1-The Sketch 0.49
2-No Problem 0.40
3-The Visitors 2.23
4-New Friends #1 1.13
5-New Friends #2 0.30
6-The Family 4.00
7-Dad 7.05
8-Tears 1.21
9-The Tent 2.50
10-Dragon Breath 6.45
11-The Search 3.06
12-The Jump 4.28
13-The Captives 1.57
14-Base Camp Assault 4.12
15-The Rescue 3.33
16-Just A Legend 7.27

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 62

Album produit par:
Douglass Fake
Producteur exécutif:
Roger Feigelson
Supervision musicale:
Jay Lawton
Montage musique:
Ken Hall
CD assemblé par:
Douglass Fake

Artwork and pictures (c) 1985 Touchstone Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
BABY: SECRET OF THE LOST LEGEND
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Tourné en 1985, « Baby Secret of the Lost Legend » est une obscure production Disney (et plus précisément Touchstone Pictures), narrant les aventures d’une jeune paléontologue, Susan Loomis (Sean Young) et de son mari George (William Katt) avec une famille de dinosaures en plein cœur de la jungle africaine. Passé l’émotion de cette stupéfiante découverte, Susan découvre que le chef de l’expédition scientifique, le Dr. Eric Kiviat (Patrick McGoohan), n’a qu’une seule idée en tête : capturer le bébé dinosaure et sa famille pour mener des expériences sur les créatures. Susan et George vont alors tout mettre en œuvre pour tenter de secourir le bébé et sa mère, alors que son père a été tué par les hommes de main de Kiviat.

Pour une production Disney, on est bien loin ici du conte familial habituel : la violence est omniprésente, et certaines scènes basculent même dans le sanguinaire pure (mort du papa dinosaure, mort du méchant à la fin du film, etc.). A noter que « Baby » est à l’époque l’un des premiers films Disney écopant d’une mention PG (équivalent à une interdiction aux moins de 12 ans en France), un comble lorsqu’on sait que le film vise pourtant à l’origine un jeune public, avec un ton assez enfantin limite niais. Aucun doute possible, nous sommes bel et bien en présence ici d’une production cinématographique des années 80 dans le mauvais sens du terme : du mauvais goût et du kitsch absolu ! La technologie de l’époque étant ce qu’elle est, les dinosaures ont été réalisés avec les moyens du bord, sous la forme de quelques animatronics laborieux, dotés de visages assez inexpressifs et d’un look caoutchouteux qui rend ces créatures difficilement crédibles à l’écran. On est bien loin ici des dinosaures du futur « Jurassic Park » de Spielberg (1993). A noter que « Baby » s’inscrit dans la continuité directe de ces films de dinosaure des années 50/60 dans la tradition de « Valley of Gwangi » (1969). Le film est aujourd’hui tombé dans l’oubli et n’a même pas été édité en DVD.

Seule la musique de Jerry Goldsmith demeure présente dans l’esprit des gens, et plus particulièrement des aficionados du maestro. Réclamée depuis de nombreuses années, l’édition CD de la partition originale de Goldsmith pour « Baby » a enfin pu voir le jour grâce aux efforts du label Intrada de Douglass Fake, avec la coopération – exceptionnelle – de Walt Disney Records, chose étonnante lorsqu’on sait que les producteurs de chez Disney n’ont jamais vraiment été motivés par tout ce qui touche à l’édition de leurs anciennes œuvres musicales. Enfin, les auditeurs peuvent dorénavant apprécier chez eux cette somptueuse partition symphonique du maestro californien, qui annonce clairement le style action de « Rambo II », « Rambo III » et « Total Recall ». On sent d’ailleurs très clairement les prémisses du style « Rambo II » dans les grands morceaux d’action du score de « Baby ».

Comme toujours chez Goldsmith, la partition de « Baby » fait preuve d’une maîtrise et d’une inventivité rare. Le musicien y rappelle son goût pour l’impressionnisme français (influence de Ravel dans certains passages plus aériens du score), les élans rythmiques et les changements de mesure à la Stravinsky (influence de « Petrouchka » dans certaines mesures de la partition). Le score s’articule autour de quelques thèmes fondamentaux, avec pour commencer une sorte un thème associée à la découverte des dinosaures, motif ample et protéiforme qui sera rattaché par la suite au méchant scientifique incarné par Patrick McGoohan. L’originalité de ce thème vient donc ici de sa double identité dans le film, qui change suivant les situations du film : thème des dinosaures dans un premier temps, symbole d’aventure et de découverte majestueuse, puis thème sombre et menaçant dans un second temps. Goldsmith nous gratifie aussi d’un motif plus rythmique associé aux tribus africains dans le film, ainsi que d’un thème plus léger et lyrique associé au bébé dinosaure dans le film, et qui évoque l’innocence de l’animal ainsi que son amitié naissante avec le couple de paléontologue. Le thème de Baby apporte un charme rafraîchissant à la musique du film, rappelant au passage le talent de mélodiste du compositeur qui n’a pas son pareil pour trouver des mélodies malicieuses et mémorables.

