1-Bullitt, Main Title
(movie version) 3.05
2-Shifting Gears 3.12
3-Ice Pick Mike
(movie version) 3.58
4-Cantata For Combo 2.51
5-Room 26 (movie version) 2.28
6-On The Way To San Mateo 2.36
7-Just Coffee 3.03
8-Main Title (record version) 2.13
9-The Aftermath Of Love 3.01
10-Ice Pick Mike
(record version) 3.07
11-Hotel Daniels 3.32
12-Bullitt, Guitar Solo 1.34
13-The First Snow Fall 3.41*
14-Room 26 (record version) 3.39
15-The Architect's Building 1.47
16-Song For Cathy 4.29
17-Music To Interrogate By 2.51
18-End Credits 3.51

*Composé par Sonny Burke

Musique  composée par:

Lalo Schifrin

Editeur:

Aleph Records
8573-87365-2

Producteur exécutif:
Donna Schifrin
Producteurs:
Wolfgang Hirschmann,
Lalo Schifrin

Préparation de l'édition par:
Vincent Mercier pour
Warner Strategic
Marketing France.

Artwork and pictures (c) 2001 Aleph Records, Inc./Warner Strategic Marketing France. All rights reserved.

Note: ***1/2
BULLITT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Lalo Schifrin
Voici sans aucun doute l'origine de tous les polars/films d'action dont nous abreuve régulièrement le cinéma hollywoodien d'aujourd'hui! En 1968, le réalisateur Peter Yates ('Suspect', 'Krull', 'The Deep', etc.) posait les formules du genre à travers l'histoire simple et efficace d'un flic cynique de San Francisco sur les traces d'un tueur. Steve McQueen interprète l'un de ses rôles majeurs dans le cinéma d'action américain de la fin des années 60, le lieutenant Frank Bullitt. Tout commence le jour où Johnny Ross, qui travaille pour la pègre de Chicago, échappe de justesse à un assassinat et s'envole vers San Fransisco, où un politicien nommé Walter Chalmers (Robert Vaughn) le détient pour sa propre protection, le temps qu'il aille témoigner devant une cours pour dénoncer les agissements de l'organisation, un groupe de la mafia qui opère sur toute la ville. Chalmers espère ainsi utiliser Ross pour ses propres aspirations politiques. Pour se faire, il engage Frank Bullitt et ses collègues le sergent Don Delgetti (Don Gordon) et Carl Stanton (Carl Reindel) qui devront veiller sur Ross, enfermé dans une chambre d'hôtel en plein coeur de San Fransisco. Le lendemain, un homme réussit à s'introduire dans la chambre d'hôtel, abattant Stanton et Ross, le premier se retrouvant blessé, le second étant entre la vie et la mort. Furieux, Chalmers tient Bullit pour personnellement responsable de ce qui est arrivé à son précieux témoin, et le menace de détruire sa carrière si Ross venait à mourir. Mais le mystérieux tueur est toujours là, bien décidé à supprimer Ross une bonne fois pour toute. C'est sans compter sur la hargne et la détermination de Bullitt, bien décidé à arrêter le tueur une bonne fois pour toute. Pour se faire, il devra poursuivre le tueur et cacher le corps de Ross, le temps qu'il puisse mener tranquillement son enquête avant que Chalmers fasse classer l'affaire et oblige ses supérieurs à le virer.

