1-Corto Maltese, proprio lui 2.11
2-Verso Oriente, La profezia
dello Sciamano 4.25
3-Corto & Rasputin,
La giunca in fiamme 3.58
4-Il Treno: movimenti epici
di un lungo viaggio 6.12
5-Hong-Kong, verso l'aventura
& l'insidia 3.32
6-Zona d'ombra 4.56
7-Corto: l'amore per la poesia
& la poetica dell'ansia 5.06
8-Notte fantasmatica 5.11
9-La Lanterne Rosse 4.02
10-Nostalgia di che, Corto? 3.28
11-Shangai 2.58
12-Con la duchessa
fino in Manciuria 3.21
13-L'anima nera di Semenoff 2.13
14-Il treno dell'oro,
il massacro 5.32
15-Verso l'epilogo: i campi di roso,
Sangai Li, Corto Maltese il
desiderio di essere inutile 7.47

Musique  composée par:

Franco Piersanti

Editeur:

La Bande Son
064 179-2

Musique orchestrée
et dirigée par:
Franci Piersanti
Assistant musical:
Cesare Botta
Assistant:
Nicolas Baillard
Montage album:
Studio Forum
Music Village
(Rome)
Production exécutive:
Patrick Aumigny
Administration de production:
Fabien Micheletti

Artwork and pictures (c) 2002 La Bande Son. All rights reserved.

Note: ***1/2
CORTO MALTESE: LA COUR SECRÈTE DES ARCANES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Franco Piersanti
Le dessinateur italien Hugo Pratt est à jamais connu du grand public pour son célèbre héros 'Corto Maltese', une sorte d'aventurier romantique, nonchalant et charmeur originaire de La Valette à Malte. Le réalisateur Pascal Morelli a finalement décidé de porter à l'écran l'une des oeuvres d'Hugo Pratt: 'Corto Maltese en Sibérie'. Le choix n'était guère aisé étant donné le caractère assez unique et difficilement transposable à l'écran de la bande dessine. Morelli a tenu le pari et a consacré plus de cinq années de travail à l'élaboration de ce film d'animation somptueux, crée en collaboration avec le dessinateur lui-même (mort quelque temps avant la fin du film). Le but était de retranscrire l'atmosphère unique de la bande dessinée et le style graphique indissociable de l'oeuvre d'Hugo Pratt. Au final, 'Corto Maltese: La Cour Secrète des Arcanes' est une bien belle réussite, fidèle à l'oeuvre d'origine, un film où le rythme lent et le caractère figé des images épouse l'aspect contemplatif et éthéré de la bande dessiné, doté d'un scénario complexe et d'une ambiance particulière, 'Corto Maltese' étant essentiellement destiné aux adultes. L'histoire, comme dans la bande dessinée d'origine, sans passe dans une époque réelle du 20ème siècle, ici en 1917, à l'heure de la Révolution russe. Mandaté par les Lanternes rouges, une société secrète chinoise, Corto Maltese et son ami Rasputin se mettent en quête d'un fameux train russe qui contiendrait l'or du Tzar, or que convoite à son tour l'amiral Koltchak qui compte bien s'en servir pour financer son armée et mettre fin aux agissements des Bolcheviques. Corto va alors croiser sur son chemin divers protagonistes tels que la mystérieuse Changaï Li, la duchesse russe Marina Seminova, le despotique général Tchang, le baron fou Von Ungern-Sternberg, etc. Son aventure l'amènera à traverser différents paysages tels que Shangaï, la Sibérie, la Mandchourie ou la Mongolie.

C'est le musicien italien Franco Piersanti qui a été retenu pour écrire la musique de 'Corto Maltese: La Cour Secrète des Arcanes'. Inconnu dans nos contrées, Piersanti est tout de même l'auteur de près de 80 partitions pour le cinéma italien (dont la série de téléfilms du 'Commissaire Montalbano'). 'Corto Maltese' représente sa première incursion dans le cinéma français, une incursion mémorable puisque le compositeur nous livre là une partition symphonique étonnante, d'un grand classicisme d'écriture que l'on n'avait pas entendu depuis le 'Golden Age' Hollywoodien des années 40/50. Loin du style sautillant et démonstratif de certaines partitions pour des dessins animés, la musique de 'Corto Maltese' se veut beaucoup plus expressive, sans aucun artifice démonstratif et encore moins illustratif. Piersanti confère à sa musique un caractère psychologique assez sombre et saisissant tout au long du film. Si la partition de 'Corto Maltese' a tendance à être un peu dense et difficile à la première écoute, c'est au bout de plusieurs écoutes que l'on finit par se laisser bercer par cette musique souvent envoûtante et introspective, une sorte d'expression intériorisée des tracas et des sentiments de Corto Maltese tout au long de son aventure. Franco Piersanti donne immédiatement le ton du score avec 'Corto Maltese, Proprio Lui' pour un générique de début parfaitement serein, se déroulant à Venise. La musique séduit d'emblée dans le caractère recherché des harmonies et des orchestrations étoffées, avec un style très 19èmiste rare de nos jours. Tout au long de cette aventure, le compositeur va jouer sur les différentes instrumentations, les mouvements harmoniques, le tout baignant dans un style souvent dense et envoûtant. Piersanti en profite pour nous dévoiler l'unique thème principal de partition, celui attribué à Corto Maltese. Ce motif de 8 notes possède un côté à la fois mystérieux et serein - c'est ce que recherchait le réalisateur lui-même - possédant une certaine mélancolie totalement éloignée du style épique des thèmes d'aventurier comme Hollywood a put nous en faire entendre à une certaine époque. Ici aussi, l'approche du compositeur se veut plus introspective, plus psychologique. A noter que Piersanti a mit de côté l'idée d'une thématique pour se concentrer sur un excellent travail d'ambiance tout au long du film.

