CD N°1

1-The Big Blue Overture 4.43
2-Deep Blue Dream 1.27
3-Sailing To Death 2.18
4-Rescue In A Wreck 2.35
5-La Raya 2.02
6-Hucracocha 5.20
7-Water Works 3.07
8-Between The Sky-Scrapers 1.02
9-Remembering A Heart Beat 1.08
10-Spaghetti Del Mare 1.58
11-Let Them Try
(Instrumental) 3.20
12-Synchronised Instant 2.05
13-Homo Delphinus 8.02
14-The Monastery Of
Amorgos 1.12
15-Much Better Down There 1.28
16-Cruise Of
The Dolphin Tribe 2.43
17-Second Drive 1.50
18-Leaving The World Behind 2.23
19-My Lady Blue 5.00

CD N°2

1-Let Them Try 3.30
2-A Walk In Taormina 0.48
3-Watergames 2.10
4-Fatal Dive 1.13
5-Platform 2.50
6-Leaving Peru 1.50
7-Virgin Islands 2.12
8-Strange Feelings 3.20
9-Sicilia 1.23
10-Such A Family 1.19
11-The Third Dive 2.45
12-Do You Like This Place 1.04
13-For Enzo 2.46
14-Leaving The World Behind 3.15

Musique  composée par:

Eric Serra

Editeur:

Virgin France
0777 7877902 5

"My Lady Blue"
paroles de Luc Besson,
interprété par Eric Serra
"Let Them Try"
paroles de Luc Besson,
avec les voix de:
Alfredo, Enzo, Roberto,
le chef de chantier,
Jacques, Johanna,
et l'assistant du Dr.Laurence.

Artwork and pictures (c) 1988 Editions la Marguerite/Gaumont. All rights reserved.

Note: ****
LE GRAND BLEU
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Eric Serra
Enorme succès commercial du cinéma français, « Le Grand Bleu » est un classique incontournable du cinéma des années 80. Réalisé par Luc Besson en 1988, « Le Grand Bleu » est inspiré de la vie des deux apnéistes Jacques Mayol (Jean-Marc Barr) et Enzo Maiorca (Jean Reno), rebaptisé Enzo Molinari pour le film. Amis depuis 1965, Jacques et Enzo ont grandi ensemble en Grèce et partagent une passion commune pour la mer, se défiant constamment pour savoir qui accomplira les plus grandes prouesses. A la suite du décès de son père suite à un accident de plongée, Jacques décide alors de revenir en France. 20 ans plus tard, les deux amis se retrouvent et continuent d’entretenir une certaine rivalité. C’est alors qu’a lieu le championnat du monde d’apnée no limite à Taormina en Sicile en 1988. Jacques et Enzo décident alors d’y participer. Leur rivalité constante les obligea à pousser toujours plus loin les limites de leur sport. Film culte pour toute une génération, « Le Grand Bleu » a connu en France un succès similaire au « Fabuleux destin d’Amélie Poulain » de Jean-Pierre Jeunet ou au récent « Bienvenue chez les ch’tis » de Danny Boon. Sorti à une époque où le cinéma français commençait à péricliter et à s’embourber dans une certaine forme d’académisme obsolète, « Le Grand Bleu » imposa une vision nouvelle et rafraîchissante d’un cinéma français plus moderne et plus incontestablement plus jeune. Luc Besson, alors à peine âgé de 29 ans au moment où il tourne le film, proposa une mise en scène plus novatrice, avec une photographie extrêmement riche et colorée, des rails de travelling pour la caméra et le steady cam, un montage plus vif et énergique et même certaines scènes à l’onirisme étrangement poétique (la scène du rêve de Jacques). Son film s’inspirait déjà des techniques hollywoodiennes mais avec - à cette époque - un vrai point de vue personnel sur l’image et leur symbolique. Ainsi, l’essentiel du « Grand Bleu » fonctionne sur le symbole de la mer comme élément de vie et de mort, un élément qui attire et qui détruit à la fois - à l’image de l’inoubliable plan final, à la fois tragique et incroyablement paisible. Et face à cette mer, deux hommes qui s’opposeront jusqu’au bout, qui pousseront leur logique de rivalité jusqu’au point de non retour.

