Musique  composée par:

John Barry

Editeur:

MCA Records 6173

Réalisateur:
Willard Huyck
Genre:
Comédie/Aventure/
Science-fiction

Avec:
Lea Thompson,
Jeffrey Jones,
Tim Robbins.

(c) 1986 Lucasfilm Ltd./Universal Pictures.

Note: ***
HOWARD THE DUCK
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Barry
Voici sans aucun doute l'un des films les plus controversés de toute l'histoire du cinéma américain des années 80. 'Howard The Duck' s'inspire d'un cartoon de chez Marvel, qui raconte les aventures d'un canard obsédé sexuel, porté sur la bière et les cigares. Avec un sujet pareil, difficile de s'imaginer une adaptation cinématographique teintée de subtilité et de nuance. C'est George Lucas qui a produit ce film devenu culte au fil des années - mais pas dans le bon sens du terme. Howard est un canard qui vit tranquillement dans son monde, jusqu'au jour où un mystérieux rayon l'attire sur une autre planète: la terre. Arrivé dans le monde des humains, Howard, complètement désorienté, sauve la vie à une jeune fille nommée Beverly Switzler (Lea Thompson). La jeune Beverly est une chanteuse punk qui tente de percer dans la chanson en se produisant régulièrement dans des boîtes de nuits de certains quartiers pourris. Elle va très vite s'attacher à ce canard venu d'une autre planète, sans même savoir ce qui a put l'amener sur terre. Ce dernier s'interroge à son tour sur son arrivée imprévue sur terre, alors qu'il était tranquillement assis chez lui dans son fauteuil, en train de regarder un poster coquin dans son 'Playduck' (équivalent de 'Playboy' dans le monde des canards). Le canard sarcastique va alors croiser le chemin d'un scientifique un peu fêlé, Phil Blumburtt (Tim Robbins), qui rêve de présenter ce canard extraterrestre à tous ses collègues. Mais les choses changent avec l'intervention d'un autre éminent scientifique, le Dr.Walter Jenning (Jeffrey Jones). Ce dernier travaille dans un laboratoire de Cleveland dans l'Ohio, où il a conçu une sorte de spectroscope à laser expérimental. Il pense que c'est le rayon de sa machine qui a attiré Howard sur terre. Jenning projette alors de refaire l'expérience en sens inverse afin de ramener le canard dans son monde, mais l'expérience tourne à la catastrophe. Jenning affirme avoir ramené accidentellement une nouvelle forme de vie sur terre avec son rayon, un grand souverain noir extraterrestre, exilé sur les anneaux de Saturne, et qui a pris possession du corps de Jenning. Le souverain noir projette de ramener ses potes sur terre par le biais du rayon de Jenning, afin de détruire notre monde et d'asseoir la domination des aliens. Ensemble, Howard, Beverly et Phil vont tout faire pour tenter d'arrêter l'invasion extraterrestre.

Comme mentionné plus haut, 'Howard The Duck' est presque devenu un film culte des années 80, considéré à juste titre comme le pire bide de l'époque (l'équivalent de 'Battlefield Earth' en 2000). Le film, qui coûta près de 37 millions de dollars, ne parvint même pas à rembourser la moitié du budget et provoqua un énorme manque à gagner pour la production, impliquant le départ du patron de la Universal Studios. L'échec total du film et la réputation de plus gros navet de tous les temps ont fait qu'aujourd'hui, 'Howard The Duck' est devenu ce nanar que tous les amateurs recherchent ardemment, un film délirant et stupide apprécié par les fans pour ses mauvais points (un retournement de situation, donc). A ce sujet, il semblerait que George Lucas ait carrément renié ce film. C'est dire l'impact qu'a eu l'échec retentissant de ce film durant toutes les années 80 (et même encore aujourd'hui). Pourtant, 'Howard The Duck' a de quoi satisfaire les fans des films d'aventure humoristique à l'ancienne, à une époque où l'on se permettait souvent n'importe quoi (les producteurs n'étaient pas aussi frileux qu'aujourd'hui). Concevoir un film avec un canard animé par une équipe de 8 personnes, qui boit des bières, fume des cigares, regarde un poster de Playboy, drague des filles en matant leur derrière, traverse une salle de bain où il y a une cane avec les seins à l'air, il fallait quand même oser le faire, et tout cela sous le style d'un film d'aventure familial délirant. Malheureusement, le projet s'avérait déjà perdu d'avance, d'abord parce que le concepteur du comics d'origine a été poursuivi par Disney pour contrefaçon (le personnage d'Howard était trop ressemblant à celui de Donald Duck), ensuite parce qu'il paraissait peu probable que Lucas accepte de jouer entièrement le jeu sur le concept du parfait anti-héros. Certes, Howard n'est pas le héros gentillet et poli que l'on voit habituellement dans ce style de film, mais dans le comic, il était beaucoup plus vulgaire et agressif. Lucas a carrément édulcoré le film et a fait d'Howard un héros finalement sympathique malgré ses petits côtés vicelards. On s'éloigne alors de l'esprit du comic d'origine, et ce premier état de fait a largement contribué à l'échec du film. Niveau personnage, Lea Thompson est très mignonne, mais on a du mal à croire à sa pseudo-romance avec un canard (ce qui va à l'encontre de toutes les règles biologiques élémentaires). Tim Robbins gâche quand à lui son talent sur un navet ridicule, un Tim Robbins encore peu célèbre à l'époque et que l'on a connu plus inspiré. Quant à Jeffrey Jones, il n'y a rien à redire: il est dans son élément (sa transformation en souverain noir est un peu lourde sur les bords)! Quand on a joué dans des films à l'esprit similaire tels que 'Mom & Dad Save The World', 'Beetlejuice' ou la section de Joe Dante pour 'The Twilight Zone: The Movie' (des films bien postérieurs), on ne peut pas être surpris en le voyant dans le film de Willard Huyck. On appréciera finalement le travail d'ILM sur l'animation des aliens à la fin du film, le souverain noir s'avérant être une sorte de monstrueux scorpion mutant à la gueule déformée et ultra large, animée à l'ancienne. Vous l'aurez compris, 'Howard The Duck' est sans aucun doute le roi des navets hollywoodiens des années 80, parsemé d'idioties et d'invraisemblances en tout genre (style Jenning qui rentre dans la centrale nucléaire et qui ne semble irradier personne par la suite - étrange, non?), devenu culte au fil des années mais qui, indiscutablement, aura décidément marqué le cinéma américain du milieu des années 80!