'Verso Oriente, La Profezia Dello Sciamano' évoque le départ de l'aventure à bord du bateau de Corto Maltese au début du film. On appréciera ici l'écriture parfois 'vaporeuse' des cordes, avec un style mélodique souvent heurté et mouvementé, loin des mélodies faciles et des harmonies simplettes. Ici aussi, pas question pour le compositeur d'écrire une grande musique majestueuse évoquant le départ vers l'aventure. Par introspection, comprenez que la musique accompagne les pensées intérieures de Corto Maltese, et non l'action du film à proprement parler. Cet état de fait est valable pour la globalité de la musique de Franco Piersanti dans le film de Pascal Morelli. La séquence de l'affrontement à bord du navire dans 'Corto & Rasputin, la Giunca In Fiamme' (pourtant absent du film) est elle aussi dense et sombre, Piersanti jouant ici aussi sur une certaine retenue et une sorte d'appréhension extérieure à cette scène d'action et de bagarre. D'une manière générale, la musique fonctionne bien dans le film, et ce quelle que soit l'occasion, Piersanti ayant sut éviter tout aspect illustratif même dans les scènes d'action du film. Dans 'Il Treno: Movimenti Epici Di Un Longo Viaggio' (absent du film), Piersanti lâche la tension dans une écriture orchestrale plus dissonante et heurtée, avec des cuivres dissonants, des traits de cordes sans cesse en mouvement, des vents plus agressifs, etc. On est parfois proche ici de la musique 20èmiste d'un Prokofiev ou d'un Stravinsky pour le côté recherché et psychologique de la musique (influences revendiquées par le compositeur). La séquence à Hong-Kong nous permet de retrouver l'envoûtant thème de Corto Maltese dans 'Hong-Kong, Verso L'aventura & L'insidia' avec une ambiance plutôt orientée vers l'Asie, à peine suggérée dans la musique de Piersanti mais néanmoins présente à travers les différentes couleurs instrumentales et les harmonies de la pièce.

De par le caractère psychologique et complexe de sa musique, Franco Piersanti rend le personnage de Corto Maltese forcément plus complexe, tourmenté et romantique, avec une sorte de poésie heurtée que l'on retrouve par exemple dans 'Corto: L'Amore per la Poesia & la Poetica Dell'Ansia' (des titres souvent assez bizarres). La musique évolue ainsi entre poésie contemplative, sonorités asiatiques lointaines, harmonies brumeuses et tourmentées, orchestrations complexes et raffiné, le tout baignant dans un style qui nous renvoie à la complexité de certaines partitions symphoniques du 'Golden Age' Hollywoodien de Korngold, Steiner, Newman, etc. Evidemment, c'est l'incontournable 'Il Treno Dell'oro, Il Massacro' qui retiendra plus particulièrement notre attention ici: en l'espace de 5 minutes, Franco Piersanti évoque le massacre entre les deux trains vers la fin du film, entre mélancolie et mouvements harmoniques sombres et crescendo de cordes dramatiques, dissonantes et tourmentées, l'action étant vue ici aux travers des yeux du héros. La musique se place donc dans l'esprit de Corto Maltese et délaisse tout côté illustratif (pas de grosse musique d'action tonitruante ici!). Selon les dires du compositeur, cette séquence aurait été la plus difficile à mettre en musique, Piersanti ayant dû réécrire le morceau à plus de 3 reprises. Une musique intense, sombre et dramatique, qui représente à merveille le travail effectué par le compositeur sur le film de Pascal Morelli.

Au final, il ne fait nul doute que la partition symphonique de 'Corto Maltese: La Cour Secrète des Arcanes' représente ce que Franco Piersanti a fait de mieux pour le cinéma en général, même s'il s'agit probablement ici de l'une de ses oeuvres les plus complexes et les plus difficiles. Mettre en musique une aventure inspirée de la célèbre bande dessinée d'Hugo Pratt n'était pas une chose aisée. Cela réclamait une certaine science d'écriture, de grandes qualités de composition et une grande maîtrise de l'orchestre symphonique. Piersanti s'en tire haut la main, et nous offre une musique dense, vaporeuse, sombre et tourmentée, tout à l'image du film de Pascal Morelli et de son célèbre héros Maltais. La musique apporte une dimension psychologique intense dans le film, peut-être parfois même très répétitive, à la limite de l'Opéra, où il était aussi fréquent d'évoquer de manière continue les différents sentiments intérieurs des personnages sur scène. Franco Piersanti rejoint ici le style des ces musiciens hollywoodiens des années 40/50 en nous livrant une partition, certes, pas révolutionnaire en soi, mais d'une qualité rare de nos jours. Une partition dense, heurtée et difficile d'accès, mais qui a au moins le mérite de sortir radicalement de la routine hollywoodienne!


---Quentin Billard