Leur passion pour la mer les amènera à repousser toujours plus loin les possibilités de leur sport. Quand à Jacques Mayol, brillamment interprété dans le film par Jean-Marc Barr (l’un des plus beaux rôles de toute sa carrière d’acteur !), ce dernier se retrouve pris tout au long du film entre son amour pour une femme, Johanna Baker (la très séduisante actrice américaine Rosanna Arquette, que Luc Besson choisit parce qu’elle l’avait fait craquer dans « Desperatly Seeking Susan ») et sa passion dévorante pour la mer. Montré dans le film comme un être qui vit dans un rêve constant, confondant parfois réalité et fiction, Jacques est un éternel adolescent incapable d’assumer sa vie d’adulte, en quête perpétuelle d’un rêve inaccessible, une sorte d’allégorie de Peter Pan qui recherche une raison à sa vie terrienne en compagnie de ses semblables lorsqu’il se sent dans son élément naturel sous l’eau en compagnie des dauphins (métaphore de l’enfant qui refuse de grandir). En ce sens, le dernier plan du film est assez révélateur : certains y ont vu une métaphore du retour à l’enfance, voire à un stade prénatal (l’obscurité des abîmes sous-marins comme symbole du ventre de la mère ?). Quand à Jeno Reno, ce dernier livra à son tour une performance remarquable dans le rôle d’Enzo Maiorca, le succès du film ayant permis à l’acteur de se faire remarquer du grand public et d’obtenir une notoriété nationale, et ce jusqu’au succès de « Léon » en 1994 qui lui permettra de s’exporter outre-Atlantique et de devenir même une star au Japon. Le reste appartient donc à l’histoire : « Le Grand Bleu » connut un succès retentissant en France, et attira plus particulièrement les jeunes par milliers, certains allant même jusqu’à voir et à revoir le film plusieurs fois d’affilée, un fait similaire au succès colossal de « Titanic » en 1997. Le film séduisit ainsi toute une génération de jeunes français qui se reconnurent enfin dans le cinéma novateur et populaire de Luc Besson, un cinéma qui s’attira en revanche les foudres de la critique qui accusa massivement le réalisateur de faire du divertissement facile à la Steven Spielberg. On raconte aussi que les vrais Jacques Mayol et Enzo Maiorca détestèrent le film de Besson, Maiorca allant même jusqu’à intenter un procès pour diffamation au réalisateur à cause d’une scène du film qui montrait son personnage recevoir de l’argent pour aller sauver un plongeur en difficulté - suite à cela, le film de Besson fut d’ailleurs interdit de diffusion pendant une bonne quinzaine d’années en Italie. Et à l’occasion des 10 ans de son film culte, Luc Besson décida de ressortir au cinéma « Le Grand Bleu » dans une version longue de 168 minutes (132 minutes dans la version d’origine). Malgré l’extrême sévérité des critiques à l’égard du film, la profession elle-même reconnut les qualités du long-métrage de Luc Besson puisque « Le Grand Bleu » reçu finalement quatre nominations et 2 Césars en 1988.

« Le Grand Bleu » marqua aussi les retrouvailles entre Luc Besson et son grand complice de toujours, Eric Serra, qui composa les musiques de ses deux films précédents : « Le Dernier Combat » (1983) et « Subway » (1985). Pour « Le Grand Bleu », Eric Serra a écrit une bande originale très clairement orientée vers l’électronique et la musique new age, un score qui, à l’instar du film, obtint un très succès quasi planétaire et fut même apprécié par la plupart des critiques (et ce à l’inverse du film) qui saluèrent ainsi l’effort du compositeur - sans aucun doute l’un des premiers compositeurs à proposer une musique électronique plus sensuelle et sensorielle pour un film de l’époque. Ce fut même l’une des premières musiques de film à se vendre à plus de trois millions d’exemplaires dans le monde, récompensée par le César de la meilleure musique de film en 1988. Devenue extrêmement célèbre, la musique du « Grand Bleu » berça ainsi des milliers de spectateurs lors de la sortie du film au cinéma. Signalons au passage que pour la sortie du film aux Etats-Unis, les distributeurs américains décidèrent de remplacer la musique d’Eric Serra par une toute nouvelle partition composée par Bill Conti, considérant ainsi que la musique de Serra sonnait trop moderne et était peu accessible pour le public américain - une erreur monumentale, étant donné que le film doit beaucoup à la musique de Serra et que le nouveau score de Bill Conti est un ratage intégral !