Inattendu sur ce projet, c'est John Barry qui a écrit la musique d'Howard The Duck. Malheureusement pour lui, la sale réputation du film lui a causé pas mal de tracas dont celui de devoir à son tour renier sa propre oeuvre. A ces côtés, le compositeur Sylvester Levay a assuré la musique additionnelle plus électronique du film. Certes, 'Howard The Duck' a beau être un gigantesque nanar, il n'en demeure pas moins très divertissant, et en ce sens, la musique de Barry y est pour quelque chose. Apparemment, le musicien a pris son sujet très au sérieux et nous a contacté une petite partition symphonique agréable, axée autour de deux thèmes, un thème héroïque pour Howard, et un joli 'Love Theme' un peu simplet pour la romance entre Howard et Beverly. Le début du score s'oriente plutôt vers une musique jazzy mélancolique et sereine, alors qu'Howard est seul chez lui, puis, très vite, la partie orchestrale prend le dessus, jusqu'à l'intervention du thème d'Howard pour le générique de début, le thème étant facilement reconnaissable grâce à son côté pseudo-héroïque et ses cuivres majestueux. Le thème revient lorsqu'Howard sauve Beverly au début du film. Aucun doute possible, si dans le comics d'origine Howard le canard était un parfait anti-héros de base, il devient ici le héros traditionnel auquel s'ajoute deux ou trois défauts histoire de garder un minimum de liens avec la bande dessinée d'origine. Comme dit, John Barry joue le jeu à fond, sans s'être apparemment trop posé de questions.

On retrouve un John Barry plus traditionnel dans le 'Love Theme' du score, qui fait sa première apparition lors de la scène où Howard dort à côté d'une fenêtre chez Beverly (cette scène est aussi connue pour le coup du préservatif). Confié à une flûte et quelques cordes avec harpe, ce thème nostalgique et tendre annonce déjà le style des passages romantiques de 'Dances With Wolves', 'Indecent Proposal' ou 'Swept From The Sea'. Le thème sera très présent tout au long du film, apportant une dimension intimiste inattendue dans le film. Evidemment, l'aventure est an rendez-vous avec quelques morceaux entraînants mais guère mémorables, à part la poursuite avec les flics en ULM vers la fin du film (séquence assez ridicule et un brin trop longuette). Barry utilise alors une rythmique de batterie pop sympa avec un orchestre essentiellement dominé par des cuivres héroïques et des cordes déterminées, la rythmique pop sonnant parfois très années 80 avec les cuivres. Barry en profite pour nous faire réentendre le sympathique thème héroïque d'Howard (un peu trop héroïque d'ailleurs pour le film - est-ce une touche d'ironie volontaire de la part de Barry?). Les quelques rares passages plus sombres évoquent alors les méfaits du souverain noir glissé dans la peau du Dr.Jenning, jusqu'à l'inévitable affrontement final qui semble tout droit sorti du final d'Aliens de James Cameron (sorti la même année que 'Howard The Duck').

Bizarrement, ces passages d'action sont souvent bien moins intéressants et peinent un peu à sortir du lot: à vrai dire, on ne les remarque presque pas (même lors de l'affrontement final dans le laboratoire, pourtant très mouvementé). Ici, c'est surtout les deux sympathiques thèmes qui dominent, et en dehors de quelques passages entraînants et des pièces jazzy du début, le reste a tendance à se faire plus discret et peu ambitieux, peut-être dû à un certain manque de motivation de John Barry (NDLR: tu m'étonnes!)? Néanmoins, Barry signe le strict minimum pour ce grand chef-d'oeuvre des nanars, tandis que la musique additionnelle électronique (et un brin désuète) est assurée par Sylvester 'Airwolf' Levay. Sans aucun doute l'une des plus embarrassantes participations de John Barry à l'un des plus gros navets de toutes les années 80, ce qui ne signifie pas que la sympathique partition du compositeur ne possède pas ses propres qualités, même dans le film, où elle apporte une certaine énergie tout en restant parfois détaché du style farfelu et excentrique du film!


---Quentin Billard