'Spirit : Stallion of The Cimarron' est le dernier bébé de Dreamworks. Cette fois-ci, les producteurs du célèbre studio d'animation nous convient à partager l'aventure de Spirit, un noble étalon sauvage des plaines vierges du Far-West américain de la fin du 19ème siècle. Spirit passe une enfance heureuse auprès de sa famille et de ses semblables jusqu'au jour où, devenu adulte, il doit protéger les siens en devenant le chef de la bande. Mais sa rencontre soudaine avec des soldats américains va le faire basculer brutalement dans le monde des hommes qu'il n'a encore jamais connu. Capturé au lasso par les soldats, Spirit est ramené au camp où un colonel tyrannique tente de le dompter, mais en vain. Spirit est un étalon indomptable et rebelle, qui ne supporte aucune autorité, et certainement pas celle des hommes. A force de courage, de ténacité et avec un peu de chance, Spirit réussit à s'enfuir du camp en compagnie de Little Creek, un jeune indien récemment capturé par les tuniques bleues. Après un peu d'hésitation, Spirit finit par se lier d'amitié à l'indien. C'est dans le camp de ce dernier que l'étalon découvre l'amour en compagnie de la jument de Little Creek. Désormais, Spirit est tiraillé entre son besoin de retrouver ses semblables et son envie de rester auprès de sa bien-aimée. 'Spirit', c'est donc un film d'aventure traditionnel incorporant toutes les formules indispensables à ce type de belle fable familiale: amour, courage, suspense, etc. Les producteurs du film ont décidé de ne pas faire parler les chevaux, laissant le soin aux animateurs de leur donner une expression plus humaine afin qu'ils puissent communiquer entre eux par le biais du regard ou des signes de têtes (c'est assez gênant de voir dès le début du film des chevaux avec un regard aussi humain, mais on s'y habitue rapidement). D'un point de vue technique, le film est très impressionnant puisqu'il parvient à mélanger l'animation traditionnelle avec des éléments 3D pour un résultat quasi irréprochable, preuve du savoir-faire des artisans de chez Dreamworks. Le film est une sorte d'hymne à la liberté et au courage, défendant les valeurs bien américaines de la terre et de l'héroïsme, la seule originalité venant ici du fait que le héros est un cheval (dans la tradition de films tels que 'Black Beauty' ou 'The Black Stallion' par exemple). Evidemment, on pourra reprocher le côté un peu facile et simplet du message écolo et de l'allégorie sur la liberté à tout prix, mais l'ensemble est tellement réussi que l'on regardera ce joli film d'animation avec un certain intérêt, même si on est loin ici du qualificatif de chef-d'oeuvre du genre.

Comme souvent dans ce style de film, la musique occupe une place privilégiée et non des moindres, puisque à l'occasion, Hans Zimmer s'est associé avec le chanteur canadien Bryan Adams pour une collaboration qui rappelle le duo Hans Zimmer/Elton John sur 'The Road To El Dorado' dans un registre similaire. Le film a d'ailleurs soulevé une mini polémique conçernant l'utilisation assez excessive des chansons originales de Bryan Adams tout au long du film, co-composées avec Zimmer et ses potes de Media-Ventures, Gavin Greenaway et Steve Jablonsky (ce dernier ayant aussi écrit une bonne partie de la musique additionnelle du film). Effectivement, l'utilisation systématique des chansons de Bryan Adams qui apparaissent toutes les 20 minutes dans le film devient assez agaçant au bout d'une heure, et on finit par se demander si le film ne serait pas une sorte de gros clip publicitaire pour un chanteur qui, de toute façon, n'a déjà plus besoin d'une telle publicité, étant donné le succès qu'il a pu rencontrer auparavant. Toujours est-il que ces chansons, souvent basées sur la thématique de Zimmer, comme c'est le cas pour 'Here I Am' qui est une adaptation vocale du thème principal du score, sont là pour faire parler Spirit à travers la musique (étant donné le fait que le cheval ne parle jamais durant tout le film), une idée intéressante mais qui aurait certainement gagné en qualité si elle n'avait pas été autant systématisée dans le film.

Le score de Zimmer est quant à lui bien plus intéressant mais pas forcément plus original que les chansons pop d'Adams. Ce qui fait la force de la musique de Zimmer, c'est ici une excellente thématique car, une fois encore, le compositeur allemand nous prouve à quel point il aime écrire de grands ou de petits thèmes mémorables. 'Spirit' n'échappe pas à la règle et nous convie dès le prologue 'écolo' du film à apprécier le sympathique thème principal du score dans toute sa majestuosité. Ainsi, 'Homeland' évoque l'idée de la grandeur de la nature et des chevaux sauvages qui galopent en liberté dans cette immense nature. 'Homeland', c'est donc une sorte d'hymne à la liberté avec le style mélodique habituel du compositeur et un certain côté héroïque/majestueux qui rappelle beaucoup tout ce que Zimmer a écrit dans le domaine auparavant. On retrouve aussi le traditionnel style synthético-orchestral qui est devenu la marque de fabrique du compositeur depuis ses débuts à la fin des années 80. Entraînant, ce morceau sous forme d'hymne à la liberté et à la nature nous convie d'emblée de jeu à partager une belle aventure sur fond de rythmiques électroniques entraînantes. C'est lorsque Spirit rencontre pour la première fois les hommes que la musique se met à devenir plus mouvementé, voire plus épique. Zimmer nous lâche ainsi un nouveau thème d'aventure dans un style épique que le compositeur affectionne tant. On retrouve par exemple ce thème dans l'excellent 'Run Free', large morceau d'action/aventure qui évoque l'évasion de Spirit. Les fans du compositeur pourront se régaler sur ces 6 minutes 20 entraînantes, pendant lesquelles le compositeur développe le thème principal, l'entraînant thème d'aventure, le tout servant magnifiquement le propos, celui d'illustrer la bravoure et la fougue de Spirit face aux hommes qui le poursuivent, et surtout, face à son idéal de liberté et sa quête acharnée pour retrouver les siens. On s'imagine dès lors à quel point le compositeur a eu la facilité évidente (et conventionnelle) de donner un côté héroïque et aérien à une musique illustrant un sujet pareil. On appréciera par exemple la manière dont le compositeur fait s'emballer le rythme à 2 minutes 20 dans une nouvelle démonstration de son talent de compositeur de musiques d'action synthético-orchestrales épiques. Il ne fait ainsi nul doute qu'en l'espace de 6 minutes, Zimmer a parfaitement réussit à retranscrire toute l'âme et l'esprit de l'étalon sauvage.

