1-Introduction 0.47
2-Eye Games/Charm 2.23
3-Bridge Out 1.51
4-Rape Of The Vines 2.13
5-Ascent/Inflection 1.56
6-Automatic Writing 0.34
7-Skin 0.53
8-Give Her The Ax 0.53
9-Love Never Dies 2.41
10-Kandanian Dagger/
Book Burning 4.53
11-Dawn of The Evil Dead 2.45
12-Not The Shower Curtain 1.47
13-Check On You 0.21
14-Pencil It In 1.53
15-Get The Lantern/
Book Of The Dead 2.35
16-Dawn/Incantation 2.31
17-Shotgun 2.02
18-Games 1.41
19-The Cabin/
Wounded Melody 1.11

Musique  composée par:

Joseph LoDuca

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5362

Produit par:
Joseph LoDuca,
Edward Wolfrum

Album produit par:
Scott W.Holton
Séquencé par:
Tom Null
Producteur exécutif:
Chris Küchler

Artwork and pictures (c) 1984 Varèse Sarabande Records, Inc. U.S.A. All rights reserved.

Note: ***1/2
EVIL DEAD
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joseph LoDuca
Grand classique indémodable du cinéma d'horreur des années 80, 'Evil Dead' renouvela avec une virtuosité rare le genre du film d'horreur qui venait à peine de prendre un certain élan au milieu des années 70. Les années 80 ont d'ailleurs été particulièrement propices à ce genre cinématographique. Force est de constater que Sam Raimi a imposé avec 'Evil Dead' un style puissant et fort qui marquera tous les cinéphiles de l'époque. Après avoir tourné 'Within The Woods' en 1978, petit court-métrage sur l'histoire d'un groupe de jeunes gens se retrouvant piégés par une mystérieuse force maléfique dans une cabane isolée au fond des bois, Sam Raimi décida de renouveler cette expérience avec un plus gros budget pour son premier long-métrage. C'est Bruce Campbell, fidèle ami d'enfance de Sam Raimi et son complice depuis ses débuts (il tenait aussi le rôle principal dans 'Within The Woods'), qui tient ici le rôle-clé de 'Evil Dead', celui de Ash, le héros du film. D'un point de vue scénaristique, l'ensemble est assez léger: cinq amis viennent s'installer dans une cabane isolée au fond des bois, cabane qu'ils ont loué pour le week-end. A peine arrivée, ils découvrent dans la cave un mystérieux 'livre des morts' et une bande qui contient l'enregistrement d'un professeur qui parle de ses sombres découvertes sur le dit-livre. Ash et ses amis décident alors d'écouter la bande. Après quelques explications sur ses découvertes, le professeur prononce dès lors des incantations qui réveillent et libèrent des forces maléfiques enfouies dans les bois. Les mystérieux démons des bois vont harceler les cinq amis et les posséder afin qu'ils s'entretuent les uns les autres. Ash reste alors l'unique survivant qui va devoir affronter les démons et tuer ses propres amis possédés.

'Evil Dead' était annoncé dans sa campagne médiatique comme 'l'expérience ultime dans le domaine de l'horreur'. Il faut dire que le film fit l'effet d'une bombe dès sa sortie en salle en 1981, exaspérant certains spectateurs par son aspect extrêmement violent, gore et sanguinaire, mais ravissant d'emblée les amateurs d'hémoglobine, d'horreur et de sensations fortes. 'Evil Dead' est en tout point de vue un chef-d'oeuvre du cinéma d'horreur, de par son parti pris jusqu'au-boutiste (il fallait oser maintenir la scène où la fille se fait violer par les arbres. Aujourd'hui, ce genre de chose serait totalement inconcevable dans un film d'horreur!) et de par la qualité assez exceptionnelle de la mise en scène d'un Sam Raimi très jeune, puisque âgé de seulement 20 ans à l'époque où il tourna ce film. C'est surtout ici la manière stupéfiante dont le réalisateur utilise sa caméra qui laisse inévitablement pantois. Raimi s'imposait dès ses débuts comme un virtuose de la caméra, capable d'effectuer des mouvements parfois difficilement concevables, des angles recherchées, des plans réfléchis, bref, du travail de professionnel pour un débutant de 20 ans. Quant aux effets spéciaux, même s'ils sont parfois très kitsch et un peu datés (cf. plans avec la lune en fond bleu sur un ciel noir!), ils réussissent à leur tour à nous plonger dans l'ambiance macabre et horrifiante du film. Rajoutons à cela un excellent travail de fond sonore (cf. cet espèce de sifflement glauque constant qui ressemble au son du vent filtré dans un tunnel) et un Bruce Campbell déjà étonnant pour l'époque, et l'on obtient 'Evil Dead', véritable film-culte du cinéma d'horreur, toujours encore adulés par des milliers de fans à travers le monde entier, à tel point que le film est même ressorti il y a quelques années au cinéma, dans une version entièrement remasterisée.

