1-C'era une Volta Il West 3.35
2-Come Una Sentenza 3.05
3-Cheyenne 1.15
4-L'Attentato 4.37
5-Armonica 2.25
6-La Posada N.1 1.32
7-La Posada N.2 1.30
8-La Posada N.3 1.15
9-Jill 1.45
10-L'Uomo Dell'Armonica 3.25
11-In Una Stanza
Con Poca Luce 5.04
12-Frank 1.48
13-L'Orchestraccia 2.20
14-Morton 1.34
15-L'America Di Jill 2.45
16-L'Uomo 1.00
17-Epilogo 1.12
18-L'Ultimo Rantolo 1.40
19-Addio A Cheyenne 2.32
20-Finale 4.10

Musique  composée par:

Ennio Morricone

Editeur:

RCA Records OST 143

Produit par:
Ennio Morricone

Artwork and pictures (c) 1969 Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: *****
C'ERA UNA VOLTA IL WEST
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Ennio Morricone
Chef-d'oeuvre impérissable du western spaghetti des années 60, 'C'era una volta il West' (Il était une fois dans l'ouest) démontre toute l'étendue et la maîtrise d'un genre que le réalisateur Sergio Leone manipulait avec aisance. Ici, pas de Clint Eastwood mais un Charles Bronson superbe dans le rôle de l'homme à l'harmonica, face à quelques stars comme Jason Robards, impeccable en Cheyenne, bandit qui se révèle être un gars bien sympathique, Henry Fonda dans le rôle de Frank, la crapule de service ou bien encore la radieuse Claudia Cardinale dans le rôle de Jill McBain, qui cherche à venger la mort de sa famille. L'histoire, c'est donc celle du mystérieux homme à l'harmonica qui rejoint un desperado du nom de Cheyenne pour protéger une veuve, Jill McBain, dont la famille vient d'être récemment assassiné par des criminels qui ont laissés des traces sur le lieu accusant Cheyenne. Afin de prouver son innocence, Cheyenne rencontre Jill et tente de la convaincre qu'il n'est pas l'assassin de sa famille. Après quelques rencontres musclées avec l'homme à l'harmonica, Cheyenne décide de s'associer avec lui pour combattre le sombre Frank et sa bande de crapules oeuvrant autour des chemins de fer tout en défendant Jill et le domaine dont elle a récemment hérité, et sur lequel elle envisage de construire une nouvelle ville. Finalement, ce n'est pas tant le scénario qui fait de 'C'era une volta il West' un western d'anthologie (l'histoire a quand même été écrite par Dario Argento et Bernardo Bertolucci!) mais plus sa réalisation, le film étant porté par une musique sublime, une photographie magnifique, des décors de l'Ouest sauvage splendides, et surtout, des acteurs géniaux à commencer par Charles Bronson, parfait dans la peau de ce héros/vengeur taciturne, cynique et impulsif, aux répliques cinglantes. Le film nous propose aussi quelques scènes de pure anthologie cinématographique comme le duel avec les trois bandits au début du film (suivi d'un générique de début très particulier et non dénué d'humour, lent, sans dialogue et sans musique) ou l'affrontement final contre Frank avec la scène du flash-back sur la mort du père de l'harmonica, séquence de duel typique de Sergio Leone.