Aujourd'hui, 'Bullitt' ressemble un peu à ces polars/téléfilms du Dimanche soir boursouflés de clichés, de héros secs et sans personnalités et de sempiternelles poursuites banales et déjà vues maintes et maintes fois, mais en 1968, le film faisait pourtant son petit effet. Il faut dire que l'on avait rarement vu à l'époque un polar aussi sec, avec des explosions de violence entre deux ou trois scènes au ton lent et monotone et des dialogues plutôt crus pour l'époque (il paraît qu'il s'agit du premier film hollywoodien qui ait introduit l'injure 'bullshit!' dans les dialogues). Steve McQueen, qui était aussi producteur du film, s'investit totalement dans cette aventure en soutenant Peter Yates face aux exigences de la Warner Bros, qui durent céder aux desiderata de Yates qui souhaitait tourner son film dans les rues de San Fransisco, ce qui nécessita l'appui du maire de la ville ainsi qu'une importante équipe de policiers pour veiller à la sécurité du tournage, sans oublier la célèbre et incontournable séquence de poursuite en voiture du film, un pur moment d'anthologie qui a été copié à de nombreuses reprises par la suite au cinéma (cf. 'Jade' de William Friedkin). A ce sujet, c'est Steve McQueen lui-même qui réalisa la spectaculaire poursuite en voiture afin d'accentuer la crédibilité de l'impressionnante course-poursuite du film, et qui contribua à la célébrité de 'Bullitt' (tout comme ce fut aussi Steve McQueen qui interpréta lui-même la poursuite sur la piste de l'aéroport à la fin du film). Le résultat ne se fit pas attendre. 'Bullitt' remporta l'Oscar du meilleur montage en 1969 et cartonna au box-office 1968, à tel point qu'il est devenu aujourd'hui un véritable film-culte de la fin des années 60, film que l'on considère comme le véritable père des polars modernes, à l'instar du célèbre 'Dirty Harry' de Don Siegel. Ceci étant dit, 'Bullitt' a aujourd'hui largement perdu de sa saveur, peut-être parce que le cinéma et la télévision d'aujourd'hui nous ont tellement abrutis de films de ce genre qu'il est difficile d'apprécier ce véritable retour au source, qui évoque au passage la déchéance du monde moderne à travers le regard vide et imperturbable d'un flic cynique et froid, véritable symbole du cynisme ambiant de la société d'aujourd'hui. Malgré le fait que 'Bullitt' soit un film-culte, il est fort à parier que les spectateurs d'aujourd'hui auront bien du mal à considérer ce film comme un véritable must du genre, peut-être parce qu'il rappelle trop tout ce qu'on a déjà vu dans le genre sans jamais réussir à le dépasser? C'est l'exemple même d'un film qui, à force d'avoir été trop souvent imité, finit par perdre de sa saveur. Heureusement, ce n'est pas un cas généralisable, mais dans le cas du film de Peter Yates, on a du mal à se laisser entraîner dans ce polar mou et extrêmement routinier!

Lalo Schifrin était connu dans les années 60 pour des partitions d'action jazzy telles que 'Mannix' ou 'Mission: Impossible'. Avec son excellent score pour 'Bullitt', Lalo Schifrin annonçait déjà le style de certaines de ses musiques d'action des années 70 (on pense inévitablement à la série des 'Dirty Harry' qui débuta quelques années plus tard en 1971). Le score de 'Bullitt' ne pourra d'ailleurs que ravir les amateurs de jazz puisque le compositeur argentin nous réserve quelques pièces jazzy sympathiques pour le film de Peter Yates. Avec son célèbre 'Bullitt (Main Title)', Schifrin nous dévoile son impérissable thème principal qui, bien qu'un peu rétro, fonctionne toujours aussi bien aujourd'hui, à l'instar de la partition entière en elle-même (d'où l'ironie de la chose, puisqu'on ne peut pas en dire autant du film de Peter Yates!). Des cordes dissonantes introduisent le film sur un ton de mystère avant qu'un rythme de charleston/woodblocks et un ostinato groovy de guitare basse se mettent en place, introduisant le superbe thème de guitare avec saxophones, cuivres et flûtes. Le thème est associé à des rythmiques jazzy sympathiques, accentuées par la section de cuivres et les saxophones qui reprennent le thème. Le côté mystérieux de la musique est assuré par quelques notes de cordes dissonantes et discrètes et quelques rares synthétiseurs utilisées avec parcimonie. Avec son superbe 'Main Title', Lalo Schifrin résume en l'espace de deux minutes tout le charme 'rétro' de ce polar daté avec un côté 'cool/groovy' typique des musiques jazzy des polars de cette époque.

