Hollywood est rentré depuis pas mal de temps dans l'ère du recyclage. En gros: quand on a plus d'idées, on peut aisément les repiquer sur d'autres films à succès. Rob Cohen, médiocre artisan hollywoodien, s'est lancé dans une énième variante du thème de James Bond avec 'XXX', sauf que cette fois-ci, l'agent secret british et distingué est remplacé par une grosse brute tatouée, adepte des sports extrêmes et des répliques cinglantes à deux balles. Partant du postulat fort simpliste de la NSA qui recrute un civil casse-coup pour sauver le monde de la menace d'une arme chimique extrêmement mortelle, Rob Cohen élabore une grosse série-B d'action dont le sujet est totalement repris de tout ce que l'on a pu voir sur les derniers James Bond. Pour l'agent de la NSA Gibbons (Samuel L.Jackson), Xander Cage (Vin Diesel) est l'homme de la situation. C'est un héros qui n'a peur de rien, qui roule des mécaniques, se tape plein de nanas, dégomme des méchants, effectue des cascades extrêmement périlleuses sans une seule égratignure, utilise un matériel de pro et des tonnes de gadgets, conduit des grosses voitures luxueuses et finit par sauver le monde en mettant fin aux agissements de Yorgi (Marton Csokas) un terroriste tchèque. Evidemment, il fait aussi tomber dans ses bras Yelena (Asia Argento), la sulfureuse bimbo de service. 'XXX' n'est pas seulement qu'un film d'action bourrin et décérébré, c'est aussi un film primaire, basique et honteusement sexiste, qui montre les femmes comme des objets de plaisir et rien d'autre. Même le personnage d'Asia Argento (pourtant une excellente actrice) fait quasiment office de décor dans ce film. Quant à Vin Diesel, pote avec Rob Cohen depuis 'Fast and Furious', il est l'incarnation parfaite du gros dur basique et sans personnalité, qui ressemble plus à un gorille en furie tendance videur de boîte bodybuildé (l'acteur a d'ailleurs été réellement videur de boîte quelques années auparavant) qu'à un véritable héros traditionnel. On reconnaît aussi la touche Rob Cohen avec sa manie de séduire les jeunes en leur montrant tout le côté artificiel de l'existence matérialiste: grosses boîtes de nuit avec metal trashy (cf. groupe allemand 'Rammstein' au début du film), musiques branchées et à la mode, grosses voitures qui cartonnent, nanas canons et tout le lot de testostérone habituel et de gros héros viril pour exciter les ados en manque d'identité et de sensations fortes (cf. 'Fast and Furious'). La franchise des James Bond était déjà bien nulle, obsolète et soporifique, et voilà que Rob Cohen et son équipe en rajoutent une couche avec 'XXX', variante de 'Fast and Furious' version agent secret. Hormis trois ou quatre cascades particulièrement spectaculaires, le film n'a aucun intérêt si ce n'est celui de divertir le plus simplement du monde pendant deux bonnes heures, après quoi on pourra toujours jeter le film à la poubelle et cesser de perdre notre temps avec pareilles inepties.

Randy Edelman retrouve Rob Cohen pour la cinquième fois avec 'XXX', un Edelman bien plus en forme que sur le médiocre 'The Skulls'. A la première écoute, on a du mal à croire que ce soit le Randy Edelman de 'Daylight' et 'Dragonheart' qui a composé ce score, et pourtant, c'est bel et bien le cas. Habitué des partitions comédie parfois gnangnan, Edelman a cette fois-ci sortie l'artillerie lourde pour un gros score d'action comme on en avait encore rarement entendu chez le compositeur. A vrai dire, en dehors de deux ou trois scores, Randy Edelman n'avait encore jamais écrit un gros score action d'une telle ampleur. On retrouve ici les traditionnels mélanges orchestre/synthé avec le lot de rythmiques modernes et de quelques touches rock pour le côté 'branché' du film. Spécialiste des grands thèmes mémorables, Edelman nous livre un thème aux accents slaves sympathiques dans 'Prague Arrival' (séquence où Xander Cage alias XXX arrive à Prague) qu'il confie à un violon soliste avec une balalaïka en accompagnement et le reste de l'orchestre. Les quelques rares touches slaves sont présentes mais réellement mises en retrait par rapport au matériau orchestral/électronique du score. 'Washington Searches For The Right Man' (la NSA recherche l'homme de la situation) développe quant à lui le thème de cors associé à XXX, un thème un peu stéréotypé qui sonne très musique d'agent secret mais qui saura magnifiquement s'adapter à tous les gros morceaux d'action du score. On retrouve un Edelman assez familier dans 'Czech Cavalry' (scène où la police tchèque attaque le Q.G. de Yorgi à la fin du film) avec un motif à trois temps qui n'est pas sans rappeler le fameux thème de 'Come See The Paradise' d'Edelman, qui est d'ailleurs fréquemment utilisé dans des bande-annonces. A noter ici l'utilisation de grosses percussions martiales qui rendent la musique encore plus excitante à l'écran.