Joseph LoDuca débuta sa carrière de compositeur pour le cinéma avec 'Evil Dead', devenant par la suite un proche du duo Bruce Campbell/Sam Raimi (ce n'est certainement pas un hasard si dans la plupart des films où participent Campbell ou Raimi, LoDuca se retrouvait quasiment systématiquement à la tête de la musique de ces films). Avec 'Evil Dead', LoDuca imposait à son tour une partition orchestrale étonnante, proposant un étonnant compromis entre les formules habituelles des musiques de films d'horreur des années 80 et une inventivité étonnante qui font du score de 'Evil Dead' une partition d'horreur rare dans son genre. Le compositeur utilise ainsi l'orchestre traditionnel agrémenté d'étranges sonorités électroniques très datées (genre vieux synthé de la fin des années 70), le tout mixé dans un style qui passe à la fois du tonal tourmenté à l'atonalité chaotique coutumière à ce style de films. Le film démarre avec 'Bridge Out', première pièce à l'ambiance résolument macabre. On y entend une sorte de sinistre sifflement morbide sur fond de tenues de synthé sombres et d'effets en tout genre. 'Introduction', plus tonal, décrit l'arrivée des cinq amis dans la cabane. LoDuca utilise alors un petit motif descendant confié à un piano seul qui suggère un certain mystère encore restreint ici. Le compositeur s'amuse même à glisser un petit passage romantique dans 'Eye Games, Charm' pour la scène où Ash offre un cadeau à sa fiancée. LoDuca utilise ici les cordes avec une guitare intimiste pour ce qui semble être le seul véritable passage romantique du score (et ce malgré le côté plus mystérieux des cordes vers la fin), passage qui, évidemment, jure un peu avec le reste du score, mais nous permet ainsi de montrer différentes facettes de ce compositeur trop méconnu qu'est Joseph LoDuca. En l'espace de 3 morceaux, LoDuca nous aura ainsi donné à entendre trois styles différents, représentatifs du style du score de 'Evil Dead'.

Mais c'est évidemment tout l'aspect horrifique qui attirera ici notre attention, et en ce sens, le film doit aussi beaucoup à l'impressionnante musique de LoDuca, qui apporte un second souffle au film. Une pièce comme 'Rape of The Vines' nous plonge d'emblée dans l'horreur avec des cordes aiguisées comme des lames (on ressent par moment l'influence de Bernard Herrmann) et des gargouillis de cordes hérités du langage contemporain du milieu des années 50 - on pense dès lors à Xenakis, Penderecki, Scelsi, Ligeti, etc. Les nombreux effets de cordes de ce macabre 'Rape of The Vines' servent à renforcer le malaise lors de la séquence où la fille se fait violer par les arbres. On remarquera l'utilisation d'un motif bizarre entendu à la fin du morceau, et que LoDuca s'amusera à reprendre dans un morceau non entendu dans le film, 'The Cabin, Wounded Melody' (dans lequel on retrouve des effets de cordes malsains similaires). Toujours dans l'esprit des pièces orchestrales suffocantes d'un Xenakis ou d'un Penderecki, 'Automatic Writing' rend un bien bel hommage à l'écriture atonale 'contemporaine' puisque la pièce est entièrement écrite pour des effets de col legno (jeu sur le bois de l'archet), de pizzicati et de frottements stridents des cordes. La musique colle d'ailleurs à merveille à la scène où l'une des trois filles du groupe se met à écrire automatiquement sans comprendre ce qui est en train de lui arriver. Les gargouillis de cordes apportent ici une dimension malsaine supplémentaire à la limite de la folie, preuve de l'impact de la musique dans le film de Sam Raimi.