On retrouve dans la partition de « Baby » les traditionnels synthétiseurs « années 80 » qui ont fait la réputation du compositeur, Goldsmith nous démontrant une fois encore sa maîtrise de l’électronique qu’il utilise comme un instrument à part entière de l’orchestre (une marque de fabrique du compositeur). Les synthétiseurs sont introduits dès les premières minutes du film (« The Sketch ») avec le thème des dinosaures dans un registre mystérieux. « No Problem » permet au compositeur d’évoquer l’univers de la jungle africaine en utilisant des sonorités électronique inventives qui évoquent vaguement les sons de la nature (oiseaux, etc.), avec quelques touches impressionnistes typiques du compositeur. Goldsmith prolonge ce travail dans « The Visitors » où les sonorités électronico-orchestrales associées à la jungle deviennent plus mystérieuses et intrigantes (utilisations de tout un panel de percussions boisées exotiques assez inventives, qui cohabitent avec les sons électroniques imitant les bruits de la jungle). De la même façon, Goldsmith imite les sons de la nature dans « The Jump », au cours d’une scène où Susan et George se réfugient dans une caverne pour protéger le bébé dinosaure poursuivit par les militaires de Kiviat. Goldsmith s’amuse ainsi à imiter l’écho à l’intérieur de la grotte dans ce qui semble être une illustration musicale ingénieuse et très « visuelle ». Le thème de la tribu apparaît dans « New Friends 1 », avec ses percussions exotiques et ses clarinettes aigues à la Stravinsky, thème qui se prolonge dans « New Friends 2 », lorsque Susan et George font connaissance avec les autochtones de la jungle.

On retrouve l’influence de Stravinsky et plus particulièrement de « Petrouchka » au début de « The Family » avec ses orchestrations colorées et ses élans mélodiques malicieux, morceau qui nous permet d’entendre le thème des dinosaures exposé sous la forme d’une fanfare majestueuse et imposante. « The Family » se conclut finalement avec une première apparition du thème de Baby, joué avec grâce par un sample électronique imitant le son d’une flûte. Avec « Dad », la partition de « Baby » atteint un premier sommet. En l’espace de 7 minutes, Goldsmith nous propose une brillante synthèse de son œuvre avec un développement magnifique du thème de Baby et celui plus imposant des dinosaures. Si la première partie de « Dad » nous plonge dans une atmosphère fraîche et insouciante avec ses synthétiseurs bondissants et ses touches impressionnistes lorsque Susan et George s’amusent avec Baby, la seconde partie se veut nettement plus sombre et agressive. Kiviat a retrouvé la trace des dinosaures et tue le père de Baby au cours d’une violente fusillade. C’est au cours de ce morceau que le thème des dinosaures change d’identité et devient celui de Kiviat. Les percussions exotiques deviennent alors plus présentes, plus agressives, Goldsmith en profitant pour développer son premier passage d’action de la partition de « Baby ». « Dad » se conclut sur une coda martiale et dramatique pour la mort du papa dinosaure, Goldsmith accompagnant l’agonie de la créature avec un passage court mais poignant pour hautbois et cordes. « Tears » nous permet alors d’apprécier la seconde partie du thème de Baby dans une version plus intime et émouvante, alors que le bébé se recueille sur le corps de son père rongé par les vautours – une scène difficile, macabre et tragique, que Goldsmith a tenu à nuancer musicalement sans sombrer dans les élans dramatiques ou les dissonances de rigueur.

Dans « The Tent » et « Dragon Breath », Goldsmith développe le matériau thématique associé à Baby avec une certaine jovialité, sans oublier l’utilisation toujours très inventive des synthétiseurs. Ces deux morceaux apportent un côté comédie au film assez savoureux, bien loin de ce qui nous attend juste après. Effectivement, l’atmosphère change alors du tout au tout dans « The Search ». La musique devient subitement plus sombre, plus menaçante. Kiviat recherche le bébé dinosaure et se rapproche de son objectif. Et c’est le début de l’action avec « The Jump », dans lequel Goldsmith introduit son motif d’action qui l’inspirera grandement pour sa partition de « Rambo II ». On retrouve ici le style rythmique habituel du compositeur, avec une utilisation constante des mesures à 5/8. Le maestro évoque ici la poursuite entre les dinosaures accompagnés des deux héros et les troupes de Kiviat. Goldsmith nous prouve avec « The Jump » qu’il est un virtuose des musiques d’action en nous offrant ce premier grand morceau d’action qui trouvera écho dans « Base Camp Assault » et « The Rescue », pour le sauvetage final de Baby et de sa mère, suivi de l’ultime confrontation contre Kiviat. Le thème d’action demeure omniprésent, avec ses changements de mesure constants, et ses cuivres imposants. Véritable climax orchestral de la partition, « The Rescue » annonce par sa virtuosité d’écriture le style de « Rambo II » mais aussi celui de « Total Recall ». L’aventure touche à sa fin avec « Just A Legend », dans lequel Goldsmith développe ses principaux thèmes avant d’aboutir à une conclusion grandiose sous la forme d’une fanfare triomphante.

« Baby » n’est peut-être pas une œuvre indispensable dans la carrière du maestro, mais elle témoigne néanmoins du savoir-faire d’un compositeur présent sur tous les fronts : génie mélodique, virtuose de l’orchestre, expérimentateur habile de l’électronique, et bien sûr, illustrateur musical inspiré pour les images du film. Goldsmith apporte son lot d’émotion et d’énergie au film de B.W.L. Norton, tout en synthétisant dès 1985 ce qui deviendra par la suite son style action qui lui permettra de briller tout particulièrement au cours des années 90. Si la parenté entre certains passages de « Baby » et d’autres de « Rambo II » et « Rambo III » paraît flagrante, il ne faut pas non plus oublier toute cette utilisation remarquable de l’électronique qui est devenu au cours des années 80 une marque de fabrique indispensable du compositeur, qui n’envisage à cette époque quasiment plus une seule de ses partitions sans employer les synthétiseurs. Voilà en tout cas une excellente partition de Jerry Goldsmith à savourer d’urgence sur la galette d’Intrada, qui s’avère être déjà indispensable !


---Quentin Billard