1-Prologue 2.06
2-Miranda's Theme 1.47
3-Remembering Rachael 2.23
4-Final Escape 6.20
5-Road Block/First Contact 2.33
6-An Affair? 3.00
7-First Escape 4.32
8-One Of Us/The Shower 4.41
9-Willow Creek 3.36
10-Recollections 3.14
11-The House/Dream 4.03
12-I'm The Mirror/Not Alone 2.20
13-Revelation 4.40
14-You're Next 2.41
15-I See Dead Kids 1.46

Musique  composée par:

John Ottman

Editeur:

Varèse Sarabande
302 066 520 2

Album produit par:
John Ottman
Producteur exécutif:
Robert Townson
Monteur de la musique:
Amanda Goodpaster

Artwork and pictures (c) 2003 Warner Bros Entertainment Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
GOTHIKA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Ottman
'Gothika' est un premier essai cinématographique hollywoodien pour Mathieu Kassovitz, décidément très demandé outre-atlantique depuis 'Les rivières pourpres' et son rôle fort dans 'Amélie Poulain' de Jeunet. Cette co-production Columbia Pictures/Warner Bros/Dark Castle (qui signent leur quatrième production horrifique après 'House on Haunted Hill', '13 Ghosts' et 'Ghost Ship') nous plonge dans l'univers horrifique traditionnel des revenants, des crimes élucidés et des rebondissements typiquement hollywoodiens. La psychiatre Miranda Grey (Halle Berry) travaille dans un asile d'aliénés criminels dans lequel on soigne parfois les cas les plus extrêmes. L'une des patientes les plus coriaces de Miranda est une mystérieuse jeune femme nommée Chloe Sava (Penélope Cruz), qui ne cesse de prétendre que le diable cherche à s'emparer de son corps. A la suite d'un accident de voiture, un soir, Miranda se réveille dans une cellule de l'asile, où elle est devenue une patiente à son tour. Son collègue, Pete Graham (Robert Downey Jr.) lui annonce alors qu'elle a assassiné son mari, le docteur Douglas Grey (Charles S.Dutton). Miranda, d'abord bouleversé à l'annonce de cette terrible nouvelle, essaie de rassembler ses souvenirs, mais en vain. Elle n'a aucun souvenir de ce meurtre! Tout le monde la croit folle à l'asile. Miranda va alors être constamment harcelé par de terribles hallucinations, hantée par le fantôme d'une mystérieuse jeune fille qui semble vouloir lui communiquer un bien sombre message. Miranda va tout faire pour tenter de percer à jour le sinistre macabre qui se cache derrière ces terrifiantes hallucinations et ce message macabre, inscrit par un scalpel sur son bras: 'Not Alone' (pas seul).

Ce qui commence comme un excellent film d'horreur doté d'une mise en scène redoutable et d'une montée de tension très intense s'achève comme un vulgaire thriller qui pue la routine hollywoodienne à plein nez. 'Gothika' est l'exemple du film qui part d'une bonne idée mais qui s'essouffle progressivement, faute d'un manque d'idées ou d'un recours aux facilités scénaristiques parfois très agaçantes dans le développement et le dénouement de l'intrigue du film. 'Gothika' se compose ainsi de deux grandes parties, la première nous plongeant dans un monde de fantômes, de folie, de tourments et d'hallucinations horrifiques, la seconde nous livrant une intrigue plus banale, plus stéréotypée, dans laquelle les quelques rebondissements (que l'on sent malheureusement venir une demi-heure avant!) ne parviennent pas à nous faire oublier la mauvaise impression que donne cette dernière partie assez médiocre. Pour résumer : cela commence bien et ça finit assez mal! Hélas, pour son premier film hollywoodien, Mathieu Kassovitz n'a pas particulièrement brillé. La faute peut-être au scénario ultra basique du film (décidément le plus gros point faible du film!) et à un manque d'originalité constant qui force parfois les scénaristes à avoir recours à des idées déjà vues des centaines de fois (le méchant qui tend un piège au héros en se dévoilant au dernier moment, l'héroïne que personne ne croit mais qui est la seule à connaître la vérité, les sursauts de terreur genre slasher-movies de bas étages, etc.). On regrettera aussi le fait que le script soit bourré de 'trous' et d'éléments incohérents et étrangement laissés en suspens jusqu'à la fin du film. A noter que le film a connu une post-production assez chaotique, puisque 'Gothika' devait sortir à l'origine durant la période d'Halloween et c'est finalement retrouvé retardé de plusieurs mois, jusqu'après Noël. Au final, bilan mitigé pour le premier film américain de Mathieu Kassovitz qui, on l'espère, saura trouver de bien meilleurs projets à l'avenir!