A travers des morceaux d'action tels que 'Anarchy 99', 'The Changing Science of Ahab', 'El Jefe In The Colombian Drug Fields' ou 'Motorcycle Assault', Edelman développe un style orchestral massif avec de nombreuses touches d'électroniques modernes, dans un style qui n'est pas sans rappeler les anciennes partitions action de chez Media-Ventures, et plus particulièrement de Hans Zimmer. A vrai dire, on retrouve par moment l'influence du 'The Peacemaker' de Zimmer, influence assez forte surtout dans la dernière partie du score, pour la poursuite avec le sous-marin Ahab. Edelman a essayé d'imiter ici le style action de Zimmer, d'où ces samples de cuivres, ces rythmiques électros modernes et ces gros morceaux d'action massifs. A priori, on pourrait trouver le procédé un peu bizarre, étant donné que si Rob Cohen voulait une musique à la Media-Ventures, il n'avait qu'à faire appel à l'un des musiciens de l'écurie de Zimmer. Néanmoins, le résultat est quand même fort surprenant de la part du compositeur qui prouve enfin qu'il sait écrire de bonnes musiques d'action, lui qui n'a d'ailleurs jamais été particulièrement à l'aise dans ce registre. De plus, cela lui donne ainsi l'occasion de retravailler avec Rob Cohen, pour qui il a quand même écrit quelques unes de ses meilleures partitions (avec 'Dragonheart' en tête de liste). Les quelques passages plus intimistes sont aussi à remarquer, comme le début de la romance entre XXX et Yelena avec le petit 'Love Theme' de piano dans le tendre 'Elena' et le plus sombre 'A Kiss On The Rooftop', le 'Love Theme' étant d'ailleurs largement mis en retrait par rapport au thème de Xander Cage, qui reste quasiment omniprésent tout au long du score. A noter une très belle reprise finale de ce thème dans le paisible 'Finding Paradise In Bora Bora' pour le happy-end conventionnel du film, sous une forme plus tropicale (XXX et Yelena s'installent à Bora Bora pour y vivre tranquillement) qui rappelle un peu le score de 'Six Days Seven Nights'. On notera ici l'utilisation d'un petit passage rock guitare électrique/batterie/basse pour illustrer les exploits du héros. Il paraît difficile de passer à côté d'un gros morceau d'action massif et excitant comme 'Motorcycle Assault' qui saura certainement charmer tous les fans de grosses musiques d'action entraînantes, illustrant une fois encore les exploits de Xander Cage face aux sbires du terroriste fou, de même que 'In Xander's Cage' conclut la séquence du sous-marin avec une énergie rythmique considérable, avec une rythmique électronique toujours plus ou moins présente. A noter une utilisation intéressante mais un peu trop discrète des choeurs, qui renforcent le côté massif des musiques d'action et apportent une dimension limite épique à certains passages, toujours dans le style des choeurs dans 'The Peacemaker' de Zimmer.

Vous l'aurez compris, 'XXX' est un gros score d'action loin de ce que Randy Edelman a put faire auparavant. Le compositeur s'est pour une fois montré inspiré pour ce style de film, même si sa partition n'a rien d'un chef-d'oeuvre du genre. Le compositeur spécialiste des grands thèmes mémorables nous offre une thématique sympathique mais pour une fois nettement moins simpliste que ce qu'il nous donne à entendre régulièrement. Serait-ce la marque d'un changement dans le style du compositeur ou un exercice de style provisoire? Seul l'avenir nous le dira. Toujours est-il que le score de 'XXX' a de quoi ravir les fans des partitions action tendance Media-Ventures et les fans de Randy Edelman, qui ne s'attendaient certainement pas à un score action d'une telle qualité. Dommage cependant que sa musique manque toujours autant d'idées neuves, d'originalité, de fantaisie. Au final, un score action hollywoodien très musclé et entraînant, bien au dessus de la moyenne de ce qu'Edelman compose habituellement pour ce style de film!


---Quentin Billard