La magnifique musique d'Ennio Morricone est un véritable monument du genre, une musique de western d'une beauté rare, comme on en entendra plus jamais. Le maestro italien n'en était pas à sa première collaboration avec Sergio Leone puisqu'il avait aussi écrit les musiques de 'Per un pugno di dollari' (1964), 'Per qualche dollaro in più' (1965) et 'Il buono, il brutto, il cattivo' (1966). Pour son quatrième western spaghetti, Leone s'est de nouveau adjoint les services d'Ennio Morricone qui livre sans aucun doute l'une de ses plus belles partitions pour un western italien, un genre dans lequel le compositeur a bâtit toute sa réputation tout au long des années 60/70. Dans 'C'era una volta il West', Morricone rend un poignant hommage à l'Ouest américain sublimé à travers la caméra de Sergio Leone, musique et image ne faisant qu'un dans une symbiose parfaite, sans faute. Jouant à la fois sur les codes musicaux des westerns qu'il avait lui-même instauré dans ses partitions précédentes, Morricone dépasse le simple cadre des cow-boys et des duels au pistolet en nous offrant un véritable souffle émotionnel porté par une sensibilité exacerbée, une forme de spiritualité profonde et poignante qui apporte au film une dimension humaine étonnante (en tout cas très loin de tout ce que les compositeurs américains avaient l'habitude de faire pour les westerns hollywoodiens de cette époque!). Construit sous une forme quasi opératique, la musique de Morricone associe des leitmotive aux principaux protagonistes du film, à commencer par le célèbre thème de 'l'homme à l'harmonica', fameux motif de 3 notes que le personnage de Charles Bronson joue tout au long du film sur son instrument comme une sorte de signature musical personnifiant le héros. La musique fait même partie intégrante du récit puisque c'est par l'air que joue le héros qu'on le reconnaît dans le film avant même de l'avoir vu (cf. scène de la taverne lors de la rencontre entre Harmonica et Cheyenne), la musique devant un protagoniste à part entière dans le film. Puis, très vite, ce motif débouche sur un ostinato mélodique formant l'accompagnement de l'épique et tragique 'L'Uomo Dell'Armonica', entendu pour la première fois dans le film lorsque les tueurs de Frank viennent assassiner la famille McBain, une déviation étonnante de l'utilisation de ce thème puisque ici il n'est pas encore question du héros mais plus de la cause qui va le forcer par la suite à défendre Jill et à combattre les sbires de Frank. On ressent d'ailleurs dans ce thème magnifique toute cette idée de quête de la vengeance transcendé de la façon la plus épique que l'on pouvait s'imaginer pour un film de ce genre, sur un rythme de marche inexorable comme s'il était question ici d'un puissant châtiment divin prêt à s'abattre sur les criminels. La traditionnelle guitare électrique chère au compositeur est ici incluse dans la formation instrumentale du compositeur (Morricone ayant toujours apprécié expérimenter avec ses instruments dans ses musiques western) en plus de l'hypnotisant motif d'harmonica et de l'apparition d'un choeur solennel qui amplifie cette magnifique et majestueuse marche de la vengeance, interprétée de façon plus sombre aux trompettes tendance dans 'Come Una Sentenza'.

Après ce fabuleux thème, Morricone frappe de nouveau très fort en livrant un thème rendu immortel grâce au film de Sergio Leone, celui de Jill. Exposé dès l'apparition du personnage de Claudia Cardinale dans le film (cf. piste 1), ce thème prend très vite des allures lyriques inattendues alors qu'un premier motif de clavecin introduit le thème, bientôt suivi de la poignante et déchirante mélodie interprétée par la soprano Edda D'Ell Orso (interprète fétiche du compositeur) qui transcende véritablement le morceau et le porte à des sommets inespérés, un chant de lamentation lyrique et extrêmement poignant, d'une beauté telle qu'il ne pourra que vous arracher les larmes des yeux. Accompagné par des cordes d'une infime douceur, le thème évoque de façon très profonde et viscérale l'isolement de Jill alors qu'elle se retrouve seule au monde après avoir perdu sa famille. Le thème évoque aussi son idée d'une nouvelle Amérique et sa quête de vengeance contre les assassins de sa famille. Morricone choisit d'utiliser ce thème pour la première fois lorsque Jill se rend en diligence à la maison familiale des McBain. A priori, la musique paraît de trop par rapport à une scène banale qui ne méritait certainement pas une aussi belle musique. Pourtant, ici aussi, la musique tend à s'imposer comme un véritable personnage à part entière, preuve que Morricone et Leone ont parfaitement compris comment la musique pouvait être utilisé dans un film, pas seulement pour accompagner des images mais aussi pour participer activement au récit, faire corps avec le film et même être l'élément clé de l'intrigue. Ennio Morricone raconte assurément toute l'histoire à travers sa musique, à tel point que l'écoute de la musique dans le film et sur l'album pourrait presque s'apparenter à la lecture d'un roman avec son exposition, ses développements, ses péripéties, ses personnages, son épilogue, etc.

