1-The Missouri Breaks
(Main Title) 2.47
2-Arrival of The Rustlers 2.03
3-Love Theme From
The Missouri Breaks 2.56
4-The Train Robbery 2.17
5-Bizarre Wake 2.39
6-Celebration 2.15
7-Confrontation 3.17
8-Love Theme (Reprise) 3.42
9-Crossing The Missouri 2.12
10-The Chase 3.26
11-Remembrances 2.25
12-The Horse Rustlers 2.16
13-Love Theme (End Title) 3.25

Bonus Tracks (Film Version)

14-Main Title 2.32
15-Train Robbery 2.17
16-Jane and Logan 3.46

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

Rykodisc Records
RCD 10748

Edition produite par:
Ian Gilchrist
Assistant production:
Lukas Kendall

Artwork and pictures (c) 1976 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. All rights reserved.

Note: ***
THE MISSOURI BREAKS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
Auteur d'un 'The Chase' et d'un 'Bonnie & Clyde' encore restés dans les mémoires, Arthur Penn s'attaquait en 1976 au genre du western avec le très controversé 'The Missouri Breaks', dont l'intérêt principal est d'opposer deux géants du cinéma américain: Jack Nicholson et Marlon Brando (qui jouait déjà le rôle du shérif impartial dans 'The Chase'). Tom Logan (Jack Nicholson) est un voleur de bétail qui s'est mis en tête de voler les bêtes du ranch de David Braxton (John McLiam), un important propriétaire qui fait régner la loi avec dureté et brutalité sur son territoire. Après que Braxton ait fait pendre l'un des voleurs qui se trouvait être un ami de Logan, ce dernier réplique avec ses compères en cambriolant l'argent d'un train pour acheter un ranch près de celui de Braxton, ce qui lui permettra alors de se venger en volant ses bêtes. Braxton décide finalement de faire appel à un 'régulateur' nommé Robert E. Lee Clayton (Marlon Brando), tueur notoire et excentrique à la réputation bien assise. Lee Clayton se lance à la poursuite des voleurs de bétail et commence à éliminer un par un les compères de Tom Logan. Prêt à tout pour se venger, Logan va retrouver Clayton pour lui faire la peau. On a beaucoup reproché au film d'Arthur Penn de n'avoir pas grand chose à raconter pendant ses quelques 120 minutes, de même que la réalisation est d'une lenteur absolument incroyable pour un western. A une époque où ce genre cinématographique devenait toujours plus brutal et plus rapide (cf. Sam Peckinpah et son 'The Wild Bunch'), il est étonnant de constater à quel point Penn a pris le contre-pieds total du genre en conférant un caractère lent et quasi serein à son film, une sérénité à la limite de la blague si l'on considère les quelques passages guillerets où l'on voit Logan avec ses amis durant la première demi heure du film. Mais si vous vous attendez à du rythme, à des chevauchées dans l'Ouest sauvage ou à des fusillades sanguinolentes, passez votre chemin car cette ennuyeuse confrontation entre Nicholson et Brando risquera fort de vous décevoir. Cerise sur le gâteau, le tournage du film n'a pas été supervisé par l'AHA (American Humane Association) et plusieurs chevaux ont été blessés et tués au cours du tournage, ce qui est, vous en conviendrez, totalement inacceptable (surtout lorsque l'on voit le résultat final). Pour finir, si le personnage de Nicholson (entouré de quelques stars encore peu connus à l'époque tels que Randy Quaid ou Harry Dean Stanton) est relativement fade et mou tout au long du film, celui de Marlon Brando a fait couler beaucoup d'encre, et notamment à cause de son côté excentrique, bizarre et sadique, très décalé par rapport au contexte du film. Finalement, on se demande parfois si Arthur Penn n'avait pas en tête à l'origine l'idée de faire une parodie de western. Le seul problème, c'est qu'il aurait dû se décider une bonne fois pour toute!

