphère orchestrale particulièrement sombre, avec un souci constant pour des orchestrations de qualité. La musique joue constamment sur le caractère introspectif relatif à la colère intérieure de Dantès. En dehors de deux ou trois passages plus massifs, la majeure partie de la musique semble bouillonner, s'agiter de l'intérieur, à l'image de la vengeance sournoise et implacable d'Edmond Dantès. Le sombre 'Betrayed', qui met en avant des cordes graves et des vents agités, évoque la trahison de Fernand et le début des ennuis pour Dantès. C'est le début d'une douloureuse descente aux enfers pour le héros injustement accusé d'un crime qu'il n'a pas commis. 'Château D'If' est ainsi très représentatif du style plus atonal de la partition, Shearmur utilisant cordes, vents et cuivres de manière plus dissonante avec des harmonies chaotiques. Le message du compositeur semble être clair: la prison du château d'If s'assimile ici à une sombre métaphore de l'enfer, le début du cauchemar pour Dantès. Shearmur fait une fois encore véhiculer toute cette noirceur à l'écran, avec un souci d'écriture toujours constant.

Le héros rencontre alors l'abbé Faria en prison, et débute son apprentissage en compagnie du vieillard. 'Abbe Faria' fait ici intervenir un nouveau motif confié à un mélange harpe/guitare évoquant l'amitié naissante entre les deux hommes, sur un ton plus paisible et chaleureux, bien que le morceau conserve néanmoins une certaine mélancolie qui rappelle la condition des deux hommes, enfermés dans une prison dénuée d'humanité. 'Edmond's Education' évoque à son tour l'éducation de Dantès sur un ton plus vivant, presque enjoué. L'écriture instrumentale privilégie ici des pizzicati quasi sautillants, une harpe, quelques cordes, des petites percussions en bois, des vents discrets, etc. on sent ici la progression lente mais sur de l'apprentissage de Dantès, un apprentissage qui, tôt ou tard, finira par porter ses fruits. C'est du moins ce que l'on ressent à l'écoute du morceau dans le film, qui continue de nous faire croire à l'espoir d'un avenir meilleur pour le héros du film. Enfin, pour clore cette partie 'éducation', Dantès apprend à se battre dans l'excellent 'Training Montage' où le compositeur fait preuve d'un certain talent dans le maniement de l'écriture des cordes dans un contrepoint savant de qualité. A noter ici l'utilisation discrète d'un clavecin et de voix féminines au synthé, une sorte d'élément symbolisant une fois encore un discret espoir pour Dantès (les voix pourraient être assimilées à ce désir de liberté, l'appel du grand large marin?).

Finalement, Dantès s'échappe de la prison dans 'Escape From The Island', nouveau morceau d'action du score plus enlevé, nous prouvant au passage que le compositeur est aussi très à l'aise dans l'art du déchaînement orchestral brillamment écrit et contrôlé, très loin de tout effets cacophoniques, Shearmur respectant avant tout deux principes pour ces morceaux d'action: une écriture orchestrale raffinée et soignée, et une grande efficacité sur les images du film. Aucun doute possible, le compositeur accomplit son projet avec brio. On poursuit alors avec un 'Finding The Treasure' plus rythmé, pièce sombre qui se dégage un peu du reste du score dans son écriture de percussions assez inventive, pour la scène où Dantès et Jacopo recherchent le trésor de Monte-Cristo. Le morceau est ici assez sombre, même si la scène n'a rien de vraiment sombre en soi. L'idée recherchée par le compositeur est ici plus subtile, plus psychologique: sa musique tend à nous rappeler que cette quête du trésor n'est qu'un prétexte pour le plan diabolique d'un Dantès qui veut se venger par n'importe quel moyen. Le travail autour des percussions - dans un style quasi 'contemporain' genre 'Planet of The Apes' de Jerry Goldsmith - est ici particulièrement intéressant. Ces percussions pourraient presque évoquer la colère intérieure et les tourments qui hantent Dantès. Quoiqu'il en soit, on est ici surpris par l'approche musicale atonale voulue par le compositeur, surtout sur une scène qui, à priori, n'est pas vraiment très sombre.

'An Invitation To The Ball' permet au compositeur d'avoir recours à un certain classicisme d'écriture sur un ton hispanique et dansant (rythme de tambourin) pour la scène où Monte-Cristo envoie des lettres d'invitation à toute la bourgeoisie de Paris. A noter ici l'excellent travail autour du contrepoint de cordes avec une trompette majestueuse, qui rappelle celle utilisée dans 'Landing On Elba'. Très rythmé, ce morceau évoque déjà le faste et le raffinement de la nouvelle existence de Dantès, alias le comte de Monte-Cristo. Un 'Involving Albert' plus sombre nous permet d'entendre quelques nouvelles bonnes idées de la part du compositeur, et en particulier cette brève utilisation de quelques sonorités instrumentales en écho jusqu'à un nouveau déchaînement orchestral très efficace, lors de la scène où Monte-Cristo sauve Albert, le fils de Fernand. A noter une utilisation plus mélancolique des cordes dans le triste 'After The Party', lors d'une scène où Mercedès retrouve Dantès après treize ans passés loin de lui. Afin de renforcer le climat plus morose de la pièce, Shearmur a recours ici à une écriture soliste, comme c'est le cas par exemple de ce violon plus discret, dialoguant avec l'orchestre à cordes et la harpe.

'Retribution' évoque alors l'affrontement final entre Dantès et Fernand pour un nouveau morceau d'action tonitruant, débouchant sur le paisible 'End Titles' qui reprend le thème principal sous une forme plus romantique et heureuse, avec des cordes amples et lyriques. Vous l'aurez compris, 'The Count of Monte-Cristo' est une partition assez surprenante de la part d'un compositeur de plus en plus inspiré. La partition d'Edward Shearmur recèle de nombreuses qualités d'écriture, que ce soit par l'utilisation originale de certains instruments, de la qualité des orchestrations ou du caractère plus psychologique et introspectif de certains passages. Shearmur ménage ses bonnes idées tout au long du film, et ce même si l'on a du mal à retenir un thème précis après la première écoute du score dans le film, la thématique étant pour une fois plus subtile et parfois mise en retrait au profit d'ambiances orchestrales sombres et tourmentées. Si le score ne marque pas vraiment les esprits à la première écoute, c'est parce qu'il nécessite plusieurs écoutes plus approfondies, nous permettant de mieux saisir en détails les grandes qualités de cette partition symphonique dans la plus pure tradition du genre. Evidemment, on sent parfois les influences du compositeur planer sur cette partition (Kamen, Goldenthal, Arnold, etc.) mais qu'importe...un certain style se dégage de ce score, un style qui rappelle à quel point Shearmur est décidément le nouveau compositeur à suivre de très près, avec d'autres musiciens tels que Don Davis ou Brian Tyler.


---Quentin Billard