Eric Serra s'est donc attaché à retranscrire à travers sa musique la passion du personnage de Jean Marc Barr pour la mer, créant une atmosphère psychologique intense sur les images. Le compositeur a aussi particulièrement travaillé ses différentes sonorités électroniques afin de recréer à sa façon le monde de la mer est des profondeurs sous-marines, créant une ambiance très particulière dans le film, où la musique apporte parfois une atmosphère quasi onirique et surréaliste aux images - la sensation de flotter dans un monde étrange, insolite, nouveau, loin de la terre, une expérience sensorielle à part entière. La partition du « Grand Bleu » doit d’ailleurs beaucoup à sa très fameuse ouverture (« The Big Blue Overture ») qui devint très populaire dans les années 80/90, à tel point qu’on la retrouva par la suite sur bon nombre de compilations de musiques de film et de musiques électroniques. Cette ouverture pose déjà les bases de la partition du long-métrage de Luc Besson : entièrement écrite sur des synthétiseurs, l’ouverture permet aussi au compositeur d’utiliser quelques instruments acoustiques mélangés à ses sonorités électroniques - parmi lesquelles le compositeur utilise à de nombreuses reprises un bruitage imitant le son de des dauphins pour illustrer à l’écran l’univers aquatique du film - et parmi ces instruments, une guitare, une guitare basse et un saxophone. Ainsi, c'est Eric Serra lui-même qui interprète la partie de basse, tandis qu'il confie au saxophone une mélodie d'un romantisme poignant, déchirant. L’ouverture du « Grand Bleu » apporte une émotion incroyable au générique de début du film. Dès les premières minutes, cette musique évoque une passion bouleversante pour l’horizon infiniment bleuté. Elle évoque avec une poésie extraordinaire l’espoir d’un rêve au-delà de toutes les frontières terrestres, au-delà de la vie elle-même - à l’image du plan final du film. Elle nous incite à rentrer dans les sentiments et les rêves inaccessibles des deux héros du film, Jacques et Enzo, alors que l’on aperçoit à l’écran un Jacques enfant plonger dans les eaux à la découverte des profondeurs sous-marines et de sa faune locale. La musique évoque alors, de façon plus troublante, l’immensité de l’océan et des êtres qui y vivent à l’aide de nappes synthétiques statiques, plus étranges et inquiétantes. Les nappes synthétiques évoquent aussi l’idée que le temps semble s’être figé et arrêté, comme si l’on flottait - avec le héros - dans un autre univers, loin des repères temporels de la terre. Puis, le morceau se conclut de façon plus nostalgique et apaisée à l’aide d’une section rythmique et d’une guitare.

Le reste de la partition du « Grand Bleu » s’avère être extrêmement riche et diversifié, d’un éclectisme rare. Une partie du score est dominé par des musiques atmosphériques pour les ambiances aquatiques illustrant la passion de la mer, l'exploration du monde sous-marin, la découverte d'un autre monde à travers une musique électronique planante, dans laquelle Serra arrive à créer des sonorités adéquates et neuves, instaurant ainsi aussi bien à l'image qu'à l'écran une atmosphère fort particulière dont seul le compositeur en connait les secrets, au frontière de la musique new-age alors très en vogue dans les années 80 (certaines mauvaises langues prétendront même qu’Eric Serra se serait pas mal inspiré de certains groupes de musique new-age de l’époque pour créer la musique du film de Besson...). A ce sujet, on pourra citer quelques belles expérimentations sonores plus abstraites dans des morceaux tels que « Water Works », « Watergames », « Cruise of The Dolphin Tribe » ou « The Third Dive ». Un morceau comme « Cruise of The Dolphin Tribe » est d’ailleurs assez représentatif de la volonté du compositeur d’explorer un univers sonore inédit à travers ses synthétiseurs, utilisant alors la technologie électronique musicale de l’époque pour créer une atmosphère musicale plus sensorielle, basée ici sur une série de sonorités synthétiques aléatoires dans une ambiance résolument atonale. La musique évoque alors ici l’immensité quasi angoissante des fonds sous-marins, l’homme perdue au milieu d’un univers totalement démesuré, qui semble n’avoir aucune limite. Certains morceaux adoptent même dans le film des allures de chorégraphies musicales ou de ballets aquatiques comme c’est le cas pour les séquences de plongée sous-marine (« Second Dive », « The Third Dive ») qui frôle par moment la musique de documentaire animalier (à l’instar des musiques synthétiques de Vangelis pour les documentaires de Frederic Rousseau dans les années 80).