Si vous aimez les grosses musiques symphoniques de John Williams, vous risquez fort d'être particulièrement dérouté à l'écoute du score de 'The Missouri Breaks', qui s'éloigne radicalement du style habituel du compositeur. L'originalité première de ce score vient de l'absence totale d'orchestre, remplacé ici par une formation instrumentale très proche de l'esprit des musiques de western traditionnelles: harmonica, violon 'fiddle', guitare, banjo, batterie avec percussions diverses (tambourin, timbales, petites percussions en bois, piano 'préparé', etc.) sans oublier un clavecin électrique, une guitare basse, une harpe, un fender rhodes (piano électrique conçu par Harold Rhodes au début du 20ème siècle et revenu au goût du jour dans les années 70) et même un harmonica basse, instrument très rare dont Williams a su tirer parti dans ce film en l'associant plus précisément au personnage de Marlon Brando. Etant donné le caractère assez particulier de ce western, il était évident que la musique se devrait obligatoirement de prendre une toute autre direction par rapport à ce que le spectateur/auditeur pouvait s'attendre (cf. musiques de western plus orchestrales de Williams comme 'The Reivers' ou 'The Cowboys'). Exit donc ici les envolées lyriques et les chevauchées orchestrales, 'The Missouri Breaks' est un cocktail étonnant d'humour et de pièces à la limite de l'expérimental tendance années 70. Eh oui, car, aussi sombre que puisse être cette violente histoire de vengeance, le score de Williams se permet même quelques petites touches humoristiques comme c'est le cas pour l'amusant 'The Train Robbery', illustrant la séquence du hold-up raté du train par Tom Logan et son acolyte qui l'attend en bas du pont sur lequel Logan s'est retrouvé suspendu par mégarde. Williams utilise ici l'harmonica, le banjo, le fiddle et la batterie sur un rythme sautillant et très entraînant.

Williams reprend ce principe dans l'agréable 'Arrival Of The Rustlers' pour décrire la bande de Logan et leur besoin de s'amuser ensemble. Le compositeur nous ressort ainsi une pièce qui fleure bon la country/folk-music de l'americana des cow-boys de l'ouest sauvage de la fin du 19ème siècle, dans un style traditionnel purement authentique (pas une once d'orchestre ici). On notera ensuite le très festif 'Celebration' dans le style d'une musique de cow-boy jouée dans les saloons ou lors des fêtes (la pièce décrit la scène où Logan et ses amis célèbrent ensemble leur nouveau ranch dans la joie et la bonne humeur). On notera aussi 'The Horse Rustlers' avec son thème de fender rhodes un peu kitsch qui fleure bon les 'seventies', dans un style ici à la limite du blues. On sent que le compositeur s'est fait plaisir en écrivant un morceau entraînant et bon enfant comme 'Crossing The Missouri', dans un style qui convient à merveille à l'esprit du film d'Arthur Penn. Mais avec l'introduction 'The Missouri Breaks (Main Title)', Williams annonce pourtant un tout autre style, plus calme et aussi plus sombre. Le compositeur développe ici un thème confié à la guitare, sur fond de tenues insistantes à la guitare basse, d'harmonica plus amer, le tout créant un climat plutôt ambigu où règne déjà une très légère tension qui annonce le côté plus sombre du film. Il s'agit en tout cas d'une introduction surprenante de la part du compositeur, une première composition quelque peu atypique, atypique étant d'ailleurs le mot-clé pour décrire une partition comme 'The Missouri Breaks'.