Sur son site officiel, le compositeur John Ottman explique en détail les difficultés qu'il a rencontré en élaborant sa nouvelle partition orchestrale ténébreuse pour 'Gothika'. Les producteurs ont d'abord demandés à Ottman de leur fournir une démo musicale à partir de 15 minutes d'une séquence du film. La condition était qu'il devait écrire cette démo en deux jours et qu'il la renvoie ensuite par Fed-Ex à Montréal (lieu du tournage du film), chose qui paraissait totalement infaisable pour le compositeur. Heureusement, tout est vite rentré dans l'ordre, puisque, par la suite, Ottman a apprit qu'il était engagé pour écrire la musique du nouveau film de Mathieu Kassovitz. La pression qui pesait ensuite sur le musicien durant la post-production du film était assez contraignante. Les délais qui lui étaient accordés ne lui ont même pas laissé le temps de monter le film avec un temp-track. Il a fallut qu'Ottman fonctionne à l'instinct, d'autant que le compositeur devait accomplir un travail colossal en un laps de temps tout bonnement ridicule (composition, montage, enregistrement, mixage, etc.). Mais Ottman n'était pas au bout de ses surprises, puisque le musicien apprit tardivement que Joel Silver (l'un des producteurs du film, aux côtés de Robert Zemeckis) désirait qu'il compose beaucoup plus de musique pour le film (le score devait quasiment fonctionner non-stop tout au long du film!). John Ottman n'a eu d'autre choix que de se plier au bon vouloir de la production en livrant près de 90 minutes de musique pour 'Gothika' (ce qui représente un travail énorme pour un délai aussi court).

Il faut croire que John Ottman s'en est particulièrement bien tiré puisque sa musique pour 'Gothika' est très intéressante et assez captivante, à défaut d'être particulièrement originale (étant donné le peu de temps qu'on a laissé à Ottman pour faire la musique du film, on pourra aisément pardonner le manque d'originalité de ce score!). Pour les besoins du film, Ottman a décidé de baser sa partition autour de 3 thèmes principaux, le thème de Miranda, un motif mystérieux pour le fantôme de Rachel (évoqué par l'utilisation de voix fantomatiques) ainsi qu'un motif plus mélancolique pour l'univers carcéral du film. Le 'Prologue' est déjà particulièrement sombre puisqu'il privilégie des cordes graves (contrebasses/violoncelles) qui semblent flotter de manière pesante dans les airs, saupoudrées de quelques touches électroniques atmosphériques et glauques à souhait. Aucun doute possible, Ottman nous invite à rentrer ici dans un univers noir, macabre et suffocant, ce dernier adjectif étant sans aucun le meilleur terme à employer pour décrire la partition musicale de 'Gothika'. Le 'Miranda's Theme' se distingue par son utilisation de piano, violoncelles, cordes, vents et choeur. Il est sans aucun doute le seul passage plus lumineux du score, une once d'espoir dans une atmosphère suffocante et extrêmement noire. Il sert en tout cas de balise musicale forte dans le score (et ce même s'il risque fort de nous échapper à la première écoute) dans le sens où il évoque le côté plus dramatique du cauchemar qu'est en train de vivre Miranda, le personnage étant caractérisé par cette excellente utilisation d'un choeur et d'un petit motif de 3 notes assez minimaliste (tout le thème est quasiment résumé à travers ces 3 notes!).

Avec 'Remembering Rachael', on entre dans un univers de plus en plus pesant et sombre. Miranda rencontre le fantôme de Rachel dans 'Road Block/First Contact' où il développe le motif de 3 notes (avec choeur) de Miranda dans la séquence où cette dernière entre pour la première fois en contact avec le fantôme de la jeune fille. D'abord mystérieux et mélancolique, le morceau prend une tournure nettement plus sombre et inquiétante, surtout avec l'écriture des cordes qui s'assombrissent considérablement jusqu'au sursaut final du morceau. Si la première partie du film maintient une ambiance assez mélancolique, comme 'An Affair?', morceaux dans lesquels Ottman développe le thème de Miranda (ici, il s'agit de la séquence où Miranda demande à Pete s'ils ont été amants auparavant), la seconde partie va nettement s'obscurcir, comme ce sera effectivement le cas avec une pièce telle que 'One Of Us/The Shower' (séquence particulièrement inquiétante de la douche). Le reste du score ne va cesser de faire ainsi monter la tension en nous plongeant alors dans un univers de terreur pure. A travers 'First Escape' (première scène où Miranda tente de s'évader hors de la prison), on sent toute la frénésie de la scène et la détermination de Miranda, sans cesse harcelée par des hallucinations de plus en plus macabres. 'First Escape' fait un usage très intéressant des percussions avec de l'électronique et de nombreux effets de cordes, tels que glissendi, clusters, jeu sur les quarts de ton, dissonances, etc. Ces sinistres effets de cordes, hérités d'un langage musical moderne plus avant-gardiste (Penderecki, Ligeti, Xenakis, Scelsi, Boulez, etc.), représentent l'atout principal de ces morceaux de terreur parfois très intenses. On a rarement entendu un John Ottman aussi sombre et macabre, le compositeur ayant jusqu'à présent principalement nuancé ses partitions pour des films horrifiques telles que sa musique rejetée pour 'Halloween H20' avec de nombreuses touches d'humour noir. Ici, on a à faire à une partition très sérieuse, macabre et terrifiante à souhait! Ces morceaux d'action/terreur sont particulièrement captivants et propulsent en avant le spectateur à travers un spectacle intense, où règne la folie et le chaos.