Enfin, le troisième thème majeur est associé au personnage de Jason Robards alias 'Le Cheyenne', et qui possède un côté nettement plus léger, insouciant et non dénué d'humour (c'est la véritable facette du western spaghetti avec cet humour toujours très subtil mais sous-jacent). Le maestro nous en propose une excellente variation dans 'Addio A Cheyenne' (scène de la mort de Cheyenne à la fin du film), le thème s'apparentant à une petite mélodie simple constituée de notes répétées par un piano de type saloon et un accompagnement de guitare. Le thème est même sifflé par la suite. On aura rarement entendu un thème d'une telle simplicité et d'une telle efficacité dans un film, la mélodie du Cheyenne personnifiant une fois encore à merveille le personnage qu'elle illustre en apportant ici une touche de flegme, d'humour, de nonchalance, totalement opposé au côté épique du thème d'Harmonica ou à la facette lyrique et bouleversante du thème de Jill. Un quatrième thème, peu présent dans le film, est entendu dans 'Morton', motif bref de 5 notes vaguement majestueux avec sa montée harmonique typique des musiques western des 'sixties'. Ce motif serein est associé au personnage de Morton (Gabriele Ferzetti), le baron des chemins de fer et principal allié du grand méchant du film. On appréciera ici le décalage musical qui s'opère dans cette association d'un thème assez noble d'esprit à un méchant qui ne possède en rien une noblesse d'esprit, une sorte de contre-emploi musical étonnant et inventif (à noter que ce thème est totalement absent de la première version de l'album). Dès lors, Morricone développe ses différents thèmes et nous propose une série de morceaux oscillant entre l'intime, le sombre et l'épique. On ne pourra par exemple pas passer à côté de quelques magnifiques reprises du thème de Jill comme 'Jill' et son mélange entre glockenspiel et violons ou le très intime et apaisant 'In Une Stanza Con Poca Luce' avec son vibraphone solitaire et son violoncelle épuré, sans oublier la très belle reprise du thème dans 'L'America Di Jill' ou l'éblouissant 'Finale' et sa voix éthérée, quasi angélique.

Mais la partition de 'C'era une volta il West' regorge aussi de moments d'une très grande noirceur, où le maestro italien s'autorise quelques expérimentations atonales dans la lignée des musiciens contemporains de son époque (Penderecki, Ligeti, Xenakis, Scelsi, etc.), afin d'exprimer le côté plus noir de cette sombre histoire de vengeance et de mort dans l'Ouest sauvage. Un morceau comme 'L'Attentato' s'avère être plus représentatif du côté atmosphérique/suspense de certains passages de la partition d'Ennio Morricone, le morceau reposant essentiellement ici autour d'un intéressant jeu de percussions pour la scène où Harmonica et Cheyenne vont affronter les sbires de Morton et Frank dans le train. La tension de l'affrontement est relayée ici par ce jeu de percussions toute en retenue mais qui cache néanmoins un fort sentiment de danger et de menace. Les morceaux des scènes de taverne comme 'La Posada N.1', 'La Posada N.2' et 'La Posada N.3' illustrent quand à eux la partie plus suspense du score, avec, pour la première apparition du Cheyenne dans la taverne au début du film ('La Posada N.1') une série de courts développements sur les premières notes du thème de Cheyenne sur un fond de cordes tendue et dissonantes, un peu comme 'La Posada N.2' avec ses allusions au motif de 3 notes d'Harmonica sur un tapis de cordes dissonantes à la Ligeti, le genre de musique dissonante et inquiétante que l'on n'a pas vraiment l'habitude d'entendre dans un western (on croirait alors entendre dans ces moments là la partition d'un thriller). Idem pour le sinistre 'La Posada N.3', sans oublier un morceau bref comme 'L'Uomo', reprise très sombre du thème d'Harmonica sur fond de cordes tendues et hypnotisantes, qui évoquent la partie plus violente du film (la vengeance, les affrontements, les assassins de Frank, etc.). Idem pour 'L'Ultimo Rantolo' où souffle le vent de la désolation pour la mort du méchant avec son harmonica lointain et déformé qui rend le morceau particulièrement stressant, à la limite du supportable.

Plus que n'importe quel autre compositeur, Ennio Morricone est sans aucun doute le musicien qui a le mieux sut retranscrire toute la dimension humaine, sauvage et spirituel de l'univers des westerns italiens, apportant au chef-d'oeuvre de Sergio Leone une émotion incomparable, que ce soit la noirceur des scènes de tavernes, la beauté bouleversante du langoureux 'C'era Une Volta Il West', l'ironie légère de 'Cheyenne' ou la grandeur épique et tragique de 'L'Uomo Dell'Armonica'. Inspirée de bout en bout, la musique de 'C'era une volta il West' fait partie de ces chef-d'oeuvres impérissables qui hantent l'auditeur longtemps après écoute, une partition ample et belle qui rend un hommage vibrant à l'Ouest américain sauvage idéalisé et 'rêvé' à travers la caméra de Sergio Leone, d'où ce très fort sentiment de nostalgie poignante dans les passages plus intimes du score. On a parfois du mal à croire qu'un homme soit capable d'écrire une musique aussi parfaite, aussi belle, touchée par la grâce, l'inspiration divine (n'oublions pas que Morricone est un catholique convaincu et qu'il a toujours cherché son inspiration dans sa propre foi). Avec 'C'era une volta il West', le maestro aura une fois encore pu exprimer toute l'étendue de son talent et de sa passion pour la musique de film, à une époque où fleurissaient déjà ses premiers grands chef-d'oeuvres. Un monument de la musique de film, tout simplement!


---Quentin Billard