On retrouve ce style de morceau d'action épique dans la séquence de l'évasion du train, de la poursuite avec l'immense train en feu ou dans toutes les scènes illustrant l'affrontement/les poursuites entre Spirit et les hommes du colonel. Plus calme, 'Rain' apporte un climat plus serein au film en utilisant un petit motif plus léger déjà entendu à la fin de 'Run Free', avec des sonorités électroniques plus proches de pizzicati ou de marimbas. 'Rain' illustre à son tour la scène où Spirit se détend en compagnie de sa dulcinée, avec un ton apaisé et plutôt bon enfant, lui aussi tout à fait dans l'esprit du film. 'The Long Road Back' nous dévoile à son tour les deux autres thèmes du score, un thème associé à l'indien Little Creek et le traditionnel 'Love Theme' pour la romance entre Spirit et la jument de Little Creek. L'utilisation d'une flûte ethnique samplée pour le thème de l'indien est un peu cliché, mais cela fonctionne parfaitement bien dans le film. Il réussit en tout cas à merveille à évoquer l'amitié naissante entre l'homme et le cheval, tout en devant presque poignant pour les adieux à la fin du film. Le thème de Little Creek fait d'ailleurs beaucoup penser à ce style de thème que l'on pouvait entendre auparavant dans 'Rain Man' ou 'Green Card', bref, du Zimmer typique. Arrive alors le joli 'Love Theme' confié à la guitare Heitor Pereira sur fond de rythmiques électroniques et de cordes, un autre joli thème vaguement mélancolique qui convient parfaitement ici à la relation entre Spirit et la jument, et apporte une touche d'émotion supplémentaire à un score qui, au final, n'en manque pas. Zimmer arrive bien ici à exprimer le tiraillement de Spirit entre la jument et son clan, d'où le côté mélancolique du 'Love Theme'.

Le bilan s'impose donc de lui-même: 'Spirit', c'est du Zimmer traditionnel, sans aucune surprise, mais toujours aussi efficace, toujours aussi entraînant, même si l'ensemble risque fort de décevoir une fois de plus ceux qui s'attendent à retrouver un Zimmer neuf et évolué, non pas que le score de 'Spirit' représente un pas en arrière dans l'univers musical de Hans Zimmer, mais plutôt une sorte de façon de façon de réaffirmer à qui veut bien l'entendre que le Zimmer des années 2000 peut toujours ressembler à celui du milieu des années 90 s'il le souhaite, ce qui critiquent justement beaucoup la plupart de ses détracteurs, qui prétendent que le musicien n'évolue plus quelques années déjà (ce qui est faux si l'on considère son travail effectué depuis des scores tels que 'The Thin Red Line', 'The Ring', 'The Pledge' ou 'Invincible'). Le principal problème de la musique de Zimmer dans le film n'est pas tant lié au travail musical du compositeur mais plus à l'alternance du score avec les envahissantes chansons de Bryan Adams. Ces dernières ont tendance à essayer de voler la vedette au score de Zimmer en essayant d'imposer un style pop commercial assez irritant à la longue et pas forcément heureux dans le contexte du film. Du coup, le fait même que l'album contienne en grande partie les chansons d'Adams et une très maigre sélection du score de Zimmer n'a rien de surprenant en soi et reste même particulièrement déplorable, surtout si l'on considère le fait qu'avec les quelques 70 minutes de musique écrites pour le film, l'album aurait certainement pu en contenir au moins 45 ou 50. Ceci étant dit, cela ne change en rien le fait que 'Spirit' est un sympathique score d'aventure traditionnel de la part de Hans Zimmer, qui colle très bien au film en soulignant ses différentes facettes (aventure, action, héroïsme, romance, mélancolie, etc.) et qui réaffirme le goût du compositeur pour les thèmes mémorables un peu faciles et les musiques d'action qui ont fait sa réputation tout au long des années 90. Cependant, il vaut mieux préciser que le score risque fort de renforcer à son tour l'écart de plus en plus gigantesque qui oppose les fans de Zimmer et ses détracteurs. Mais ceci est, comme on dit, une toute autre histoire!


---Quentin Billard