Evidemment, ces effets orchestraux ne sont que des formules déjà entendues maintes fois dans ce style de film, mais c'est l'inventivité constante du compositeur qui apporte ici un plus indéniable à la partition. L'exemple le plus flagrant reste sans aucun doute l'étrange 'Dawn of The Evil Dead', qui débute avec une impressionnante montée de tenues électroniques dissonantes couplées à des cordes, débouchant sur une très inattendue partie de percussions brésiliennes incluant maracas, oeufs, triangle, vibraslap, tambours divers, cuica, tambourins, timbales, etc. Le morceau décrit la scène où l'une des filles est poursuivie dans la forêt par les esprits maléfiques, les percussions brésiliennes apportant ici une touche d'originalité étonnante dans la scène (on retrouve vers la fin du morceau une brève allusion aux cordes au motif de 'The Cabin, Wounded Melody'). Le reste du score est plus conventionnel, avec des mélanges orchestre/synthé kitsch comme c'est le cas pour l'inquiétant 'Ascent, Inflection' suggérant la présence maléfique des démons rôdant autour de la cabane. On ne pourra d'ailleurs pas passer ici à côté d'une utilisation très expérimentale de l'électronique. Moins étonnant, 'Skin' met en avant une écriture de cordes agitées et tourmentées, comme dans 'Give Her The Ax' pour une scène d'affrontement contre un démon, LoDuca utilisant ici toutes les ressources de l'orchestre, y compris des percussions, un peu comme dans l'impressionnant 'Kandanian Dagger, Book Burning' (scène où Ash fait brûler le livre pour tuer les démons).

Plus ambigu, 'Love Never Dies' nous permet de retrouver par moment le style romantique de 'Eye Games, Charm' mais en nettement plus sombre et tourmenté, suggérant le caractère tragique de la mort de la fiancée de Ash, obligé de tuer celle qu'il aime parce qu'elle est possédée. Plutôt que d'écrire une pièce dramatique, LoDuca a préféré suggérer ici une certaine ambiguïté, une certaine noirceur largement véhiculée par les cordes et les tenues de synthé. On pourra aussi apprécier la manière dont LoDuca suggère le suspense et l'inquiétude dans 'Not The Shower Curtain' et surtout 'Get The Lantern-Book of The Dead', pour la séquence de la descente dans la cave. Le compositeur utilise ici des sonorités furtives et discrètes qui semblent évoluer de manière totalement aléatoire et incertaine. On est encore proche ici d'un style à la limite de l'expérimental, qui réussit à merveille à cette scène du film. Finalement, 'Dawn-Incantation' nous permet de respirer un coup après une série de pièces orchestrales souvent éprouvantes. Plus tonal, 'Dawn-Incantation' met en avant des cordes plus apaisées lors de la scène du lendemain matin, où Ash peut enfin sortir librement de la cabane, le morceau finissant quand même avec une ultime touche horrifique (cf. dernière scène du film).

Vous l'aurez certainement compris, 'Evil Dead' est un score d'horreur assez étonnant, qui sied à merveille au film de Sam Raimi et permit de découvrir un nouveau compositeur totalement méconnu à l'époque, Joseph LoDuca. A l'écoute du score de 'Evil Dead', on en vient même à se demander pourquoi les réalisateurs ne pensent pas plus souvent à lui pour les films, LoDuca étant surtout cantonnés aux téléfilms et aux séries en tout genre. Sans être un grand chef-d'oeuvre du genre, le score de 'Evil Dead' confirme néanmoins le fait que le film était décidément le fruit d'une solide équipe gagnante, même en passant par le compositeur de la musique. Avec ses mélanges d'orchestre/synthé, ses effets orchestraux à la Penderecki et ses moments plus bizarres et inventifs, le score de 'Evil Dead' a de quoi réjouir les amateurs de musiques d'horreur recherchées. Par moment, on sentirait presque les prémisses d'un Elliot Goldenthal sur le futur 'Pet Sematary' (1989). Un score d'horreur sympa à découvrir, sans aucun doute!


---Quentin Billard