Dans les sinistres 'Recollections' et 'The House/Dream', Miranda tente de reconstituer le puzzle en se rendant directement chez elle, sur les lieux du meurtre. On sent toujours un certain climat de lourdeur, d'inquiétude, de mystère, de suspense. En privilégiant des cordes graves et des sonorités électroniques pleinement atmosphériques, John Ottman fait mouche et arrive à capter notre attention. 'I'm The Mirror/Not Alone' évoque à son tour les hallucinations terrifiantes de Miranda (séquence du message 'Not Alone' inscrit d'abord sur une fenêtre, puis sur son bras). Dans 'You're Next', la tension monte d'un cran alors que Chloe apprend à Miranda qu'elle sera la prochaine victime du mystérieux tueur invisible. C'est avec les terrifiants 'Final Escape' et 'Willow Creek' que la partition atteindra son apogée de terreur. 'Final Escape' réutilise de manière assez inventive les percussions diverses de 'First Escape', mais sur un style beaucoup plus orienté vers l'action et l'atonalité chaotique (Miranda s'échappe alors avec succès hors de l'asile). Dans 'Willow Creek', l'un des passages les plus suffocants de toute la partition, Miranda découvre l'horrifiante vérité. A noter que la scène en question (l'héroïne descend dans le sous-sol d'une maison isolée) est illustrée sans aucun dialogue. La musique d'Ottman devait donc être ici particulièrement présente, afin de captiver l'attention du spectateur et de renforcer la tension quasi extrême dans cette séquence. A noter que l'on retrouve dans 'Willow Creek' tous les effets orchestraux habituels de ce style de partitions atonales horrifiques: gargouillis macabres de cordes, glissendi, clusters, dissonances chaotiques, traits instrumentaux frénétiques, masse de cordes graves particulièrement tendues, etc. Tout ceci nous rappelle à quel point John Ottman est décidément un grand professionnel, maître de son écriture orchestrale et de ses différents effets instrumentaux. 'Revelation' est un ultime grand moment de terreur chaotique à souhait pour la séquence de la confrontation finale, la partition s'achevant finalement sur un 'I See Dead Kids' reprenant une dernière fois le thème de Miranda de manière plus sereine, voire libérée (faut-il voir dans le titre du morceau une allusion ironique au 'I See Dead People' de 'The Sixth Sense' de Shyamalan?).

Amateurs de terreur, de mystère et de frisson, la partition de 'Gothika' devrait particulièrement vous ravir. Comme évoque précédemment, on aura rarement entendu un score d'Ottman aussi sombre et tourmenté, dans lequel le compositeur n'a pas vraiment eu matière à glisser ses habituelles touches fantaisistes et humoristiques. Ne vous attendez donc pas à retrouver là un score farfelu tel que 'Halloween H20' ou 'Eight Legged Freaks'. On est beaucoup plus proche ici de l'esprit de musiques horrifiques telles que 'Apt Pupil' (incontournable!), 'Trapped' (la partition très 'Christopher Young' d'Ottman, qui se rapproche le plus du style de 'Gothika') ou le macabre 'Urban Legends: Final Cut'. Si vous appréciez les derniers travaux suspense/terreur de John Ottman, 'Gothika' devrait vous satisfaire pleinement, même si l'on est loin de l'originalité de certaines partitions phares du compositeur, qui, faute de temps, n'a pas été en mesure de nous offrir quelque chose de plus audacieux et de plus personnel. Ceci étant dit, la musique se propose ici en excellent complément émotionnel du film de Mathieu Kassovitz, un score très convaincant qui nous prouve à quel point John Ottman est décidément un jeune compositeur à l'avenir prometteur, en espérant qu'il saura trouver à l'avenir des projets cinématographiques bien plus passionnants.


---Quentin Billard