'Room 26' est une excellente pièce jazzy un brin rétro (dans le style des musiques jazzy d'aujourd'hui d'Alan Silvestri) avec section rythmique (batterie, piano, walking-bass traditionnelle), sax, cuivres et un sympathique solo de vibraphone, et qui nous plonge à son tour dans l'univers jazzy qu'a voulu recréer Lalo Schifrin conformément à un style musical dans la continuité des musiques jazzy des polars des années 40/50. 'Hotel Daniels' reste dans le même esprit, le morceau étant joué en 'source-music' dans une radio de la chambre du témoin, peu de temps avant qu'il soit abattu. A noter que l'album publié par Aleph Records reprend les morceaux des précédentes éditions ainsi que des pistes réenregistrées pour l'album, et parfois même absente du film. 'On The Way To San Mateo' est quand à lui plus représentatif du style polar du score, avec ce mélange rythmiques jazzy et ces cordes plus sombres et tendues. Le morceau décrit le déroulement de l'enquête de Bullitt avec un côté à la fois cool et sombre. A noter la réapparition du thème de Bullitt confié ici à des flûtes, le thème contribuant à son tour à créer une identité musicale forte et indissociable du film de Peter Yates.

L'action culmine avec les deux excellents et excitants 'Ice Pick Mike' et l'incontournable 'Shifting Gears'. Le premier décrit la poursuite dans l'hôpital avec le mystérieux tueur que poursuit Bullitt dans les couloirs du bâtiment. Schifrin installe le suspense avec une utilisation assez inventive et quasi expérimentale des différentes sonorités instrumentales qui s'offrent à lui, que ce soit par la batterie, le piano, la basse, les percussions métalliques, les saxophones, les cordes, les percussions diverses, etc. Le thème de Bullitt erre de manière lente et incertaine parmi les sonorités métalliques hypnotiques en tout genre imposant le ton suspense de la scène, se prolongeant sur un point culminant jazzy et particulièrement excitant. Quant au superbe 'Shifting Gears', il accompagne la première partie de la course poursuite en voiture en imposant une fois encore un certain suspense, une tension perceptible dès les premières secondes du morceau (cordes et cuivres dissonants entre autre). Par la suite, la rythmique de batterie groovy très 'sixties' et les cuivres donnent un côté plus cool à la poursuite sur la route, Schifrin ménageant le suspense en l'entrecoupant de passage souvent plus cool et plus entraînants pour les oreilles des auditeurs non initiés, une sorte de compromis musical intéressant mais que Schifrin ne renouvellera pas dans le très atonal/funky 'Dirty Harry' (1971). Pour le reste, Schifrin nous proposera un mélange jazz/lounge très intime dans le kitschissime 'The Aftermath of Love' un peu ennuyeux et trop éloigné du style du score (et, si je me souviens bien, absent du film), sans oublier le sympathique 'Song for Cathy' (Cathy étant interprétée dans le film par Jacqueline Bisset) et son excellent solo de flûte jazzy, ainsi que 'Just Coffee' et son intrigante nappe de trémolos de guitare avec une reprise plus sombre du thème de Bullitt à la flûte et au saxophone. Le morceau possède un côté mélancolique qui évoque la dureté de Bullitt, mélancolie accentuée par les dissonances de la fin du morceau, nous rappelant le fait que le héros est loin d'être le flic idéal au grand coeur.

Au final, 'Bullitt' apparaît comme un score incontournable du compositeur. Si l'on est encore loin ici de la qualité de 'Dirty Harry' ou de partitions plus audacieuses de la part de Lalo Schifrin, on commence néanmoins avec un excellent score jazzy/groovy un peu kitsch par moment mais toujours aussi percutant même 40 ans après. Le score de Lalo Schifrin a largement contribué au succès de 'Bullitt' en lui conférant une impérissable identité sonore parfaitement ancrée dans le ton du film, une identité musicale marquante qui nous prouve à quel point une musique peut elle aussi contribuer à l'impact d'un film sur le public, sans pour se présenter sous la forme d'un bête accompagnement d'une scène à l'autre. Ici, Lalo Schifrin a tenu à donner une dimension purement musicale à sa musique, résultant dans le fait qu'il est très aisé d'apprécier la musique de 'Bullitt' hors du film, étant donné que les pièces sont parfois quasiment autonomes du simple point de vue de l'écoute. Evidemment, 'Bullitt' reste avant tout une musique de film, mais une musique de qualité, certainement pas aussi audacieuse et recherchée que certaines partitions de Schifrin dans les années 70, mais vraiment remarquable aussi bien d'un point de vue musical que cinématographique. C'est aussi avec 'Bullitt' que Lalo Schifrin nous confirme son amour pour le jazz, déjà exploré dans certaines de ses précédentes partitions des 'sixties'. Au final, un score très sympa, à découvrir, si ce n'est pas déjà fait!


---Quentin Billard