Pourtant, loin de se limiter à un ensemble de musiques synthétiques planantes, Serra va bien plus loin et accompagne les voyages de nos deux héros éternels rivaux en variant les styles et les ambiances musicales. Ainsi, parmi les morceaux les plus connus de la BO du « Grand Bleu », « La Raya » s’impose incontestablement comme l’un des plus beaux morceaux du score d’Eric Serra, une mélodie aux consonances péruviennes accompagné par une flûte de pan sur une rythmique plus électronique, un métissage réussi entre un style folklorique péruvien et un accompagnement synthétique très réussi. Le thème péruvien revient à plusieurs fois, comme c’est le cas dans « Remembering A Heart Beat » ou « Leaving Peru », un thème qui rappelle d’ailleurs étrangement certaines chansons de la pop/variété des années 80, de la nostalgie pure, tout simplement ! Serra nous propose même du reggae dans « Spaghetti Del Mare », du rock électro dans « Between The Skys-Crapers », de la musique italienne populaire dans « A Walk In Taormina » et « Sicilia » et du funk jazzy dans « Let Them Try » qui prend par moment des allures de jingle d’émission de variété télévisée. Bien sûr, Eric Serra nous propose pour finir l’inévitable chanson du générique de fin, autre moment fort de la partition du « Grand Bleu » et qui a largement contribué, à l’ouverture, au succès de la musique du film. « My Ladie Blue » - écrit sur des paroles de Luc Besson et interprété par Eric Serra - nous permet de retrouver une dernière fois toute l’émotion du film pour une chanson extrêmement poétique et émouvante sur la passion de la mer, une chanson qui porte elle aussi la marque des années 80, totalement indissociable de la bande son du « Grand Bleu ».

L'ensemble de la musique du « Grand Bleu » conserve donc un côté résolument atmosphérique et sensoriel, le compositeur ayant choisi de mettre de côté la thématique (à part quelques thèmes qui reviennent à quelques reprises dans le film) pour privilégier le travail d’ambiance et d’exploration des différentes sonorités électroniques, qu’il s’agisse des styles musicaux plus proche de la terre (« Spaghetti Del Mare », « Let Them Try », « La Raya », etc.) ou des atmosphères aquatiques et planantes associées à l’océan (« Leaving The World Behind » et son motif entêtant, « The Third Dive », « Homo Delphinus » et ses sons de dauphin synthétisés, « Watergames » et son atmosphère planante, etc.). Le résultat reste saisissant à l'écran, Eric Serra démontrant avec une aisance rare son goût pour une musique électronique plus vivante et plus proche des émotions humaines, car même si l'engouement pour ce style de musique est devenu moins fort aujourd’hui - et correspondait parfaitement aux goûts musicaux de l’époque - la partition du « Grand Bleu » n’en demeure pas moins un grand classique de la musique de film. Rares sont les compositeurs à avoir su utiliser les synthétiseurs avec une telle maestria dans la musique d’un film, apportant une vraie émotion à ces sonorités électroniques - chose étonnante lorsqu’on sait que les synthétiseurs sont souvent accusés de manquer de chaleur et de rester figés dans des sons artificiels. Bien au contraire, Eric Serra nous prouve avec son travail sur « Le Grand Bleu » que les synthétiseurs peuvent apporter de nouvelles sonorités impossibles à recréer par des instruments acoustiques, et nous propose ainsi un regard nouveau sur la recherche de l’émotion à travers la musique électronique, un pari risqué mais pourtant réussi dans le film, une véritable expérience sensorielle dans laquelle la musique nous incite à percevoir toutes les sensations des deux protagonistes principaux du film. En clair : une partition incontournable et un sommet dans la collaboration entre Luc Besson et Eric Serra !


---Quentin Billard