Le compositeur s'est fait plaisir en nous livrant un très joli 'Love Theme' qui décrit dans le film la romance naissante entre Tom Logan et Jane Braxton (Kathleen Lloyd). Williams aime tellement ce thème qu'il nous en proposera trois excellentes versions sur l'album de Rykodisc Records, dont la plus délicieuse reste sans conteste celle de la piste 3. Williams reprend aussi ce thème intimiste et nostalgique à l'harmonica dans 'Love Theme (Reprise)' puis à la guitare dans 'Love Theme (End Title)' pour le final plus paisible du film. Le thème est assez peu représenté tout au long du film, mais ses rares apparitions contribuent à apporter un peu de relief à un petit score modeste mais bourré de bonnes idées. D'un point de vue de la thématique, si Jane et Tom ont droit à leur propre thème, le personnage de Lee Clayton alias Marlon Brando n'est pas en reste puisque le compositeur lui confère un motif très sombre et inquiétant, que l'on reconnaît surtout de par ses orchestrations un peu décalées, tout à l'image du personnage de Brando. Williams rompt alors complètement l'ambiance folk/country agréable du reste du score en imposant soudainement une ambiance plus glauque et inquiétante, véritable reflet de la noirceur et de l'excentricité du sinistre Lee Clayton. A ce sujet, 'Confrontation' est très représentatif du style musical inquiétant associé au personnage. Williams pose un climat plutôt lent et sombre, qui semble prêt à exploser à un moment ou un autre. On notera ici l'utilisation d'un petit motif inquiétant de clavecin, sur fond d'harmonica basse (instrument associé à Lee Clayton) qui produit des sonorités sombres et elles aussi très inquiétantes. 'Confrontation' évoque alors la traque entre Clayton et les hommes de Logan, une sorte de jeu du chat et de la souris qui donne l'occasion au compositeur de rappeler qu'il est tout aussi capable d'écrire dans un style plus expérimental et moins orchestral.

'The Chase' est sans aucun doute l'un des climax majeurs du score, Williams nous livrant ici une nouvelle pièce expérimentale avec une impressionnante partie de percussions pour une scène de poursuite entre Lee Clayton et un compère de Logan. Percussions en bois, timbales, tambours, tambourins et piano avec guitare basse et clavecin s'unissent ici pour décrire cette sorte de danse macabre qui crée un rythme (parfois brutal) un peu étrange et décalé sur la scène, parfaite pour décrire le personnage de Marlon Brando (qui atteint des sommets de la bizarrerie lorsqu'il se déguise en grand-mère pour tuer l'un des hommes de Tom Logan). C'est le crépitement des petites percussions en bois qui attirent ici notre attention, apparaissant pour toutes les scènes où Lee Clayton épie et traque Logan et ses hommes. Les percussions ont décidément une place privilégiée pour tout ce qui concerne ici le personnage de Marlon Brando. Force nous est de constater que le musicien a tenu à associer une instrumentation plus qu'un thème pour le personnage du tueur excentrique, ceci étant d'ailleurs la preuve qu'une thématique n'est pas forcément la seule option envisageable pour construire une partition dans un film.

Vous l'aurez compris, 'The Missouri Breaks' est un score un peu à part dans l'univers musical du John Williams des années 70 qui prend une sorte de contre-pieds total aux grands mastodontes orchestraux de l'époque ('Close Encounters of The Third Kind', 'Jaws', 'Star Wars', etc.) en imposant une instrumentation originale, étonnante et pourtant parfaitement simple. Avec sa double facette sombre/humoristique, le score de 'The Missouri Breaks' a de quoi dérouter les fans des grandes musiques symphoniques du légendaire compositeur américain. Il ne fait nul doute que cette partition atypique ne peut être véritablement apprécié qu'une fois replacée dans le contexte du film. Arthur Penn a choisit de ne pas surcharger le film de musique, ce qui explique le fait qu'il n'y ait qu'une quarantaine de minutes de musique dans le film. Néanmoins, la musique intervient aux bons moments et apporte une touche d'énergie non négligeable à un film qui, rappelons-le, manque justement de rythme et de vivacité (ce n'est pas pour autant que la musique arrive à sauver le film d'un certain ennui, hélas). Williams s'est fait aussi plaisir en nous livrant une musique country/folk entraînante et un joli 'Love Theme' qui attirera forcément notre attention. Mais c'est la partie plus atonale/expérimentale qui mérite d'être remarqué, Williams nous dévoilant une facette moins connue de son style musical. Au final, voilà une petite partition modeste et originale qui, sans réussir à s'imposer parmi les grands chefs-d'oeuvre du Williams 'seventies', parvient néanmoins à captiver notre attention, pour peu que l'on soit réceptif aux musiques western/cow-boys au ton de l'americana traditionnel. Reste que la musique est sans aucun doute supérieur au film lui-même.


---Quentin Billard